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  • il y a 2 jours
Dans cette interview exceptionnelle, Médine se livre sans filtre.
Il revient sur son enfance au Havre, marquée par la peur des skinheads et les valeurs de résistance transmises par son père boxeur. Entre blessures symboliques, racisme ordinaire et apprentissage du contrôle de soi, il raconte comment il a appris à transformer la violence en art.
De l’enfant témoin des injustices à l’artiste engagé qui défend la liberté d’expression, Médine explore la construction de son identité, sa spiritualité, son rapport à la France et à la paternité.
Une discussion profonde sur l’héritage, la résilience et la puissance des mots face à la haine.

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Transcription
00:00Nous, on a grandi dans cette culture de, attention les skinheads, c'était un peu les croques mitaines, tu vois.
00:05C'était des groupuscules racistes, parfois néo-nazis, qui faisaient des ratonnades.
00:09C'est-à-dire qu'ils sortaient dans la rue et ils coursaient en arabe, en renois, et ils le lynchaient.
00:15Et tu en avais peur ?
00:16Ouais, on en avait peur.
00:22Pour bien comprendre qui tu es, j'ai besoin de comprendre l'enfant que tu étais.
00:25Tu en parles dans Saint-Modeste, à un moment tu dis, j'ai pas gardé mon âme d'enfant, car enfant j'étais un petit con.
00:32Tu parles aussi que ça finissait beaucoup aux urgences, tu parles de cacher du chiste dans le guidon.
00:36Est-ce que tu peux me parler un peu de cette jeunesse justement que tu as vécue ? Qu'est-ce que tu voulais partager ?
00:40Déjà merci pour l'invitation en salle de psychanalyse, parce que si on parle de l'enfance,
00:46j'analyse surtout en fait la partie un peu nostalgique, mais bad de mon enfance.
00:53À quand ça tournait mal et dans quel environnement en fait j'ai grandi.
00:56Je parle surtout de l'environnement qui est quartier populaire, avec ses travers.
01:00Mais en vrai, j'ai une enfance assez festive, j'ai une enfance assez joyeuse.
01:05J'ai le quartier joyeux.
01:06Je le dis souvent, tu sais, t'as ceux qui cultivent un peu un quartier mauvais,
01:12qui ne parlent que des trahisons, des travers.
01:14Moi, j'ai des très bons souvenirs dans mon quartier.
01:18Je jouais au baseball, je jouais baseball amélioré, baseball transformé.
01:23On faisait des barbecues, on faisait des pétards le 14 juillet dans le parc à sable.
01:29Après, je parle de mon tempérament quand je dis que j'étais un petit con.
01:32C'est oui, je n'étais pas le dernier à taquiner, parfois même à harceler.
01:38Ah ouais ?
01:38Ouais, mais tu sais, en mode effet de groupe.
01:41Ok.
01:42Tu vois, effet de groupe, on est plein.
01:44Puis ça taille quelqu'un jusqu'à ce que cette personne pleure.
01:48Tu sais qu'il y a peu de personnes qui assument ça, ce côté d'avoir été du côté du harceleur.
01:51Je pense qu'on l'a tous été.
01:53Effet de groupe où tu finis par rentrer dans un truc qui te dépasse
01:57et tu te rends compte que ça a fait du mal à quelqu'un en fait.
01:59Les souvenirs que t'as de ton enfance sont des souvenirs positifs, joyeux, festifs.
02:03Mais quand tu en parles dans ce son, tu mets en avant le côté négatif.
02:07Finir aux urgences, parler de petits trucs un peu illégaux.
02:10Ça vient d'où ce mindset, cet état d'esprit où tu es hyper positif
02:14et tu arrives à sortir du positif, du négatif ?
02:16Mes parents, je pense.
02:17Mon père est boxeur, donc il sait appréhender des coups en public.
02:23Il sait gérer une certaine pression et il nous a transmis ça, je pense.
02:26De savoir transformer le négatif en positif, d'encaisser un coup
02:32et de retourner la force de ce coup contre celui qui l'a donné.
02:35Ton père, il y a une phrase qui m'a marqué.
02:37Tu dis dans Saint-Maudès qu'il chassait les skinheads en 1987.
02:42Tu peux m'en parler un peu ?
02:43Le Havre était connu dans les années fin 80, début 90
02:49pour être un espèce de vivier où les skinheads,
02:52donc c'était des groupuscules racistes, parfois néo-nazis
02:56qui cultivaient donc une doctrine d'extrême droite
03:00qui faisait des ratonnades, c'est-à-dire qu'ils sortaient dans la rue
03:04et ils coursaient un arabe, un renois, quelqu'un avec un profil racisé
03:10et ils le lynchaient.
03:11Et donc nous, on a grandi dans cette culture de, attention les skinheads,
03:14c'était un peu les croques mitaines, tu vois.
03:16Et tu en avais peur ?
03:17Oui, on en avait peur parce qu'on entendait qu'il y avait des vrais lynchages
03:21en fait de personnes.
03:23Et donc on a grandi un peu dans ce truc-là et tous nos grands frères
03:26et donc même mon père ont toujours participé à un moment donné
03:30à des contre-offensives.
03:31Il y avait des manifestations, un peu comme à Paris par exemple,
03:35il y avait les groupes, les gangs, les requins vicieux.
03:39Ces grands frères qui ont fait un peu le nettoyage,
03:41le ménage des racistes qui étaient là dans la rue et qui voulaient lyncher.
03:46Voilà, c'était toute proportion gardée, il n'y avait pas d'organisation,
03:49mais il y avait la volonté des grands frères.
03:52Et je sais que mon père s'est retrouvé quelques fois dans ces manifestations.
03:55C'est des légendes de famille qui se transmettent.
03:58Donc il y a cette tradition de chasser du faf, tout simplement.
04:02Je me raccorde à cette tradition-là, peut-être beaucoup plus artistiquement aujourd'hui.
04:06Quand je suis très offensif sur le sujet, c'est parce que je viens d'une culture
04:10où on chasse les idées néo-nazies, les idées d'extrême droite.
04:14Je ne sais pas si tu es de manière consciente ou inconsciente,
04:16mais justement le fait de voir ton père,
04:18ou d'entendre en tout cas que ton père a été engagé,
04:21s'est mis dans des situations justement pour défendre soit des personnes, soit des valeurs.
04:24Que ça t'a justement influencé pour être la personne qui est aujourd'hui,
04:27c'est-à-dire l'artiste qui revendique, qui défend, qui dénonce.
04:30Puis il y a une autre anecdote aussi dans ce morceau Saint-Modeste.
04:33Je parle d'un combat de boxe que mon père a mené, je ne sais plus quand,
04:38au niveau professionnel.
04:40On a la cassette vidéo chez nous et on regarde parfois les exploits du daron en famille.
04:46Et en fait, on entend très précisément dans la vidéo,
04:48quand mon père arrive sur le ring,
04:51salle arabe, très fort dans la salle,
04:53un espèce de silence, personne ne s'indigne.
04:55Et je vois mon père qui ne tourne pas la tête, mais entend le truc.
04:59Donc c'est des trucs qui marquent quand tu vois ça enfant.
05:02Tu vois ton père qui reçoit des insultes
05:05et qui continue ce pour quoi il est venu et qui va jusqu'au bout,
05:09qui remporte le combat, qui part, qui rentre chez lui
05:12et qui ne répond pas en fait à la bêtise, l'adversité sur le moment
05:16parce que le combat est plus important en fait que de répondre à une seule personne.
05:20Et c'est ça qui t'a le plus marqué toi ?
05:22C'est ça qui m'a marqué.
05:22Plus que l'insulte.
05:23Plus que l'insulte.
05:24L'insulte, elle pique sur le cou.
05:26Je lui dis pourquoi il dit ça à mon daron, lui ?
05:29Et pourquoi mon daron, il répond pas ?
05:31Ça, c'est complexe en fait, à comprendre.
05:33Mais en grandissant, tu te dis, il a fini le combat.
05:36Il l'a gagné.
05:37Il a peut-être même gagné la foule.
05:39C'est ça le mindset en fait.
05:40Mais ça, tu l'as compris avec du recul.
05:42Sur le coup, quand t'entends ces insultes-là,
05:44qu'on te met aussi dans la tête qu'aller dehors,
05:46c'est peut-être aussi un danger pour toi,
05:48dans le sens où il y avait des skinheads, ce que tu disais.
05:50Sur le coup, toi, enfant, comment tu grandis
05:53quand tu comprends qu'être arabe, qu'être toi,
05:55c'est un danger et c'est être insulté, c'est tout ça.
05:59Est-ce que tu comprends déjà ?
06:00Déjà, moi, je suis franco-algérien.
06:02Et j'ai une tête de petit blondinet enfant.
06:05Du coup, je me faufile.
06:06Je suis un petit ismé.
06:08Je vis pas l'adversité directe.
06:09Je la vis par procuration.
06:11Parce qu'il y a des gens qui sont beaucoup plus marqués physiquement que moi.
06:15Je vois, j'entends des trucs que mon père a vécu.
06:18Du coup, je vis le truc par procuration
06:21et ça me donne une position d'observateur.
06:23Après, dans ma vie d'adolescent, dans ma vie d'adulte,
06:27j'ai fait l'expérience de ces brimades-là.
06:29Mais j'avais l'impression d'avoir déjà une espèce de lecture et de recette
06:34qui me permettait de mieux les appréhender.
06:36Parce que j'avais vu mon entourage vivre violemment certaines violences symboliques.
06:43Donc j'avais un peu un espèce de schéma qui me permettait de mieux les appréhender.
06:47Donc ça t'a permis de mettre une base.
06:49Et ce que je voulais savoir, c'était, est-ce que cette base,
06:51elle t'a servi dès le début ou plus tard ?
06:54Dans le sens où dans Grenier Assum, tu parles de ta prof de compta.
06:57Et là, pour moi, c'est une violence psychologique qui est énorme.
07:00Et je me demande comment tu l'as vécu quand tu étais jeune,
07:02où elle te dit que tu étais très bon en apprentissage.
07:04C'est super.
07:05Mais qu'à l'avenir, on allait te retrouver dans un attentat.
07:08Elle a dit pire, cette prof de compta en plus.
07:10Genre, c'était la prof un peu teigneuse, qui n'était pas méchante.
07:13Et je me souviens qu'elle m'a même dit, genre en classe, devant tout le monde,
07:16est-ce que vous vous sentez français ?
07:18Comme ça, genre gratuitement, en mode...
07:21Puis moi, pas de recul vraiment.
07:24Je dis, bah oui, pourquoi ?
07:26Quand elle posait des questions précises à des élèves précis,
07:29c'est des violences symboliques, je pense, qui marquent un adolescent
07:32et qui s'imprègnent en toi pendant quelques années.
07:36Moi, je les range dans mon grenier Assum, ces trucs-là,
07:38et j'y retourne de temps en temps, je dis, est-ce que je dois passer ça ?
07:42Comment j'aurais réagi aujourd'hui, avec plus de recul,
07:46à la lumière de ce qui se passe autour de l'identité française aujourd'hui ?
07:51Puis après, je chasse, je le re-range dans mon grenier,
07:53puis j'avance et je vais me défouler en écrivant un texte.
07:56C'est ce qui s'est passé avec le morceau Grenier Assum, par exemple.
07:59Je pense qu'inconsciemment, ce que ton père te montrait,
08:02t'a aussi aidé justement à canaliser tes émotions,
08:04parce que lui-même arrive à canaliser ses émotions.
08:06Pour moi, la vraie erreur, ou souvent ce qui crée de l'incompréhension,
08:13c'est de répondre sous le coup de l'émotion.
08:15Quand tu réponds sous le coup de l'émotion,
08:17que tu ne te laisses pas le temps de la réflexion,
08:18une heure, une nuit, une semaine, un mois, un an,
08:23ça dépend de la violence qui a été faite.
08:26Si tu ne laisses pas ce temps-là, j'ai l'impression que tu réponds mal.
08:30C'est vraiment l'exemple du Daron,
08:32où je vois comment il a géré ça.
08:35J'ai l'impression que ça s'est répercuté sur moi,
08:37et c'est une très très bonne chose.
08:39Et ta mère, elle a eu quel impact sur toi ?
08:41Parce que dans l'école de la vie, tu en parles,
08:43tu dis qu'à un moment, tu as essayé de rechercher du réconfort auprès d'elle.
08:46Elle t'a dit que tu n'étais pas un faible.
08:48Quand je parle du fait que ma mère me galvanisait,
08:52pour éviter d'être dans de la pleurnicherie qui ne sert à rien,
08:56une peine de cœur, une peine professionnelle,
08:58ce n'est pas grave.
09:00Ce n'est pas du rejet ou un manque d'attention.
09:04Il y avait du vrai dialogue chez moi.
09:05Ce n'était pas du rejet de
09:06« on ne veut pas connaître tes émotions, on ne les prend pas en compte ».
09:10C'était plus de « on se galvanise ».
09:13Ce galvanisme, c'est « viens, vas-y, arrête de pleurer, viens,
09:16tu pleureras après, là, ce n'est pas le moment, viens, on continue ».
09:19En fait, les deux, dans deux styles différents,
09:20t'ont appris à bien analyser la situation pour mieux réagir.
09:23Leur force, c'est de ne pas nous avoir transmis leurs craintes,
09:27leurs complexes, leurs problèmes à eux.
09:30Du coup, j'ai eu une enfance assez complète.
09:34En fait, j'ai eu une vraie enfance.
09:35Là où est-ce que certains n'ont pas d'enfance
09:37parce que les parents peut-être mettent les enfants
09:40dans des problèmes d'adultes très rapidement.
09:42Du coup, tu as des enfants qui ne vivent plus leur enfance
09:44comme ils devraient la vivre.
09:46Ils sont rapidement des adolescents,
09:48ils sont rapidement des adultes.
09:50Moi, ce n'était pas le cas.
09:51J'étais un enfant jusqu'à très tard.
09:53Je crois que je le suis encore un petit peu même.
09:55Tu dis que tes parents n'ont pas voulu
09:57te partager leurs galères,
10:00mais tu restes un être humain qui voit certaines choses
10:03et je pense que tu as quand même vu certaines choses
10:04parce que dans « Heureux comme un arabe en France »,
10:06tu dis que les rêves brisés de tes parents
10:09t'ont rendu méfiant.
10:10Donc, tu avais quand même un regard sur ce qu'ils vivaient
10:12et comment ils le vivaient.
10:13Oui, forcément, je voyais les espoirs de mes parents,
10:18mais quand je dis « parents », c'est au sens large.
10:21Mes parents, oncles, tantes…
10:23J'ai vu pas mal des gens de mon entourage être brisés à l'époque.
10:30Les années 80-90, ça a brisé des gens dans tout ce que ça comporte
10:35en termes de violence sociale.
10:37D'habiter dans un quartier à cette période-là
10:39de violence symbolique liée à l'origine ethnique.
10:45Et puis aussi, je parle des systèmes patriarcals,
10:49des systèmes traditionnels
10:50que les familles mettent en place et se transmettent.
10:54Je dresse un portrait de mes proches
10:58qui ont eu des rêves à un moment donné
11:00et qui ont été empêchés, soit par les institutions
11:04parce qu'il y avait des politiques qui étaient mises en place,
11:06comme accéder à un logement dans un certain quartier.
11:10C'est pas possible parce que…
11:12Je me souviens d'une discussion entre mes parents.
11:16On peut pas acheter cette maison.
11:17Pourquoi ? Parce que le propriétaire, il a dit
11:19« il vendra jamais à des Arabes ».
11:21Je me souviens de ça.
11:22C'était genre à la frontière d'un quartier.
11:23Il habitait pas en premier front de mer.
11:26Je me souviens de ces discussions-là.
11:28Donc c'était des violences dramatiques.
11:30Mais je me souviens aussi de trucs plus violents
11:32que ma mère a vécu dans son enfance.
11:34Elle voulait aller à la piscine.
11:36Elle voulait être nageuse.
11:38Elle a pas pu le faire.
11:39Pourquoi ? Parce que son père l'a empêchée.
11:42C'est assez dramatique.
11:43Donc je suis un observateur.
11:45Je le vois.
11:46Ça me marque à vie.
11:47Tu vois ce truc de la maison-là ?
11:49Je l'avais oublié.
11:50Et là, toi, tu viens de le ressortir.
11:52En vrai, c'est une violence de bâtard, ça.
11:54Et ça te rend méfiant principalement envers les autres ?
11:57Envers la société plus généralement ?
11:59Les deux.
12:00J'ai les mêmes deux adversaires, entre guillemets.
12:03Les traditions patriarcales de personnes qui jugent ton mode de vie constamment.
12:10Parce qu'eux sont dans un système, justement,
12:12ils sont encore dans la reproduction de valeurs qui sont liberticides, à mon sens,
12:17et qui tentent de te les transmettre, de te les intimer,
12:20de t'obliger à vivre comme eux voudraient ou eux, leur famille, ont toujours vécu.
12:26Donc ça fait partie des choses que je dois affronter, moi, au quotidien.
12:29Je fais face aussi à des endroits plus institutionnels auxquels je n'ai pas accès.
12:35Ma liberté d'expression n'est pas totale.
12:38Là, encore, pas plus tard qu'hier, je reçois un article de RTBF
12:42qui m'informe qu'il y a une mère dans la ville de Verviers,
12:47en Belgique, qui ne souhaite pas que je vienne faire un concert là-bas,
12:51qui s'appelle Libertad, un festival qui s'appelle Libertad,
12:56parce que j'aurais eu des propos outranciers selon sa propre analyse.
13:01Je pense qu'elle n'a même pas remis dans son contexte ces phrases-là,
13:04qu'elle n'a même pas été voir une seule interview,
13:07ou une seule analyse de texte pour pouvoir nuancer son propos.
13:12Donc je suis obligé d'être méfiant vis-à-vis de ça, en fait.
13:14Quand on m'interdit de jouer à un endroit,
13:18je ne peux pas m'empêcher à ce sale arabe que mon père a entendu dans la salle de boxe.
13:23C'est fou comment le comportement de ton père à un moment précis a impacté toute ta vie,
13:29parce que ta colère, elle a été titillée à de nombreuses reprises.
13:33Et si tu étais tombé dans la colère, je pense que beaucoup auraient compris.
13:36Tu vois ce que je veux dire ?
13:37Parce que beaucoup de jeunes tombent dans cette colère,
13:39mais toi, tu ne l'as pas lâché.
13:41En tout cas, tu l'as lâché plus dans tes paroles, peut-être.
13:43Ma chance à moi, c'est d'être un artiste,
13:46de pouvoir exprimer cette colère et de la sublimer,
13:49de l'esthétiser, de la métaphorer.
13:52Ça, c'est ma chance à moi.
13:54Sauf qu'il y a combien de personnes qui vivent des choses
13:57cent fois plus violentes que moi je vis ou que j'ai vécues
14:01ou que ma famille a vécues ?
14:02Mille fois plus violentes qui ne peuvent pas l'exprimer.
14:05À un moment donné, comment tu veux perdre ton self-control
14:08et rentrer dans quelque chose d'improductif ?
14:11Alors que tu es un artiste et que tu peux lâcher une soupape quelque part,
14:15alors que d'autres vivent dans le silence absolu.
14:18Quand une jeune femme qui porte le hijab
14:20entend constamment qu'elle ne fait pas partie de la République,
14:25qu'elle n'a pas des valeurs qui sont compatibles
14:28avec le pays dans lequel elle vit,
14:30constamment en boucle au quotidien
14:32et sans pouvoir répondre à ça,
14:35en l'intériorisant, en étant silencié,
14:38comment tu appréhendes ça dans ton quotidien ?
14:41Moi, je suis béni.
14:42Je suis un artiste.
14:44Je peux exprimer ça.
14:45Je peux aller défendre dans des discussions comme la nôtre.
14:49Mes idées, je peux les expliquer.
14:50Je peux revenir sur des douleurs, des souffrances.
14:52On est en train de faire une psychanalyse ensemble.
14:54Je me soigne en fait.
14:55Je me soigne publiquement.
14:57Mais tous ceux qui sont traités d'islamistes au quotidien,
15:00tous les journalistes qui sont insultés d'islamo-gauchistes
15:04parce qu'ils ont une parole complaisante
15:06avec la communauté musulmane,
15:08tous les chercheurs qui sont insultés d'islamo-gauchistes au quotidien,
15:12combien sont dans le silence ?
15:14C'est ça qui me fait encore plus peur.
15:16Et l'un de mes combats, moi,
15:18c'est d'aller sur le terrain juridique,
15:20de faire reconnaître ça,
15:22qu'il y a une vraie jurisprudence qui se mette en place
15:25et que ça ne soit plus la foire à la saucisse
15:28d'insulter tout le monde
15:29juste parce qu'on refuse le débat
15:31et qu'on a peur de rentrer dans des sujets
15:33qui sont clivants.
15:35Est-ce que tu as l'impression
15:36qu'on essaye de te faire taire
15:38parce que tu le dis dans un tesson ?
15:40Quand j'étais petite, on me disait de ne pas parler aux étrangers.
15:42Mais aujourd'hui, j'ai l'impression d'être un étranger
15:44qui n'a pas le droit de parler.
15:45Je pense qu'il y a des gens qui...
15:47Quand je dis des gens,
15:48ça peut être certaines personnes du public,
15:50ça peut être des éditorialistes,
15:52ça peut être des politiques qui jugent le rap
15:56quand il est pratiqué,
15:57qui jugent l'art, la culture
15:59quand elle est pratiquée par une personne racisée
16:01différemment que lorsqu'elle est pratiquée
16:04par une personne non racisée.
16:06C'est l'histoire de l'œuvre et de l'homme,
16:08de la séparation.
16:10J'ai vraiment l'impression
16:10qu'il y a un regard différent
16:13qui est porté sur celui qui émet un message
16:16sur l'artiste quand il est racisé.
16:20Quand on t'attaque comme ça de cette manière
16:21sur ton identité, sur tes origines,
16:23est-ce que tu as l'impression
16:24qu'on essaye de te déshumaniser ?
16:26Oui, j'ai l'impression qu'on me catégorise
16:28pour me disqualifier, en fait.
16:30On m'associe à des gens,
16:31à des groupes de personnes,
16:32à des groupes d'idées.
16:33On dit que je suis à trois poignées de main
16:35de personnes qui ont un casier judiciaire
16:38ou qui ne sont pas respectables
16:39sur la place publique.
16:40Du coup, c'est pour essayer de me disqualifier.
16:43Mais quand il s'agit de parler de mes textes,
16:45jusqu'à preuve du contraire,
16:46je ne suis pas condamné,
16:49je ne suis pas condamnable.
16:51Est-ce que tu considères que c'est de l'art ?
16:52Mais c'est là le problème, en fait.
16:54Ce n'est pas à moi de me justifier sur mon texte.
16:57C'est à toi de te justifier
16:58pourquoi tu ne considères pas ça comme de l'art.
17:01Qu'est-ce qui fait dans ton processus
17:03que tu considères certains artistes
17:05comme de l'art
17:05et d'autres comme étant un appel à la haine,
17:09de la provocation ?
17:10C'est ton regard qui doit changer.
17:12Ce n'est pas mon écriture.
17:13Ça dérange dans le sens où
17:14depuis quelques années,
17:16et ces derniers mois encore plus,
17:18beaucoup de débats autour
17:19des jeunes qui ont des origines
17:21et qui ne sont pas assez français,
17:23qui ne sont pas assez dans la France.
17:24Et toi, tu représentes parfaitement ça
17:25dans le sens où tu as des origines
17:27et dans tes sons,
17:28tu critiques beaucoup,
17:29pas la France,
17:30mais le gouvernement,
17:31ou en tout cas,
17:32les conséquences que le gouvernement
17:33et certaines valeurs
17:34ont mises en place sur les Français.
17:36C'est ça, en fait,
17:37j'ai un peu cette impression-là,
17:38c'est que tu dois être un peu...
17:39Bouc émissaire.
17:40Exactement.
17:41C'est ce que certains tentent de faire
17:43en me rendant bouc émissaire,
17:44mais je n'ai pas envie de jouer le rôle,
17:46en fait.
17:46Je n'ai pas envie de jouer le rôle
17:48de l'énervé,
17:49dans lequel tu vas trouver
17:50une incarnation commode
17:52pour pouvoir dire
17:52« Regardez, on avait raison,
17:55et de toute façon,
17:56si vous ne suivez pas
17:57la ligne qu'on impose,
17:58vous allez finir là comme lui. »
18:01Quelqu'un en rupture,
18:02en marge,
18:03limite complotiste.
18:05C'est toujours les étiquettes
18:06qu'on met sur la tête
18:07pour disqualifier,
18:09mais je n'ai pas envie
18:09de jouer ce rôle-là, moi.
18:10Moi, je parle
18:11de mon enracinement français,
18:13je parle de mon enracinement normand,
18:15de comment j'aime ma région,
18:17comment je m'implique
18:18dans ma région.
18:19Je ne suis pas en rupture
18:19avec la France, moi.
18:21Je suis en rupture
18:21avec les dirigeants
18:23de la France, en fait.
18:24Pour moi,
18:25la France,
18:25ce n'est pas le président,
18:26le président,
18:27ce n'est pas la France.
18:28Justement,
18:28le fait que tu parles
18:29de tout ça,
18:30dans Grenier Assam,
18:31tu re-mentionnes
18:32l'histoire du Bataclan.
18:34Moi, concrètement,
18:35j'ai envie de comprendre,
18:36pas l'artiste,
18:37mais l'être humain,
18:37quand on te lit à un terroriste,
18:40qu'est-ce que tu ressens humainement ?
18:41Ma première réaction,
18:42c'est bande de bâtards.
18:45Ça ne va pas passer.
18:47Ça ne va pas passer.
18:48OK.
18:48Et puis là,
18:49tu vois des gens
18:49qui sont censés être respectables,
18:52qui reprennent ces infos
18:53et qui en font quelque chose
18:54d'officiel
18:56et qui normalisent.
18:59Vous êtes en train
18:59de me faire, là.
19:01Tu paniques,
19:02à ce moment-là ?
19:03Non.
19:03Encore une fois,
19:04je suis dans un truc
19:05d'analyse de...
19:08Vas-y,
19:08je prends le coup.
19:09Tac.
19:10Ça pique le foie.
19:11Ça pique le foie,
19:12on met un genou à terre,
19:12on laisse l'arbitre compter
19:13jusqu'à 8.
19:14T'as le droit en boxe.
19:15Toute la foule regard
19:16et dit,
19:17mais il est en train de perdre,
19:18là.
19:19Il a mis un genou à terre.
19:20Non.
19:21C'est une stratégie de combat.
19:23Tu mets le genou à terre,
19:24tu laisses l'arbitre compter
19:25jusqu'à 8,
19:26tu récupères
19:27et tu y retournes.
19:28Tu n'as jamais douté ?
19:29Si,
19:30je doute toujours,
19:30moi.
19:31je doute surtout,
19:32en fait.
19:32À ce moment-là ?
19:33La réflexion,
19:34en fait,
19:34le doute,
19:35il dure 5 minutes.
19:37On doute,
19:37vas-y,
19:37fais voir,
19:38quelle est la part de vérité,
19:39quelle est la part d'incompréhension,
19:41quelle est la part de manipulation,
19:43comment on doit tirer
19:45son épingle du jeu,
19:465 minutes
19:46et puis après,
19:47je prends ma décision.
19:48Douter 5 mois,
19:49c'est tu bats,
19:49ça y est,
19:50c'est mort,
19:50c'est fini.
19:51En fait,
19:51tu ne laisses jamais
19:52l'agression extérieure
19:53rentrer dans ta tête.
19:54Tu la vois,
19:54elle est à ta porte,
19:56tu l'analyses à ta porte
19:57et tu la fais ressortir.
19:58La violence,
19:59c'est une information.
20:00Ce n'est pas quelque chose
20:01qui doit changer physiquement
20:04quelque chose chez toi.
20:05C'est une info,
20:06ça se traite comme une info.
20:08Donc,
20:08tu la poses sur la table,
20:10tu la décortiques,
20:11tu la passes au carbone 14,
20:13ce que tu veux,
20:14mais ça reste une information.
20:16Il ne faut pas que ça t'atteigne
20:17physiquement.
20:19C'est dur.
20:20C'est grave dur,
20:21mais c'est un entraînement,
20:23c'est une gymnastique.
20:24De voir que rien ne t'atteint,
20:25en fait,
20:26quand je reçois des notifications,
20:29quand je vois le bandeau
20:30des chaînes d'infos en continu
20:32qui peut-être parlent
20:33de l'annulation
20:34d'un de mes trucs ou quoi,
20:35je suis en train de bruncher
20:36avec ma famille
20:37et ce qui m'intéresse,
20:39c'est passe-moi le sirop d'érable,
20:41s'il te plaît.
20:42J'ai plus de stress
20:43à tendre le bras
20:44pour attraper le sirop d'érable
20:45que la télécommande
20:46pour changer de chaîne,
20:47en fait.
20:47J'arrive à évacuer ça
20:49et à ne pas le faire rentrer
20:50dans mon cercle,
20:50en tout cas,
20:51ni dans ma tête.
20:52En plus, de toute façon,
20:52si on regarde un peu
20:53tout ce qu'on a dit
20:54depuis le début
20:55sur ton enfance,
20:56on dirait que tu as été
20:57conditionné inconsciemment
20:59à vivre
21:00et à encaisser
21:02tous ces coups
21:03qui sont arrivés
21:03pendant ta carrière.
21:04J'ai l'impression
21:05de m'être entraîné
21:07toute mon enfance
21:08à tout ce qui m'arrive
21:10aujourd'hui,
21:11toute proportion gardée,
21:12en fait.
21:12Ce qui m'arrive aujourd'hui,
21:13c'est relatif,
21:14encore une fois,
21:15par rapport à la violence
21:17sociale,
21:18économique,
21:19symbolique
21:20que les gens
21:20peuvent vivre
21:21au quotidien.
21:23C'est très relatif.
21:24Je suis béni.
21:25D'ailleurs,
21:26je veux parler
21:26de ton succès.
21:27Parce que tu as un succès
21:28quand même très particulier.
21:29Tu dis dans un dessin
21:30de ton album,
21:31tu dis je suis aimé
21:32par le public,
21:33critiqué par la critique
21:35ou méprisé par la critique.
21:36Méprisé par la critique.
21:37Exactement.
21:37Tu ressens en même temps
21:39dans une carrière
21:40deux émotions très fortes
21:42qui sont contraires,
21:43l'amour et la haine.
21:44C'est confortable,
21:45en fait,
21:45cette position-là.
21:47Pourquoi ?
21:47Parce que je suis détesté
21:49des gens que je débusque.
21:50Je suis détesté
21:51des gens que je vise.
21:53Donc c'est confortable.
21:55Et je suis aimé
21:56par les gens
21:58que je souhaite
22:00inclure
22:00dans mon état d'esprit.
22:04Si tu me détestes,
22:06c'est parce que
22:06je t'ai débusqué.
22:07Donc c'est toi
22:08que tu devrais détester.
22:09C'est pas moi
22:09que tu devrais détester.
22:11C'est déteste
22:11ce que tu es en train de faire
22:12parce que c'est contradictoire
22:14ce que tu es en train de faire.
22:14Je viens de le révéler.
22:16C'est un peu ça.
22:16Et comment tu aurais vécu
22:17si par exemple
22:18tu avais été méprisé
22:19par la critique
22:20et le public
22:21s'était retourné
22:22aussi contre toi ?
22:22Ça m'est arrivé.
22:24Dans ma carrière,
22:25ça fait 20 ans
22:26que je suis là.
22:26J'ai un public,
22:28une partie du public
22:29qui a fini par me détester.
22:31J'ai aussi,
22:32à l'inverse,
22:33des gens qui m'ont détesté
22:34et qui ont fini par m'aimer.
22:35C'est des victoires,
22:36c'est des choses
22:36qu'il faut accepter.
22:38Moi, j'essaie
22:38d'être sincère
22:40dans ma démarche
22:40et je constate
22:42qu'il y a une partie du public
22:43qui te souhaite
22:43dans une posture à vie
22:45parce que ça les rassure.
22:46Ils sont rassurés
22:47de cette posture-là.
22:48C'est rassurant.
22:48Nous, on t'a aimé comme ça.
22:50Il ne faut pas
22:50que tu te contredises.
22:52Il faut que tu...
22:53Mends-nous.
22:54Même si tu vis ça
22:55et que c'est différent,
22:57mends-nous,
22:57on préfère.
22:58C'est dans le film
22:59V for Vendetta
23:00où le héros principal
23:02dit une bête de phrase
23:04« Les artistes mentent
23:06au service de la vérité ».
23:08Je trouve ça
23:09tellement réaliste
23:11vis-à-vis du public
23:13dans le sens où
23:14eux se idéalisent
23:15des artistes parfois.
23:17Idéalisent
23:17et les souhaitent
23:18que dans une posture,
23:20une émotion.
23:21Mais c'est des trucs d'ado
23:21que j'ai eus, moi.
23:22Tu le dis dans un tesson.
23:23J'ai idéalisé des gens,
23:25je les ai mis dans des postures.
23:26Pour moi,
23:26c'était des figures paternelles,
23:29des hommes providentiels
23:30qui m'ont aidé
23:30à me construire
23:31à un moment donné.
23:33Et puis,
23:33j'ai été déçu
23:34par ces gens-là.
23:35Et puis, au final,
23:36j'ai relativisé
23:36en me faisant une raison
23:37que tout le monde
23:38est faillible,
23:40personne n'est infaillible
23:41et qu'il faut
23:42prendre les failles
23:44des hommes aussi.
23:46Que c'est beaucoup plus sain
23:47que d'idéaliser quelqu'un
23:49et de le charger
23:51de toutes tes névroses.
23:53Non, mais pourquoi tu changes ?
23:55Tu es en train de devenir
23:56comme ce que tu as toujours critiqué.
23:58C'est toi qui ne veux pas évoluer,
24:00frère.
24:01C'est tes névroses à toi.
24:02Ce ne sont pas les miennes.
24:03Moi, je te montre mon changement,
24:05même si tu ne considères pas ça
24:07comme une évolution.
24:08Je change,
24:08je m'adapte,
24:09je change d'environnement,
24:11je change d'état d'esprit,
24:13je change de niveau de vie.
24:14Donc forcément,
24:15ça s'adapte.
24:15Je change de rôle,
24:16je deviens un daron différent.
24:20Je te le montre.
24:21Si tu ne veux pas le regarder,
24:23c'est toi qui as un problème.
24:24J'aimerais revenir sur,
24:26on a parlé de ton conditionnement,
24:27même si je n'aime pas ce mot,
24:28mais ton conditionnement familial,
24:29j'aimerais aussi comprendre
24:30ton conditionnement environnemental.
24:32Dans Ratata,
24:33tu as dit,
24:33on a grandi entre pauvres
24:34dans un décor d'entrepôt.
24:36Est-ce que tu en parles
24:38de manière positive ou négative,
24:40dans le sens où,
24:40quand tu l'expliques dans ce son,
24:42tu le dis,
24:42ça aurait peut-être dû mieux
24:43nous répartir ?
24:44Ratata,
24:44c'est un morceau
24:45un peu storytelling.
24:48Je raconte une histoire,
24:49ce n'est pas la mienne.
24:49C'est l'histoire de violences
24:52qui se sont déroulées
24:54dans les quartiers.
24:56Le premier couplet,
24:57ça parle des bavures policières.
25:00Le deuxième couplet,
25:01ça parle du phénomène
25:02des rixes,
25:03de ce harcèlement
25:04qui dérape
25:05et qui va jusqu'au meurtre d'enfants.
25:07Et puis,
25:08il y a un espèce
25:08de dernier couplet
25:09que tu as cité
25:10qui renvoie la responsabilité
25:11sur l'État,
25:12sur les politiques successives
25:14qui n'ont pas su,
25:15en fait,
25:15gérer les populations
25:17et la violence
25:19qui s'exerçait
25:19contre ces populations
25:21de quartiers.
25:22Et quand je dis
25:22pauvre dans un décor d'entrepôt,
25:25ce n'est pas bucolique.
25:27C'est au contraire
25:28très critique
25:29dans le sens où
25:30on laisse des gens
25:32avec des revenus
25:33très bas
25:34dans un endroit
25:35qui est esthétiquement
25:37ressemble
25:38à des cités dégradées.
25:41Et du coup,
25:42qu'est-ce qu'on attend
25:43qui n'en ressorte
25:45de là-dedans ?
25:46Il y a forcément
25:46une forme de violence
25:47qui va se développer
25:49parce que le trafic
25:50vient ici,
25:51il récupère les enfants.
25:53C'est très centré
25:53sur les enfants,
25:54ce morceau-là.
25:55Et puis,
25:55je vois des destins
25:57fauchés très tôt,
25:58en fait,
25:58et ça me ravage,
26:00personnellement,
26:01de voir qu'il y a
26:01des petits,
26:02des enfants
26:03qui sont récupérés
26:04par la rue,
26:06comme ça.
26:06Tu te rends compte
26:07de perdre un enfant
26:08de 13, 14 ans
26:10pour une bagarre ?
26:11Perdre un enfant
26:12parce qu'il a été
26:13contrôlé par la police
26:15et qui ont une technique
26:17de clé d'étranglement
26:18qui finit par assassiner
26:21un enfant.
26:22C'est d'une violence hardcore
26:24et ça s'exerce
26:25essentiellement
26:26sur les quartiers populaires.
26:28Ce côté engagé,
26:29revendicateur,
26:30où tu dénonces,
26:31est-ce que tu l'as eu
26:32très jeune ou pas ?
26:34Ou ça arrivait
26:34beaucoup plus tard ?
26:35Je l'ai eu trop jeune.
26:38Je l'ai eu trop jeune,
26:40même je le regrette pas,
26:41de m'être pris
26:42trop au sérieux
26:43trop rapidement.
26:44Je manipulais des sujets
26:45qui me dépassaient.
26:46Est-ce que quand tu disais
26:47que je parlais déjà
26:47comme animum,
26:48tu parlais de cette période-là ?
26:50Oui, je parle un peu
26:50de cette période-là.
26:51Et du coup,
26:53j'ai l'impression
26:54d'avoir évoqué
26:55des sujets
26:55de façon superficielle,
26:59uniquement peut-être
27:00pour appartenir
27:01à un groupe,
27:02être accepté
27:03par un groupe.
27:04C'est de la sociologie
27:05qu'on est en train de faire.
27:06Oui, j'ai un peu
27:07cette impression-là.
27:08Dans Hier Encore,
27:09tu parles justement
27:10du fait que tu faisais
27:12beaucoup de bruit
27:12comme à Châtelet,
27:13qu'il y avait
27:14une recherche d'identité.
27:15Tu parles aussi du fait
27:16que le regard des autres
27:18était peut-être
27:19plus important
27:20que le regard de Dieu.
27:21Tu parles beaucoup
27:22de cette problématique
27:23dans tes sons.
27:24C'est de la vraie autocritique.
27:26Je me regarde
27:26dans le miroir
27:27et je regarde
27:28le sens de mes engagements,
27:30le sens de qui je suis
27:31vraiment aujourd'hui adulte.
27:32je porte un regard
27:33assez critique
27:34sur mon adolescence,
27:37de ce qu'elle a pu être,
27:38de ce que j'ai pu véhiculer.
27:39Je suis très critique
27:41avec moi-même
27:41et je trouve
27:42que c'est sain.
27:43Moi, je le fais
27:44et je le fais
27:45publiquement,
27:47artistiquement,
27:48parce que j'en ai besoin.
27:50J'ai besoin
27:50de me dire
27:51« Mais tu te prenais
27:53pour qui là, frère ? »
27:54Calme-toi.
27:55Mais cette recherche d'identité
27:56que tu avais plus jeune,
27:57elle t'a amenée jusqu'où ?
27:58Quelles ont été
27:58les limites
27:59de cette recherche d'identité ?
28:00En fait, c'était des envies
28:03et des revendications
28:04très superficielles,
28:05adolescents.
28:06Ça a toujours été superficiel.
28:07C'est souvent
28:08pour appartenir
28:09à un groupe
28:09et se faire accepter
28:10par ce groupe-là.
28:12Et du coup,
28:12en fait,
28:12tu prends
28:13tous les attributs
28:14de ce groupe.
28:15Quand je suis devenu rappeur,
28:17j'avais tous les attributs
28:18d'un rappeur.
28:19Je surjouais le rappeur.
28:21Je mettais ma casquette
28:22à l'envers,
28:23j'achetais un bagui,
28:24je prenais le déguisement
28:26du rappeur.
28:27J'étais déguisé
28:29comme un rappeur
28:29avant d'être
28:30un bon rappeur.
28:31J'avais le déguisement
28:32d'un musulman
28:33avant d'être un musulman.
28:34Pourquoi tu disais ça ?
28:35Parce que j'avais
28:35une djellaba
28:37indo-pakistanaise
28:38qui arrivait
28:39au-dessus de la cheville
28:40avec un col maho.
28:42J'avais laissé pousser
28:43une petite barbe naissante
28:44avant de comprendre
28:45ce qu'était l'islam,
28:46en fait.
28:47Tu vois ce que je veux dire ?
28:48Je voulais appartenir
28:50vite à un groupe
28:51parce que c'est sécurisant.
28:53Et puis quand tu
28:53tentes de comprendre
28:55et de matcher
28:57entre l'éthique musulmane,
29:00les valeurs,
29:02les principes,
29:03la foi,
29:04la spiritualité,
29:05quand tu commences
29:06à prendre l'ampleur
29:08et la mesure
29:08de ce en quoi
29:10tu t'engages,
29:12tu te remets en question,
29:13en fait.
29:13Aujourd'hui,
29:14quand tu vois
29:15tout ton parcours de vie,
29:17quel regard tu as sur toi ?
29:18Parce qu'il y a une phrase
29:20dans « Hier,
29:21c'est proche ».
29:21Tu disais qu'hier encore,
29:23tu voulais devenir
29:23quelqu'un de bien
29:24ou rien
29:25et que tu es devenu les deux.
29:27J'ai peut-être réussi
29:28un peu à devenir les deux.
29:29Il faut que tu m'expliques.
29:30Parce que je me sens utile
29:32sur certains sujets
29:32et je me sens inutile
29:34sur d'autres.
29:35Je me sens tellement
29:36rien du tout,
29:38encore une fois,
29:38comme on disait,
29:39à l'échelle de ce qu'est
29:40le monde
29:41et de ce qu'est l'univers
29:42que je relativise
29:44sur certains sujets.
29:46C'est « Qu'est-ce que tu vas faire ?
29:47Calme-toi, mon ref ».
29:49Le cosmos,
29:51il n'a pas besoin
29:51de ton intervention.
29:53Va prendre une tisane,
29:55joue ton rôle
29:55de fourmi ouvrière,
29:57replace-toi
29:58au centre de l'univers
29:59ou plutôt,
30:00ne te place pas
30:01au centre de l'univers,
30:02le centre est ailleurs.
30:04Même quand tu te complimentes,
30:05tu te remets un peu,
30:06tu remets les pendules
30:07à l'heure quand même.
30:08Tu juges quelqu'un de bien
30:09mais détends-toi quand même.
30:10Je ne me sens pas
30:11quelqu'un de mal
30:12et je ne suis pas
30:14un moins que rien.
30:17Ça me va.
30:18J'aimerais finir
30:18sur ta famille.
30:20Oui.
30:21Oui.
30:23Sur tes enfants,
30:25qui sont,
30:26un, très drôle,
30:27surtout le petit dernier,
30:28je tiens à préciser.
30:29Quoique ta fille,
30:30elle n'est pas mal aussi.
30:30Oui, je la trouve,
30:32c'est la plus drôle
30:32de la famille.
30:33Elle ne dit rien
30:33mais elle a des expressions
30:34parfois qui sont...
30:35Incisives.
30:36Exactement.
30:36J'aimerais savoir
30:37qu'est-ce que tu aimerais
30:38leur transmettre
30:39à tes enfants.
30:40Tu dis deux phrases
30:40dans École de la vie
30:41dont une à ton frère,
30:42à ton fils,
30:43excuse-moi,
30:44qui m'a parlé
30:44où tu dis
30:45même si tu te les cailles,
30:46tu ne brûleras pas la maison.
30:48En fait,
30:48ma question c'est
30:49tu as eu un exemple précis
30:51avec tes parents.
30:52Tu as vu tes parents,
30:52ils te partagent.
30:53Je n'ai pas leur galère
30:54mais tu as vu leur galère.
30:55Tu as une vie
30:55complètement différente
30:56de tes parents
30:57à deux choses près.
30:58Comment tu veux,
30:59eux,
30:59qui perçoivent ton vécu,
31:01ton histoire,
31:02qu'est-ce que tu veux
31:03leur transmettre ?
31:03Moi je suis en mode
31:04Roberto Benigni,
31:06la vie est belle.
31:07C'est-à-dire que
31:08même si c'est la guerre,
31:09ce n'est pas la guerre.
31:10Je veux qu'ils aient
31:11une enfance comme moi j'ai eue.
31:12Et après,
31:12ils ouvront la porte
31:14quand ils seront accomplis
31:15en tant qu'individus,
31:16qu'ils auront le recul
31:18pour comprendre
31:18certaines choses
31:19et qu'ils sauront
31:20gérer leurs émotions surtout
31:21pour pouvoir regarder
31:23la réalité en face
31:24et dire
31:25c'était la guerre
31:26mais on ne l'a pas ressenti.
31:27On est des adultes
31:28accomplis aujourd'hui
31:30et on va savoir
31:32faire la part
31:32des choses.
31:33Tu penses que pour être
31:34un adulte accompli,
31:35il faut d'abord
31:35avoir une enfance accomplie.
31:37Pour moi,
31:37il faut faire comprendre
31:38à un enfant
31:39qu'il est un enfant
31:40et il doit avoir
31:41une vie d'enfant.
31:42Je n'ai pas un regard
31:43jugeant, critique
31:44sur les autres familles.
31:46Ma façon d'éduquer
31:48mes enfants,
31:48c'est celle-ci.
31:49Moi,
31:49je veux qu'ils aient
31:50des variateurs
31:51qui puissent régler
31:52leurs émotions,
31:53qui puissent régler
31:54leurs réflexions
31:56eux-mêmes.
31:57Mon but,
31:58c'est de leur installer
31:59un variateur.
32:00Je suis un électricien
32:02je veux qu'ils aient
32:04un variateur dans le dos,
32:05un peu comme dans
32:06le dessin animé,
32:07vice-versa.
32:08Je veux que les petits
32:09bonhommes dans leur tête,
32:11pardon,
32:12ils soient massifs.
32:14Médine,
32:15est-ce que tu comptes
32:16arrêter la musique
32:17et te lancer dans la politique
32:18parce que tu as
32:19beaucoup de références
32:19à la politique
32:20je trouve dans tes sons ?
32:21Tu parles de
32:21que tu es le meilleur candidat,
32:23que bientôt tu auras
32:24les clés de la...
32:26City.
32:26De la City.
32:28Il y a un truc
32:29où tu es en train de...
32:30Comme Kanye West,
32:31tu nous prépares
32:32une petite candidature.
32:34Kanye West,
32:34c'était Tuba,
32:35ce qu'il a fait.
32:35Il a fait 0,5
32:36dans deux États.
32:37Tu penses faire plus ?
32:39Je pense faire plus
32:39dans ma ville du Havre.
32:40Je suis capable
32:42de truster
32:43les élections
32:44et de les troller
32:45en tout cas.
32:46Merci beaucoup
32:47en tout cas.
32:47Avec plaisir.
32:48Pour cette discussion.
32:49Merci Néwin.
32:53Origine.
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