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  • il y a 2 jours
L'artiste engagée Suzane revient sur le tournage marquant de son clip "Je t'accuse". À travers son nouvel album, elle parle aussi de la génération des millenials dont elle fait partie.

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Transcription
00:00Elle pleurait derrière sa caméra.
00:02C'est la première fois que je me retrouve face à un chef-op qui craque.
00:06Comment s'est déroulé le tournage du clip « Je t'accuse » ?
00:09Le tournage du clip de « Je t'accuse » c'était, je pense,
00:13un des plus grands moments de ma vie d'artiste et de ma vie de femme aussi.
00:18Je vais dire que ça a été en même temps chamboulant et en même temps libérateur.
00:24On s'est retrouvés sur ce plateau avec Andréa Bescon,
00:26qui déjà était pour moi une figure féminine et féministe qui m'inspirait.
00:31Quand on s'est retrouvés sur ce plateau avec toutes ces femmes, ces hommes,
00:35que ce soit des victimes publiques ou anonymes,
00:38il y avait Caroline Darian, Charlotte Arnoux, Catherine Ringer,
00:42en tout cas c'est des femmes qui portent ces combats-là aussi.
00:45C'était très intense en termes d'émotion.
00:47C'était un moment où j'ai senti que c'était une chanson qui n'était plus à moi déjà,
00:52qui était plus grande, qui avait une dimension qui m'échappait un petit peu.
00:56Et moi j'ai senti en tout cas ce que ce jour-là,
00:58tout ce poids que je portais sur mes épaules depuis quelques années,
01:04après avoir vécu des violences sexuelles,
01:08je me libérais et j'avais la sensation en tout cas que les gens autour de moi,
01:13c'était à peu près le même sentiment.
01:15Donc c'était un très beau moment, dur en même temps tellement beau.
01:18Même la nana, Paloma pardon, qui me filmait, qui était la chef-hop,
01:24parce qu'il y avait beaucoup de femmes ce jour-là en technique,
01:27elle pleurait derrière sa caméra.
01:30C'est la première fois que je me retrouve face à un chef-hop qui craque.
01:35Je crois qu'on a un peu tous craqué ce jour-là,
01:37mais c'était des pleurs en même temps, exutoires.
01:43En tout cas, on laisse sur ce plateau les choses qui nous ont noirci,
01:46qui nous ont abîmées et on en ressort fiers et à tête haute.
01:50Je pense que ça restera le tournage de clips le plus intense,
01:54que je n'en vivrai pas des plus intenses après.
01:57En tout cas, émotionnellement, je ne crois pas.
02:00Tu t'attendais au temps de retour ?
02:02Les gens se la sont appropriés.
02:03J'ai trouvé ça très beau.
02:05J'avais un petit peu peur des commentaires sur YouTube
02:06qui ont peut-être des réactions masculinistes un peu dures
02:09ou des gens qui ne comprennent pas que je m'attaque directement à la justice.
02:13Mais en fait, il n'y a pas eu ça du tout.
02:14Il y a eu beaucoup de témoignages et beaucoup de réconfort.
02:17C'est presque une safe place, l'endroit des commentaires.
02:21Aujourd'hui, une chanson, comme je t'accuse,
02:23elle ne passera jamais en radio
02:24parce que c'est peut-être un peu dur d'écouter ça en radio.
02:27Mais c'est le public qui l'a fait vivre.
02:28Tout simplement, c'est le public qui l'a nourrie,
02:30qui lui donne une résonance.
02:32Mais aujourd'hui, elle n'est plus vraiment à moi, cette chanson.
02:34Je ne suis que le vecteur de ce message-là.
02:39Et j'ai hâte de la jouer en salle, particulièrement cette chanson.
02:42Parce que là, le clip est sorti, etc.
02:43Je vois que la chanson continue de grandir dans les oreilles des gens.
02:47Mais j'ai vraiment hâte de la jouer dans des salles avec des vrais gens.
02:51Et c'est ce qui s'est passé là déjà sur la place de la Bourse.
02:54Et je voyais des personnes me dire,
02:57chanter les paroles, des gens, des « merci ».
02:59Mais c'est plutôt moi qui ai envie de leur dire merci aussi.
03:01Puisque sans eux, ma voix serait seule et pas entendue.
03:05La parole est de plus en plus libérée, mais est-elle écoutée ?
03:08Non, pas assez.
03:09D'ailleurs, c'est un peu le constat que je fais dans cette chanson, finalement.
03:12Parce que j'ai déjà écrit des chansons féministes bien avant « Je t'accuse ».
03:15Et je repense à la période MeToo avec SLT.
03:19Je dénonçais le harcèlement de rue,
03:21le harcèlement que subissent les femmes tout court dans leur vie.
03:23Cette chanson-là, elle arrivait pendant MeToo.
03:25Donc, on était sur ces questions de harcèlement, etc.
03:28On commençait à dire « la parole se libère ».
03:31Quelques années après, on en est où ?
03:32Concrètement, moi, je trouvais que les choses…
03:34Il y avait peu d'action, en fait, par rapport aux violences faites aux femmes
03:37ou aux violences sexuelles tout court.
03:40Donc, c'est pour ça que j'ai décidé de me dire à qui on doit s'attaquer.
03:44En fait, c'est qui la dernière personne sur l'échelle de…
03:48Qui décide de tout ça ?
03:49Qui décide des lois ?
03:50Qui décide de protéger les victimes ?
03:52C'est la justice.
03:53Donc, je sors cette chanson, en plus, le même jour
03:55où la Cour européenne des droits de l'homme
03:57condamne la justice française pour sexisme et manquement.
04:01Donc, voilà, je pense que mon sentiment était légitime.
04:04Et quand la justice devient injustice,
04:06il faut quand même le dire à un moment donné, quoi.
04:08Donc, là, les victimes cherchent justice
04:10parce que ce n'est pas moi qui dis que la justice ne fonctionne pas.
04:13C'est les chiffres.
04:14Quand on sait que 96 % des plaintes sont classées sans suite,
04:18ce classé sans suite, en fait, on le voit beaucoup plus marqué
04:21que condamné ou condamnation.
04:24Des condamnations, il y en a très, très peu.
04:26On le sait.
04:27Donc, il y a tout un système à changer.
04:29Donc, cette chanson, elle sait aussi quelle sera la suite.
04:31Après, je t'accuse.
04:33Comment décrirais-tu la génération des millenials ?
04:36Ah ben, moi, je suis en pleine dents.
04:37Je veux dire, j'en fais partie.
04:38Je suis un enfant des années 90,
04:41comme je le dis dans la chanson,
04:42qui a connu le monde sans Internet.
04:45Aujourd'hui, tout tourne autour d'Internet.
04:47Donc, je pense que les millenials,
04:49on est un peu ces gens à qui on ne sait pas donner d'âge.
04:52On est un peu là entre deux chaises, entre deux générations.
04:57On sait qu'on a une place à trouver dans la société.
04:59En même temps, on sait qu'on nous a vendu un monde qui n'existe plus
05:01ou qui n'existe pas.
05:03J'ai l'impression qu'on se libère un peu de tous ces schémas
05:07qu'ont pu avoir nos parents.
05:09En même temps, j'ai un frère de 18 ans qui, lui, est sur d'autres questions.
05:12Est-ce que moi, j'ai envie vraiment d'avoir un CDI ?
05:14Travailler pour le même patron toute ma vie ?
05:17Est-ce que je vais trouver un job ?
05:18Enfin, nous, déjà, notre génération, à nous,
05:20elle est arrivée sur le marché du travail
05:21quand il n'y avait plus de travail.
05:23Alors qu'on nous a dit, si tu travailles bien à l'école,
05:25tu seras sûre d'avoir un travail.
05:27Première désillusion.
05:29J'ai plein de potes qui ont des bacs plus je ne sais pas combien
05:31et qui n'ont rien du tout.
05:32Les millenials, je pense qu'on est une espèce un peu spéciale.
05:35Vu que nos schémas ne tiennent pas la route,
05:37les schémas qu'on nous a donnés ne tiennent pas vraiment la route,
05:40je crois qu'on est toujours en train d'essayer
05:42de trouver où est-ce qu'il faut se mettre.
05:44Je sais qu'il y a des gens qui ont des enfants,
05:46il y en a qui n'en ont pas,
05:48mais j'ai l'impression qu'on se juge moins.
05:51Les esprits s'ouvrent quand même
05:52et j'ai l'impression qu'on fait partie de cette génération
05:54qui accepte de devoir changer les choses.
05:57On a tendance à dire que les millenials
05:58et ceux qui arrivent après,
05:59ils s'en foutent un peu de tout et tout,
06:01mais je ne crois pas.
06:02Moi, je crois qu'on est plus dans des questions
06:03où, justement, on apprend des erreurs passées,
06:07on essaye de recréer tout un système,
06:10tout un monde qui fonctionnerait mieux
06:12et où on arrêterait d'entendre tout le temps
06:14c'est bientôt la fin.
06:16C'est bientôt la fin.
06:17Merde !
06:17C'est la fin, c'est la fin de la teule.
06:18J'ai l'impression parfois d'arriver
06:19dans une fête terminée.
06:22J'en parle dans le lendemain de fête,
06:23c'est vraiment ce truc où les gens sont passés avant,
06:26ils ont foutu un dawa pas possible
06:27et nous, on arrive au moment où il faut nettoyer.
06:30Mais nous aussi, on veut vivre
06:32avec un peu d'insouciance et de légèreté.
06:34Donc j'espère qu'on arrivera à trouver le moyen.
06:36Qu'est-ce que tu dirais à la Suzanne de 2005 ?
06:40N'aie pas peur d'être qui tu es,
06:42d'aimer qui tu veux,
06:44d'être la femme que tu veux,
06:45le modèle que tu choisis,
06:46parce que je pense qu'il y a plein de modèles de femmes
06:49et qu'on peut être justement un modèle unique
06:51plutôt qu'un modèle unique.
06:53Il n'y a plus qu'un modèle unique,
06:54on est chacune authentique.
06:56Et donc c'est ça que je lui dirais,
06:57n'aie pas peur de vivre ta féminité
06:59comme tu le souhaites.
07:00N'aie pas peur d'être libre aussi dans ce monde
07:02qui te bloque parfois dans des cases.
07:06Je crois que c'est un peu tout ce que je raconte
07:08finalement dans le disque.
07:10D'ailleurs, je commence par cette chanson
07:11« Marche ou rêve »
07:12où je regarde un peu dans le rétro
07:13l'adolescente à qui on a dit
07:15« Tu n'y arriveras pas, il faut un job,
07:18et tu n'as pas de diplôme,
07:19et tu ne vas pas y arriver, etc. »
07:21Aujourd'hui, je crois que je suis toujours très étonnée
07:25de voir où je suis arrivée,
07:26mais je crois que c'est parce que j'y ai cru.
07:28Et donc je lui redirais à cette jeune fille
07:32« Ne perds pas cette niaque et cette envie »
07:37parce que je crois que dans la vie,
07:38ce qui fait tout, c'est l'envie.
07:41Qu'il ne faut pas perdre, surtout pas.
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