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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Belgrade, entre les deux guerres.
00:14À l'époque où la Yougoslavie est un jeune État, âgé d'une dizaine d'années seulement, et pourtant déjà un vieux royaume.
00:22Les paysans y sont aussi arriérés qu'au temps où ils dépendaient de l'Empire d'Autriche.
00:26Les aristocrates n'ont rien appris, rien oublié.
00:31Ils vivent toujours dans leur domaine sauvage et magnifique, en féodaux.
00:37Une de ces grandes propriétaires terriennes, Vera Rengsi, se rend en ville à Belgrade.
00:46Belgrade.
00:47Château blanc rempart de la chrétienté longtemps partagée entre la cruauté turque et la mélancolie slave.
00:54Vera entre dans une entreprise de pompes funèbres et demande à parler au directeur.
01:02Un employé l'a pris de s'asseoir.
01:04Elle est en grand deuil.
01:06Ses cheveux blonds tranchent sur le noir de ses vêtements, ce qui accentue l'aspect étrange de sa personnalité.
01:13Ses voiles relevés laissent admirer son visage.
01:16Des lèvres sensuelles et bien dessinées, des pommettes saillantes et surtout un regard.
01:20Des yeux immensément tristes.
01:25Voici le directeur.
01:26Il s'incline avec servilité.
01:28Il a tout de suite jaugé sa cliente, une femme du monde encore jeune et certainement très riche.
01:33Vera lui rend son salut d'un simple signe de tête.
01:37Et contemplant négligemment le magasin alentour, comme si son propriétaire ne méritait pas qu'on s'adresse à lui personnellement,
01:43elle explique l'objet de sa visite.
01:45« Mon mari vient d'être tué dans un accident de voiture. »
01:50Le directeur s'incline une seconde fois, n'osant pas exprimer de vive voix ses condoléances.
01:55« Oui, dans un accident de voiture en Roumanie. »
01:58« La voiture a brûlé. »
02:00« Je vous passe les détails. »
02:02« Vous comprendrez que j'ai besoin immédiatement d'un cercueil en zinc, ce que vous avez de mieux. »
02:08« Certainement, madame, je suis à vos ordres. »
02:10« Dois-je le faire livrer ? »
02:12« Chez moi, au château. »
02:15Tandis que le directeur note le nom et l'adresse de sa cliente, Vera Renzi ajoute « En avez-vous plusieurs ? »
02:24« Vous voulez dire plusieurs modèles ? »
02:27« Non, non, non, peu importe le modèle. »
02:29« En fait, j'en ai besoin de 35. »
02:35« 35 cercueils ? »
02:38« Le directeur pose son porte-plume à basourdie. »
02:42« Il dévisage Vera. »
02:44« Aurait-il affaire à une folle ? »
02:46« Celle-ci daigne ébaucher un vague sourire. »
02:50« Vous n'êtes pas tenu de me les livrer tous en même temps. »
02:53« De toute façon, je ne pourrais pas. »
02:56« Je n'en possède pas autant en magasin. »
02:59« Vous les ferez fabriquer. »
03:01« Vous savez, dans notre caveau de famille, les cercueils en bois sont très endommagés. »
03:05« J'ai décidé de les remplacer. »
03:07« Le zinc, n'est-ce pas ? »
03:09« Oh ! »
03:10« Oh, madame, cela vous donnera toute satisfaction. »
03:14« Le directeur remplit les papiers nécessaires et berlué de réaliser une si bonne affaire. »
03:21Vera Renzi se lève pour s'en aller.
03:23« Ah, j'allais oublier. »
03:25« Pour la livraison. »
03:27« Pourriez-vous l'effectuer la nuit ? »
03:30« Oui, oui, je ne voudrais pas que les gens du village soient au courant. »
03:33« Ce sont de pauvres gens. »
03:35« Mettre autant d'argent dans un caveau. »
03:39La jeune femme baisse son voile de crêpe devant ses yeux, sort dans la rue, va rejoindre son chauffeur qui l'attend avec sa Mercedes en stationnement.
03:51« Nous rentrons à la maison, Mikhailovich. »
03:54Et la voiture repart en direction de la montagne, des rochers, des torrents et des bois.
04:01Un désert humain où ne passe que de temps en temps une longue cariole traînée par de maigres chevaux.
04:08C'est là, dans un paysage de bout du monde, que se dresse accroché à un éperon de granit le château de Berkérékul.
04:18Les 35 cercueils en zinc, commandés par Vera Renzi, ont été livrés à son château.
04:43Cette fois, et la nuit comme elle le désirait, un camion a fait l'ascension de la montagne pour déposer son sinistre chargement.
04:53Le directeur de l'entreprise de pompes funèbres de Belgrade doit à plusieurs reprises changer d'employé pour effectuer ce travail.
04:59Ceux-ci, pourtant habitués à une telle besogne, après être allés à Berkérékul, refusent d'y retourner.
05:06Pour en trouver, il faut augmenter leur salaire, payer les yeux de la tête.
05:12Une mauvaise légende commence à courir le magasin.
05:18Un sale boulot là-haut pour une drôle de femme.
05:23Les ouvriers lui donnent un surnom.
05:25La veuve noire.
05:29Évidemment, livrer la nuit accentue l'aspect fantastique.
05:32Comment peut-on vivre et même mourir dans un endroit pareil ?
05:37Et dire qu'on s'y amuse, paraît-il.
05:39Qu'il y a des réceptions, de la musique.
05:42On y danse.
05:44Le bal des vampires.
05:46Les cercueils sont déponsés au sous-sol, dans la crypte du château.
05:50À la porte du caveau de famille.
05:52Encore heureux que la châtelaine ne demande pas qu'on les mette dans le caveau.
05:56Les domestiques, dit-elle, s'en chargeront.
05:58En fait, Vera s'en occupe elle-même, aidée seulement de son fidèle Mikhailovich.
06:05Curieux personnage, chauffeur, factotum, homme à tout faire.
06:09On se demande quelle sorte d'attachement l'unit à sa maîtresse.
06:13Un paysan serbe, silencieux, en qui gronde peut-être la révolte,
06:17à moins qu'il ne soit, pour des raisons qu'on peut imaginer, à genoux devant Vera.
06:22Et délivré de cette emprise, Mikhailovich s'inscrira plus tard au parti paysan,
06:28le parti de l'opposition responsable de l'insurrection en Croatie.
06:31Son fondateur, Radic, est assassiné en pleine chambre des députés en cette année 1928.
06:37Il devient un symbole.
06:38Son parti grandit de jour en jour.
06:41Pour l'instant, Mikhailovich est toujours aux ordres de Vera.
06:44Ils se trouvent tous les deux dans la crypte devant la porte du caveau.
06:47Vera en détient les clés.
06:49Elle ne s'en sépare jamais.
06:50« Laisse-moi maintenant. »
06:53« Non. Non, attends. Va d'abord me chercher du champagne. »
06:59Mikhailovich revient, portant un plateau, une coupe et une bouteille de champagne de Crimée.
07:06Vera lui prend le plateau des mains, entre seul dans le caveau et referme la porte.
07:13À clé.
07:14Elle se trouve dans une pièce voûtée et circulée,
07:17composée de 35 petites chapelles où sont placées les 35 cercueils.
07:23Au centre, un fauteuil de velours rouge et un immense champ de lit en argent.
07:30Vera allume le cierge, s'assoit et se met à prier, prêtresse de l'amour et de la mort.
07:40Mais au fait, il n'y a pas de cercueil en bois dans ce caveau.
07:46Oui, il n'y en a plus.
07:48Que sont-ils devenus après que Vera Renzi ait transféré les restes de ses aïeux ?
07:53Aucun feu n'a embrasé le parc après la livraison des nouveaux cercueils en zinc ?
07:59Et d'ailleurs, qui s'est chargé du transfert ?
08:02Par les employés des pompes funèbres ?
08:04Vera elle-même et Mikhailovich ?
08:07Oui.
08:09Mais pour un seul cercueil.
08:15Car il n'y en avait qu'un.
08:17Il est toujours là dans un coin.
08:19Un coin tellement sombre qu'on ne le voit pas.
08:22Le cercueil du premier mari de Vera, Karl.
08:26Karl a désormais droit à une dernière demeure en zinc,
08:31comme Renzi, le mari numéro deux.
08:33Leurs noms sont gravés sur les plaques de cuivre.
08:37Et les trente-trois autres cercueils.
08:41Eh bien, ils sont vides.
08:45Oui, ils sont vides.
08:47Jusqu'à nouvel ordre.
08:48Vera a fini de se recueillir.
08:54Elle quitte son fauteuil, débouche la bouteille de champagne,
08:58se verse une première coupe qu'elle avale d'un trait,
09:00une seconde,
09:02une troisième coupe.
09:05Pourquoi se comporte-t-elle de cette étrange façon ?
09:09A-t-elle toute sa raison ?
09:11Le deuil et le malheur
09:12ne peuvent pas être les seuls motifs d'une attitude aussi bizarre, malsaine.
09:16Cette cérémonie macabre a pour cause d'autres origines,
09:20probablement inavouables.
09:23Le dirèglement d'une femme du monde,
09:25d'un monde perdu dans la pourriture de ce vieil empire d'Europe centrale,
09:29n'explique pas tout.
09:31Que s'est-il donc passé au château de Berkérékoul ?
09:36Que va-t-il s'y passer maintenant ?
09:38Les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
09:48un podcast européen.
09:49Le 28 juin 1914,
09:51l'attentat de Sarajevo contre l'archiduc François Ferdinand,
09:55fils de l'empereur d'Autriche,
09:56déclenchait la première grande guerre mondiale.
10:00Sarajevo est maintenant en Yougoslavie,
10:03où se situe le dossier extraordinaire que je vous présente aujourd'hui.
10:05Cet attentat marque la fin du monde d'autrefois,
10:09représenté par l'Empire austro-hongrois,
10:12le plus rétrograde qu'on puisse imaginer,
10:15et le début des temps modernes.
10:17Or, cet attentat a été conçu et réalisé
10:19grâce à l'union d'un étudiant et d'un ouvrier.
10:22Avouez que cette union, plus de 50 ans avant 68,
10:26a quelque chose de prémonitoire et de symbolique.
10:29Si je vous en parle, c'est que le dossier de Vera Renzi
10:32serait totalement incompréhensible
10:34dans un autre cadre que celui de l'Europe centrale
10:37d'entre les deux guerres.
10:40Imaginez que l'on ait livré,
10:42en 1928, même la nuit,
10:4535 cercueils
10:46au château de Dampierre, près de Versailles.
10:49La police française se serait inquiétée.
10:52Eh bien là, non.
10:54Imaginez que des fêtes, pour ne pas dire des orgies,
10:57aient eu lieu toujours à Dampierre
10:59et que certains invités aient disparu.
11:00Il me semble qu'une enquête aurait été ouverte.
11:03Eh bien ici, non.
11:05Il est encore admis que les grands de ce monde
11:07vivent autrement que le coma des mortels.
11:09Et quand je dis des mortels,
11:11vous allez constater que je n'exagère pas.
11:14Quand enfin la police se présente au château
11:15de Berké-Récoule,
11:19elle se présente parce qu'elle ne peut plus faire autrement,
11:22qu'elle y est obligée.
11:23Et les policiers, devant Vera Renzi,
11:25sont extrêmement polis et déférents.
11:27« Excusez-nous de vous déranger, madame.
11:31Nous sommes désolés.
11:32Mais je vous en prie, messieurs, c'est tout naturel.
11:34Nous sommes venus simplement pour vous demander
11:36quelques renseignements. »
11:39« Cela ne m'étonne pas, je vous attendais. »
11:42Ce sont les policiers qui sont étonnés.
11:44« Vera prend les devants.
11:46Vous voulez, je suppose, me parler de...
11:48de mon ami Milorad, le banquier. »
11:52En effet, madame, son épouse s'inquiète.
11:55Elle ne l'a pas revue depuis plusieurs semaines.
11:57Nous avons eu pour lui dire que ce sont des choses
11:59qui arrivent assez souvent et à de nombreux ménages.
12:02Elle a déposé une plainte.
12:03Elle sait que son mari était...
12:05était...
12:06était reçu chez vous, disant.
12:10« Je m'inquiète aussi, messieurs.
12:12Et pour ne rien vous cacher, je crains le pire.
12:14J'ignorais que Milorad fait marier.
12:18Quand je l'ai appris, j'ai rompu avec lui.
12:22Il en a paru très affecté.
12:26Vous pensez au suicide ?
12:28Hélas, ce n'est pas impossible.
12:30Un homme aussi faible et tourmenté,
12:32désespéré par ma décision. »
12:35Les policiers se retirent.
12:37Mais la femme de Milorad n'accepte pas
12:40leur conclusion hâtive dictée par Vera Renzi.
12:42« Mon mari était son amant, je m'en doutais.
12:45Il a disparu.
12:47Comme a disparu son premier mari, Karl, je crois.
12:49Et Renzi, son second mari.
12:52Et combien d'autres habitués du château
12:54de Berkirékoul ?
12:56Les avez-vous comptés ou sont-ils donc ?
12:59Mais qu'est-ce que vous insinuez, madame ? »
13:02« Je n'insinue rien du tout, je constate.
13:05Et je m'étonne.
13:06Je m'étonne que la police ne surveille pas cette personne.
13:10Madame Renzi fréquente à Belgrade
13:11les milieux les plus frelatés.
13:14Tous ces artistes qui viennent d'Allemagne
13:15et qui ont décidé de tout détruire,
13:18à commencer par là,
13:19comment les appelle-t-on déjà ?
13:20Ils ont des noms impossibles,
13:22dadaïstes, surréalistes,
13:24c'est ça, soit disant des poètes ou des peintres,
13:27des révolutionnaires en tout cas.
13:28Je dirais même des anarchistes.
13:30Et les activités de ce petit monde
13:31ne vous intéressent pas ?
13:32C'est curieux.
13:33Il se passe dans ce pays des choses regrettables.
13:37Écoutez, madame,
13:38vous nous avez demandé d'essayer de retrouver votre mari.
13:40Il ne nous appartient pas.
13:42Au contraire, messieurs,
13:44tout se tient.
13:45La dépravation des mœurs
13:47et les menaces contre la société,
13:50selon vous,
13:52mon mari a fait une fugue.
13:53C'est banal.
13:54J'en conviens.
13:56Mais si en le recherchant,
13:59vous découvriez autre chose,
14:03quoi donc ?
14:04Je ne sais pas, moi.
14:05Le château de Berké-Récoule
14:09vous paraît un endroit
14:12normal.
14:17Comment ça, normal ?
14:18Bien des gens y passent,
14:21comme dans une gare.
14:24On ne les revoit plus, après.
14:25C'est un château isolé dans la montagne,
14:29un refuge idéal pour les terroristes,
14:33en tout cas leur chef,
14:35puisqu'on y mène grande vie.
14:38Mon mari est un banquier.
14:40Il a pu être attiré là
14:42pour qu'on lui soutire de l'argent.
14:43Où les révolutionnaires trouvent-ils
14:46de l'argent ?
14:48À l'étranger, probablement,
14:50mais peut-être ici également.
14:53Je ne désarmerai pas tant que vous
14:55ne m'aurez pas donné une explication valable,
14:58tant que je n'aurai pas retrouvé mon mari.
15:01Je vous signale d'ailleurs
15:02que j'ai demandé un rendez-vous au ministre.
15:07L'acharnement de cette épouse délaissée
15:09et courageuse contraint la police
15:11a poussé plus loin ses recherches.
15:13Sa thèse, selon laquelle Vera Renzi
15:15serait mêlée à une activité révolutionnaire,
15:18n'est guère prise au sérieux.
15:19Mais après tout,
15:20il ne faut rien négliger,
15:21surtout dans un pays tel que la Yougoslavie,
15:24en pleine effervescence.
15:25Depuis la mort du chef de l'opposition en 1928,
15:27tué en pleine chambre des députés,
15:29sept ans ont passé.
15:31En 1934,
15:32il y a un an à peine,
15:34c'est le roi Alexandre
15:35que les oustachis ont assassiné
15:37à son arrivée en France, à Marseille.
15:40Dans les provinces,
15:40on craint les révoltes paysannes.
15:43Dans les grandes villes,
15:44les attentats.
15:45Deux nouveaux inspecteurs,
15:46spécialistes des affaires politiques,
15:48sont chargés d'aller interroger
15:49une seconde fois
15:50Vera Renzi.
15:53« Vous recevez beaucoup, madame.
15:56Oui, en effet,
15:57je donne quelques soirées
15:58de temps à autre.
16:00Vous recevez des gens
16:01de toutes sortes,
16:02des étrangers.
16:04Cela m'arrive.
16:06J'ai pas mal de relations
16:07dans le monde des affaires.
16:08Nous avons relevé
16:10les noms
16:12d'un certain nombre
16:12de personnes.
16:13Nous aimerions savoir
16:14si vous les connaissez. »
16:17Vera consulte la liste
16:19et pâlit.
16:24« Parmi d'autres noms,
16:25il y a ceux
16:26de tous ses amants,
16:27de tous les hommes
16:28qu'elle a aimés
16:28et qui ont disparu.
16:30Et elle s'écrit.
16:32Mais enfin, messieurs,
16:33de quoi m'accusez-vous ?
16:35Je ne suis pas une criminelle.
16:37Je vous jure
16:37que je ne suis pas
16:38une criminelle. »
16:41Les inspecteurs
16:42sont stupéfaits.
16:44Une criminelle,
16:46Vera Renzi ?
16:47Mais il ne pensait
16:48absolument pas à cela.
16:50Il tirait des plombs
16:51sur la comète
16:51dans l'espoir
16:52de retrouver
16:52certaines personnes
16:53compromises politiquement.
16:54Il supposait
16:55que les réceptions
16:56de Berkir et Kool
16:57au public très mélangé
16:58les mettraient
16:59sur certaines pistes.
17:01Or, voilà
17:01qu'ils seraient tombés
17:02par hasard
17:03sur une simple
17:05affaire criminelle.
17:08Simple ?
17:09A priori.
17:12Pourquoi, Vera,
17:13aurait-elle tué
17:14ses maris,
17:15ses amis de passage,
17:16ses amants ?
17:16Comment ?
17:18Et sans que
17:18personne ne le sache.
17:21Les inspecteurs
17:22demandent et obtiennent
17:23un mandat de perquisition.
17:25Ils visitent
17:25le château
17:26de fond en comble
17:27pendant des heures
17:27et ne trouvent
17:28rien.
17:30Ils descendent
17:30enfin à la crypte
17:32et se trouvent
17:33devant la porte
17:33du caveau.
17:36Ils sont accompagnés
17:37du domestique
17:38Mikhailovich.
17:40Ouvrez cette porte.
17:42Je n'ai pas la clé.
17:44Allez la chercher.
17:47C'est madame
17:47qui la conserve
17:48toujours sur elle.
17:50Très bien,
17:51demandez à Mme Rekzey
17:52de descendre.
17:54Arrive Vera.
17:56Jamais peut-être
17:57elle n'a été plus belle.
17:59Elle porte encore
17:59une robe de soie noire.
18:00Ses cheveux blonds
18:01sont retenus par deux
18:02peignes ornées de diamants.
18:04Elle marche lentement.
18:05Son visage paraît
18:06plus grave que d'habitude.
18:08Elle s'arrête
18:08devant les inspecteurs
18:09et les regarde
18:10droit dans les yeux.
18:10« Vous tenez vraiment
18:13à entrer
18:14là ? »
18:18« À notre grand regret,
18:19madame.
18:21Mais il le faut.
18:24Ce n'est que le caveau
18:26de famille.
18:26Je pensais que vous
18:28le respecteriez.
18:30Excusez-nous.
18:32Veuillez ouvrir,
18:33s'il vous plaît. »
18:36Vera met la clé
18:36dans la serrure,
18:37ouvre doucement la porte,
18:38allume l'électricité.
18:40Les trente cinq chapelles
18:43s'éclairent d'une pâle lueur.
18:44Au centre de la pièce,
18:45le camp des labres,
18:47le cierge à demi-consumé
18:48éteint,
18:49le fauteuil de velours rouge.
18:50Sur le guéridon,
18:52des bouteilles de champagne
18:53vides.
18:56Vera est entrée à première.
18:58Les inspecteurs l'ont suivi.
19:00Ils s'approchent
19:01des cercueils.
19:02Ils lisent les noms
19:03gravés sur les plaques
19:04de cuivre,
19:04sur chacun d'eux.
19:06Tous les noms
19:06des disparus.
19:08Quand ils arrivent
19:09devant le douzième,
19:10Vera tombe à genoux,
19:11s'écroule,
19:11secoué de sanglots.
19:15Le douzième nom
19:16est celui
19:18de son fils.
19:22Quoi ?
19:23Son fils aussi ?
19:26Elle aurait tué
19:27son fils ?
19:29Oui.
19:32Parce qu'il avait découvert
19:33les horribles agissements
19:35de sa mère.
19:35Vera Renzi,
19:40immédiatement arrêtée
19:41et emprisonnée,
19:42avoue ses crimes.
19:43Trente-cinq crimes.
19:45Empoisonnement à l'arsenic
19:46mélangé en petites doses
19:48à du vin de toqué
19:49pour que dure le plaisir.
19:52Il faut le concours
19:53d'un psychiatre
19:54afin d'essayer
19:54de comprendre
19:55ce qui s'est passé.
19:56Je citerai simplement
19:57un extrait
19:58du rapport publié
19:58par la presse
19:59qui, bien entendu,
20:00s'empare de l'affaire.
20:02Déchaînement érotique
20:03se terminant
20:03par le sacrifice
20:04des amants
20:05et par leur ensevelissement
20:07rituel
20:07dans un sanctuaire
20:09dédié
20:10à leur mémoire
20:11collective.
20:13Vera Renzi
20:14est condamnée à mort
20:15et n'est pas exécutée.
20:16La tradition yougoslave
20:18s'oppose
20:19aux exécutions
20:20de femmes.
20:21Sa peine
20:22est commuée
20:22en prison à vie.
20:24Vera Renzi
20:25dans sa cellule
20:26hurle les noms
20:27de ses anciens amants.
20:29Elle les appelle,
20:30leur parle d'amour,
20:31de mort.
20:32Bientôt,
20:32les autres prisonnières
20:33ne peuvent plus supporter
20:34ces discours.
20:35Vera est transférée
20:37dans un asile d'aliénés
20:38où elle meurt
20:39d'une hémorragie cérébrale
20:41peu avant
20:42la Seconde Guerre mondiale.
20:45Juste avant
20:46la Révolution.
20:48Vous venez d'écouter
21:08les récits extraordinaires
21:10de Pierre Bellemare.
21:11Un podcast
21:12issu des archives
21:13d'Europe 1.
21:15Réalisation
21:15et composition musicale
21:17Julien Tarot
21:18Production
21:19Estelle Laffont
21:21Patrimoine sonore
21:22Sylvaine Denis
21:23Laetitia Casanova
21:25Antoine Reclus
21:26Remerciement à Roselyne Bellemare.
21:29Les récits extraordinaires
21:31sont disponibles
21:31sur le site
21:32et l'appli Europe 1.
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