- il y a 3 mois
Comment la santé mentale est-elle traitée ? Chantal Henry, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, directrice scientifique de la fondation Pierre Deniker et Alice Oppetit, pédopsychiatre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, expliquent les avancées, les difficultés d'accès aux soins et les solutions.
Retrouvez « L'invité de 8h20 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00Et avec Benjamin Duhamel, nous sommes en direct et en public du Studio 104 de la Maison de la Radio.
00:09C'est une journée spéciale que vous propose France Inter sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur,
00:16la santé mentale. On va voir toute la journée que des solutions existent.
00:20Et ce matin, Benjamin, deux invités pour en parler.
00:23Chantal Henry, bonjour. Merci d'être avec nous ce matin sur France Inter.
00:26Vous êtes professeur de psychiatrie, psychiatre à l'hôpital Sant'Anne.
00:30Et directrice scientifique de la Fondation Pierre Deniker.
00:33Alice Opetit, bonjour.
00:34Bonjour, Benjamin.
00:35Merci d'être avec nous. Vous êtes pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
00:39Et soyez donc les bienvenus. On va pour commencer, remonter dans le temps.
00:44France Inter organisait l'année dernière une première journée spéciale consacrée à la santé mentale.
00:51Entre temps, l'ancien Premier ministre Michel Barnier a érigé la santé mentale en grande cause nationale de l'année 2025.
01:01Alors dites-nous concrètement l'une et l'autre ce qui a changé pour vous cette dernière année dans l'exercice quotidien de votre métier.
01:11Est-ce que c'est une grande cause nationale ? Ça change quelque chose ? Chantal Henry ?
01:18Alors ça entraîne peut-être plus de patients vers nos consultations, ce qui est une bonne chose, puisque donner de l'information de manière générale,
01:25ça permet de lever le frein de l'accès aux soins, qui sont la stigmatisation et les fausses idées.
01:32Donc c'est une bonne chose.
01:34Ça, ça a évolué peut-être ?
01:35Oui, oui, oui. Plus on en parle, plus les patients arrivent dans un système de soins plus rapidement.
01:42Alice Opetit, même question. Est-ce que vous avez vu les regards évolués compte tenu de cette grande cause nationale sur la santé mentale ?
01:51Oui, oui, absolument. C'est évident que les gens prennent de plus en plus la parole, que ce soit les jeunes, les proches, les personnalités publiques.
01:59Et Nicolas, vous en êtes un magnifique exemple.
02:02Merci.
02:04Si ça peut aider, c'est pour ça que ça a été fait, en tout cas.
02:08Ça aide.
02:09Je parle de mon livre.
02:12Merci infiniment. Ça me touche infiniment.
02:15C'est important de continuer parce qu'il reste encore du chemin. Il y a encore trop de gens qui ont des difficultés d'accès aux soins.
02:24La stigmatisation persiste.
02:27Et voilà, nous continuons ensemble.
02:29Alors si on parle de santé mentale, il faut essayer d'avoir une photographie à l'instant T, définir de quoi on parle.
02:38Comment vont les Français ? Les derniers chiffres, les enquêtes de santé publique France ne sont pas franchement réjouissants.
02:46Les Français vont mal. Ils sont tristes, anxieux, plus dépressifs aujourd'hui que par le passé. Chantal Henry ?
02:54Là, vous y êtes peut-être aussi un peu pour quelque chose avec toutes ces mauvaises nouvelles. Désolée.
02:58Décidément.
02:59Et ça, il ne faut pas le dire ?
03:01Non, non. Mais vous n'y êtes pour rien. Vous n'y êtes pour rien.
03:05Oui, dans un climat comme ça, très anxiogène, il y a plus de troubles anxieux, de symptomatologie dépressive.
03:13Ce n'est pas forcément des dépressions avérées. Mais en tous les cas, oui.
03:16L'anxiété participe à générer plus de troubles, de difficultés.
03:24Cette anxiété, Alice au petit, effectivement, je reprends une phrase, Chantal Henry, que vous...
03:29nous expliquait quand on préparait cette émission. Vous disiez quand il y a un monde à feu et à sang et que vous avez des problèmes personnels,
03:33ça crée un cercle vicieux très vite, un bug du cerveau.
03:37Ça aussi, Alice au petit, vous voyez l'effet que peut avoir le climat global, les débats dans la société sur l'état de santé des patients que vous recevez ?
03:48Oui, absolument. Et moi, je m'occupe surtout des enfants et des adolescents qui sont vraiment des éponges à tout ce qui se passe autour d'eux.
03:56Ils sont très, très sensibles au climat général, déjà à l'échelle de leur famille, tout simplement, mais aussi à l'échelle plus collective.
04:05Je crois que les réseaux sociaux, ils sont aussi pour beaucoup.
04:09C'est vrai qu'on parle beaucoup de l'explosion des troubles psy après le Covid.
04:14Mais en fait, on voit bien qu'il y avait une tendance de fond depuis à peu près 2010, ce qui est quand même le début des réseaux sociaux.
04:19Donc, c'est-à-dire que, parce qu'effectivement, on a cette idée qu'il y aurait une sorte d'explosion au moment du Covid, c'est à la fois vrai, mais vous dites que ça vient de plus loin.
04:26Absolument.
04:27Et si on regarde toujours de manière très concrète la photo de la France, parlons d'un mot des pénuries de médicaments.
04:39C'est encore trop souvent le parcours du combattant pour mettre la main sur telle ou telle molécule.
04:46Qu'étiapine, lithium pour les troubles bipolaires, les antidépresseurs, sertraline, vent la faxine, au total, 14 molécules sont ou ont été en très forte tension.
05:01Je n'ai pas particulièrement envie de parler de moi, mais je peux vous dire que j'ai personnellement fait une grosse quinzaine de pharmacies pour trouver du lithium.
05:11Comment est-ce possible, Chantal Henry, en France en 2025 ?
05:17Alors, la bonne nouvelle, parce qu'il y a quand même des bonnes nouvelles, l'agence du médicament nous a dit que les pénuries s'étaient terminées, là, maintenant, fin septembre, début octobre.
05:25Mais ça a été une catastrophe.
05:27Beaucoup de patients ont décompensé, en fait, parce qu'ils n'ont pas pu se procurer certains médicaments.
05:32On a eu très peur avec le lithium, parce que l'arrêt du lithium brutal, c'est dans les trois mois un nombre considérable de décompensations.
05:41Ce qui est possible, c'est qu'il y a peu de sites de production, et quand il y a une tension sur un site de production, ça génère une tension au niveau mondial.
05:52Et la France, l'État, négocie les prix, en fait, des médicaments, ce qui est une bonne chose, sûrement des prix plus bas, mais après, nous ne sommes pas servis en premier.
06:01Et ça, c'est le problème.
06:02Pour continuer sur cette photographie de l'état de la psychiatrie, il y a la question des pénuries de médicaments et la question de la difficulté d'accès aux soins des déserts médicaux, avec des inégalités territoriales qui sont très frappantes.
06:15Ce qui est vrai pour les médecins généralistes, pour les spécialistes, l'est aussi en psychiatrie, Alice Opetit, ou c'est encore pire, peut-être ?
06:25Oui, il y a une pénurie très importante de psychiatres.
06:28À l'hôpital public, il y a 30% des postes de psychiatres qui sont vacants sur la France entière.
06:33Et en pédopsie, c'est à peu près encore pire.
06:35Le rapport du Sénat dit qu'il y a un quart des départements en France où il n'y a pas de pédopsychiatres.
06:42Donc, je crois que c'est très important de renforcer un peu l'attractivité de ces métiers, qui sont des métiers absolument magnifiques.
06:49Et d'où vient leur caractère répulsif ?
06:53Je crois que ça tient à deux choses, à la fois des idées reçues, la stigmatisation qui persiste, que la psychiatrie, c'est les fous, c'est dangereux, c'est de la violence, etc.
07:03Et puis aussi, des conditions de travail qui restent difficiles, c'est vrai.
07:09Ça fait peur, Chantal Henry, quand on est étudiant en médecine et qu'on doit faire un choix de devenir psychiatre.
07:14Là aussi, il faut battre en brèche un certain nombre d'idées reçues.
07:16Oui, c'est encore une médecine à main nue, en fait.
07:19Il n'y a pas de technicité, ou très peu encore.
07:22Et donc, oui, le diagnostic repose sur la clinique.
07:26On n'a pas un examen qui va pouvoir confirmer un diagnostic, donc c'est peut-être un petit peu anxiogène.
07:32Mais quoi de plus passionnant que d'essayer de comprendre le comportement humain ?
07:36Et la psychiatrie, c'est ça.
07:38Donc, moi, je trouve que c'est la plus belle des spécialités.
07:41Et changer le visage de la psychiatrie, ça passe aussi par les médias.
07:46Nous aussi, on doit faire notre examen de conscience dans la manière dont on parle de vos métiers.
07:52Oui, parce qu'on évoque souvent les fous dès qu'il y a quelque chose de péjoratif, en fait.
07:57Et donc ça, il faut faire attention aux termes que l'on emploie, oui, bien sûr.
08:00Beaucoup de questions d'auditeurs, et on vous donnera la parole dans un instant.
08:05Alors ?
08:06Et on va passer...
08:08Non, allez-y, Benjamin.
08:09Sur cette journée spéciale qui, il faut le rappeler, s'appelle Santé mentale, des solutions existent.
08:14Il faut parler des avancées scientifiques dans le domaine de la psychiatrie.
08:19Est-ce qu'on peut dire, Alice Opetit, Chantal Henry, qu'on connaît mieux, qu'on connaît de mieux en mieux le fonctionnement du cerveau ?
08:25Oui. Alors, s'attaquer au cerveau, c'est s'attaquer à l'Everest, parce que c'est l'organe le plus complexe.
08:33Mais il y a de multiples voies d'abord.
08:36Alors, on ne va pas pouvoir toutes les développer, mais c'est plutôt une bonne chose, en fait.
08:39Et, si vous voulez, je vous donnerai quelques exemples, en fait, de recherches qui me paraissent pertinentes.
08:45Alors, allez-y, oui, bien sûr.
08:45Je peux développer.
08:46Alors, bon, l'imagerie, bien sûr, tout d'abord.
08:49Alors, l'imagerie, contrairement...
08:51C'est l'outil diagnostique des neurologues, en fait, parce que l'imagerie, le scanner, l'IRM, permet de voir une tumeur, de voir des lésions.
08:59Donc, c'est un outil diagnostique pour les neurologues.
09:01Pour les psychiatres, c'est beaucoup plus compliqué.
09:02Ce n'est pas encore un outil diagnostique, mais ça permet de voir le fonctionnement du cerveau.
09:07Et pour ça, il faut faire de l'imagerie fonctionnelle.
09:11C'est-à-dire qu'on va voir l'activation de certaines zones du cerveau.
09:14Et on peut, à titre individuel, ça ne sert pas de diagnostic, mais on va pouvoir comparer des groupes de patients à des groupes contrôle
09:22et voir que certaines zones du cerveau sont plus ou moins actives dans telle ou telle pathologie.
09:26Donc, on progresse, on commence à voir ce qui se passe dans le cerveau.
09:29Et ça a un effet direct dans l'exercice quotidien de la médecine ?
09:33Ça a un effet thérapeutique pour les patients, ces progrès qui sont faits ?
09:36Alors, là, non.
09:37Et si on veut parler de progrès vraiment, il faut peut-être aborder la question du soin.
09:42Et là, il y a beaucoup de choses, en fait, qui sont nouvelles.
09:45Alors, d'abord, le champ de la pharmacologie, qui évolue pas mal.
09:49Pendant 50 ans, en fait, des années 50, depuis la découverte des antipsychotiques et des antidépresseurs,
09:57les Big Pharma, finalement, ne faisaient qu'améliorer les molécules pour diminuer les effets secondaires,
10:03ce qui est déjà très bien.
10:04Mais il n'y avait pas vraiment de rupture.
10:06À l'heure actuelle, il y a des molécules avec des repositionnements.
10:10C'est-à-dire, c'est des molécules qui sont utilisées dans certaines disciplines
10:14et qui vont être utilisées en psychiatrie.
10:17Et le plus illustratif, c'est la kétamine, qui est un anesthésique et qui, à petite dose,
10:23est utilisée dans des dépressions résistantes ou dans des crises suicidaires.
10:26Le gros avantage, c'est que c'est un antidépresseur à action rapide,
10:30contrairement aux autres antidépresseurs qui mettent plusieurs semaines pour agir.
10:34Action rapide et durée contrôlée, mesurée.
10:37Voilà, exactement.
10:38C'est quelques semaines au mieux.
10:40Voilà, alors, ça peut permettre de soulager très rapidement
10:45et l'antidépresseur plus classique va pouvoir prendre le relais.
10:49Mais pour nous, c'est de pouvoir soulager les patients très rapidement.
10:53Alors, ça ne dure pas et donc, il faut faire plusieurs séances.
10:58Mais il y a de nouveaux traitements et on évoquera peut-être la psilocybine.
11:02Qui est ?
11:03Alors, la psilocybine, c'est une substance hallucinogène.
11:08À l'heure actuelle, ce n'est pas dans les soins.
11:10La kétamine, on peut déjà avoir recours à la kétamine ou l'eskétamine.
11:15La psilocybine, c'est une substance hallucinogène
11:18qui a la particularité d'être efficace en une seule prise.
11:24Alors, ce n'est pas juste le produit,
11:27c'est la thérapie qui va être faite avant, pendant et après.
11:31Et la psilocybine va finalement rendre le cerveau beaucoup plus flexible.
11:36Quand, par exemple, on a une dépression,
11:37puisque l'usage, c'est principalement dans la dépression,
11:40on va avoir une non-flexibilité cognitive.
11:43On est enfermé dans des schémas, en fait, péjoratifs.
11:46Et finalement, la psilocybine va permettre de rendre ce cerveau plus flexible.
11:51Et donc, une seule dose et une guérison des dépressions.
11:55Et il y a d'autres indications à l'étude.
11:56Daphné Burki est dans les travées du Studio 104.
12:03Bonjour, Daphné.
12:04Salut Nicolas, salut Benjamin.
12:05Bonjour à tous.
12:08On est en direct, en effet, sur France Inter.
12:09Voilà, il y a des questions dans la salle.
12:10Dédié, voilà, à la santé mentale et les solutions qui existent.
12:13Je suis assez touché, moi, par le nombre d'auditeurs qui se sont déplacés ce matin
12:16et qui ont des questions.
12:17C'est de dire, comme ce sujet est important,
12:18d'en parler à voix haute et tous ensemble.
12:21Et Damien a une question pour vous.
12:23Bonjour, Damien.
12:24Bonjour.
12:25Bonjour, déjà, merci pour votre accueil et d'aborder le sujet de la santé mentale.
12:31Donc moi, j'ai 45 ans, je suis bipolaire de type 2.
12:34Et j'avais une question concernant ce qu'on appelle les phases de manie,
12:38puisqu'il y a les phases de dépression et de manie.
12:42Un peu à l'image, Nicolas abordait une fois l'image du yo-yo.
12:45Moi, j'y vois un peu une mongolfière qui monte, qui monte, qui monte,
12:48et parfois qui redescend et qui n'arrive pas à remonter.
12:50Dans ces phases, on va dire euphoriques,
12:55comment dissocier un projet issu d'une phase maniaque
13:01que d'un projet, j'allais dire, juste, ambitieux,
13:05et il faudrait qu'il nous tienne à cœur.
13:09Merci beaucoup, Damien, pour cette question.
13:11Je vous en prie, merci à vous, merci de m'avoir écouté.
13:13Chantal Henry, vraie question.
13:15Et puis merci d'avoir le courage d'intervenir, bien sûr,
13:20et de parler de sa pathologie, c'est important.
13:22Ce qu'il faut comprendre, peut-être, c'est que dans les états maniaques,
13:25on a un biais de positivité.
13:27C'est quelque chose de très simple, c'est que quelque chose qui est plaisant,
13:30un stimuli qui est plaisant, d'habitude, devient encore plus plaisant.
13:33Et donc, c'est extrêmement difficile de résister à la tentation.
13:36Et ce qui est négatif, des stimuli négatifs ou anxiogènes,
13:40en fait, sont moins perçus comme négatifs.
13:42Et donc, il va y avoir une prise de risque beaucoup plus importante.
13:45Et donc, très souvent, c'est cette prise de risque qui fait qu'on peut se lancer
13:48dans des projets, peut-être trop ambitieux à un moment donné,
13:53ou en tous les cas, qu'on ne va pas pouvoir mener à terme,
13:56parce que très souvent, après les épisodes maniaques,
13:59malheureusement, on le paie par une phase dépressive
14:01qui, là, empêche de fonctionner correctement.
14:04Autre question dans la salle ?
14:07Oui, je sais qu'il y a énormément de questions.
14:09Tout le monde, d'ailleurs, s'est déplacé pour poser une question.
14:12Mais je suis à côté de Samuel.
14:13Bonjour, Samuel.
14:14Bonjour.
14:15Merci.
14:17Donc, moi, je suis bipolaire.
14:19Je ne sais pas de quel type,
14:20parce que je crois que c'est difficile aussi de qualifier
14:22la catégorisation des types.
14:25Et donc, je suis bipolaire suite à un burn-out
14:29qui a amené une dépression, qui a révélé le trouble.
14:31Et dans ce contexte, dans un contexte où la santé mentale
14:35est une grande cause nationale,
14:37il se trouve que le burn-out, comme la dépression
14:40et le trouble bipolaire qui peuvent suivre,
14:43ne sont pas considérés comme maladies professionnelles.
14:46Est-ce normal ?
14:47Merci pour cette question.
14:50Chantal Henry.
14:52Alors, c'est une question délicate.
14:54C'est toujours l'apparition d'une pathologie.
14:58C'est toujours de multiples facteurs.
14:59Alors, c'est vrai que des conditions particulières,
15:00le burn-out, c'est des conditions particulières au travail
15:05qui vont générer une souffrance
15:07et donc qui peuvent déboucher sur un trouble anxieux
15:09ou une dépression.
15:10Chez vous, visiblement, c'était un épisode dépressif
15:12qui a été inaugural d'une pathologie psychiatrique.
15:16Mais est-ce que c'est la seule cause ?
15:21Sûrement que non, en fait, parce qu'il va y avoir...
15:23On sait très bien, les pathologies psychiatriques,
15:25il y a à la fois un déterminisme génétique et environnemental.
15:29Donc, les événements de vie péjoratifs, en fait,
15:33peuvent déclencher, participer à déclencher
15:35et à révéler cette vulnérabilité.
15:37Et donc, c'est peut-être pour ça que c'est compliqué
15:40de légiférer et d'avoir une reconnaissance
15:44de pathologie professionnelle, peut-être.
15:46Mais c'est un débat qui mérite d'être ouvert, bien sûr.
15:48Et on va continuer à faire circuler le micro.
15:52Et merci encore pour vos questions.
15:53Alice Opetit, je rappelle que vous êtes spécialisée
15:55dans la pédopsychiatrie.
15:58Là encore, vous avez fait tout à l'heure un état des lieux.
16:02Il faut aussi penser à peut-être ceux dans la salle
16:04ou ceux qui nous écoutent et qui se trouvent démunis
16:06devant leur enfant, leur ado.
16:08Est-ce que, là encore, vous avez des conseils
16:10à donner à nos auditeurs sur des signes avant-coureurs
16:13et parfois des parents qui ne savent pas
16:15par quel bout prendre ce qu'ils perçoivent
16:17comme étant un début de maladie psychiatrique
16:20chez leur enfant ou leur adolescent ?
16:22Merci, Benjamin.
16:22C'est une question qu'on nous pose souvent.
16:25Je crois que c'est très important que les parents
16:26aient en tête qu'ils n'ont pas à être parfaits.
16:29Ce qui est important, c'est de toujours garder la possibilité
16:35d'un dialogue avec leur enfant, leur demander comment ils vont,
16:38d'écouter la réponse sans jugement
16:41et en validant les émotions que leur apporte leur enfant.
16:46Et quand on voit les sondages récents,
16:50on dit qu'il y a 30% des adolescents qui seraient à risque
16:53de dépression ou de troubles anxieux.
16:56Évidemment, 30% des adolescents n'ont pas besoin
16:59d'aller voir un psychiatre.
17:01Donc, c'est important de pouvoir un peu graduer
17:05la réponse aux soins.
17:06Ce qui doit alerter, je crois, c'est quand il y a
17:08un retentissement, on appelle ça comme ça,
17:11un retentissement fonctionnel, c'est-à-dire si le jeune
17:13ne va plus en cours, se replie sur le plan social,
17:17qu'il y a des conséquences, voilà, comme ça,
17:19sur son fonctionnement.
17:20Et on retourne dans la salle, dans le studio 104.
17:23En parlant de la jeunesse, justement, Laurent avait une question pour vous.
17:27Bonjour, oui.
17:28Les problèmes de santé mentale explosent, comme vous l'avez dit,
17:32notamment chez les plus jeunes.
17:34Et face un petit peu à cette explosion,
17:37les moyens régressent, les dispositifs également.
17:42Si des solutions existent, quelles seraient-elles ?
17:45Merci, Laurent.
17:49Les solutions, je crois qu'il y en a plusieurs.
17:52Il y a évidemment de renforcer le système de soins,
17:55les soins de première ligne, notamment la formation des médecins généralistes.
18:00Les médecins généralistes, ce sont ceux qui sont à l'origine de 90%
18:04des prescriptions de psychotropes.
18:06Renforcer aussi l'accès aux psychologues.
18:09Aller voir un psychologue, ça coûte cher.
18:11Il y a eu un dispositif récemment, mon soutien psy,
18:14qui a quand même permis qu'il y ait plus de 600 000 personnes
18:18qui bénéficient de séances chez un psychologue.
18:22Renforcer absolument les soins de secteur.
18:25C'est-à-dire que la psychiatrie publique, elle est sectorisée.
18:28Il y a ce qu'on appelle les CMP, les centres médico-psychologiques,
18:31qui sont répartis sur tout le territoire.
18:34Et malheureusement, aujourd'hui, il y a des listes d'attente dans beaucoup de CMP.
18:37Donc, je crois qu'il faut absolument continuer à renforcer ça.
18:42Et puis, je crois qu'à l'échelle collective, c'est important de...
18:46Je parlais un petit peu tout à l'heure des réseaux sociaux, etc.
18:48Je crois que les ados, aujourd'hui, n'ont pas du tout la même enfance
18:53et la même adolescence qu'ont eu leurs parents précédemment.
18:56La société a totalement évolué depuis.
19:00Vous savez qu'un collégien passe en moyenne 4 heures par jour
19:03sur son téléphone portable, sur les réseaux sociaux.
19:06Donc, ça modifie totalement la vie des enfants et des adolescents aujourd'hui.
19:11Je crois qu'il faut leur redonner aussi le sens du collectif
19:15et de faire des choses ensemble.
19:16On retourne dans la salle, dans le 104.
19:19Je suis à côté de Natacha, Nicolas, qui a une question.
19:23Nadej.
19:25C'est pas grave.
19:26En même temps, ça vous va vachement mieux, Nadej.
19:30Oui, bonjour.
19:32Alors, moi, j'avais deux questions.
19:34D'abord, à partir de quel âge est-ce qu'on peut poser un diagnostic
19:38de troubles comme la bipolarité, TSA, TDAH ?
19:45Donc, ça, c'était ma première question.
19:47Et la deuxième, que pensez-vous de l'instauration d'un dispositif
19:52qui serait mis en place très tôt, c'est-à-dire entre les PMI,
19:59écoles maternelles, les familles, les collectivités locales, territoriales,
20:07pour aider, pour accompagner les familles, et en particulier les enfants
20:12qui subissent ces troubles, en fait, ces difficultés.
20:19Merci, Nadej.
20:21Alors, Chantal Henry, déjà, pour la question sur l'âge,
20:25à partir duquel poser un diagnostic de bipolarité.
20:29Alors, généralement, ces pathologies surviennent à la fin de l'adolescence
20:33ou chez l'adulte jeune.
20:34Et il va falloir avoir...
20:36Alors, si l'épisode inaugural est une manie,
20:40on va pouvoir poser le diagnostic plus rapidement.
20:43Si on a plusieurs dépressions avant de faire un épisode d'exaltation,
20:47le diagnostic, souvent, est retardé.
20:49Mais en tous les cas, c'est des signes qu'il faut savoir évaluer
20:53chez la fin de l'adolescence et l'adulte jeune.
20:58Et donc, dès qu'il y a une dépression chez quelqu'un de jeune,
21:00il faut pouvoir se poser la question d'une bipolarité
21:03ou d'un trouble ou d'un déficit attentionnel avec hyperactivité ou autre.
21:09Pour l'autre question, c'est plutôt Alice.
21:11Voilà.
21:12Oui, pour le TSA, donc le trouble du spectre autistique et le TDAH,
21:17c'est très différent du trouble bipolar.
21:18Ce sont des troubles neurodéveloppementaux.
21:21La détection de l'autisme, maintenant, c'est de plus en plus tôt.
21:24Vers 18 mois, déjà, on peut diagnostiquer pas mal d'enfants
21:27puisque ce sont des enfants qui, très tôt,
21:30ont des troubles dans les interactions sociales,
21:33dans la communication, etc.
21:36Le TDAH, c'est un petit peu plus tard,
21:38mais c'est aussi un trouble neurodéveloppemental,
21:42c'est-à-dire qu'il fait partie du développement du sujet.
21:46On ne peut pas devenir TDAH à 12 ans, ça, ça n'existe pas.
21:49Daphné, oui.
21:50Une dernière question rapide, s'il vous plaît.
21:52Je suis à côté de Marion, qui aura peut-être la voix qui trempe
21:54parce que c'est assez extraordinaire de parler à voix haute de ces sujets-là.
21:57Bonjour à tous.
22:01Voilà, moi, la question que j'avais, c'était
22:03comment faire face à des personnes en situation de grande détresse
22:06qui peuvent parfois mener à un suicide ?
22:09Et souvent, nous nous sentons démunis, impuissants, voire ignorants.
22:13Tout à l'heure, vous parliez du manque de disponibilité
22:15de certaines infrastructures et de certains médecins.
22:20Donc voilà, pour les proches, les amis, la famille, comment faire ?
22:25Chantal Henry ?
22:27Oui, quand on est face à cette détresse et qu'il y a des idées suicidaires,
22:31les bons sentiments de la famille, de l'entourage ne suffisent pas.
22:35Il faut vraiment conduire à des soins.
22:36Je pense que dans le système de soins, même si on est en difficulté,
22:40il tient quand même la route et on rencontrera toujours des soignants,
22:43empathiques, professionnels, etc., qui vont pouvoir prendre en charge les gens.
22:47Et la difficulté que rencontre l'entourage, souvent, c'est d'arriver à convaincre la personne
22:53d'aller se faire soigner.
22:54Et ça, c'est le plus important.
22:56Et des journées d'information comme ça sont importantes pour faire comprendre
22:59que ce sont des maladies, en fait, et qu'il faut aller vers le système de soins.
23:02Et peut-être un mot des premiers secours en santé mentale,
23:04qui est une formation en deux jours qui existe.
23:06Il y a plus de 200 000 personnes qui ont été formées en France
23:09et qui forment les personnes, le grand public, à aider un proche,
23:14qui que ce soit qui aurait besoin d'aide.
23:15On a une dernière question dans la salle.
23:18Il y en a partout, des questions.
23:19Alors, j'y vais direct.
23:21Attends, je franchis.
23:22Je franchis.
23:24Alors, on est au milieu du 104.
23:26Il sont très nombreux, les auditeurs, à cette levée,
23:28pour prendre le petit déjeuner avec nous à France Inter.
23:29Vous avez une question ?
23:31Oui, bonjour à tous.
23:33Merci pour cette journée exceptionnelle.
23:36Je suis très honorée d'être présente.
23:37Et donc, je représente l'association Argos de Milan,
23:40qui concerne les troubles bipolaires,
23:42qui lutte pour la déstigmatisation
23:44et pour aider les patients et les proches.
23:47Voilà.
23:48À ce titre, on communique sur la pénurie de médicaments
23:53et on a des petites astuces à communiquer à l'ensemble des patients.
23:57D'abord, il faut savoir qu'à partir de 21 jours,
23:59on peut renouveler les ordonnances.
24:01Comme les médicaments sont souvent prescrits pour une durée de un mois,
24:04ça veut dire que ça laisse quelques jours aux patients
24:06pour commencer à anticiper et à chercher des médicaments.
24:11Et la deuxième information que je voudrais donner,
24:13c'est que les pharmaciens disposent d'un logiciel
24:16qui s'appelle Vigirupture,
24:18qui leur permet de voir le tas des stocks des médicaments
24:22dans les pharmacies abrocinantes.
24:24Quand les stocks sont bien mis à jour...
24:25Pour cette raison, M. Demourant,
24:27il ne faut pas hésiter à contacter son pharmacien par téléphone
24:31ou à le voir pour vérifier la disponibilité.
24:33Merci pour le conseil.
24:35Et enfin, il ne faut pas hésiter non plus à demander à son pharmacien
24:38de mettre des boîtes de côté.
24:40Et voilà, comme ça, ça évite un arrêt brutal des traitements
24:43et aussi ça permet d'aménuser le stress dans la recherche.
24:47Voilà, merci.
24:47Merci à vous.
24:50Et merci à vous également, nos deux invités ce matin.
24:54Chantal Henry, psychiatre à l'hôpital Saint-Anne,
24:57Alice Opetit, pédopsychiatre à l'hôpital de la Pitié-Salle-Pétrière.
25:01Vous faites un métier à la fois beau et utile.
25:07Merci infiniment.
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