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Anne Fulda reçoit Anne Berest pour son livre «Finistère» dans #HDLivres

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00:00Bienvenue à l'heure des livres Anne Bérest, on est ravis de vous recevoir.
00:05Alors on n'a pas vraiment besoin de vous présenter parce que d'ailleurs vous êtes un peu un petit phénomène de la littérature,
00:09même un grand phénomène, parce qu'en quelques livres à peine, vous êtes installé dans le paysage littéraire français,
00:15notamment avec votre avant-dernier livre La carte postale qui a eu un succès international.
00:20Il faut le souligner, ça n'arrive pas tous les jours.
00:22Alors là, vous revenez avec un très beau livre qui s'appelle Finistère, qui est paru chez Albain Michel,
00:27qui est un peu le pendant, la suite de ce livre, La carte postale.
00:34C'est un livre qui est comme un hommage, une lettre d'amour à votre père et aussi une recherche sur votre famille,
00:40mais cette fois non pas côté est de l'Europe, mais du côté de la Bretagne.
00:47Alors pourquoi ? D'ailleurs vous le dites, c'est amusant, dès le début du livre,
00:53en fait d'une certaine façon, c'est votre père que vous décrivez comme un homme taiseux qu'il fallait déchiffrer,
00:58qui vous a demandé finalement implicitement de regarder aussi l'histoire de son côté,
01:05chose qui visiblement vous n'avez pas traversé l'esprit jusqu'alors.
01:10C'est vrai et j'aime bien que vous employiez ce mot implicitement parce qu'il est très juste.
01:14Mon père était un taiseux, il disait peu de choses et parfois il fallait les deviner.
01:19Et vivre avec un taiseux vous apprend à entendre ce qu'il y a dans le silence.
01:26Et d'une certaine façon, oui, il m'a envoyé cette lettre qui disait, je vais la résumer avec mes mots à moi,
01:31tu as parlé de la famille de ta mère et nous les Bretons, est-ce que nous les paysans bretons
01:38n'aurions pas nous le droit aussi à un roman ?
01:41Et je m'y suis plongée avec bonheur, délice et j'y ai appris beaucoup de choses.
01:49Oui, et alors ce qui est intéressant c'est qu'il y a des parallèles dans les deux livres.
01:54Il y a cette quête, cette recherche familiale.
01:56Il y a aussi le fait qu'on part à chaque fois quand même d'un support écrit.
02:00Alors dans l'autre livre c'est une carte postale mystérieuse.
02:02Là c'est un cahier Oxford qui a été rédigé par votre grand-père, Eugène, et qui donne comme ça des indices.
02:12Et c'est comme une enquête là aussi quand même, l'air de rien, que vous avez mené.
02:16C'est vrai, c'est vrai, je ne m'en suis pas rendue compte en faisant ce livre.
02:20Mais à chaque fois cela part d'une trace du passé qui survit dans le présent.
02:26Et là ce sont des cahiers, les cahiers d'Eugène, mon grand-père qui à la fin de sa vie, alors qu'il était malade, qu'il était halité, qu'il ne pouvait plus marcher, pouvait encore écrire.
02:38Et dans un cahier, il a laissé ses mémoires de jeunesse, de sa vie, sa vie d'enfant à Saint-Paul-de-Léon, d'adolescent.
02:50Et après, oui, d'adolescent quand il vient à Paris sous l'occupation.
02:53Et il y a laissé des anecdotes que je n'aurais pu, moi-même, ni deviner, ni inventer.
03:01C'est pour ça que j'encourage les gens à écrire, à écrire leur mémoire, à écrire qui ils ont été, ce qu'ils ont vécu enfant.
03:12Parce que c'est du miel pour les enfants et les petits-enfants.
03:16Alors, ce qui est intéressant, c'est qu'à travers des destins personnels, ceux de Jeanne, père et fils, puis de votre père,
03:24en fait, on voit, on traverse la grande histoire.
03:27Donc, il y a l'essor du syndicalisme avec la création d'une coopérative.
03:31Il y a évidemment la guerre, toujours, qui revient.
03:35Il y a l'occupation, il y a mai 68 aussi, l'engagement politique, qui est un fil rouge, d'ailleurs, à travers les générations.
03:43Puisqu'il y a eu un maire en Bretagne.
03:47Après, il y a votre grand-père, qui est syndicaliste.
03:52Votre père, ce que vous découvrez, a été un militant trotskiste.
03:57C'est intéressant.
03:57En effet, ce qui me plaît, c'est de déployer une saga familiale, et sur plusieurs générations,
04:04de voir ce qui se répète, ce qui se joue, ce qui...
04:09En fait, de quoi hérite-t-on ?
04:11Et dans cette famille, je me suis rendue compte que, bien sûr, trois générations,
04:15les hommes, alors les femmes aussi, mais ce livre-là est plutôt dédié aux hommes.
04:21J'ai dédié d'autres livres aux femmes, celui-là est dédié aux hommes.
04:23Et on voit qu'ils ont hérité de l'engagement politique, mais dans ce qu'il a de plus pur,
04:30dans cette nécessité de vrai pour les hommes.
04:34Et donc, c'est vrai que ça commence avec les débuts du syndicat.
04:37Et ça, c'est quelque chose qui m'a passionnée, de découvrir comment on crée un syndicat.
04:43Alors, mon arrière-grand-père n'est pas le seul, ils sont plusieurs,
04:45à créer le premier syndicat des Paysans du Léon.
04:48Et ça roule comme ça, de père en fils.
04:51Mon grand-père Eugène, alors il y a deux Eugènes, en effet,
04:54qui va devenir maire de Brest, députée du Finistère,
05:00qui va entièrement s'engager dans une vie entière pour défendre la Bretagne.
05:04Et vous avez raison, cette chose que je découvre, que je ne connaissais pas,
05:08qui était le passé militant de mon père,
05:11et j'ai plongé dans ce qu'on appelle aujourd'hui les années 68.
05:15Mais ce qui m'a intéressée, c'est, parce qu'on connaît mes 68,
05:20mais on connaît à Paris.
05:22Oui, c'est là, tout est vu de Bretagne.
05:23De Bretagne.
05:24Et en fait, mes 68 a eu lieu partout en France.
05:28Et j'ai trouvé ça très intéressant de bifurquer, de faire un pas de côté,
05:33et de regarder ce qu'a été mes 68 dans ce cas-là, à Brest.
05:37Alors, vous l'évoquiez à l'instant, il y a aussi ces travaux que vous aimez faire
05:42sur la transgénéalogie, en fait, ces recherches là-dessus,
05:47sur ce qu'on transmet, ce dont on hérite, consciemment ou inconsciemment.
05:53Et là, finalement, au bout de ces recherches, de cette écriture,
05:57vous avez pris conscience que vous avez hérité de quoi ?
06:02De ce côté paternel, qui est très présent également,
06:05que d'ailleurs, vous portez le nom, Brest.
06:06Il y a des restes, tout à fait.
06:09Donc, moi, ce qui me passionne, et c'est pour ça que mes livres parlent de la famille,
06:14ce n'est pas pour parler de ma famille,
06:15mais c'est pour parler de ce que c'est qu'un arbre généalogique.
06:19Qu'est-ce qui se transmet ?
06:20Ce que j'appelle les transmissions invisibles.
06:22Les légendes, les choses que l'on dit, que l'on ne dit pas,
06:26ce dont on hérite sans en avoir conscience.
06:29C'est ce que j'appelle les transmissions invisibles,
06:31c'est-à-dire ce que nos ancêtres nous donnent,
06:34alors que nous ne le savons pas consciemment.
06:37Et en faisant ce livre, je me suis rendue compte,
06:40oui, que j'avais hérité de certains traits du caractère breton,
06:46et notamment une chose qui me plaît beaucoup,
06:51qui est une expression que je ne dirai pas en breton,
06:54mais en français,
06:55qui est, il faut mener le sillon au bout.
07:00Voilà, et je pense que moi, j'ai hérité de ça.
07:03Je n'arrête pas les choses en chemin.
07:05D'ailleurs, c'est l'un de vos grands-pères qui était membre du Sillon.
07:09Exactement, qui a créé ce mouvement très important, social,
07:15et qui est très connu en Bretagne, peut-être moins ailleurs,
07:19mais qui, en ce début du XXe siècle,
07:21a vraiment œuvré à travers la collectivité
07:24sur l'idée d'un rapprochement de la République et du catholicisme,
07:29et surtout, qui est à l'origine de ces syndicats des agriculteurs bretons.
07:36Alors, vous disiez, ce travail sur l'arbre généalogique,
07:40dans les choses qui se reproduisent,
07:42c'est d'ailleurs une théorie dont vous parle votre père,
07:46enfin, il le dit de façon plus élaborée,
07:47parce que c'est un bâtimenticien, c'est un rationnel,
07:51c'est la théorie de la bifurcation, en fait,
07:54c'est-à-dire que les enfants qui ne vont pas où on les attendait.
07:57Exactement.
07:58Et ça, vous aussi, vous n'avez pas échappé à la règle.
08:02Exactement, donc, chez lui, la théorie de la bifurcation,
08:04ça a été un des travaux mathématiques,
08:06et quand il m'a parlé de ces travaux,
08:08auxquels je ne comprenais rien,
08:10moi, ça m'a tout de suite évoqué l'idée qu'en effet,
08:13dans cette famille, dans les choses qui se répètent,
08:16c'est l'idée qu'on fait un pas de côté.
08:18Nous ne sommes pas exactement les enfants dont nos parents ont rêvé.
08:23Nos parents, à chaque fois, de père en fils,
08:26de génération en génération,
08:27avaient une sorte de désir pour les enfants,
08:29et nous, on ne fait pas exactement ce qui est attendu de nous.
08:32Ce qui crée à la fois des chagrins,
08:34entre parents et enfants,
08:36mais qui, en même temps,
08:37permet à chacun de devenir qui il a envie de devenir.
08:41Alors bon, il y a aussi, évidemment,
08:42à travers tout ce livre,
08:43il y a l'histoire de vos parents,
08:44parce que finalement, raconter,
08:46et ça n'a pas dû être évident,
08:47c'est pour ça que j'imagine que vous avez choisi cette forme romanesque
08:49de raconter l'histoire d'amour de ses propres parents.
08:53Alors ça, c'est une partie que moi, j'ai adoré.
08:57Alors pour ma mère,
08:58ma mère, parfois, m'a mis des petits...
09:00Vous savez, comme j'écris sur ma famille,
09:03je leur fais relire,
09:04je leur demande l'autorisation,
09:05et moi, j'ai adoré raconter la rencontre de mes parents,
09:09comment ils s'accostent,
09:11comment se passe leur première soirée,
09:14leur première nuit,
09:15que ma mère m'avait raconté leur première soirée.
09:18Et c'était si joyeux,
09:20si bon de raconter ce grand amour,
09:23mais ma mère, parfois, m'a dit,
09:24écoute, là, ma fille,
09:26il y a...
09:26Tu peux, à un moment donné,
09:27fermer la porte de la chambre à coucher.
09:30Mais c'était si bon.
09:32C'est aussi un livre où il y a beaucoup d'amour.
09:35Parce qu'il y a des grandes histoires d'amour,
09:37celle de mes parents,
09:37celle de mes grands-parents,
09:38celle de mes arrière-grands-parents.
09:40Oui, c'était bon d'écrire ça sur ces êtres
09:44qui se sont aimés si longtemps et si fort.
09:48Oui, il y a de l'amour.
09:48Vous le résumez très bien.
09:49Ça donne envie de le lire.
09:51Et je vous en joie à le lire.
09:52Parce que vraiment, c'est un très beau livre.
09:54Il y a un critique qui a dit
09:54qu'il y avait un brin de Mona Ouzouf,
09:56aussi, dans cette manière de creuser
09:58quand même l'histoire de France et de Bretagne.
10:02Ça s'appelle donc Finistère.
10:03C'est paru chez Albin Michel.
10:04Merci beaucoup, Anne Berest.
10:05Merci, Anne.
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