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  • il y a 23 heures
DB - 07-10-2025

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Transcription
00:00En Provence, lorsque quelqu'un est long à faire quelque chose ou qu'il ne se presse pas, on a coutume de dire « T'es ».
00:10Dans la vie, il y a des enfants qui naissent en avance et lui est né en retard.
00:15Aussi, quand son père rentrait à la maison, il demandait tout de suite de la journée et chaque soir on lui répondait que non.
00:23Alors tout le temps il répétait « Mais qu'est-ce qui fait ce petit avenir ? T'es, il est long comme Baptiste. »
00:30Là, le jour du baptême, lorsque le curé lui demanda « Comment il s'appelle ? »
00:35Alors il répondit tout naturellement « Eh, il s'appelle le baptême. »
01:00En ce dimanche matin de 1948, sur le chemin que les habitants du lieu appellent la route, le curé se dirige au pas de sa monture vers Roquefenouille, village situé à deux kilomètres de là.
01:30« Comment je me le pensais ? Il est à nous. »
01:43« On a peut-être gagné. »
01:44« Et pourquoi vous auriez gagné ? Il nous reste encore une boule. »
01:47« J'ai pas dit qu'on avait gagné. »
01:50« Peut-être que tu le gardes pour toi et t'attends que mon partenaire ait fini de pointer. »
01:54« Allez, vas-y, pointe, va. »
01:56« Je voudrais pas m'emballer de ceux qui me regardent pas, hein. »
02:00« Je tirerai. »
02:01« Je sais, mais j'ai plus de boulot. »
02:03« Mais Gousy, il peut tirer, lui. »
02:05« T'es pas falade, hein. T'as vu comme il est au champ ? »
02:09« Tant qu'il s'agit de pointer, ça va, je déblaie le terrain. »
02:11« Mais quand il allonge le bras pour tirer, il vaut mieux mettre un casque, hein. »
02:15« Mais moi, je me sens de la casser. »
02:17« Bon, écoute, Gousy, mais si tu la manques, tu as la partie sur la conscience et mon pied au cul. »
02:23« Oh, comment tu me parles ? »
02:25« Enfin, c'est pas de ma faute. »
02:26« Si j'ai des yeux qui s'embrassent, puis tu veux que je te dise, je fais ce que je veux. »
02:30« Je tire, hein. »
02:31« Bon, eh bien, tu tires, mais moi, je regarde pas. »
02:33« T'es la scarte, hein. »
02:39« C'est ça, par exemple. »
02:51« T'as vu ce qu'il nous a fait ? »
02:52« Un désastre, dit. »
02:54« Bravo, Antoine, je te félicite. »
02:56« Comment t'as fait ? »
02:57« C'est pas de saut d'avoir un boulot, c'est... »
03:00« C'est pas de dire, hein. Si ça n'a pas eu de la chance. »
03:02« Les vainqueurs sont rétenus. »
03:03« Chante demain si tu veux, va. »
03:06« En attendant, viens faire le parti, ça me remonterà de mes émotions. »
03:09« On veut pas la remèche ? »
03:10« Si, si, après. Monsieur l'instituteur, venez avec nous. Je vous invite. »
03:14« C'est les autres qui payent. »
03:17« Bon habitude, on va gagner. »
03:21« Je n'ai pas vu Baptistein ce matin. »
03:31« Jamais le dimanche matin, non. »
03:33« Le dimanche matin, il est avec monsieur le curé, il fait la messe. »
03:35« Alors là, il fait un peu le bedo, il fait l'enfant de cœur, tout le simple. »
03:40« Il ne savait pas s'il ira à la ville demain. »
03:42« Et ouais, comme tous les lundis. »
03:44« Et en revenant, il ramène les commissions que lui ont commandé les gens du village. »
03:47« Et moi, je crois que ça lui fait plaisir, d'aller à la ville. »
03:50« Oui, c'est bien. »
03:51« Surtout avant et après, quoi. »
03:52« Comment cela ? »
03:53« Parce qu'avant, il passe chez monsieur Cochemille, là, notre président de la coopérative vinicole. »
03:59« Oui, oui. »
03:59« Pour voir si Rose, là, n'a besoin de rien. »
04:02« Et au retour, après, il lui ramène les commissions qu'il a commandé. »
04:06« Oui, mais pas que ça, non. »
04:08« Non, c'est la bicyclette sur l'herbe, là, ramasse des fleurs et lui ramène à même temps que les commissions. »
04:14« Vous voulez dire que Baptistan est amoureux de mademoiselle Cochemille ? »
04:17« Oh, il n'y en est pas qu'amoureux. »
04:19« Gagarde. »
04:20« Comme d'habitude, hein ? »
04:21« Oui, comme d'habitude. »
04:24« Tu les serres. Pendant ce temps, je vais chercher le train. »
04:26« Bonjour, mesdames. »
04:28« Un gros bisou au petit, hein ? »
04:32« Voilà, ça va. »
04:35« Voilà. »
04:35« Merci. »
04:39« Ailleurs, même derrière. »
04:42« C'est pas que je le critique, hein. Au contraire. »
04:44« Que le bon Dieu le lui bénisse. »
04:46« Et dire que quand elle était jeune, elle était plus mince qu'une anchois. »
04:49« Qu'est-ce que je vous sers ? »
04:51« Une flûte, comme d'habitude. »
04:53« Si ça ne vous dérange pas, pour mardi, vous me préparerez une belle pâte. »
04:57« J'ai demandé à Baptistan de me rapporter des olives. »
04:59« Il vous rapportera sûrement demain soir. »
05:01« Mardi, je pourrai faire la pizza. »
05:03« Je m'excuse, hein, pour il y a quinze jours. J'ai complètement oublié votre pâte. »
05:06« Oh, c'est pas de ma faute. J'ai dû préparer, vous savez, les pains, là, et les gâteaux pour la noce de fils chapigné. »
05:11« C'était une belle noce, hein. »
05:14« Dommage que la mère de la mariée s'était habillée comme un carnaval. »
05:17« Maintenant, il n'y a plus de garçons à marier dans le village. »
05:20« Vous, ce sont encore trop jeunes. »
05:21« Oh, ben, il y a Baptistan. »
05:22« Qui voulez-vous qu'il s'amorache de ce rêveur ? »
05:24« Si encore, il était riche. »
05:25« Il n'est plus bon qu'une poche percée. »
05:28« Mais vous savez pas, c'est qu'il a fait... »
05:29« Il est venu m'acheter un gros gâteau en me demandant d'y mettre deux bougies d'anniversaire. »
05:35« C'était la fête à qui ? »
05:36« C'était la fête à personne. »
05:38« C'était l'anniversaire de son chien Poichiche. »
05:40« Alors, je lui ai dit, vous croyez que votre chien, il va comprendre pour les bougies ? »
05:44« Il m'a répondu, mon Poichiche, il est plus intelligent que moi. »
05:48« Pendant que je travaille, lui, il reste couché toute la journée. »
05:52« Il va un peu fort, non ? »
05:53« Sous prétexte qu'il l'a ramassé dans une rue de Marseille, »
05:56« Il prétend que son chien, qui a vu à la ville plus de choses que ceux du village, »
06:00« a plus d'instructions que nos chiens. »
06:02« Zou, il faut que je m'en aille. »
06:03« Au revoir, madame Mizoul. »
06:05« Et à mardi, qui ? »
06:06« Je te veux, je voulais te voir. »
06:15« Eh, ben, tu veux voir ? Qu'est-ce qui t'arrive ? »
06:17« Enfin, c'est pas pour moi que je voulais te voir, c'est pour Clochette, ma vache. »
06:22« Oui, chaque fois que je passe avec elle, devant le pré de ton pauvre père, »
06:25« elle regarde ton taureau, qui est d'autre côté de la barrière. »
06:28« Et c'est ça ? »
06:31« Alors, comme j'aime bien ma Clochette, »
06:32« Le soir, elle et moi, nous faisons un petit détour pour qu'elle puisse le regarder. »
06:38« Tant qu'elle fait que le regarder, ça me dérange. »
06:39« Justement, j'ai pensé que peut-être, elle voudrait que je t'en parle, »
06:43« pour qu'on la laisse se faire la petite bise. »
06:46« Et peut-être même autre chose. »
06:48« Écoute, Cyprien, toutes les vaches du village sont amoureuses de mon taureau. »
06:53« Et comme il est le seul dans le pays, j'arrête pas de le faire marier. »
06:57« Ça leur fait rien qu'ils se fatiguent. »
06:59« Au contraire. »
07:00« Alors, si tu veux pas que tes veaux soient rachitiques, »
07:03« laisse mon taureau se reposer un peu. »
07:07« Et c'était quand la première ? »
07:11« Il y a 20 ans, le jour où je t'ai demandé de t'emmener au bal. »
07:15« Eh bien sûr, aller au bal avec un calabantran comme toi. »
07:19« La sœur de la postière m'avait dit que le dimanche d'avant, vous y étiez allé ensemble. »
07:23« Et qu'elle avait passé son après-midi, assise sur une chaise comme un santon, »
07:27« à attendre que tu la fasses danser. »
07:28« Eh, je savais pas danser, j'avais peur de lui esquicher les pieds. »
07:31« Et tu as appris depuis ? »
07:32« Ah oui, un peu, oui. »
07:33« À propos, après le bal, si tu aurais voulu, je t'aurais donné de me donner de ma garrie. »
07:40« Oh, Sainte Vierge, qu'est-ce qu'il faut pas entendre ? »
07:44« Je sais bien que je te plaisais pas, tu peux faire les galoubiers. »
07:47« Parce que lui, quand il est parti soldat, il était revenu première classe. »
07:52« Et puis tu disais qu'il voyageait beaucoup, qu'il voyait du pays. »
07:55« Parce qu'avec son régiment, il était allé à Tarascon. »
07:58« À Montpellier même, une fois. »
08:00« Et puis aussi, tu étais fier, parce qu'il était allé tout seul jusqu'à Lyon un jour. »
08:04« Ah mais ça, c'était pas de sa faute, hein. »
08:06« C'était endormi dans le train. »
08:07« Ah, toi, tu risquais pas de t'endormir dans le train, petit soldat. »
08:10« Eh, c'est à cause de mes pieds plats. »
08:12« Pourtant, je me suis assez décarcassé pour qu'ils me prennent. »
08:15« Je leur ai dit que s'ils me mettaient dans la cavalerie, vous me verrez que j'ai les pieds plats. »
08:22« Bonjour, monsieur. »
08:32« Bonjour, monsieur l'instituteur. »
08:34« Bonjour, madame Bouffarigue. »
08:36« Ah, dites, monsieur l'instituteur, je vous apporterai un bon fromage de chèvre que j'ai préparé spécialement pour vous. »
08:43« Je vous remercie, mais il ne fallait pas. »
08:45« Oh, c'est bien normal. Vous vous occupez du petit. Il faut bien que je vous gâte un peu. »
08:50« Je voudrais tant qu'il le passe, ce certificat d'études. »
08:52« Bonne mère, qu'est-ce que je pourrais faire ? »
08:54« Eh bien, écoutez, portez des cierges à l'église. Et vu le cas, surtout ne regardez pas la dépense. »
09:03« Au revoir, madame. »
09:04« Je disais ça parce que je n'ai pas vu passer Baptistein. »
09:14« Oh, bah, il n'est pas encore à l'église. »
09:17« Ah, s'il y est, c'est qu'il y a eu un miracle, hein. Parce que nous, on n'a pas vu passer. »
09:26« C'est un peu trop bien. »
09:27« Eh, monsieur le... »
09:29« Voilà, consomir. »
09:31« Alors, président, il parle du champagne à la coopérative ? »
09:41« Non, du champagne. Nous nous contenterons de faire du bon mousseux, allez. »
09:45« Mais ça, c'est une sûreté sûre. »
09:48« Ah, c'est une certitude. D'ailleurs, Marseille, la semaine prochaine à ce sujet, pour régler les derniers détails. »
09:53« Et je compte y rester une bonne dizaine de jours. »
09:56« Et à quoi il va rassembler, ce mousseur ? »
09:57« À du mousseux. »
09:59« Seulement, celui-là, il sera rose, comme nos couchers de soleil. »
10:02« Messieurs, je vous salue bien. »
10:04« Au revoir. »
10:09« Moi, je propose que quelqu'un aille voir ça, au cas où le curé se serait trouvé mal. »
10:23« Fernand, c'est toi le maire, c'est à toi d'y aller. »
10:26« La messe tardait à commencer. Pourtant, quelqu'un qui serait passé devant l'Église à ce moment-là aurait pu s'imaginer qu'à l'intérieur, on récitait une prière en commun. »
10:43« Mes chers amis, la situation est importante de gravité. »
10:59« Ce petit couillon de baptistin, je n'en parle pas vraiment. »
11:04« À vous aussi, monsieur le curé, il faut que je le dise. »
11:08« Alors, baptistin, ce paralytique de la cervelle, il a enfermé les vêtements, sa serre d'auto et le bain de messe dans le placard. »
11:17« Il a emporté les clés avec lui. »
11:21« Monsieur le curé, si vous voulez, je vais chez moi chercher une bouteille de vin blanc. »
11:24« S'il est aussi bon que la dernière fois, ton veille, tu peux te le garder pour assaisonner tes salades. »
11:30« Moi, j'ai une idée. À quoi penses-tu ? »
11:35« Je ne pense à rien. J'ai une idée. Je crois qu'elle est bonne, mais je ne suis pas sûr. »
11:43« Alors, tu vas nous faire languir longtemps. »
11:45« Je veux bien vous la dire, mon idée, mais je vous préviens, je ne sais pas si elle est bonne. »
11:51« Bon, écoute, si tu as une idée, tu l'as dit, et si tu n'en as pas, tu te reçois. »
11:55« Puisque vous le prenez comme ça, je me reçois. »
11:59« Puisque vous insistez, je vais vous dire l'idée de Félix. »
12:12« Il conseille, sans conseiller, qu'on sonne les cloches le plus fort possible. »
12:17« Je t'entends. Il vient de voir. »
12:22« C'est ça. Et alors on verra arriver les gendarmes et les pompiers qui se demanderont ce qui se passe. »
12:27« Bon, en fait, de toute façon, ça regarde M. le curé, ça. »
12:32« Eh bien, allons-y, sonnons les cloches. »
12:36« Oh, coquin de sort, tu entends les cloches ? »
12:40« C'est la messe qui commence, il y en a encore là. »
12:42« Qu'est-ce que je vais me faire bénir par M. le curé ? »
12:44« Nous vous expliquerons tout à l'heure. »
13:14« Je m'excuse d'être arrivé, mais je n'ai pas entendu mon réveil, vu que j'en ai même pas. »
13:34« Ce qui m'arrive, c'est vous qui l'avez voulu, Seigneur. »
13:37« Sans doute que vous avez déjà oublié de quoi je veux parler. »
13:40« Mais c'est normal. Vous pensez à tellement de choses que vous devez avoir la tête percée comme une passoire. »
13:45« Alors, mon histoire, elle a dû glisser dans un de vos trous. »
13:48« C'est pour ça que je me suis pensé qu'il fallait que je vous recommence tout, depuis le début. »
13:52« Voilà. L'autre jour, j'ai... »
13:54« Alors, bâtissette, tu as tellement de péchés sur la conscience que tu as l'adressé directement au bon Dieu, plutôt que de venir vers moi. »
14:03« Écoutez, s'il y a des curés, c'est qu'il existe un bon Dieu. Et dans la mesure où je peux m'adresser directement à lui, je ne vois pas pourquoi je passerai par un intermédiaire. »
14:10« Et puis, s'il faut tout vous dire, il y a un secret entre lui et moi. »
14:14« Mais en tout cas, c'est un secret pour personne que tu es arrivé en retard. »
14:20« Depuis des années que je sors la messe, c'est la première fois que ça m'arrive. »
14:23« Et pourquoi ? Qu'est-ce qui se passe ? »
14:25« Je me suis endormi. »
14:27« Bon, allez, tu ne vas pas me flammer. »
14:29« Je suis en prison, habitué à te lever à 4h du matin, tu te seras endormi. »
14:33« Mais justement, depuis une semaine, j'en ai perdu l'habitude de me lever tôt, vu que je me lève tous les jours à midi. »
14:38« Il faut vous dire que je me couche très tard dans la nuit. Encore plus tard que vous le pensez. »
14:43« Non mais raconte-moi, pourquoi ? Pourquoi tu me couches très tard ? »
14:46« Oui, que je vous le raconte. Pour que vous, de votre côté, vous alliez le raconter à tout le village. »
14:50« Et peut-être même encore plus loin. »
14:51« Non, non, non, non, non, non, non, non. Ce qui se passe, c'est mon secret. »
14:56« Ah, espèce de grande imbécile, tout le monde sait que tu es amoureux de Rose, la fille du président de la coopérative. »
15:02« Mais ça, je sais que tout le monde le sait. »
15:04« Mais ça, c'est mon deuxième secret. Mon vrai secret. Celui que personne ne connaît. »
15:09« C'est pas ça. »
15:10« Mais tu vas me le dire, ton secret, ou je t'escagarce devant le bon Dieu. »
15:13« Alors écoutez, si vous voulez que je vous parle de mon secret, ce sera dans le confessionnal. »
15:17« Comme ça, après au moins, vous pourrez... »
15:19« Bon, eh bien, allez-y, vas-y. Allez. Allez, c'est bien. »
15:35« Je t'écoute, mon fils. »
15:41« Voilà. Depuis quelque temps, je me disais que je ne pouvais pas me la marier, la Rose. Vous comprenez ? »
15:46« Je comprends que je comprends. »
15:49« Elle est fraîche, comme la pluie après une journée de chaleur. Elle est jolie comme la Provence au soleil. »
15:55« Quand tu auras fini de me parler de la pluie et du beau temps, tu me diras peut-être ton secret. »
16:00« Si vous me coupez tout le temps la parole, c'est pas la peine que je me confesse. »
16:03« Non, je t'écoute. »
16:05« Voilà. Depuis quelques jours, tous les matins, je me regarde dans une glace propre. Même pour être plus sûr de bien me voir, j'ai nettoyé la glace avec la buée de ma bouche. »
16:14« Et ce secret, tu vas me le dire. »
16:16« Oh, si vous êtes aussi pressé, on remettra ça une autre fois. »
16:20« Mais non, mais mon petit, non, mon petit, mais non. Viens, viens, viens, je t'écoute. »
16:25« Je sais qu'il existe des choses dans la vie qui, pour une fille coquette comme Rose, peuvent être les défauts de la figure. »
16:31« C'est pas que la figure change, mais ces choses font qu'on y pense moins. »
16:34« Elle donne l'impression qu'une démarche de paysan ressemble à celle de quelqu'un de la ville. »
16:38« Mais bien sûr, bien sûr. »
16:41« La chose qui peut transformer un paysan en mannequin des vitrines, moi, je l'ai. »
16:49« L'argent. »
16:50« L'argent ? Quel argent ? »
16:53« Le mien. »
16:55« J'ai vendu ta maison, malheureux. »
16:57« Oh non, j'ai beaucoup plus d'argent que le prix de ma maison. »
17:01« Tu as fait un héritage ? »
17:02« Si j'avais fait un héritage, vous le sauriez déjà. »
17:06« La femme du notaire est tellement basarête qu'elle serait allée à bicyclette le dire à toutes les fermes de la région. »
17:10« Tu as trouvé un trésor ? »
17:12« Dans ce cas, il faut très vite aller le dire à M. le maire. »
17:15« Mais qui vous parle de trésor ? Je suis riche. Et tout cet argent, il est à moi. Rien qu'à moi. »
17:24« Oh, Baptistein, c'est très grave, ça. Je crois que tu devrais aller voir un docteur. »
17:29« Qui ça, payadé ? Celui-là, que vous ayez la coqueluche, la scarlatine ou le choléra, il veut toujours vous opérer de l'appendicite. »
17:36« Tu es riche ? Mais si tu n'as pas fait l'héritage, si tu n'as pas trouvé un trésor, alors cet argent, mais mon Dieu, tu l'as volé ? »
17:49« Puisque vous m'avez presque traité de Bolaire, je ne vous le dirai plus. »
17:53« Baptistein, tu me réciteras deux paters pour ce que tu m'as dit. Et deux autres, tu n'as pas voulu me dire. »
18:09« Si je que tu le dis, j'espère que tu vas penser à notre chère Église. Depuis quelques temps, il y a la... »
18:19« Le soir de ce dimanche-là, il n'y avait pas que Baptistein qui n'arrivait pas à dormir. Le curé lisait son brévière. En fait, il recommençait à lire et à relire les lignes imprimées. Mais son esprit était ailleurs.
18:33Ce qui l'empêchait de se concentrer sur sa lecture, c'était le secret de Baptistein. Ou bien ce garçon avait la cervelle fellée et racontait des histoires, ou alors il disait vrai.
18:44Pour des raisons d'abord affectueuses et ensuite intéressées, il souhaitait que Baptistein soit vraiment riche.
18:50S'il possédait autant d'argent qu'il prétendait, son devoir serait d'aider la commune et surtout, réparer la toiture de l'église.
18:58« À nous deux, nous vos riches. »
19:28« Eh bien, il me reste un peu d'or comme un sauvage, entre. »
19:41« Poichiche, attends. »
19:45« Je ne sais pas si je ne te tiens pas compagnie, mais je pars demain pour quelques jours à Marseille. Il faut absolument que je remonte dans ma chambre pour défermer ma valise. »
19:59« Non, chaque fois c'est Rose qui me prépare mes affaires. »
20:02« Comme elle a toujours peur que je prenne froid ou qu'il me manque quelque chose à l'hôtel, elle me bourre ma valise d'un tas de vêtements dont je ne me sers jamais. »
20:08« Je la laisse faire, pas la contrariée. »
20:10« Dès qu'elle a le dos tourné, je remonte dans ma chambre pour retirer de la valise tout ce qui me paraît superflu. »
20:15« Qu'est-ce que j'ai fait de cet été ? »
20:17« Tu vois, je te raconte ça comme si tu étais de la famille. »
20:19« Ça me fait plaisir ce que vous venez de me dire. »
20:25« Quoi, donc que je retire mes vêtements de la valise ? »
20:26« Non, que vous me parliez comme si j'étais de la famille. »
20:29« Naturel, je t'ai pratiquement vu naître. »
20:32« Et puis j'avais beaucoup d'amitié pour ton père. »
20:35« Chaque fois qu'on s'est rencontrés, on se parlait. »
20:37« De loin, bien sûr, puisque lui, il était toujours quillé en haut d'un poteau télégraphique en train de poser ses fils. »
20:41« Alors comme il fallait que je lève la tête pour lui parler, je lui criais, « Vous êtes un grand homme ! »
20:46« Ça me faisait rire. »
20:47« Vous étiez au village le jour où il a eu son accident ? »
20:49« Ah, quand on m'a prévenu qu'il était tombé du haut d'un poteau,
20:55pour essayer de réconforter, mais quand je suis arrivé un peu cher, c'était trop tard. »
20:58« Et je crois que c'est à l'enterrement que j'ai vu ta pauvre mère pour la dernière fois. »
21:01« Eh oui. »
21:03« Après l'enterrement de mon père, elle est tombée malade de chagrin. »
21:06« Et elle ne s'en est plus jamais relevée. »
21:08« Tu as du mérite, Baptistein, de t'être levée tout seul. »
21:11« C'est pour ça aussi que je t'aime bien. »
21:13« Pour ma petite, elle, c'est différent. »
21:14« Quand sa mère est morte, moi, j'étais encore là. »
21:17« C'est vrai que vous m'aimez bien. »
21:20« Alors ça me donne du courage. »
21:21« Pour quoi faire ? »
21:22« Pour vous dire une chose qui m'arrive souvent en haut du gosier, mais qui redescend dès que je vous vois. »
21:27« Diable ! De quoi s'agit-il ? »
21:29« Tu veux faire partie de la coopérative ? »
21:30« Pour ça, il faudrait que tu t'achètes un peu de vignet. »
21:32« Oh, pour ça, j'en achèterai. »
21:34« Peut-être même la coopérative. »
21:36« Pas plus ! »
21:38« Allez, va, tu m'exposeras tes problèmes à mon retour de Marseille. »
21:42« Vous avez raison. »
21:43« Comme ça, je ne vous gâcherai pas votre séjour. »
21:46« Et puis, pour vous dire ce que je veux vous dire, »
21:47« Il faut d'abord que je mette mon costume du dimanche. »
21:50« Ah, tu n'as pas besoin de t'habiller en dimanche pour venir me parler. »
21:53« Tu es ici chez toi. »
21:54« Vous le pensez, ce que vous venez de me dire ? »
21:56« Bien sûr. »
21:58« Eh bien, vous me faites plaisir aujourd'hui, vous savez. »
22:00« Même que je regrette de ne pas avoir mis mon costume du dimanche, »
22:03« parce que je sens que les paroles que j'ai dans mon gosier, »
22:05« il ne faudrait pas beaucoup les pousser pour qu'elles sortent. »
22:07« C'est mon chien, Poichiche. »
22:10« Il a dû voir passer le facteur. »
22:12« Chaque fois qu'il le voit, il le boit après. »
22:14« Je sais. Poichiche, je ne sais pas un nom très distingué. »
22:20« Tout a commencé le jour où pour la première fois j'ai vu Marseille. »
22:24« J'avais décidé de rendre visite à la bonne mère de la garde. »
22:27« Avant de monter jusqu'à elle, j'ai acheté un kilo de Poichiche. »
22:29« J'étais rond comme des billes et dur comme des cailloux. »
22:33« Et je m'en suis mis plein dans les souliers. »
22:35« Ça faisait mal. »
22:36« Mais je me disais que la bonne mère, elle entendrait mieux mon vœu
22:38si je le demandais avec de la souffrance sous la plante des pieds. »
22:42« Et en allant prendre mon car pour le retour, j'ai été suivi par un petit chien. »
22:46« Il avait l'air aussi seul que moi. »
22:49« Je lui ai dit qu'il est baptistin, mais lui peu cher. »
22:52« Il n'a pas pu me dire son nom. »
22:53« Il ne s'en rappelait peut-être même pas. »
22:56« Alors en souvenir de mes pieds qui me faisaient mal, je l'ai appelé Poichiche. »
23:00« Bon, maintenant je te laisse. »
23:01« Il faut absolument que j'aille faire cette chose importante dont je t'ai parlé. »
23:04« Rose ne va plus tarder. »
23:05« Si tu veux la voir, attends-la cinq minutes. »
23:07« Au revoir, baptistin. »
23:08« Allez, au revoir, monsieur Cossemille. »
23:10« Et la prochaine fois, je mettrai mon costume du dimanche. »
23:12« Oui, si tu y tiens. »
23:34« Il y a longtemps que tu es là. »
23:44« Un petit moment. »
23:47« Tu sais, tu étais très amusant tout à l'heure quand tu te regardais dans la glace. »
24:04« C'est-à-dire que j'avais le torticoli. »
24:08« T'excuses pas. »
24:11« Je trouvais ça très sympathique. »
24:13« Et puis, il ne faut pas être gêné. »
24:14« Il y a longtemps qu'on se connaît. »
24:16« Oh, pour ça, oui. »
24:17« Moi, je... »
24:19« C'est vrai. »
24:21« Je te parlais des apôtres. »
24:23« Heureusement qu'au milieu de tous ces barbus, il y avait ta petite figure d'ange. »
24:27« Dis, tu crois pas qu'on est encore trop jeunes pour parler des souvenirs ? »
24:30« Oh, tu sais, moi, j'aime bien les souvenirs. »
24:33« Quel tissombo, c'est toujours ça de pris. »
24:36« Tandis que l'avenir, je me demande toujours ce que ça va être. »
24:41« En parlant d'avenir, je voudrais te demander une chose très importante. »
24:46« Même que rien que d'y penser, j'en ai la bouche sèche. »
24:48« Rose ! »
24:49« Oui, papa ! »
24:51« Je ne trouve pas ma caratte bleue. »
24:53« Celle que tu m'as offerte pour ma fête. »
24:55« Elle est dans la valise, regarde bien ! »
24:58« Je ne fais que ça, justement, je ne la trouve pas. »
25:01« Tu ne peux pas un peu venir m'aider, il y en a à chercher ? »
25:03« J'arrive ! »
25:04« Il va falloir que tu m'excuses. »
25:06« Il faut que je retrouve la cravate de mon père. »
25:09« Je suis vraiment perdu, cet homme. »
25:10« Vaille, je le comprends. »
25:12« C'est pas le tout. »
25:13« Je suis passé te voir pour que tu me fasses une commande, si tu en as une. »
25:15« Je voudrais un flacon de parfum. »
25:17« Le même que la dernière fois, soir de rêve. »
25:19« Tu t'en souviendras ? »
25:20« C'est comme si tu l'avais déjà. »
25:21« Mon père aurait pu m'en ramener de Marseille, mais il ne rentrera que dans quelques jours et je n'en ai plus. »
25:27« Ce parfum me convient très bien. J'espère que tu en trouveras encore. »
25:30« Oh, pour ça, oui. »
25:31« La dernière fois, j'ai demandé qu'il m'en mette dix de côté. »
25:34« Remarque, c'était pas possible, le marché, il n'en avait plus que trois. »
25:36« Alors je lui ai dit, faites-moi venir une bonbonne de Paris. »
25:40« Il m'a dit qu'il n'était pas sûr que ça se ferait, mais qu'il allait voir. »
25:43« Attends, je vais te donner de l'argent. »
25:44« Oh, tu sais, c'est pas très pressé, surtout maintenant. »
25:47« Il n'y a pas de raison, tiens. »
25:50« Ce soir, je te rendrai la monnaie. »
25:53« Et puis, je te dirai quelque chose d'important. »
25:56« Surtout pour moi. »
25:57« Ben alors, Rose, tu viens de la tomber, cette cravate. »
26:01« Je me mets les yeux à la chercher, moi. »
26:03« Excuse-moi encore une fois, il faut absolument que je monte voir mon père. »
26:06« Sans cela, il va me mettre tellement de panique dans l'air. »
26:10« Tu as raison. Assis-toi, Rose. »
26:12« C'est ça, c'est ça. Assis-toi. »
26:14« Rose, tu m'entends ? »
26:16« Je ne trouve pas ma cravate bleue. »
26:20« Ah, quand même, cette cravate m'a fait perdre au moins de trois kilos. »
26:29« Je vais te la trouver. »
26:32« Oh, papa, ta cravate, tu l'as portée sur toi en ce moment. »
26:36« Oh, mais c'est pas vrai. »
26:39« Je m'étais travaillée au café, oui. »
26:41« Ce travail, c'est moi qui vais l'avoir pour mettre de l'ordre dans tout ça. »
26:45« Et aussi, pourquoi tu ne viens pas quand je t'appelle ? »
26:48« J'étais avec Baptistein, je n'arrivais pas à m'en débarrasser. »
26:50« Il voulait me dire quelque chose. »
26:53« Avoir son air d'amour étransit, j'ai bien compris de quoi il voulait me parler. »
26:56« Ce que veux-tu dire ? »
26:56« Ce que tout le village dit. »
26:59« Ah bon ? »
27:01« Eh bien, c'est pas une faute, ça. »
27:03« Tu es une jolie fille, Rose. »
27:05« C'est normal que tu plaises au garçon de son âge. »
27:06« Oui, mais lui, il ne me plaît pas. »
27:08« C'est ça. »
27:09« Au fond, j'aurais bien voulu qu'il me fasse une déclaration. »
27:11« Ça m'aurait permis de lui chasser ses mauvaises idées. »
27:14« Je l'aurais empêché de me tourner autour comme il le fait. »
27:17« Mais il t'a pas manqué de respect ? »
27:19« Mais non, qu'est-ce que tu vas chercher ? »
27:23« D'ailleurs, c'est même plus agaçant que ça. »
27:25« À le voir faire, il m'exaspère. »
27:29« J'ai envie de lui donner une bonne leçon. »
27:32« Écoute-moi, Rose. »
27:34« Tu es une belle petite. »
27:36« Mais justement, à cause de cette beauté dont tu n'es pas responsable, »
27:39« tu risques d'être cruelle. »
27:41« Alors il faut te méfier de ne pas l'être trop. » »
27:43« Écoute, papa. »
27:45« J'ai plus cinq ans pour que tu me fasses la morale. »
27:47« Eh, je sais bien. »
27:49« Et c'est dommage pour Baptistein, parce que si tu avais encore cinq ans, »
27:51« Ça ne te ferait rien qu'il ne te fasse sauter sur ses genoux. »
27:54« On dirait que ça te fait plaisir qu'il me fasse la froue. »
27:57Moi ? Je suppose que dans l'idéal, ce que tu souhaites, c'est un garçon beau, riche, intelligent, instruit, le prototype de l'homme parfait.
28:08Alors moi qui suis ton père, eh bien, j'espère seulement que tu rencontreras un jour un garçon honnête, travailleur,
28:17si tu as de la fortune, eh bien, on se laissera faire.
28:23Quant au physique, je t'en laisse le choix.
28:26Tu ne voudrais tout de même pas que j'épouse Baptiste ?
28:29Mais non, ça c'est une idée tellement absurde que je suis fier de ne pas l'avoir une.
28:34Non, ce que j'essaie de te faire comprendre, c'est qu'on peut tout dire, mais à condition de le faire avec suffisamment de gentillesse pour ne pas faire de peine.
28:43Papa, quand on s'est fait une coupure sur la peau et qu'après on veut enlever le sparadrap qui la préserve, il vaut mieux l'enlever d'un coup.
28:50Ça fait très mal sur le moment, mais après on n'y pense plus.
28:52Et moi, je suis bien décidée à procéder de la même façon avec Baptiste.
28:56C'est un peu semblé facile de dire à quelqu'un qu'on l'aime, parce qu'au fond, on lui annonce ce qu'on lui veut du bien.
29:05Eh bien, si tu crois ça, pois chiche, tu te trompes.
29:08Je n'ai rien de plus impressionnant, surtout quand on n'est pas certain du sentiment de l'autre.
29:16Remarque, Rose, tu sais, je pourrais le faire de deux.
29:21Mais même dans ce cas-là, je serai encore le seul à aimer.
29:24Je venais apporter le parfum pour Rose.
29:39Ah, merci.
29:41Je te dois quelque chose ?
29:42Rose m'avait déjà donné des sous, mais ça faisait un peu plus.
29:45Ah bon, ben attends, je vais te donner la différence.
29:46Ça fait combien ?
29:47Va, il ne s'est pas pressé, surtout maintenant.
29:51Elle est déjà couchée, Rose ?
29:53Non, elle est au cinéma.
29:55Au cinéma ?
29:56Ah.
29:58Président, vous pourriez lui donner ces quelques fleurs ?
30:02Vous avez l'air de s'ennuyer sur le bord de la route.
30:05Alors, comme j'avais du temps, je les ai ramassées.
30:09Merci pour elle.
30:10Allez, au revoir, monsieur Cosemille.
30:13Au revoir, Baptiste.
30:13Qu'est-ce qu'il vous arrive ?
30:20Ah, te voilà enfin.
30:33Bonsoir, monsieur le culé.
30:36Et qu'est-ce qui vous arrive ?
30:37Je t'attendais.
30:38Il faut que nous ayons un entretien au sujet de ton secret.
30:42Je ne vois pas pourquoi.
30:42Puisque c'est un secret, c'est pas la peine d'en parler.
30:45Ah, si.
30:46Non.
30:46Si.
30:47Écoutez, ce n'est pas possible.
30:48Je vais au cinéma.
30:49Tu vas au cinéma ?
30:50Ben bon, très bien.
30:50Moi, je ne te lâche pas.
30:51Je t'accompagne.
30:53Et à quoi bon ?
30:54Nous sommes tout dit, redit cent fois.
30:57J'ai l'impression que nous reprenons une vieille pièce usée.
31:00Vous étiez fait pour être libre.
31:02Et moi, je t'ai faite pour être fidèle.
31:03Le plus drôle, c'est que nous n'avons pas changé à ce petit rien près.
31:10Vous êtes toujours fait pour être libre.
31:12Mais moi, désormais, je suis faite pour être heureuse.
31:16C'est un petit rien qui change tout.
31:18Tu veux que je te dise, je ne crois pas que tu sois riche.
31:28Au fait, quel âge a-t-il, le petit Walter ?
31:30Sinon, tu donnerais de l'argent pour faire réparer la toiture de l'église.
31:33Je l'ignore.
31:36Par ton silence, tu fais un péché d'imbécilité.
31:39Je le dirai dans la photographie.
31:41Je ne crois rien, ne baissez un peu la parole.
31:43Parce que si vous parlez fort, comme je la comprenneur difficile,
31:45je ne sais plus si c'est lui ou si c'est elle qui l'aime.
31:48Je ne sais pas.
31:51Si c'est vrai, ce que tu dis, je trouverai un moyen de te rendre charitable.
31:56Pas de réponse, donc pas de malentendu.
32:00Personnellement, je le déteste.
32:01Il est assez sympathique, j'en prie.
32:03Dis-moi sans indiscretion, qu'est-ce qui vous plaît en lui ?
32:06Il est mollet, le coup de cheveux.
32:09Pas de réponse.
32:18Ça t'a plu, Baptistein ?
32:26Ouais.
32:27Surtout au moment où il lui dit qu'il l'aime,
32:29il lui répond qu'elle ne l'aime pas.
32:31Là, ça m'a fait de la peine pour lui.
32:33C'est juste la figure de Baptistein, quand il te regarde.
32:39On dirait le ravi de la crèche.
32:41Alors, Bourigue, ça t'a bien plu, ce film ?
32:44Ça aurait pu me plaire.
32:45Il y a le curé qui n'arrêtait pas de parler à Boisvasse.
32:48On aurait dit qu'il récitait la messe.
32:50Alors, quel que tu veux, moi,
32:52je ne peux pas écouter la messe d'une oreille et le cinéma de l'autre.
32:54Ça vous a pas choqué, les scènes d'amour ?
33:02Pourquoi faudrait-il que ça me choque ?
33:04Si, grâce à Dieu, je pratique pas ces choses-là,
33:06je les ignore, tu ne m'aimes pas.
33:08Alors, s'il te plaît, garde tes réflexions pour toi,
33:11laisse-moi passer mon chemin.
33:12Je voulais pas vous empêcher de passer.
33:14Je me faisais juste du mauvais sang
33:15à l'idée que les scènes d'amour,
33:16elles pourraient vous piquer les yeux.
33:17Si vous voulez vous asseoir un instant,
33:24je vais vite chercher des miroirs dans ma chambre.
33:27Tu en as des fleurs ?
33:29Oh oui, c'est bien.
33:30À chaque fois qu'ils reviennent de la ville,
33:31ils me ramènent quelques fleurs des champs.
33:33Mais ça t'agace pas qu'ils te fassent la cour ?
33:35C'est un peu agaçant, oui.
33:37Mais comment faire pour l'autre ?
33:39On va avoir un moyen.
33:40Bah oui, mais quel moyen ?
33:42Lorsque ton père sera parti pour Marseille,
33:45tu n'auras qu'à faire Corabaptistin que tu l'aimes.
33:48Je pourrais jamais prétendre une chose pareille.
33:51Les mots ne sortiraient pas.
34:00Je crois avoir la solution.
34:03Je me propose de te servir d'intermédiaire
34:05et de faire la déclaration d'amour à ta place.
34:10Pas méchante,
34:12mais assez énorme
34:13pour que Baptistin soit définitivement découragé
34:15de te faire des avances.
34:17Nous allons organiser de fausses fiançailles.
34:20Ton idée ne m'emballe pas.
34:22Laisse-moi faire.
34:26Pour que la plaisanterie soit crédible,
34:28il faut des invités à ces fiançailles.
34:32Nous allons mettre tout le village dans la confidence.
34:36Pour convaincre les hommes,
34:36il suffira d'avoir la complicité de leurs femmes.
34:38Oui, mais comment ?
34:39Oui, comment ?
34:41Asseyez-vous.
34:44Demain, à 4h,
34:45je vais réunir toutes les femmes au lavoir municipal
34:47pour leur expliquer la situation.
34:49Ah, bonjour, monsieur le curé.
35:02Bonjour, madame Père Sechouin.
35:04Monsieur le maire est là ?
35:05Bien sûr qu'il est là.
35:07Fernand,
35:08il y a monsieur le curé qui te demande.
35:09Eh, bonjour, monsieur le curé.
35:14C'est le Mistral qui vous amène ?
35:16Bonjour, monsieur le maire.
35:17Non, je voudrais vous entretenir de quelque chose.
35:21Je n'en ai pas pour longtemps.
35:22Et qui désirez-vous entretenir ?
35:24Le maire ou l'ami ?
35:26Le maire.
35:27Alors là, si c'est le Mistral,
35:30ça je descends tout de suite.
35:32Mais,
35:33entrez dans la salle de maire,
35:34vous serez plus à votre aise pour m'entretenir.
35:35On parle ici, monsieur le curé.
35:36Remettez-vous, monsieur le curé.
36:04Qu'est-ce que je vous offre ?
36:05Rien, monsieur le curé.
36:06Rien ?
36:06Eh bien, je vous suis tout attentionné.
36:11Je suis venu vous dire que
36:12je m'étonne que vous n'ayez pas fait reconstruire
36:16la fontaine depuis un an
36:17qu'elle a été détruite par la foudre.
36:19Qu'est-ce qu'il vous prend ?
36:21Il me prend que ça me désole
36:23que le village n'ait plus sa fontaine.
36:27Ecoutez, mais si je comprends bien,
36:29vous êtes en train de me faire des reproches.
36:31Tout juste, Fernand.
36:32Ah non, ça c'est un peu fort.
36:34C'est comme si moi, je m'occupais de la toiture de votre église
36:38qui est en train de prendre la forme d'un hamac.
36:40Je viens vous proposer de réunir à 4 heures à la mairie
36:43les hommes du village.
36:45Peut-être il y en aurait-il un parmi eux
36:47qui voudra bien financer nos travaux.
36:50M. le curé, on n'est pas à Lourdes.
36:54Faites ce que je vous dis
36:55et peut-être vous serez surpris du résultat.
36:59Du moins, je le souhaite.
37:01Alors, vous voulez que je réunisse
37:02tout le conseil municipal ?
37:04Ah non, non, non, non.
37:05Pas le conseil municipal, non.
37:10Surtout, n'oubliez pas Baptistein.
37:12Surtout, n'oubliez pas.
37:42Avis, M. le maire demande conseil municipal
37:48à le village et surtout à Baptistein
37:51de se réunir à 16 heures
37:53dans la salle de réunion de la mairie.
38:02Les femmes sont invitées
38:03à se rendre à la même heure
38:04à la voie municipale.
38:06Les jeunes filles du village
38:07ont eu une communication importante
38:08à leur souveraineté.
38:19Avis, M. le maire demande conseil municipal
38:22et à tous les hommes du village
38:23et surtout à Baptistein
38:25de se réunir à 16 heures
38:26dans la salle de réunion de la mairie.
38:28Je vous ai réunis aujourd'hui
38:39pour vous tenir au courant
38:40de la situation catastrophique
38:43de notre commune.
38:45Et de notre église.
38:47Oui, et de notre église.
38:50Enfin, vous savez très bien
38:50que depuis que la foudre
38:52est tombée sur la fontaine,
38:53n'auront jamais eu
38:54les possibilités financières
38:55pour la faire réparer.
38:56Ni le toit de l'église.
38:59Eh oui.
39:00Il y a la torture de l'église
39:02qui s'affaisse chaque jour davantage,
39:04n'est-ce pas ?
39:05Alors voilà, je vous ai réuni
39:06pour vous demander votre avis
39:09et surtout vos finances.
39:12M. le curé est en train
39:14de faire la quête.
39:16Mais cette fois-ci,
39:17il veut qu'on y mette des gros seaux.
39:19Eh non, celui qui payera,
39:21on ne lui demandera pas
39:22de se ruiner.
39:23Non, mais ça vous ferait plaisir
39:24que je paye une fontaine
39:25qui ne sera même pas
39:26dans ma maison.
39:27Et toi, Baptistein,
39:30tu ne connais pas quelqu'un
39:31qui pourrait nous aider ?
39:33Ce serait sûrement un péché de vanité
39:35de dire que je connais
39:36tout le monde dans ce village.
39:37Et puis, on s'est habitués
39:39qu'il n'y ait plus la fontaine.
39:40Au fond, à quoi ça servirait
39:42toutes ces dépenses ?
39:44Mais enfin, il faut penser
39:45au progrès.
39:46Hein ?
39:47C'est à des Parisiens
39:48qui viennent visiter le village.
39:49Alors, c'est qu'ils aient
39:50trompé de route.
39:52Je suis sûre que plus tard,
39:53Baptistein en rira.
39:55Il risque surtout
39:55de rire aux gens.
39:58Moi,
39:59dans le fond,
40:02c'est un mauvais berceau.
40:03Mais personne n'est-il le contraire ?
40:05Allez, sous,
40:06explique-nous un peu
40:07comment tu vois la chose.
40:10Voyage jusqu'à la semaine prochaine.
40:12Je vais moi-même
40:13aller trouver Baptistein
40:14et je lui dirai
40:15que Rose est amoureuse de lui.
40:16Tu es sûre que Rose est d'accord ?
40:18Mais oui,
40:19on a préparé ce plat ensemble.
40:22Elle s'ennuie tellement le dimanche
40:23qu'elle voit là une occasion
40:23de se distraire
40:24et puis surtout
40:25de se débarrasser
40:26des avances de Baptistein.
40:28Puis on fait un petit peu.
40:30Je dirai à Baptistein
40:31qu'on fera les fiançailles
40:31au café du pays.
40:33Mais qui va les payer,
40:34les fiançailles ?
40:35Ben, chacun de nous
40:36paiera son repas.
40:37Parle pour toi, ma belle.
40:39Vous sortez jamais.
40:40Votre seule illustration
40:41le dimanche
40:41c'est de faire une promenade
40:42au cimetière.
40:44Pour une fois,
40:44ça vous rinera pas.
40:46Et puis on va bien s'amuser.
40:48On dira...
40:49Ce qu'il nous faudrait
40:50c'est un mécène.
40:58Il se pourrait même
40:59qu'il y en ait un
41:00dans cette salle.
41:02Et si celui que vous dites,
41:03M. le curé,
41:03serait dans cette salle,
41:04comment on le ferait
41:05pour le reconnaître ?
41:07On le reconnaîtrait
41:08par sa génération.
41:10C'est lui qui donnerait
41:11les fonds
41:11pour reconstruire
41:12la fontaine
41:13et la toiture
41:14de l'église.
41:15Si on le reconnaît
41:16parce qu'il paye,
41:17ça peut pas être moi.
41:18Je suis tellement pauvre
41:19que j'ai même jamais
41:20pu m'acheter un cochon.
41:22Quand on en tue un
41:23pour faire de la cochonnaille
41:24pour l'hiver,
41:25je me regrette
41:26que ce soit pas le mien.
41:27Faudi,
41:27quand tu as...
41:28...
41:29...
41:30tu laisseras peut-être
41:31la parole
41:31à quelqu'un d'autre.
41:32Hein ?
41:33Je me reconnais
41:33que c'est pas moi non plus.
41:35Moi, j'ai toute une
41:36sainte famille à nourrir.
41:37Et celui qui me coûte
41:38le plus cher...
41:40Si je vous parle du papé,
41:42c'est pour vous dire
41:43qu'il est à moitié paralysé.
41:44Il marche avec une canne
41:46et le pire,
41:47il veut toujours aller partout.
41:49Pourtant,
41:50je ne veux pas les sous
41:50pour y acheter
41:51une chaise roulante.
41:52Je crois que j'ai compris.
41:53Voilà ce que je me pense.
41:54Celui que vous parlez,
41:56c'est un peu comme
41:57si c'était...
41:58Exactement ça.
42:01Alors, je n'ai pas confiance.
42:03Parce que le Père Noël,
42:04je le connais
42:05et je n'y crois pas.
42:07Alors, celui que vous parlez,
42:09je pourrais le voir
42:09puisque je ne le connais même pas.
42:11Et toi,
42:26Bajesté ?
42:28Père Noël ?
42:31Le Père Noël,
42:32il y a tellement longtemps
42:33que je ne l'ai pas vu
42:33que je ne me rappelle
42:35même plus quel jour il passe.
42:37Si j'ai bien compris,
42:38je vais faire un travail.
42:40Tout juste.
42:43Et je compte sur vous
42:44pour faire accepter la chose
42:45par vos maris.
42:47Nos maris,
42:48ce sera facile.
42:50Mais le curé,
42:52ça, je n'y ai pas encore pensé.
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