- il y a 2 mois
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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la Gendarmerie nationale ?
00:19Je m'appelle Yann Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:25Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:41L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:55Grognant et jurant au volant de sa voiture, Harry Lowe dépassa le taxi et se rabattit brusquement devant lui.
01:09Il y eut des grincements de freins, des bruits d'avertisseurs et quelques injures.
01:14Mais la voie était libre.
01:17Harry, les mains crispées sur le volant, appuya à fond sur l'accélérateur.
01:25Il avait raté son coup.
01:28Il ne lui restait plus qu'à filer.
01:31Rien de plus facile pour un conducteur aussi habile que lui de brûler les feux rouges et les stops à cette heure de l'après-midi.
01:40Malheureusement, l'argent était bel et bien perdu.
01:46Vingt à trente millions au moins.
01:47Et il avait eu tout ce fric entre les mains.
01:52Quarante-huit ans et des réflexes lents, Harry était beaucoup moins à l'aise qu'avant dans les attaques à main armée.
02:00Mais il voulait réussir un gros coup.
02:04Et la banque de la compagnie financière paraissait être la cible idéale.
02:07Toute la semaine, il avait surveillé le personnel et les lieux.
02:13Son plan était fin prêt.
02:15Il n'y avait plus qu'à passer à l'action.
02:19Tout avait très bien commencé.
02:22Avec son revolver, Harry avait terrifié les trois employés de la banque et les deux clients qui se trouvaient alors dans les bureaux.
02:28Le directeur avait lui-même rempli la sacoche que lui tendait Harry avec des liasses de billets de banque.
02:34Quand la sacoche avait été pleine, Harry s'était enfui en courant.
02:39Mais soudain, sur le trottoir, l'accident stupide, il s'était tordu la cheville.
02:43Le sac lui avait échappé des mains, avait glissé sur la chaussée et disparu sous un autobus à l'arrêt.
02:50Comme un fou, Harry s'était relevé.
02:53Derrière lui, la sirène d'alarme de la banque hurlait et lui écorchait les tympans.
02:58Des passants affolés s'écartaient en apercevant l'arme qu'il tenait toujours à la main.
03:02L'autobus, immobilisé dans un encombrement, ne bougeait pas.
03:08Harry s'était précipité en boitant vers sa voiture garée à quelques pas et, profitant du feu vert, avait démarré en trombe.
03:18Quand il estima s'être suffisamment éloigné de la compagnie financière, il ralentit,
03:23s'engagea sur une voie rapide à sens unique, puis bifurqua sur la première route secondaire en direction de la campagne.
03:32Son échec le rendait fou de rage, mais il devait rester maître de lui.
03:42Il vaudrait peut-être mieux cacher sa vieille guimbarde.
03:45Des témoins avaient très bien pu en relever le numéro d'immatriculation et en donner la description à la police.
03:50À présent, très vraisemblablement, le signalement du véhicule était peut-être diffusé à travers tout le pays.
03:58Cependant, il pouvait se permettre de rouler encore pendant quelques kilomètres sur ces routes peu fréquentées.
04:06Il traversa Benton, petite ville coquette, construite autour d'une place où se dressaient un cinéma, une petite banque et un hôtel.
04:15Harry avait de plus en plus mal à la cheville, et maintenant la douleur s'irradiait dans toute la jambe.
04:26Il envisagea un instant de se cacher un jour ou deux dans une auberge en bord de route, mais il irnonsa.
04:33À si faible distance du lieu de son hold-up, c'était vraiment trop risqué.
04:38Bientôt, au sommet d'une petite colline, en retrait de la route, il aperçut une ferme qui semblait abandonnée.
04:50C'était une bâtisse imposante, plutôt délabrée.
04:56L'herbe envahissait le chemin qui y conduisait, et les pelouses qui la bordaient n'avaient pas été tendues depuis longtemps.
05:03Harry ralentit pour mieux observer la ferme.
05:09C'était exactement ce qu'il cherchait.
05:13Il pourrait s'y cacher pour la nuit, et même y rester le lendemain.
05:18Ça n'avait pas l'air trop difficile d'entrer dans la maison par effraction.
05:23Il tourna brusquement dans l'allée, monta la côte à vive allure, et gara sa voiture derrière la ferme,
05:29afin qu'on ne la voit pas depuis la route.
05:33En évitant de prendre appui sur sa cheville blessée, il se glissa hors du véhicule.
05:41Et tout à coup, une voix de femme le fit sursauter.
05:46« Vous êtes blessé, monsieur ? »
05:52« Bon sang ! »
05:53« C'était vraiment pas le moment. »
05:57« Qui était cette femme ? »
05:58« Et qu'est-ce qu'elle faisait ici ? »
06:02« C'est ce que vous saurez dans quelques instants. »
06:07Harry vient de rater le hold-up d'une banque en se foulant la cheville et en laissant rouler le sac plein de billets de banque sous un autobus bloqué dans un embouteillage.
06:19Parvenant à s'enfuir au volant de sa vieille guimbarde, Harry prend la route et, en pleine campagne, voit au loin une ferme qui a l'air abandonnée.
06:31Il décide de s'y arrêter pour s'y cacher.
06:33Harry fit volte-face.
06:39La femme se tenait sous le porche d'entrée de la maison.
06:44Elle regardait d'un air bizarre.
06:47« Vous êtes blessé, monsieur ? »
06:51« Ah, ça n'était vraiment pas son jour de chance. »
06:55La ferme était habitée.
06:57« Je viens juste de me tordre la cheville, madame. »
07:01« Mais c'est rien. Je voulais vous demander si vous pourriez me donner de l'eau pour le radiateur de ma voiture. »
07:08« Bien sûr, monsieur. »
07:12La femme était âgée d'environ soixante-dix ans.
07:16Les cheveux grisonnants, décharnés.
07:20Elle semblait fragile, mais ses gestes étaient rapides et précis.
07:25Derrière d'épais verres de lunettes, ses yeux bleus avaient une expression vive.
07:30« Et intelligente. »
07:34« Pour vous éviter de marcher, je vais aller chercher l'eau moi-même, monsieur. »
07:40Un instant plus tard, elle revenait, un seau d'eau à la main.
07:45Harry ouvrit le capot de la voiture et se pencha sur le moteur,
07:49en essayant de cacher à la vue de la vieille femme le radiateur déjà plein.
07:53En même temps, il s'arrangea pour verser sur le sol la majeure partie de l'eau contenue dans le seau.
08:03« Voilà, je vous remercie, madame. »
08:05« Mademoiselle. »
08:06« Mademoiselle Adelet. »
08:08« Je suis très heureuse de vous rendre au service, monsieur. Monsieur ? »
08:14« Euh, je m'appelle Georges Lucas, mademoiselle. »
08:18« Je ne voudrais pas abuser, mais me serait-il possible de me reposer quelques instants chez vous,
08:24avant de reprendre la route, mademoiselle Adelet ? »
08:28« Mais certainement, monsieur Luton, certainement. Attendez, je vais vous aider. »
08:34Mademoiselle Adelet passa son bras autour de la taille d'Harry et l'aida à marcher jusqu'à la maison.
08:44Elle le fit asseoir dans le salon, sur un vieux fauteuil de cuir,
08:48et s'en alla chercher une bassine d'eau froide et une serviette de toilette.
08:53Harry n'était pas mécontent que mademoiselle Adelet lui prodigue autant de soins.
09:02Non seulement sa cheville le faisait beaucoup moins souffrir,
09:04mais de plus, en s'attardant quelque peu à la ferme,
09:10il réalisait en partie son plan.
09:14« Je me sens déjà beaucoup mieux, mademoiselle,
09:17mais si vous m'autorisez, je resterai encore un petit moment. »
09:21« Mais vous voulez rire, monsieur Lucas. Voyons, votre entorse n'est vraiment pas belle.
09:26Vous allez rester dîner avec moi. »
09:30Harry n'en espérait pas tant.
09:33Non seulement mademoiselle Adelet le soignait comme une mère,
09:37mais en plus, elle semblait aimer s'accompagner.
09:42En dînant à la ferme, il éviterait de reprendre la route en début de soirée,
09:45et s'il en faisait un peu plus en boitant d'une manière convaincante,
09:51peut-être son séjour se prolongerait-il.
09:59En fait, Harry fut dispensé de jouer son rôle plus longtemps.
10:05Mademoiselle Adelet n'avait pas la télévision,
10:07mais elle possédait un petit poste de radio dans sa cuisine.
10:11Lorsqu'ils eurent terminé leur léger repas,
10:16elle fit un signe de tête en direction de l'appareil,
10:19et dit très naturellement,
10:23« J'ai entendu parler de votre mésaventure cet après-midi. »
10:30« Comment ? »
10:31« Oui, le hold-up à la compagnie financière,
10:35et la façon dont vous avez perdu votre sacoche pleine d'argent,
10:39sacoche qui a glissé sous un tapus. »
10:43« J'ai tout entendu aux informations, monsieur.
10:46On a donné votre signalement,
10:48et on a dit que vous vous étiez foulé la cheville. »
10:54Le calme de Mademoiselle Adelet stupéfia Harry.
11:00« Nier aurait été inutile. »
11:04Mais pourquoi cette vieille fille n'avait-elle d'abord rien laissé paraître ?
11:10Et maintenant qu'elle avait abordé le sujet,
11:15pourquoi ne montrait-elle aucune crainte ?
11:18« Je voulais vous féliciter, monsieur Lucas.
11:23Voyez-vous, il y a bien des années que je cherche un homme de votre envergure.
11:32C'est la Providence qui vous a conduit ici aujourd'hui.
11:36Je voudrais vous montrer
11:39comme il serait facile
11:42de réussir un hold-up à la banque de Benton. »
11:49Harry resta bouche bée.
11:51Mademoiselle Adelet était le portrait craché
11:56d'une institutrice à la retraite.
11:59Elle n'avait rien d'une complice de gangsters.
12:03Enfin, c'était ridicule, voyons.
12:08Expliquez-vous, Mademoiselle Adelet.
12:11Voilà.
12:13Autrefois, ma sœur Carmen et son mari
12:17exploitaient cette propriété.
12:20À leur mort, j'ai pris leur place.
12:25Voyez-vous, monsieur Lucas,
12:27c'est un travail très dur,
12:30exténuant.
12:32Je suis fatigué
12:34de labourer,
12:36de semer,
12:37de récolter.
12:40Je rêve de retrouver ma liberté
12:42et de profiter un peu de la vie.
12:46Voyager,
12:47visiter des pays inconnus.
12:51Or, pour y parvenir,
12:54il faut de l'argent,
12:56beaucoup d'argent.
12:59Et réussir le hold-up
13:01de la banque de Benton
13:02me semble être le moyen
13:05le plus sûr.
13:07Mais c'est de la folie,
13:09Mademoiselle Adelet,
13:10voyons.
13:11Et d'abord,
13:12qu'est-ce qui vous fait croire
13:13que je serais prêt
13:13à faire ça pour vous,
13:15hein ?
13:16Aujourd'hui,
13:17j'ai tenté une aventure
13:18à la limite de mes moyens
13:19et voyez le résultat.
13:22C'est un accident,
13:24monsieur Lucas,
13:24un simple accident.
13:26À Benton,
13:28rien de semblable
13:29n'arrivera.
13:31La circulation
13:32y est très fluide.
13:35Vous ne rencontrerez
13:35aucune difficulté
13:37et puis,
13:38vous pourrez toujours
13:39revenir vous cacher ici.
13:42On partagera le butin
13:43et vous repartirez
13:45avec une véritable
13:47petite fortune.
13:51Marie observait
13:52Mademoiselle Adelet
13:53d'un regard incrédule.
13:56« C'est de la folie,
13:59Mademoiselle Adelet,
14:00de la folie,
14:01je vous assure. »
14:06Mademoiselle Adelet
14:06se pencha vers lui
14:07et plongea son regard
14:10dans le sien.
14:13« Non,
14:14monsieur Lucas,
14:17et je vais vous expliquer
14:18pourquoi.
14:22Les employés
14:23de la banque
14:23sont à l'image
14:25des habitants
14:26de Benton.
14:28Totalement dépourvus
14:29d'imagination
14:30et tellement satisfaits
14:33d'eux-mêmes.
14:35Pas de système
14:36d'alarme
14:36ni de caméra.
14:37Seul un gardien
14:39à l'entrée
14:39et encore.
14:41Ils veulent se débarrasser
14:42de lui
14:42parce qu'il est trop vieux.
14:44Non,
14:44je vous le garantis.
14:46Ce sera
14:47d'une simplicité
14:48enfantine.
14:52La confiance
14:53de Mademoiselle Adelet
14:54était contagieuse.
14:56Malgré lui,
14:58Harry commençait
14:59à croire
14:59qu'il pourrait
15:00enfin
15:01devenir millionnaire
15:04sans mal,
15:04sans douleur.
15:07Alors,
15:07après tout,
15:09pourquoi pas ?
15:12En fait,
15:12quand il avait traversé
15:13Benton,
15:14il avait été frappé
15:15de l'aspect
15:15endormi
15:16et propret
15:17de la petite ville.
15:18cette femme
15:22avait peut-être
15:22raison
15:23et quant au partage
15:26du butin,
15:29elle pourrait
15:29toujours y compter.
15:32« Entendis,
15:33Mademoiselle Adelet,
15:35je suis votre homme. »
15:38Une lueur de joie
15:39traversa le regard bleu
15:41de la vieille demoiselle.
15:43« Parfait,
15:44parfait !
15:46On fixe
15:47l'opération
15:48à demain,
15:49monsieur l'État. »
15:50« Doucement,
15:50doucement,
15:51doucement,
15:52mademoiselle.
15:53Je veux d'abord
15:53examiner les lieux
15:54moi-même. »
15:58Le lendemain matin,
16:00Harry se rendit
16:02à Benton
16:02et constata
16:03que Mademoiselle Adelet
16:04n'avait pas trompé.
16:07Les habitants
16:07de la ville
16:08n'étaient manifestement
16:09pas très futés
16:10et la banque
16:12était exactement
16:13comme la vieille demoiselle
16:14la lui avait décrite.
16:16Le garde,
16:17un homme corpulent
16:19d'un certain âge
16:20et qui semblait
16:20prédestiné
16:21à se tirer
16:22une balle dans le pied
16:23à la moindre
16:23Annie Croche,
16:25méritait sans aucun doute
16:26d'être rapidement
16:28mis à la retraite.
16:31Tout allait
16:32pour le mieux
16:33dans le meilleur
16:34des mondes.
16:36De retour
16:37à la ferme,
16:38Harry se frotta
16:39les mains devant
16:40Mademoiselle Adelet.
16:42« L'affaire se présente
16:43bien, Mademoiselle.
16:44On peut agir
16:45très vite.
16:46Demain après-midi,
16:47par exemple. »
16:48« Fantastique,
16:50Monsieur Lucas.
16:51Je vais,
16:52de ce pas,
16:53acheter une bouteille
16:54de champagne. »
16:58Le lendemain,
17:00Harry se présenta
17:01à la banque
17:02à l'heure prévue.
17:04Malheureusement,
17:06malheureusement,
17:07bien qu'il eut
17:08son revolver,
17:09un énorme P-38
17:10à la main,
17:12il n'eut le temps
17:13de proférer
17:14aucune menace.
17:16À peine
17:16avait-il franchi
17:17le seuil
17:17d'entrée
17:18de la banque
17:18que le vieux garde
17:19s'approcha
17:20en silence
17:21derrière lui
17:21et lui asséna
17:22un violent coup
17:23sur la nuque
17:24avec la crosse
17:25de son arme.
17:29Quand Harry
17:30recouvra
17:32ses esprits,
17:34il était en prison.
17:35Une enquête
17:38rapide
17:38fit apparaître
17:39qu'il était
17:39l'auteur
17:40du hold-up
17:41de la compagnie
17:41financière.
17:43Après
17:43ses deux
17:44tentatives
17:45criminelles
17:46aussi infructueuses
17:47qu'elles aient été,
17:49Harry allait
17:50disparaître
17:51de la circulation
17:52pour un certain
17:54temps.
17:57Ce soir-là,
17:59Mlle Adelaide
18:00et son hôte
18:01évoquaient
18:03les événements
18:04qui venaient
18:04de se produire.
18:05Dès qu'il eut
18:08garé sa voiture
18:09dans la cour
18:10et qu'il en est
18:10descendu,
18:12j'ai compris
18:12qu'il s'agissait
18:13de l'homme
18:14dont le signalement
18:15avait été donné
18:16par la radio.
18:18L'idée
18:19de notre stratagème
18:21m'a alors
18:22traversé
18:23l'esprit
18:23Jim.
18:26Le garde
18:27de la banque
18:28de Benton,
18:30Jim,
18:31enfourna
18:31dans sa large bouche
18:33un énorme
18:34morceau
18:34de tarte
18:35aux pommes.
18:37J'arrive pas
18:38à comprendre
18:38comment il a pu
18:39croire
18:40que vous étiez
18:41prêt à le seconder
18:42pour attaquer
18:43une banque,
18:44Mlle Adelaide.
18:46Grâce à Dieu,
18:47il l'a cru,
18:49Jim.
18:50Je vous remercie,
18:51Mlle Adelaide,
18:52d'avoir monté
18:53cette affaire.
18:55J'en suis
18:55le bénéficiaire,
18:57voyez-vous.
18:57Ils ont donc
19:00renoncé
19:00à vous mettre
19:01à la retraite,
19:02Jim ?
19:03Oui,
19:03Mlle Adelaide.
19:05Le directeur
19:05de la banque
19:06m'a dit
19:06qu'il m'avait
19:07sous-estimé.
19:09Mon intervention
19:10pronte
19:11et décisive,
19:12selon ses propres
19:13termes,
19:14a démontré
19:15que j'étais
19:15toujours digne
19:16de mon poste.
19:18Il m'a dit
19:19que je pourrais
19:20le garder
19:20aussi longtemps
19:21que je le voudrais.
19:25Mlle Adelaide
19:26sourit.
19:27C'est merveilleux,
19:30mon cher Jim,
19:31merveilleux.
19:33Mais n'oubliez pas,
19:35c'est notre petit secret.
19:37Je m'en souviendrai,
19:38Mlle Adelaide.
19:41Appelez-moi
19:42Selma,
19:44Jim.
19:47Tandis qu'elle
19:47débarrassait
19:48la table,
19:50Mlle Selma
19:52Adelaide
19:53chantonnait.
19:54Une vieille fille
19:57endurcie
19:58ne pouvait-elle
19:59changer ses habitudes
20:01lorsque l'homme idéal
20:02entrait dans sa vie ?
20:04Même si celui-ci
20:05n'était plus
20:06très jeune
20:07et même s'il avait
20:08un peu d'embonpoint,
20:11il n'en était
20:11pas moins
20:12attirant.
20:15Après tout,
20:17il pourrait même
20:18faire un mari
20:19très convenable.
20:20mais
20:22à cet égard,
20:25on verrait,
20:26on verrait,
20:28rien ne pressait.
20:37Le printemps
20:38est toujours
20:38très beau
20:39à Marseille.
20:41Marseille.
20:43Dès les premiers
20:44rayons de soleil,
20:46Mme Malot
20:47aime venir
20:47s'asseoir
20:48sur un certain
20:49banc
20:49du parc
20:50Borelli.
20:51Même si
20:52Alfred,
20:52son mari,
20:53déplore poliment
20:54cette forme
20:55un peu trop
20:55plébéienne
20:56de distraction.
20:59Même si
20:59leur bel appartement
21:00qui donne
21:01sur la cannebière
21:01comprend une
21:02agréable galerie
21:03où il est possible
21:04de prendre le soleil,
21:06Mme Malot
21:07préfère la terre
21:08ferme
21:08et le contact
21:09de la foule
21:10dans la bonne odeur
21:11du gazon.
21:13Assise
21:14sur son banc,
21:15sereine
21:16et attentive,
21:18Mme Malot
21:18ressemble
21:19à une idole orientale
21:20avec son visage
21:22impassible
21:23et ses bras
21:24immobiles
21:24qu'elle tient
21:25rigides
21:26sur son ventre.
21:29Il y a
21:29six ans
21:30que ses bras
21:32sont paralysés,
21:33six ans
21:34que ses mains
21:35sont devenues
21:36inertes,
21:38inutiles.
21:40Six ans.
21:42L'année
21:43où sa fille
21:43unique
21:44a épousé
21:45un membre
21:45du corps
21:46diplomatique
21:46en poste
21:47au bout
21:47du monde,
21:48dans des endroits
21:49plus sauvages,
21:51plus chauds
21:51les uns
21:52que les autres.
21:54Six ans
21:55que Mme Malot
21:57craint
21:57pour la vie
21:58de sa fille
21:59adorée,
22:00six ans
22:00que ses bras
22:02et ses mains
22:02sont devenus
22:03des objets
22:04inanimés,
22:06morts.
22:09On appelle ça
22:10une maladie
22:11psychosomatique,
22:12une incurable
22:15punition
22:15que l'inconscient
22:17inflige
22:18au corps.
22:21Heureusement,
22:22il y a
22:22ce coin
22:23merveilleux
22:24de Marseille,
22:25les gens
22:26et la bonne odeur
22:27des fleurs
22:28et du gazon.
22:32Ce vendredi-là,
22:33Mme Malot
22:34arrive de très bonne heure
22:35et s'installe
22:36sur son banc
22:36favori.
22:38À peine assise,
22:40elle ferme
22:40les yeux
22:41et pense
22:42à sa fille
22:42chérie
22:42qui est loin,
22:43si loin.
22:46C'est alors
22:47que trois jeunes
22:48garçons
22:48en blouson de cuir
22:49passent devant
22:50son banc
22:50et s'arrêtent
22:51sur le bord
22:52de l'allée
22:52pour allumer
22:53une cigarette.
22:54Ils n'ont pas
22:55quatorze ans.
22:58Mme Malot
22:58ouvre les yeux
22:59et ne peut
23:00réprimer
23:00un gémissement
23:01réprobateur
23:02qui attire illico
23:03l'attention
23:04des trois gamins.
23:07L'un d'eux,
23:08un caïd
23:10qui ne se rasera
23:11que dans quelques années
23:12s'approche d'elle
23:13cigarette au bec.
23:15Et alors,
23:15mémé,
23:16qu'est-ce qui va pas ?
23:17Ça vous gêne
23:17qu'on fume ?
23:19Vous voulez une cigarette ?
23:20Laissez-moi,
23:22jeune homme.
23:22Allez-vous-en,
23:23je vous en prie.
23:24Hé, hé,
23:24c'est que je suis fatigué,
23:26mémé.
23:26Et vous occupez
23:27un banc pour vous
23:28toute seule ?
23:28Un banc entier
23:29pour une petite vieille
23:30qui n'a plus
23:31que la peau
23:31sur les os ?
23:32C'est pas juste ?
23:32Hé, les gars !
23:34Là-dessus,
23:36il se laisse tomber
23:37sur le banc
23:37et souffle sa fumée
23:40au visage
23:41de la vieille dame
23:42infirme.
23:44Hé, qu'est-ce qu'ils ont,
23:45vos bras, mémé ?
23:45Hé, ils sont morts ?
23:47Brusquement,
23:49à cet instant précis,
23:50une force contraire
23:52à la gravitation
23:53soulève le gamin
23:53du banc
23:54et un homme,
23:55un rien plus petit
23:57qu'un trente tonnes
23:58sur ses roues arrière,
23:59lui susurre à l'oreille.
24:00« Quand je t'aurai lâché,
24:03mon petit gars,
24:03il te restera
24:04exactement trois secondes
24:05pour te trouver
24:05au bout de l'allée,
24:06compris ? »
24:09Et c'est exactement
24:11ce qui se passe.
24:11Enfin, plus ou moins,
24:13car la petite Guappe
24:14et ses deux copains
24:15ont mis deux secondes
24:17et vingt dixièmes
24:18pour disparaître.
24:21L'homme éclate de rire.
24:24À cet instant,
24:25une voix de femme
24:26s'élève.
24:28« Francis,
24:29que se passe-t-il ? »
24:30« Rien, Hélène, rien.
24:33Un gamin
24:33qui embêtait la dame.
24:36Tout va bien, madame ? »
24:38« Oui, monsieur,
24:39je crois.
24:41En tout cas,
24:41je vous remercie infiniment. »
24:44À cet instant,
24:46madame Malot
24:47voit une jeune femme
24:48qui s'approche
24:49sur une chaise roulante.
24:54La jeune fille
24:55est pâle, blonde
24:56et son expression
24:57montre qu'elle sait
24:59ce qu'est la souffrance.
25:03Ses jambes sont enfouies
25:05sous un plaie d'écossais.
25:08Madame Malot
25:09invite l'homme
25:10à partager son banc.
25:13« Ça n'est pas de refus,
25:14madame.
25:14Il fait si chaud aujourd'hui.
25:17Permettez-moi
25:17de me présenter.
25:18Je m'appelle
25:18Francis Maragne.
25:20Voici ma sœur, Hélène. »
25:23« Je suis madame Malot.
25:25J'habite pas loin
25:26d'ici, sur la cannebière.
25:28Et vous ? »
25:29« Nous sommes de Paris, madame.
25:31Nous ne sommes ici
25:32que depuis un mois.
25:33Mais je crains fort
25:35qu'il nous faille
25:36bientôt repartir.
25:38N'est-ce pas, Hélène ? »
25:41La jeune fille
25:42baisse tristement
25:43la tête
25:44et ses yeux
25:45se remplissent de larmes.
25:47« Ne dis pas ça,
25:48Francis,
25:48je t'en prie.
25:49Ne dis pas ça,
25:50je t'en supplie.
25:53Vous comprenez, madame,
25:55nous sommes venus
25:55à Marseille
25:56pour voir quelqu'un,
25:58une sommité
25:59spécialisée
26:00dans des cas
26:01comme le mien.
26:03J'ai eu
26:03un accident de voiture
26:04il y a deux ans
26:05et depuis,
26:07je suis incapable
26:08de marcher.
26:08Mme Malot
26:12hoche la tête
26:13avec sympathie.
26:15« Comme c'est triste,
26:16ma enfant.
26:18Je sais exactement
26:19ce que vous devez ressentir.
26:21Moi, voyez-vous,
26:22ça fait six ans
26:23que je ne peux plus
26:25me servir
26:26ni de mes bras
26:27ni de mes mains.
26:28Oh, pauvre madame,
26:31comment est-ce arrivé ? »
26:34Et Mme Malot
26:35raconte
26:36sa triste histoire.
26:38Le mariage
26:40de sa fille,
26:40chérie,
26:41le départ,
26:42l'exil
26:42de celle-ci
26:43et depuis
26:45le dérèglement
26:48nerveux
26:49qui a été
26:51le sien.
26:53« Mais c'est terrible,
26:54ça, madame.
26:55Il n'y a rien
26:56à faire. »
26:58« Je crains fort
26:59que non,
26:59mon enfant.
27:01Mais peut-être
27:02que pour vous.
27:03Non, madame.
27:04Enfin, rien que
27:06la médecine officielle
27:07puisse tenter.
27:09C'est pour ça
27:10que Francis
27:11veut qu'on rentre
27:12à Paris.
27:13Mais moi,
27:14je ne suis pas
27:15d'accord.
27:16« Hélène,
27:18ne crois-tu pas
27:19qu'on en a assez
27:19discuté ? »
27:20« Nous devons
27:21tout essayer,
27:22Francis.
27:22Tu m'entends
27:23tout. »
27:25Madame Malot
27:26ne peut s'empêcher
27:27de demander.
27:28« Mais vous venez
27:30de dire
27:31que vous aviez
27:31tout essayé. »
27:33« Oui, madame,
27:34oui, c'est vrai,
27:34on a tout essayé.
27:35Enfin, du moins,
27:36tout ce qui est
27:37scientifique,
27:38voyez-vous.
27:40Seulement,
27:40malheureusement,
27:41une espèce
27:41de charlatan
27:43a tourné
27:44la tête
27:44à ma sœur.
27:47Francis,
27:48même si c'est
27:49le cas,
27:49je ne vois pas
27:50pourquoi on repartirait
27:51sans le voir.
27:52« Mes enfants,
27:52mes enfants,
27:53calmez-vous,
27:54calmez-vous.
27:55Sans vouloir
27:56être indiscrète,
27:57de quoi s'agit-il,
27:58monsieur Francis ? »
27:59« Ah !
28:00Un soi-disant
28:01docteur,
28:02un certain
28:03docteur Garous,
28:05ou alors je le verrais
28:06plutôt docteur
28:07en boniment
28:07qu'en médecine,
28:08mais soit.
28:10Ce docteur Garous
28:12prétend qu'avec
28:13une certaine eau,
28:15qu'il appelle
28:16l'eau de la foi,
28:18il lui est possible
28:19de guérir Hélène.
28:20Ah, j'oubliais,
28:21madame,
28:21j'oubliais.
28:23Cette eau coûte,
28:24tenez-vous bien,
28:2570 000 francs
28:27le verre.
28:27Vous m'entendez bien,
28:28madame ?
28:2970 000 francs
28:30le verre.
28:31Et alors,
28:32Francis,
28:32nous avons les moyens.
28:33C'est une question
28:34de principe,
28:35Hélène.
28:36Qu'en pensez-vous,
28:36madame ?
28:38« Je pense,
28:39monsieur Francis,
28:40qu'il faut tout tenter.
28:42D'ailleurs,
28:43si vous n'aviez pas
28:44eu les moyens,
28:45je me serais impressée
28:46de vous offrir
28:47cet argent.
28:48Je vous dois bien
28:49ça, n'est-ce pas ? »
28:50Votre sœur est si jeune,
28:52si belle.
28:55Madame Malot est malheureusement
28:57bien placée pour connaître
28:59l'importance du psychisme
29:01sur le corps.
29:02Mais cette eau magique,
29:06cette eau de la foi,
29:08peut-elle réellement
29:09accomplir des miracles ?
29:11C'est ce que vous saurez
29:13dans quelques instants.
29:22Si la force mentale
29:23d'un individu
29:24peut faire des miracles,
29:26elle peut aussi
29:27créer des drames.
29:29Tenez,
29:29prenez le cas
29:30de madame Malot,
29:31par exemple.
29:32Après que sa fille
29:33se soit mariée
29:34avec un diplomate
29:35en poste
29:36dans les points
29:36les plus lointains,
29:37les plus sauvages,
29:38les plus chauds du globe,
29:41madame Malot
29:41a perdu l'usage
29:43de ses mains
29:44et de ses bras.
29:46C'est comme si son corps
29:47voulait crier
29:48ainsi son impuissance
29:49face à ce mariage
29:51qui l'inquiète.
29:54Depuis cet accident,
29:57madame Malot
29:57a pris l'habitude
29:58d'aller se reposer
29:59au soleil
30:00quelques heures
30:00chaque jour
30:01sur un banc
30:02du Parc Borelli
30:03à Marseille,
30:05où elle habite.
30:06Là,
30:08un jour,
30:08elle fait la rencontre
30:09de Francis Maragne
30:10et de sa sœur Hélène.
30:13Hélène a perdu
30:14l'usage de ses jambes
30:15après un accident
30:16de voiture.
30:18Apparemment,
30:19la science
30:20est impuissante
30:21dans un cas
30:22comme le sien.
30:24Mais Hélène
30:26a entendu parler
30:27d'un certain
30:27docteur Garous
30:29de Marseille
30:30qui affirme
30:31guérir pas mal
30:32de choses
30:33grâce à une potion
30:34magique
30:34qu'il vante,
30:36tenez-vous bien,
30:3670 000 francs
30:39le verre.
30:42Enfin,
30:42madame Malot,
30:4470 000 francs
30:45le verre,
30:46vous vous rendez compte ?
30:47Mais enfin,
30:48Francis,
30:49le docteur Garous
30:50donne une garantie.
30:52Tu as bien entendu
30:53ce qu'il t'a dit.
30:54S'il n'y a pas
30:54guérison complète,
30:56absolument complète,
30:58il rembourse
30:58intégralement.
31:00Oui,
31:00mais n'empêche
31:01qu'il veut être payé
31:01d'avance,
31:02Hélène.
31:02Et il ne précise pas
31:04ce que la cure
31:05est censée guérir.
31:07Moi,
31:08j'ai bien envie
31:08d'aller trouver
31:09la police.
31:09Non,
31:09non,
31:10non,
31:10Francis,
31:10je t'en supplie,
31:11ne fais pas ça,
31:11ne fais pas ça.
31:15Madame Malot
31:15est bouleversée.
31:18Monsieur Francis,
31:20Monsieur Francis,
31:22votre sœur
31:22doit aller jusqu'au bout,
31:24croyez-moi.
31:25Il faut l'aider.
31:27Faites-le,
31:28Monsieur Francis.
31:29Qui sait ?
31:32Des miracles
31:32peuvent se produire.
31:38Le lendemain,
31:40Francis et Hélène Marragne
31:42ne viennent pas
31:43au parc Boréli.
31:46Madame Malot
31:47en devine aisément
31:48la raison.
31:51Elle pense
31:51à la cruelle épreuve
31:52que subit
31:53la jeune fille.
31:55Elle sait,
31:55bien entendu,
31:56que Francis a raison.
31:58il y a
31:59tant d'escrocs,
32:01tant de charlatans.
32:05Au cours
32:05des six années
32:06passées,
32:07elle et son mari
32:08sont tombés
32:08sur quelques-uns
32:09de ces êtres
32:10abjects,
32:12beaux parleurs
32:12qui suscitent
32:13de faux espoirs
32:14moyennant finances.
32:18Elle pense
32:18à Hélène
32:19et pendant
32:19tout cet après-midi,
32:22elle en oublie
32:23sa propre souffrance.
32:24Vers trois heures,
32:28une petite pluie fine
32:29se met à tomber.
32:30Madame Malot
32:31rentre chez elle.
32:33Il pleut sans arrêt
32:35toute la journée
32:36du lendemain.
32:38Madame Malot
32:39ne quitte pas
32:39son appartement,
32:40se sentant plus solitaire
32:42et plus triste
32:43que jamais.
32:45Pourtant,
32:46elle ne s'apitoie pas
32:48sur son sort.
32:49Le dimanche matin,
32:52le soleil revient.
32:54Aussi,
32:54Madame Malot
32:55retourne-t-elle
32:56au parc Borelli
32:57sur son banc favori.
33:00La tension nerveuse
33:01de ces derniers jours
33:02commence à avoir
33:03raison d'elle.
33:04À peine assise,
33:05elle penche la tête
33:07sur sa poitrine
33:07et fait un petit somme.
33:11Un bruit de pas
33:12qui s'approche
33:13la réveille.
33:14Quelqu'un lui touche
33:15l'épaule.
33:16Elle ouvre les yeux
33:17et voit près d'elle
33:19le beau visage
33:21d'Hélène
33:22lui sourit.
33:24Hélène,
33:25je suis contente
33:26de vous voir.
33:29Il y a,
33:30une fois de plus,
33:32des larmes
33:32dans les yeux
33:33de la jeune fille.
33:34Mais ces larmes-ci
33:36sont bien différentes.
33:39On dirait
33:40des larmes de joie.
33:43Brusquement,
33:44Madame Malot
33:45en comprend la raison.
33:48Hélène
33:49est assise
33:50sur le banc
33:51à côté d'elle.
33:53Assise
33:53sur le banc,
33:55pas sur une chaise
33:56roulante.
33:57Donc,
33:58Hélène
33:58marche !
34:01La jeune fille
34:01jette ses bras
34:02autour du cou
34:03de la vieille dame
34:03en sanglotant
34:04comme une enfant.
34:05Oh,
34:06Madame Malot,
34:06Madame Malot,
34:08je marche,
34:09je suis guérie,
34:10je marche.
34:13Et puis,
34:13elle se lève
34:14en riant
34:14à pleine gorge.
34:16Ses mouvements
34:16sont incertains,
34:17mais elle se tient
34:18droite,
34:19toute seule.
34:22Madame Malot
34:23est bouleversée.
34:26C'est un miracle,
34:27Hélène,
34:28un vrai miracle.
34:31Dites-moi,
34:32c'est cet homme,
34:33ce docteur Garous ?
34:35Oui,
34:36Madame,
34:36c'est lui.
34:38Francis était tellement sûr
34:39que c'était un escroc
34:40que je l'aurais presque
34:42cru moi-même.
34:42c'est pourtant lui
34:44qui a fait ça
34:45pour moi
34:45avec l'eau
34:47de la foi.
34:49Remarquez,
34:50ça n'est pas venu
34:51d'un seul coup,
34:52n'est-ce pas ?
34:52Le premier jour,
34:53je n'ai rien ressenti,
34:54rien du tout.
34:55Et puis,
34:57hier matin,
34:58je me suis aperçu
34:59que je pouvais
35:00remuer légèrement
35:01les pieds.
35:03L'après-midi,
35:03j'avais des fourmis
35:04dans les jambes,
35:05quelque chose d'affreux.
35:06Et puis,
35:06je me suis tenu debout.
35:08Et ensuite,
35:10j'ai marché.
35:11Et votre frère,
35:16M. Francis,
35:17il est resté à l'hôtel.
35:19Il a voulu
35:19que je vienne
35:20vous voir toute seule.
35:24Hélène,
35:25ma petite Hélène,
35:27cet homme,
35:29ce docteur
35:30Garrouse,
35:31je veux le voir.
35:33Il faut
35:33que je le voie.
35:35Et bien sûr,
35:36Mme Malot.
35:39Hélène,
35:39vous croyez
35:41qu'il pourra
35:42me venir en aide ?
35:44Pour toute réponse,
35:47la jeune fille
35:48serre Mme Malot
35:49dans ses bras.
35:53Le lundi matin,
35:55à 10h30,
35:57on sonne
35:58chez les Malots.
35:58Fernande,
36:00l'employé de maison,
36:03introduit deux messieurs
36:05dans le grand salon.
36:07Francis
36:08et un homme
36:10de 70 ans
36:11environ,
36:12les cheveux blancs,
36:14l'air triste
36:15et absent.
36:17Francis fait
36:18les présentations,
36:19mais le
36:20docteur
36:21Garrouse
36:22ne semble pas
36:24tellement cordial
36:25en acceptant
36:25l'invitation
36:26que lui fait
36:27Mme Malot
36:28de s'asseoir.
36:30Il a l'air
36:31très ennuyé.
36:35Mme Malot,
36:37je me demande
36:38si j'ai bien fait
36:39d'accepter
36:39votre invitation.
36:43Le cœur
36:44de la vieille dame
36:44se serre
36:45dans sa poitrine.
36:47Il y a quelque chose
36:48qui ne va pas,
36:49docteur.
36:50Vous ne voulez pas
36:51examiner mes mains ?
36:52Nul besoin
36:53de le faire,
36:54Mme Malot.
36:56M.
36:56Maragne
36:57et sa sœur
36:57m'ont expliqué
36:58votre cas
36:59et j'en reconnais
36:59les symptômes.
37:01Malheureusement,
37:02j'ai un problème
37:03qui m'est propre.
37:05Je ne vois pas
37:06comment je pourrais
37:07vous venir en aide.
37:11Francis,
37:13sur le canapé,
37:15se tord les mains
37:16avec nervosité.
37:18Quand je pense
37:19à ce que vous avez
37:19fait pour nous,
37:20docteur,
37:21vous devez bien
37:21pouvoir faire quelque chose
37:22pour Mme Malot.
37:24Je n'en dis
37:25ce qu'on vient pas,
37:26M.
37:26Maragne.
37:28Je suis certain
37:29que l'eau de la foi
37:30serait aussi efficace
37:33pour Mme Malot.
37:35Il y a une guérison
37:36qui va bien au-delà
37:37de la sieste médicale.
37:39Mais le problème
37:42qui s'offre à moi
37:43relève ridiculement
37:46de l'offre
37:46et de la demande.
37:48Voyez ?
37:49Je m'explique,
37:50Mme Malot.
37:51Étant donné
37:52la nature absolument
37:53unique
37:54de mes méthodes
37:55et de l'instabilité
37:58qui règne actuellement
37:59dans une certaine région
38:01de l'Amérique centrale,
38:03je me vois
38:04dans l'impossibilité
38:06d'obtenir
38:07d'autres livraisons
38:08d'eau de la foi
38:09tout au moins
38:10impris raisonnable.
38:14Vous n'avez plus
38:16d'eau de la foi,
38:17docteur ?
38:19On ne pouvait plus
38:20en faire venir.
38:23Le docteur Garou
38:24se réfléchit
38:25un long moment.
38:27Si je passais
38:29qu'il serait possible
38:30en tentant
38:32le tour pour le tour,
38:34je pourrais toujours
38:35y arriver
38:35par des moyens
38:36illicites
38:38en achetant
38:40un certain nombre
38:41de fonctionnaires
38:42ici et là-bas.
38:43je n'allais pas
38:44hésiter à le faire
38:45auparavant
38:46lorsque je sentais
38:47que le résultat final
38:49en dépendait,
38:50mais à quel prix ?
38:54À quel prix,
38:55madame Malot ?
38:59Qu'entendez-vous
39:00par là,
39:01docteur Garou?
39:02Je le saurais
39:05l'évaluer
39:05avec les attitudes,
39:07madame,
39:07mais grosso modo,
39:09entre
39:10cent mille
39:11et deux cent mille
39:12francs.
39:14Le verre.
39:19Un silence pesant
39:20s'abat
39:21dans le salon.
39:24Le cœur
39:25de la vieille dame
39:25bat fort
39:26dans sa poitrine.
39:27Docteur Garouz,
39:32il y a
39:33certaines choses
39:34qui ne peuvent
39:35se chiffrer.
39:36Je le sais,
39:37madame,
39:38je le sais.
39:39Quant à l'argent,
39:40docteur,
39:41j'en ai.
39:43Le problème
39:43ne se pose pas.
39:47Procurez-vous
39:48cette eau,
39:49docteur,
39:50à n'importe
39:50quel prix.
39:53Procurez-vous
39:53cette eau,
39:54rien d'autre
39:55n'est d'importance,
39:56je vous en supplie.
39:57si je pouvais
39:59à nouveau
40:00me servir
40:01de mes mains,
40:03juste les bouger,
40:05toucher un enfant,
40:06une fleur,
40:07une joue.
40:10Je vous en prie,
40:11docteur,
40:13procurez-vous
40:14cette eau.
40:17Madame,
40:18allô,
40:19si tout va bien,
40:21il y a un graisseur,
40:22pas mal de pâtes,
40:24il est possible
40:24que je reçoive
40:25de l'eau,
40:26de la foie,
40:27d'ici une quinzaine,
40:30nous verrons
40:31alors
40:31ce que nous
40:33pourrons faire.
40:35Soyez béni,
40:37docteur,
40:38de la hausse,
40:40soyez béni.
40:41Trois semaines plus tard,
40:48Mme Malot est assise
40:50dans le grand salon
40:51de son bel appartement
40:52qui donne sur la cannebière.
40:56Il fait très beau dehors,
40:59mais les stores sont baissés.
41:03Elle lève la tête
41:04en entendant Alfred,
41:05son mari,
41:06entrer.
41:06il s'approche d'elle
41:09en tenant
41:09un jeu
41:10de photographie.
41:13« Ma chérie,
41:14je sors du bureau
41:15du commissaire principal
41:16de l'Artiguin.
41:17Il n'a rien de précis
41:18sur l'endroit
41:18où il pourrait bien être,
41:20mais le commissaire
41:21a tenu
41:22à me donner
41:22ses photos.
41:23Tu veux les voir ? »
41:24Non, Alfred,
41:25non.
41:26« La fille,
41:28elle ne s'appelle pas
41:28Hélène,
41:29mais Lucille Van Blit,
41:32à 24 ans.
41:34Et le type,
41:35c'est Georges Van Blit,
41:37sans mari.
41:38Quoi ton beau docteur miracle,
41:41il s'appelle
41:42Roger de Flerta,
41:44un trio d'escrocs
41:45recherché par les polices
41:47belges et françaises.
41:49« Alfred,
41:50je ne veux pas
41:51en entendre davantage. »
41:53« Mais j'aimerais
41:53que tu regardes
41:54ces photos,
41:55ma chérie.
41:55Je veux que tu saches
41:57à quoi ressemblent
41:58ces bandits
41:59à qui tu as donné
42:01210 000 francs
42:03pour un verre d'eau
42:04du robinet.
42:07J'aimerais
42:07que tu déposes
42:08une plainte,
42:09ma chérie. »
42:10« Non, Alfred,
42:12non.
42:13Je ne déposerai pas
42:14plainte,
42:15quoi qu'en dise
42:16la police.
42:17Je me moque
42:18de ce que ces gens
42:20pensaient en réalité,
42:21Alfred.
42:22Je me moque
42:23de ce qu'ils pensaient. »
42:27Mme Malot
42:27arrache les photos
42:30des mains de son mari
42:31et les déchire
42:32avec rage.
42:34« J'ai retrouvé
42:36l'usage
42:36de mes mains,
42:37Alfred.
42:39J'ai retrouvé
42:40l'usage
42:41de mes mains.
42:43C'est tout
42:44ce qui compte
42:45pour moi. »
42:47Vous venez d'écouter
42:53Au cœur du crime,
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42:56d'Europe 1.
42:57Réalisation,
42:58Julien Tarot.
42:59Production,
43:00Estelle Laffont.
43:02Patrimoine sonore,
43:03Sylvaine Denis,
43:04Laetitia Casanova
43:05et Antoine Reclus.
43:09Au cœur du crime
43:10est disponible
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43:11et l'appli Europe 1.
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