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  • il y a 1 semaine
Suzane revient avec un troisième album : "J'avais envie de pouvoir tout dire"

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Transcription
00:00Bonjour Suzanne. Bonjour. Vous êtes autrice, compositrice et interprète. En 2020, vous avez reçu une victoire de la musique dans la catégorie révélation scène,
00:07amplement méritée avec les 450 concerts que vous avez faits, une tournée assez folle.
00:11C'est derrière un bar où vous avez officié, vous avez écrit vos premiers textes, un peu amers, déjà ô combien représentatifs de ce que vous ressentiez.
00:18Un mélange de joie de vivre, de colère, un besoin urgent de crier haut et fort ce que vous aviez sur le cœur, porté par l'affection pour ces chansons réalistes de Piaf, Brel, Barbara, Fréel.
00:27Celle que vous écoutiez enfant à la maison, ça s'appelle l'héritage de parents mélomanes.
00:33Alors oui, au départ, il y a bien eu la danse classique, mais vous avez vite compris que vous vouliez, vous, mener la danse, plus que vous ne souhaitiez qu'elle vous mène.
00:40Donc pas à pas, vous avez construit votre chemin avec comme seules armes un crayon et un micro.
00:44Le crayon pour formuler, le micro pour devenir une voix, celle que beaucoup n'osent pas élever.
00:48Et en peu de temps, vous êtes devenu justement cet artiste qui appuie là où ça fait mal, là où ça fait souvent mal, en assumant d'être féministe et je dirais même jusqu'au bout des ongles.
00:56Aujourd'hui, vous êtes de retour avec un troisième album intitulé Millenium.
01:00Il transpire l'urgence de vivre, l'importance de prendre le temps et parfois la peine de vivre ensemble.
01:06Et on va appuyer sur le mot peine qui a beaucoup de signification.
01:09Vous vous dépeignez dans cet album autant que vous dépeignez la société finalement.
01:15L'encre principale, c'est quand même vous, Suzanne.
01:17Je crois que c'est l'album le plus intime que vous ayez décidé de nous offrir.
01:20Vous nous racontez ce qui vous touche, ce qui vous affecte, ce qui vous révolte.
01:24Vous avez espéré gravir votre Everest, c'est-à-dire courir vers le bonheur et chercher une paix intérieure.
01:29Ça veut dire que vous avez déposé un peu certaines armes et un peu, on va dire, délesté votre sac à dos ?
01:36On dirait, enfin en tout cas, très belle présentation.
01:38Je suis à deux doigts de partir parce que tout est bien dit.
01:41Merci beaucoup d'avoir retracé le parcours.
01:43Je pense que dans cet album, j'avais envie de pouvoir tout dire.
01:49Non pas que dans les précédents, je n'ai pas tout dit, mais je crois que j'évolue.
01:53Que ma vie de femme fait aussi que j'ouvre un petit peu toutes ces choses que j'avais un petit peu fermées.
02:00Ne serait-ce qu'en écrivant « Je t'accuse » et en commençant par cette chanson-là pour présenter cet album.
02:06J'ai l'impression de me libérer, de libérer encore un peu plus ma plume.
02:09De ne pas en avoir peur parce que c'est vrai qu'être féministe aujourd'hui, je l'étais déjà à 7 ans et demi.
02:17Mais je pense qu'à 30 ans passés, on voit que le féminisme prend beaucoup de place aujourd'hui.
02:23Mais on voit que le masculinisme monte un petit peu en même temps.
02:26Donc voilà, je pense que c'est essentiel de continuer d'écrire ces chansons-là.
02:30De parler de la vie d'une femme pour les femmes.
02:33Et voilà, je suis assez fière de cet album.
02:37J'espère qu'il résonnera chez les femmes, mais aussi chez les hommes et chez beaucoup d'autres gens.
02:42Il y a le fait d'être féministe et le fait d'être virile depuis qu'on est petite.
02:47Vous le revendiquez, ça.
02:48Vous dites « Oui, j'ai toujours été virile, je suis une fille virile. »
02:51Et non, je n'ai pas envie de changer de trottoir quand on m'indique qu'il faut changer de trottoir.
02:55Je n'ai pas envie de baisser le regard parce qu'on me demande de baisser le regard.
02:58Je suis comme ça.
02:59Ma mère le savait déjà aussi très tôt.
03:02On est obligé d'avoir un petit côté, justement, un peu viril, un peu testostéroné pour affronter.
03:08C'est une vraie question, ça, Suzanne ?
03:10Je pense que le viril en soi, alors peut-être que moi, je l'appuie encore un petit peu plus
03:15parce que j'ai ce côté-là depuis que je suis gamine.
03:18Ma mère m'a emmenée dans les magasins pour aller chercher des robes et être dans un truc très genré.
03:22Et moi, malheureusement, je n'étais pas très emballée.
03:26Donc, je pense que c'est mes premiers rapports à la féminité où je me disais « mince, tu n'es pas une vraie fille ».
03:32Les gens avaient tendance à me dire que j'étais un garçon manqué parce que je jouais beaucoup au foot,
03:37que j'avais la casquette à l'envers.
03:39Et oui, effectivement, j'avais un petit look où moi, je me sentais juste libre dans mes freins,
03:43que je n'étais pas un garçon ou une fille, peu importe.
03:45Et là, quelques années plus tard, un jour, je décide parce qu'on a souvent des adjectifs qui sont accolés aux femmes
03:53et puis des adjectifs pour les hommes.
03:55Et c'est rarement mixte.
03:56On peut rarement les switcher.
03:59Un jour, je tape le mot viril pour voir quelle est vraiment la vraie définition du mot viril.
04:04Je vois qu'on ne peut pas forcément ajouter de « e » déjà à « viril » et ça m'embête un peu
04:08parce que finalement, quand je lis la définition du mot viril, c'est puissant, courageux, fort.
04:13Puis je pense à toutes les femmes qui sont autour de moi, toutes les femmes du monde.
04:20Et je me dis, ne sont-elles pas courageuses, puissantes, fortes ?
04:23En fait, elles sont viriles aussi, quoi, si on doit vraiment prendre la racine du mot.
04:27Donc je me suis permise de nous attribuer, à nous aussi, cette virilité,
04:32parce que c'est pas que la virilité d'ailleurs n'est pas que toxique
04:35et qu'elle ne sert pas que la masculinité toxique.
04:39Je pense qu'être dire « je suis forte, je suis courageuse, je suis puissante,
04:43je le dis dans cette chanson virile. »
04:45Et d'ailleurs, je dis que je suis virile, mais que toutes les autres femmes le sont aussi
04:49quand elles défendent leurs droits, quand elles bossent comme des patronnes,
04:53quand elles font tout, voilà, comme font les femmes en fait.
04:56Il y a une dualité chez vous, Suzanne ?
04:58Sûrement.
04:59C'est-à-dire qu'à la fois, vous affrontez ce que peu arrivent à affronter,
05:03parce que vous êtes devenue une voix aussi.
05:05Vous parlez à la place de beaucoup de personnes qui ne peuvent pas le faire.
05:08Et en même temps, dans la chanson « Je t'accuse » où vous montrez du doigt
05:12justement un système judiciaire qui est dramatique,
05:16vous vous incluez aux prénoms que vous donnez des personnes,
05:20des femmes qui ont vécu des violences, soit psychologiques, soit sexuelles.
05:24Mais en même temps, vous n'avez jamais vraiment abordé le sujet.
05:27C'est assez étonnant, ça.
05:29Je pense que ce sujet, le « Je t'accuse », ce mot aussi, il a été très dur.
05:35Finalement, je pensais me cacher derrière des prénoms de femmes.
05:39Et ce mot aussi, il a fallu que je le crache aussi dans cette chanson.
05:44Qui est partie de Gisèle Pellicot ?
05:45Qui est vraiment partie de l'histoire de Gisèle Pellicot ?
05:46Alors, je pense que c'est...
05:49Pas vraiment.
05:50Je pense que ça part de mon histoire intime
05:52qui s'est arrivée dans ma vie de femme,
05:56il y a quelques années déjà.
05:58J'ai mis du temps à en parler.
05:59Déjà, j'ai mis du temps à accepter moi-même ce qui était arrivé.
06:02J'étais encore sous le choc, je pense, pendant des années et des années.
06:06La honte, la culpabilité,
06:09tout ça a fait que j'ai eu du mal à mettre des mots tout de suite là-dessus.
06:13Et je pense que le procès de Gisèle Pellicot
06:15m'a juste aidée, comme beaucoup d'autres victimes, je pense,
06:19à avoir le courage de me dire déjà,
06:23de me reconnaître moi-même en tant que victime,
06:25de ne pas passer à poser un mouchoir dessus
06:27et de dire, bon, dans la vie d'une femme, malheureusement,
06:29ça arrive, ça existe et puis je me tais
06:32et puis je continue ma vie.
06:34Je pense que le fait que Gisèle ait enlevé ce huis clos
06:40et qu'elle n'ait pas honte d'aller affronter tous ces agresseurs,
06:46je pense que ça a donné beaucoup de force à plein de gens,
06:49plein de victimes.
06:49Et donc, moi, le Je t'accuse, à cette période, c'était en 2024.
06:53Je ne sais pas si c'est lié à tout ça,
06:54mais en tout cas, j'avais beaucoup de flashbacks,
06:55j'avais beaucoup de remontées de cet épisode.
07:00Soit ça continuait, j'allais voir un psy,
07:03enfin, en tout cas, il fallait que je m'aide à ce moment-là,
07:05mais de façon un peu urgente, quoi.
07:06Donc, le premier outil qui est arrivé, c'était un piano.
07:10C'était chez moi, entre quatre murs.
07:12Cette chanson a failli ne jamais sortir, je le dis,
07:15parce qu'à la base, je l'ai écrite pour moi.
07:18Je ne l'ai pas écrite vraiment pour la partager.
07:20Et avec le temps, en fait, je pense que la colère
07:22a repris le dessus, quand j'ai vu dans les médias
07:25qu'il y avait encore beaucoup de témoignages
07:29concernant les violences sexistes et sexuelles.
07:31Je pense que la colère a commencé à monter
07:33et à dépasser la pudeur.
07:36Donc, à ce moment-là, je pense que j'ai pris cette chanson
07:38et je me suis dit que j'allais la porter.
07:41Ça n'a pas été évident, mais il a fallu que je la porte.
07:43Vous parlez de vous, beaucoup, avec pudeur, toujours.
07:47Vous revenez souvent, effectivement,
07:48sur ce qui vous a toujours touché,
07:50mais vous dites quelque chose de très fort
07:52qu'on ne pensait pas forcément entendre dans votre voix.
07:54C'est qu'effectivement, vous avouez
07:55que vous courez après le bonheur
07:56et que votre Everest, c'est la paix intérieure.
07:59C'est un long chemin, ça ?
08:01Je crois que c'est le plus long.
08:03Enfin, je ne sais pas.
08:04Je ne sais même pas à quel endroit du chemin je suis.
08:08Je ne sais pas si c'est tous les artistes
08:09qui sont comme ça,
08:10mais est-ce qu'on ne choisit pas d'être artiste
08:12quand on sent qu'à l'intérieur,
08:16il y a quelque chose qu'il faut combler ?
08:19Je ne sais pas, en fait.
08:20Plus je grandis, plus je me dis qu'il y a une espèce de quête
08:23de paix intérieure,
08:26parce qu'à l'extérieur, en tout cas, je ne la trouve pas.
08:28Donc, au moins, à l'intérieur, ce ne serait pas mal.
08:32Voilà.
08:33Est-ce qu'il faudra un jour que j'aille vivre
08:36au fin fond de la lausère,
08:38qu'avec des plantes et des animaux,
08:41ça pourra arriver, je pense, un jour ?
08:43Mais là, en tout cas, pour le moment,
08:44les chansons me font du bien.
08:46Je sais qu'elles ne changent pas le monde, les chansons,
08:47mais au moins, elles réunissent les humains
08:49qui les écoutent.
08:50Et je pense qu'on est dans un moment
08:52où on a besoin d'être unis, encore plus.
08:55Et je pense qu'on est dans unis, encore plus.
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