00:00Habituellement, les micros se tendent à chaud au moment des arrivées.
00:05Quelques phrases, quelques sourires, l'écume d'une émotion saisie dans la hâte.
00:14A fleur de ponton, c'est un instant suspendu, donné aux marins l'espace de raconter ce qu'on ne voit pas depuis la ligne d'arrivée.
00:21Les doutes, la fatigue, les souvenirs qui s'accrochent comme des embruns.
00:24Ici, plus que le classement, c'est le ressenti qui compte, et plus que la performance, c'est l'humain.
00:40Quelle étape terrible et dantesque pour certains marins. Est-ce que tu partages la vie de ces marins-là ?
00:46C'est une étape compliquée.
00:47Oui, c'est sûr, je pense qu'on a réussi à avoir toutes les conditions possibles et imaginables.
00:51Il y a eu plein de rebondissements à tous les endroits.
00:55Il n'y a eu aucun moment où on s'est dit, bon, là, c'est bon, c'est plié.
00:58Donc, dans l'idée, c'est top.
01:00Mais non, non, carrément, on a eu des moments assez chauds, comme la troisième traversée de Manche, là,
01:08où on a eu jusqu'à des grains à 30 nœuds, sous spi et tout, avec pas mal de passages de cargo.
01:13Après, on a eu aussi le passage de l'île de Portlandville, où là, on a eu avant, contre-courant.
01:23Et c'était vraiment, je pense que c'était assez engagé.
01:27Et ouais, on a eu aussi du petit temps la deuxième journée, je crois, enfin, troisième journée, surtout.
01:33On a eu de la pétole, c'est revenu avec le courant.
01:35Donc, non, je pense qu'on a eu une vraie étape de solitaire.
01:38Et si on reprend dans l'ordre, le plus jeune de la course, Tom Goron, sort le premier du parcours côtier.
01:44Quel parcours extraordinaire.
01:45Ça a commencé bien, Tom, hein ?
01:47Ouais, carrément, carrément.
01:48Et puis, bon, après, les parcours côtiers, on a vu que ça faisait pas tout.
01:54Je pense que tu peux sortir 20e du parcours et deux heures après...
01:58Oui, mais ça prouve aux autres qu'on est en forme et qu'on est dans le match, quand même.
02:01C'est pas rien.
02:01Ouais, carrément, carrément.
02:02Mais non, non, c'était chouette.
02:04Et il y a eu aussi cette...
02:05Surtout l'enroulée de ce qu'héritement, quoi.
02:08Encore en tête sur tout ça que je retiens.
02:11Parce que sortir premier du parcours côtier, ça va.
02:13Mais non, très chouette après cette petite option au sud du DST avec Charlotte.
02:19On en était très contents.
02:21C'est un sentiment de satisfaction, de déception, de fatigue, un peu tout ça, sûrement, non ?
02:27Ouais, forcément, je suis déçu de la fin.
02:29Mais sinon, je suis content de ma course.
02:31Et c'est surtout que je sais pas exactement pourquoi j'ai perdu.
02:34J'ai pas réussi à être décisif au bon moment.
02:36Mais ce qui est sûr, c'est que la course, elle était belle.
02:40Et que j'ai fait les options que je voulais faire.
02:42J'ai fait des erreurs, mais tout le monde en a fait, de toute façon.
02:46Et non, non, non.
02:48Et puis, j'avais la vitesse aussi.
02:49Donc, non, je suis plutôt content.
02:51Parce que ça valide quand même que finir 20e, c'était peut-être pas ma place.
02:56Et justement, ça montre que je suis capable de faire mieux et que je suis capable de jouer devant.
03:04Donc, c'est chouette.
03:04Et ça se joue à quel moment, ça ?
03:06Bah là, ça s'est joué.
03:07Je pense que cette nuit, j'étais plutôt bien.
03:10J'étais dans les cinq.
03:11Et je sais pas ce qui s'est passé dans la nuit.
03:13J'ai permis perte de vitesse et j'ai pas réussi à tilter.
03:18Il n'y a pas d'explication à ça, pas forcément ?
03:20Si, si, si.
03:21Je pense que j'étais pas assez dessus.
03:22En fait, il faisait très très froid cette nuit.
03:24Moi, je suis trempé depuis trois jours, je pense.
03:26Et puis, j'avais pu aussi de sourire.
03:29Du coup, je pouvais pas bien voir Adrena et tout.
03:31J'étais juste avec mon petit clavier en train d'essayer de tapoter dessus pour essayer de voir la carte.
03:37Du coup, c'est vrai que j'ai pas tout de suite remarqué que les petits copas, ils allaient plus vite et tout ça.
03:40Donc, c'était un manque de lucidité total, je pense.
03:45Qui était pas forcément dû à la fatigue parce que j'étais bien reposé.
03:47Mais je pense que le froid m'a bien cogné.
03:53Quand ça va bien, on pense à qui ?
03:54Quand ça va moins bien, on pense à qui ?
03:56Dans les deux sens, on pense aux gens qui nous ont aidés.
03:59Je pense aux parents et tout.
04:01Ils sont beaucoup, des supporters aussi.
04:02Ouais, parce que quand t'es content, tu les imagines contents.
04:07Et puis, quand tu fais un peu de la merde, tu t'excuses un peu auprès d'eux, quoi.
04:14Donc, ouais, c'est souvent vers ces personnes-là qui en pensent.
04:16Il y a un petit peu de tristesse dans ces cas-là ?
04:18Forcément, c'est sûr.
04:20C'est impitoyable, cette course.
04:22Ouais, c'est un jeu, donc faut pas l'oublier.
04:26Mais ouais, c'est sûr, c'est impitoyable.
04:27Mais bon, là, c'était assez...
04:30Je trouve ça une belle course quand même.
04:33Est-ce qu'on repart sur une nouvelle étape avec une page qui est complètement blanche
04:38en oubliant ce qui s'est passé sur la première étape ?
04:41Bah écoute, je sais pas, je suis pas encore parti pour la deuxième étape.
04:44Mais c'est l'objectif, ouais, carrément.
04:47C'est l'objectif, c'est sûr que justement, j'ai montré que j'étais capable de jouer devant.
04:52Et ça montre que pour la deuxième étape, je peux être prêt à faire une belle étape
04:55et bien naviguer tout du long, quoi.
04:58Donc ouais, ouais, ouais, c'est chouette.
05:00Certains marins considèrent Tom Goron comme l'une.
05:04Ça n'est pas la révélation de la solitaire du Figaro.
05:07Après, déjà, depuis l'an dernier, vous avez fait des belles choses.
05:10Ouais, carrément.
05:11Quels compliments tu as par rapport à ces compliments, ça fait plaisir, évidemment ?
05:15Bah ouais, ouais, ça fait plaisir.
05:16Et puis non, c'est vrai que l'année dernière, j'avais réussi à bien naviguer.
05:20Mais c'est vrai que je sentais que j'étais pas du tout en performance, on va dire.
05:24J'arrivais à faire des bons coups au bon moment.
05:26Mais dès que j'étais devant, je perdais vite.
05:28Et c'était pas aussi fluide que là, cette année,
05:30où j'ai réussi déjà à montrer sur les premières courses de la saison
05:33que j'étais capable de jouer bien stratégiquement et d'aller vite.
05:37Et puis de prendre des bons départs, un peu tout ça.
05:40Et là, c'est ce que j'arrivais à mettre en place plutôt bien.
05:44J'essayais de rien faire d'extravagant, mais juste de faire des belles trages.
05:49Je pense que ce que j'avais pas avant, c'était vraiment cette histoire de faire des compromis,
05:53des choses comme ça.
05:54Et là, l'idée, je pense, en course solaire, c'était de vraiment réussir à faire les choses
05:58des plus fluides possibles.
06:00Et en fait, c'est très dur à faire.
06:03Donc pour l'instant, j'arrivais à le faire de mieux en mieux.
06:06On a dit qu'au mois de septembre, on se dit, tiens, les conditions sont plutôt idéales,
06:10même s'il y a eu beaucoup de mer et beaucoup de vent.
06:11Mais on s'entraîne pour arriver à ce niveau-là au mois de janvier, février.
06:15C'est pas toujours facile.
06:16Donc ça, c'est physique.
06:17Le physique, il est présent, mais c'est pour ça qu'elle ne se joue pas dans la tête aussi.
06:21On va voir un sacré moral.
06:22Ah ouais, c'est sûr, c'est sûr.
06:23Je pense que là, par exemple, si on lâchait l'affaire après le resserrement au niveau
06:30de la cardinale S. D'Affiolis, je crois, D'Affiolis.
06:34Du côté de Guêpe ?
06:35Ouais, je pense que là, si on le lâchait là, c'est sûr que c'était fini.
06:38Alors que pourtant, il y a eu encore trois retournements de situation.
06:42Donc non, c'est sûr que forcément, ça se touche dans la tête.
06:47Que ça fait partie des marins qui ont jeté l'encre ou pas du tout ?
06:50Ouais, moi, j'ai jeté l'encre.
06:51C'est terrible.
06:52Bah, surtout qu'il va falloir monter, ouais.
06:55C'est pas ça, une course de voile.
06:56C'est pas reculer, c'est avancer.
06:57Non, c'est sûr.
06:58Surtout qu'on dérapait quand même, du coup, on reculait quand même un peu.
07:01C'était ta première expérience de bouillir le bateau comme ça en course ?
07:04Non, j'avais déjà fait à la Holmer Cup l'année dernière au large de Cherbourg,
07:08mais c'était encore pire.
07:09Bah, c'était disons que là, il y avait 30 mètres de fond, donc ça allait,
07:13mais l'autre, il y avait 60 mètres, du coup.
07:14Ça, c'est physique, hein ?
07:15Bah, plus dur à remonter, ouais.
07:17C'est rageant, ça, parce que tu vois les autres venir, quoi.
07:19Bah, ouais, direct, ils repartent, et toi, il faut que tu attendes de remonter, tout.
07:22Et puis, j'avais mis mes écoutes, donc il fallait que je le remonte.
07:25Qu'est-ce qu'on fait ? On se fâche, on gueule ?
07:27Ah non, non, non, quand c'est ça, tu remontes.
07:29Tom Goron est calme ?
07:31Bah, dans l'ensemble, sur cette course, ouais, j'ai réussi à avoir des émotions très lisses.
07:35Donc ça, je suis content.
07:36C'est quand même énervant, ce genre de situation, non ?
07:39Ah non, non, ça allait, parce qu'en fait, on s'y attendait.
07:42On s'y attendait, et puis je savais qu'il y avait encore des choses à jouer après.
07:46Donc, non, non, non, dans l'ensemble, ça va.
07:50Et puis, ça m'a permis, j'étais 5e ou 6e, donc ça m'a permis de recoller les premiers aussi.
07:55Donc, non, non, non, c'était pas si rageant que ça.
07:57Enfin, je pense que, en fait, le plus rageant dans tout ça, c'était quand juste j'ai perdu du terrain.
08:04Mais c'est de ma faute, du coup, là, je peux m'en vouloir qu'à moi-même.
08:07Mais c'est vrai que, non, non, quand c'est la météo, bah, écoute, c'est comme ça, et on fait avec, et voilà.
08:12Bon, motivé pour repartir ?
08:15Là, pas tout de suite, mais un peu de repos et après, ouais, très motivé.
08:19T'aspires à quoi en ce moment, là ?
08:21À l'instant T ?
08:22À l'instant T, avant, j'avais envie de rentrer chez moi.
08:26Pour quelle raison ?
08:27J'avais envie de dormir dans mon lit, peinard.
08:29Mais là, à Saint-Lunaire, c'est un peu loin.
08:32Ça va pas être possible.
08:33Non, mais sinon, non, bah là, là, j'aspire à juste, je sais pas, vivre dans une maison, peinard, plat, et manger bien.
08:44Mais j'ai bien mangé, donc je peux pas m'en vouloir.
08:47T'es un homme heureux finalement, non ?
08:48Ouais, non, pour l'instant ça va, carrément.
08:51Merci Tom.
08:51J'ai juste une petite question, quand on parle de trop plein d'émotions, justement, quand t'es arrivé là, on t'a vu un peu craquer dans ton bateau.
09:00En fait, c'est vrai que du coup, c'est dur, tu passes tout ton temps à être déçu de toi, et c'est vrai qu'il n'y a pas d'émotions qui arrivent.
09:08Puis là, tu passes la ligne, et là, quand tu vois tout le monde, en fait, ça branche un peu tous les fils d'un coup.
09:13Et c'est sûr que, bah là, forcément, c'est là où les émotions arrivent.
09:17Je pense que quand t'as gagné ou que t'as perdu, c'est un peu à ce moment-là, je sais pas, c'est comme quand on gagne au loto,
09:24on est vraiment content quand on reçoit l'argent sur notre compte, quoi.
09:27Oui.
09:27C'est un peu ça, et je pense que c'est un peu pareil.
09:30Donc c'est ça, c'était la frustration, tout qui est descendu.
09:32Ouais, bah ouais, ouais, d'être amarré, et là, ouais, ouais, c'est exactement ça.
09:38Merci.
09:43Merci.