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  • il y a 2 jours
Ce matin dans le Grand Portrait de Sonia Devillers : Anne Berest, romancière, auteure de "Finistère" (Albin Michel).

Retrouvez « Le grand portrait » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10

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Transcription
00:00Vous êtes si nombreux à avoir aimé la carte postale qui fut un succès colossal en librairie.
00:07Petit à petit, vous êtes entré dans la famille Berest, embarqué sans le savoir,
00:12dans un voyage généalogique dont Anne vous a donné les clés, roman après roman.
00:17Sa mère, Lelia, vient d'une famille juive achkénase décimée à Auschwitz.
00:21Son père, Pierre, est issu d'une dynastie de bretons taiseux,
00:25au service du bien commun et résistant à l'eau froide.
00:28Ce nouveau livre est pour lui.
00:30Anne Berest a achevé de l'écrire juste après sa mort.
00:34On n'a pas tous eu un père né dans le Finistère.
00:38Mais un père qui ne parle pas, ça oui, de cette génération, ils sont légion.
00:43Même leur poser des questions, c'est difficile.
00:46Eux ne répondent que par les faits.
00:48Ils n'ont pas appris à dire « je ».
00:49Ils sont entrés dans l'âge adulte par la politique.
00:52C'était dur, c'était âpre, c'était pas romantique pour un sou.
00:56L'individu n'avait pas sa place dans leur histoire.
00:59Parler de soi, c'était parler de tous.
01:01Et ça n'a toujours pas bougé.
01:03Pas facile d'être leur fils et encore moins facile d'être leur fille.
01:07Portrait numéro 17.
01:09Bonjour Anne Berest.
01:13Bonjour.
01:15Finistère vient de paraître chez Albain Michel.
01:17On va le raconter dans un instant.
01:19Vous allez de librairie en librairie en Bretagne.
01:22Et là, tout le monde vous attend.
01:24Les anciens élèves de votre grand-père, ses anciens administrés et d'autres encore dont on va parler.
01:30Quand votre mère, Anne Berest, n'allume pas de cigarette, ça veut dire que l'heure est grave ?
01:35Oui, les lecteurs de la carte postale se souviennent de Lélia, ma mère, qui fume comme une cheminée tout le temps.
01:45Et en effet, dans ce livre, au début, on la retrouve.
01:50Et à un moment donné, elle me dit qu'elle a quelque chose à me dire.
01:53Et elle n'allume pas une cigarette.
01:56Et là, je sens que ça va mal.
01:58Ça va mal.
02:00Ce sont les deux cancers dont est atteint votre père, dont l'un des deux est très rare, extrêmement agressif, très grave.
02:07Je vous cite Anne Berest.
02:09Vous êtes en pleine tournée de la carte postale.
02:12La carte postale, ça a été un triomphe.
02:15Et pourtant, personne, personne n'aurait pu deviner l'existence de cette hache plantée à l'arrière de mon crâne,
02:23fendant en deux ma tête et mon corps tout entier.
02:26Vous avez vécu une période de dissociation, vous en librairie, vous dans les salons littéraires,
02:34vous à la rencontre des lecteurs, des journalistes sur les plateaux de télévision.
02:39Et vous aspirez tout en terre à l'arrière par le crabe dont souffrait votre père.
02:44Oui, et c'est une chose, je pense, que beaucoup d'auditeurs comprennent.
02:49On vit tout ça à un moment donné.
02:51C'est-à-dire, on a un travail, il faut le faire, il faut le faire en souriant, il faut le faire le mieux possible.
02:57Mais on a à l'intérieur de soi quelque chose qui vous ronge, qui vous bouleverse.
03:05Et malgré tout, vous ne pouvez pas vous présenter au monde avec cette tristesse-là.
03:13Et donc, voilà, pour moi, c'était une rentrée littéraire.
03:17Et peut-être qu'en ce moment même, pour ceux qui nous écoutent,
03:22ou peut-être pour vous qui me parlez, c'est aller travailler au bureau,
03:28être dans un magasin, sourire et avoir en soi la gorge nouée.
03:35Et il se sait malade, vous le savez malade, et vous lui proposez une série d'entretiens
03:40pour retracer l'épopée bretonne de cette famille.
03:47En Bretagne, l'homme du jour, c'est Monsieur Lallouette, surnommé le Pape de l'Artichaut.
03:52À la tête du comité de l'Artichaut, il dirige la révolte à Saint-Paul-de-Léon.
03:56Les producteurs se sont organisés.
03:58À la mairie, ils ont fait signer un arrêté réglementant le marché.
04:01Et depuis 15 jours, la matinée se termine sur le même spectacle.
04:044 à 500 tonnes d'Artichaut invendus sont emmenés à la décharge publique
04:08plutôt que d'être laissés à vil prix.
04:10Mais aussi, par cette hécatombe vengeresse,
04:13les exploitants bretons espèrent attirer l'attention générale
04:15sur un circuit de distribution qui les livre sans défense
04:18aux aléas d'un système d'intermédiaires désuet et condamné
04:21qui n'avantage ni le producteur ni le consommateur.
04:24Les mots des journalistes de l'ORTF en 1960.
04:28Laissés à vil prix. L'hécatombe vengeresse.
04:31A la rencontre d'Eugène, votre arrière-grand-père,
04:35parce que votre grand-père s'appelait aussi Eugène.
04:38On avait défié une malédiction dans votre famille,
04:40Anne Bérest, en donnant au fils le même prénom qu'à soi-même.
04:43Votre arrière-grand-père a créé le premier syndicat paysan du Léon.
04:48Il est directeur d'une coopérative, La Bretonne.
04:51En fait, c'est une Bretagne agraire que vous faites surgir.
04:55Et pas maritime.
04:56Oui, c'est-à-dire que quand je me suis plongée dans cette famille paternelle,
05:00j'ai découvert des choses que je ne connaissais pas, que je ne savais pas,
05:04dont l'histoire de ce Eugène père qui est arrivé de Saint-Malo dans le pays du Léon,
05:11qui était donc considéré comme un étranger,
05:13qui était ému par des idées politiques, un mouvement qui s'appelait le Sillon,
05:17et qui là a rencontré d'autres jeunes gens du Léon, aussi du Sillon.
05:23Et ensemble, ils ont créé le premier syndicat d'abord.
05:30Et en 1909, le mot syndicat, c'est un mot nouveau.
05:35C'est-à-dire qu'il va falloir fédérer ces agriculteurs.
05:38Et c'est une première expérience, c'est une révolution qui arrive.
05:42Et ensuite, ils vont créer tous ensemble, dont Eugène et d'autres,
05:46la première coopérative agricole.
05:48Et là, c'est vraiment une bascule.
05:50Et j'ai adoré me plonger dans les archives et découvrir...
05:55Là, vous nous avez fait entendre une archive de 60,
05:58mais entre 1909, 60 et aujourd'hui,
06:02il y a quand même des choses qui n'ont pas tellement changé pour ces agriculteurs.
06:07Que s'est-il passé dans les années 70,
06:09quand, après moultes attentes et difficultés,
06:12votre mère est tombée enceinte de vous, Anne Bérest ?
06:16Alors, ce livre est une saga.
06:18Il se passe sur 100 ans.
06:21Et donc, on va rencontrer à un moment donné ma mère, Lélia,
06:25qui est jeune femme, qui rencontre mon père.
06:28J'ai adoré raconter la rencontre amoureuse de mes parents.
06:33Et elle a d'abord ma grande sœur.
06:35Mes parents vont avoir une première fille, Isabelle.
06:38Et puis moi, elle a du mal à m'avoir.
06:41Elle a du mal à m'avoir.
06:43Et donc, elle va consulter, alors qu'elle sait qu'il n'y a pas de problème.
06:47Pourtant, là, ils ont déjà eu un enfant.
06:49Elle va consulter.
06:50Et là, le médecin va lui dire, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle à vous annoncer.
06:55La bonne nouvelle, c'est que vous êtes enceinte.
06:58Et la mauvaise nouvelle, c'est que vous avez un cancer.
07:00Et que pour soigner ce cancer, il va falloir que vous avortiez.
07:07Et ma mère, alors ça, vous allez découvrir ça.
07:09Ma mère, elle était MLF à fond.
07:12Grande féministe.
07:13Grande féministe.
07:14Grande pionnière.
07:15Pionnière, prof à Vincennes.
07:19Et elle dit à ce médecin, écoutez, moi, je me suis battue pour le droit à l'avortement.
07:26J'ai fait des choses illégales.
07:29Mais là, ce n'est pas vous qui allez me dire ce que je vais faire.
07:35Je vais décider.
07:36Donc, elle garde cet enfant.
07:39Elle décide de me garder malgré la maladie.
07:43Et elle est prise en charge par une unité spéciale à l'Hôtel Dieu,
07:48qui travaille justement sur la question de la façon dont les cellules se multiplient quand on est enceinte.
07:55Et comment les cellules malades se multiplient.
07:57Donc, elle est surveillée par...
07:58Elle est très heureuse d'être un objet de recherche.
08:01Elle qui est chercheuse, elle trouve ça génial de devenir un objet de recherche pour la médecine.
08:05Mais l'histoire n'est plus une histoire de médecine, Anne Bérest, puisque vous écrivez un miracle.
08:12J'avais fait un miracle.
08:14J'avais, dans le ventre de ma mère, mangé sa maladie.
08:17Oui.
08:18Il s'est passé un miracle, c'est-à-dire que la maladie, au lieu de proliférer comme elle aurait dû le faire,
08:25la maladie s'est arrêtée.
08:26Donc, vous qui avez été dotée du pouvoir de stopper le cancer de votre mère,
08:30est-ce que vous vous êtes crue, à un moment, dotée du pouvoir de stopper le cancer de votre père ?
08:37J'ai pensé, comme mes sœurs, comme tous les enfants qui ont un parent malade,
08:49j'ai pensé qu'on pouvait, par l'amour, par la présence, qu'on pouvait aider, retarder les choses.
08:57Est-ce que vous avez pensé que ce livre, peut-être, en remontant en arrière, arrêterait le temps
09:03et qu'il empêcherait votre père d'avancer vers l'amour ?
09:06En tout cas, j'ai pensé que faire ses entretiens avec lui,
09:11que faire ses entretiens sur qui il était et d'où il venait, le maintiendrait en vie.
09:17Je pensais qu'il...
09:18Oui, évidemment.
09:20La première chose qui lui vient, quand vous démarrez ses entretiens,
09:25ce sont ses années trotskistes, dont vous ignorez tout.
09:29Moi, personnellement, le bac, je le condamne, en tant que forme de sélection.
09:32Vous allez le passer ?
09:34Je vais le passer, oui.
09:35Pourquoi ?
09:36Je vais le passer parce que je suis dans une société bourgeoise
09:38et que, de toute façon, il faudra que je le passe.
09:41Mais si vraiment il faut le boycotter, je suis prêt à le boycotter.
09:44Et vos parents continueront à payer vos études l'année prochaine pour le passer tout de même ?
09:47Alors, dans ces cas-là, j'irai travailler dans une usine.
09:50Certes, vraiment ?
09:50Vraiment, oui, vraiment, sérieusement.
09:52Moi, personnellement, je fais passer la vie politique avant le bac.
09:55À 18 ans, on a le droit d'aller en prison.
09:57On a le droit, mais j'y suis allé personnellement d'ailleurs,
09:59on a le droit d'aller, pour des raisons politiques,
10:01on a le droit d'aller à l'armée, on a le droit de se faire arracher une main,
10:03mais on n'a pas le droit de faire la politique.
10:05Itinéraire d'un jeune militant d'extrême-gauche,
10:08le comité d'action lycéen à Brest,
10:11le comité Vietnam,
10:13la jeunesse communiste révolutionnaire,
10:15la candidature d'Alain Krivine à l'élection présidentielle de 1969
10:19après la démission du général de Gaulle, la Ligue communiste.
10:24Alors, je vais être très honnête avec vous.
10:25Avant de commencer ce livre,
10:27je ne pouvais pas faire la différence entre un trotskiste et un maoïste.
10:30Je n'y connaissais rien.
10:32Alors, je me suis plongée dans cette histoire,
10:36dans cette histoire de militant,
10:38et ça m'a passionnée.
10:42Je parle de cet archive sur laquelle je suis tombée,
10:44où on voit Marguerite Duras,
10:46en mars 68,
10:48interroger le jeune Romain Goupil
10:50et se tourner vers cette jeunesse
10:53dont elle sent, parce qu'elle était visionnaire,
10:56notre Marguerite,
10:57dont elle sent que quelque chose est en train de frémir.
11:00Et elle dit, faire de la politique, c'est ne plus subir le monde.
11:04Et ça m'a passionnée de regarder
11:06cette histoire des années 68
11:08en me déplaçant.
11:10On connaît tous mes 68 à Paris.
11:14Moi, j'ai aimé regarder ça à Brest.
11:16Alors, il faut raconter le 8 mai,
11:17parce que les chapitres que vous y consacrez sont magnifiques.
11:20Le 8 mai 68, à Brest.
11:22Ce jour qui va entrer dans l'histoire,
11:24dites-vous, pourquoi ?
11:26Alors, ce qu'il faut comprendre,
11:28c'est que la Bretagne,
11:30dès le mois de janvier 68,
11:32décide d'organiser
11:34une grande manifestation
11:35pour dire son ras-le-bol
11:38d'être à la traîne
11:39de tout,
11:40à la traîne des budgets
11:41du gouvernement,
11:43à la traîne des décisions parisiennes,
11:45de ne pas avoir assez de fric
11:47pour les universités,
11:48pour les autoroutes,
11:49pour les agriculteurs.
11:51Et donc,
11:52les Bretons décident
11:53de faire une grande journée
11:55de manifestation.
11:56Cheminots,
11:57dockers,
11:57ouvriers des conserveries
11:59et de l'arsenal,
12:00enseignants,
12:00paysans,
12:01religieuses,
12:01tous étaient là.
12:03Les tracteurs chargés de lait
12:04et de pommes de terre
12:05offerts par les paysans du Léon
12:06faisaient une colonne imposante
12:07tout autour de la ville.
12:09Tous souffraient du même sentiment d'abandon.
12:12Et ce qui est extraordinaire,
12:13c'est que cette journée
12:14qui est préparée très en avance
12:16va coïncider
12:18avec les événements de mai 68
12:21et la révolution,
12:23la révolte de mai 68.
12:25Et de travailler dans les archives,
12:27de travailler sur cette histoire bretonne
12:29grâce,
12:30et je le dis ici,
12:31à des historiens de la Bretagne
12:32qui ont fait un travail extraordinaire
12:36et qui m'ont aidée
12:39à pouvoir raconter ça.
12:41Si vous voulez faire toujours
12:43un pas de côté,
12:44regardez l'histoire
12:45avec une autre paire de lunettes.
12:48Et donc regardez l'histoire de France
12:49à partir d'un autre territoire,
12:52d'une autre géographie.
12:54C'est passionnant.
12:56D'une autre géographie
12:57et regardez cette histoire,
12:59non pas entre votre génération
13:01et celle de votre père
13:02qui est en train de mourir,
13:03mais entre sa génération
13:04et celle de son père.
13:06Et vous parlez
13:07d'une magnifique lutte
13:09silencieuse
13:10entre nos grands-pères
13:13et nos pères
13:13puisque nous avons
13:14le même âge.
13:16Leur père à eux
13:17avait combattu le mal
13:18avec un M majuscule
13:20sans qu'on ne puisse douter
13:21de la pureté
13:22de leur combat.
13:23Écrivez-vous,
13:24c'était des pères indépassables,
13:25c'était des pères insurmontables.
13:27Maintenant,
13:27les enfants voulaient aussi
13:28se battre.
13:29Leur père à eux
13:30avait vécu la guerre,
13:32la guerre majuscule,
13:33la Seconde Guerre mondiale.
13:35Et eux,
13:36cette génération-là,
13:37ils vont découvrir
13:38une guerre
13:41qui est la guerre du Vietnam,
13:43qui va être la première,
13:44ce qu'on appelle
13:45Living Room War,
13:47c'est-à-dire une guerre
13:47à la télévision.
13:49Et cette jeunesse
13:50va s'enflammer
13:51pour un combat
13:53qui n'est pas le leur.
13:55Et c'est ça
13:55qui est sublime.
13:57Et ça va gronder,
13:59ça va monter.
14:00Et ce qui m'a passionnée
14:01en travaillant
14:01et sur le maoïsme
14:03et sur le trotskisme
14:04et sur cette génération,
14:05c'est comment
14:05ils vont d'une certaine façon
14:07reproduire
14:08des structures
14:09de la résistance
14:10qu'avaient vécues
14:11leurs propres pères.
14:12Avec des noms de codes,
14:14des noms de résistants,
14:15avec des organisations
14:16où, par exemple,
14:17il ne fallait pas être en couple
14:18comme pendant la résistance.
14:21Voilà,
14:21c'est-à-dire que les fils
14:22et les filles
14:23vont avoir...
14:24Avec l'idée,
14:25c'est ce que je disais
14:25dans mon introduction,
14:26et j'ai repris
14:27une phrase de votre texte,
14:28Anne Berest,
14:29avec l'idée que l'individu
14:30ne vaut rien,
14:31que quand on parle de soi,
14:32on parle de tous.
14:33Et ça,
14:33ça caractérise votre père
14:35et ça caractérise
14:36d'une certaine manière
14:37nos pères.
14:38Cette génération-là.
14:40Et qui est...
14:41Qui ne sait pas dire « je ».
14:42Exactement.
14:44Et qui...
14:45Quand on ne sait pas dire...
14:46Ne pas savoir dire « je ».
14:48C'est un hommage
14:50à cette génération-là
14:51que je fais dans le livre.
14:54Je trouve...
14:55J'ai la sensation
14:56d'avoir eu des parents
14:57exemplaires
14:58dans leur trajectoire de vie
15:00et qui sont restés
15:02pour toujours
15:03des intellectuels
15:04intransigeants
15:05et des éternels
15:06étudiants
15:06en révolte.
15:08Mais ne pas dire « je »,
15:09ne pas savoir dire « je »
15:11à un moment donné
15:12au sein de la famille
15:13et ne pas savoir dire
15:15ses sentiments,
15:16eh bien ça crée aussi
15:17des chagrins.
15:19On a retrouvé la voix
15:20de votre grand-père
15:21Eugène Berest.
15:22Donc ça, c'était sa voix
15:23en 1980
15:24après son élection
15:26comme maire de Brest.
15:27C'est capital,
15:28je dirais capital
15:29pour une région
15:29comme la nôtre
15:30parce que les échanges
15:31commerciaux de la Bretagne
15:32avec l'étranger
15:33sont indispensables
15:34en allemand,
15:35en anglais.
15:36Il faut que nous y aions
15:36des Bretons
15:37qui aillent en Allemagne,
15:38en Angleterre,
15:39en Espagne,
15:39je dirais,
15:40dans les pays arabes
15:41et qui puissent parler
15:42la langue du pays.
15:43Sinon,
15:44on ne pourra pas faire
15:45un développement économique.
15:46Il faut pour le progrès
15:49de la région,
15:49pour le progrès
15:50de la nation française,
15:51que les petits Français,
15:52les Français adultes
15:53puissent effectivement
15:54bien parler une langue.
15:56Eugène Berest,
15:57né en 1922
15:58à Saint-Paul-de-Léon
15:59et l'humère de Brest.
16:02Ce n'est pas une famille.
16:04D'ailleurs,
16:05ce n'est pas une histoire
16:06de gauche,
16:07cette famille.
16:07C'est une histoire
16:07de syndicalisme.
16:08Ensuite,
16:08c'est une histoire
16:09de centrisme
16:10et de droite française.
16:11Et ensuite,
16:12c'est une histoire
16:13de gauche.
16:14C'est une histoire
16:15de bifurcation,
16:16dans l'histoire
16:16de la famille Berest.
16:17Qu'est-ce que c'est
16:18qu'une bifurcation ?
16:19Alors,
16:20une bifurcation,
16:21au départ,
16:23le mot bifurcation
16:24vient des recherches
16:25que mon père fait,
16:27des recherches mathématiques.
16:28Parce qu'il travaille
16:29sur la façon
16:30dont les corps
16:31en mouvement
16:32bifurquent dans l'espace.
16:33Bon,
16:34ce n'est pas simple,
16:35mais quand il me dit
16:36ce mot bifurcation,
16:37j'ai comme une sorte de...
16:39Oui,
16:39j'accroche à ce mot
16:41et je me dis,
16:42moi qui travaille
16:42sur la question
16:43de ce qui se passe
16:45dans la généalogie,
16:46ce qui se passe
16:46dans les familles
16:47et ce qui se répète
16:48de père en fils,
16:49de père en fille
16:50à l'intérieur d'un arbre,
16:52je me dis,
16:52mais c'est fou.
16:53Mon père travaille
16:54en mathématiques
16:55sur les bifurcations
16:56et dans sa famille,
16:58les pères et les fils
16:59puis les filles
16:59n'ont eu de cesse
17:00de bifurquer.
17:01C'est-à-dire
17:02de ne pas remplir
17:04le programme prévu pour eux.
17:06Alors la bifurcation,
17:08ce n'est pas un drame.
17:09Non !
17:10Ce n'est pas une rupture,
17:11ce n'est pas une cassure,
17:13ce n'est pas un conflit ouvert,
17:15ce n'est pas une séparation,
17:16ce n'est pas un abandon,
17:17ce n'est pas un renoncement,
17:18ce n'est pas un claquage de porte.
17:20La bifurcation,
17:21c'est le moment quand même
17:22où un père est déçu par son fils
17:25ou un père est déçu par sa fille.
17:28Vous avez déçu votre père ?
17:30Dans cette famille,
17:37sur plusieurs générations,
17:39les enfants déçoivent
17:41parce qu'ils ne sont pas exactement
17:45qui les pères avaient voulu.
17:48Mon grand-père aurait dû reprendre
17:50la coopérative agricole
17:52et lui, il est devenu professeur de grec.
17:55Moi, j'ai été élevée par des parents
17:58avec une grande intransigeance
18:01intellectuelle et notamment politique.
18:05J'ai eu une enfance très politisée,
18:08je suis allée dans les manifs,
18:09j'ai mis des traques dans les boîtes aux lettres,
18:11etc.
18:12Et mon père a trouvé...
18:15Que vous étiez devenue frivole,
18:17parisienne et bourgeoise.
18:18Exactement,
18:19que je m'embourgeoisais
18:20et que je...
18:23Oui, et ce mot de devenir parisienne,
18:25il est très important
18:26parce que, si vous voulez,
18:27dans mon livre,
18:28je raconte aussi la trajectoire,
18:30le rapport entre...
18:33Dans une famille,
18:34ici c'est la Bretagne,
18:35mais la province c'est Paris.
18:37Comment, sur plusieurs générations,
18:39Paris est d'abord l'ennemi.
18:41Pour mon arrière-grand-père,
18:42Paris c'était les négociants,
18:44c'était les salauds.
18:46Et puis moi,
18:47quatre générations plus tard,
18:49j'écris un livre
18:50qui s'appelle
18:51« How to be Parisian »
18:52que j'adore,
18:53que je ne renie pas du tout,
18:55qui a été un best-seller mondial.
18:57Qui a l'air mondial
18:58et que j'ai adoré.
19:00Mais qui s'explique aussi
19:01par l'histoire
19:03et par ma trajectoire
19:05et le rapport
19:07de ma famille
19:08et maternelle
19:09et paternelle
19:10avec Paris.
19:11Parce que ce que je dis,
19:13c'est que pour mon père,
19:14devenir cette parisienne,
19:15c'était quelque chose
19:16qui le mettait un peu mal à l'aise.
19:19Mais aussi,
19:19pour ma famille maternelle,
19:21être une vraie parisienne
19:23était quelque chose aussi
19:24de merveilleux,
19:25eux qui venaient de l'étranger.
19:26Donc tout ça se raconte aussi
19:28par cette histoire
19:29de généalogie.
19:30Anne Berest
19:31vient de signer
19:32Finistère.
19:33Ça paraît
19:34chez Albain Michel.
19:35Je vous laisse reprendre le train.
19:36Vous partez à Brest.
19:37Je ne vais pas à Brest.
19:38Vous avez rendez-vous
19:39avec toutes les Brestoises
19:40et tous les Brestois
19:41ce soir.
19:42J'espère qu'ils seront là.
19:43Ils seront très nombreux
19:44à 19h30.
19:45Merci infiniment,
19:46Anne Berest.
19:47Merci à vous.
19:48Sous-titrage Société Radio-Canada
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