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  • il y a 3 mois
Le philosophe Raphaël Enthoven dénonce la "censure" de la mairie de Besançon, qui a annulé sa participation à un festival littéraire en raison de ses propos sur Gaza. Il avait déclaré qu'il n'y a "aucun journaliste à Gaza, uniquement des tueurs".

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Transcription
00:00Bienvenue si vous nous rejoignez dans le club BFM comme Raphaël Enthoven qui est notre invité aujourd'hui.
00:06Bonjour Raphaël Enthoven, vous êtes professeur de philosophie, écrivain, auteur de l'Albatros aux éditions de l'Observatoire,
00:11roman sur votre mère, roman dont vous deviez aller parler au festival de livres de Besançon,
00:17mais vous n'êtes plus le bienvenu, vous avez été déprogrammé par la mairie à la demande de communistes,
00:22alors non pas pour votre roman mais pour des propos que vous avez tenus sur les réseaux sociaux qu'on va lire ensemble.
00:27Il n'y a aucun journaliste à Gaza, uniquement des tueurs, des combétants ou des preneurs d'otages avec une carte de presse.
00:34Alors pour les communistes de Besançon, c'est inadmissible, qu'est-ce que vous leur répondez ?
00:38Ce sont les mêmes qui ont invité Médine en octobre, donc Médine et ses quenelles ça passe tout à fait,
00:44en revanche ce que je dis c'est inadmissible, c'est là quelque chose qui ne va pas,
00:48il y a là un deux poids deux mesures ahurissants, mais sur les propos eux-mêmes, je les ai abondamment expliqués.
00:53Alors on va revenir sur les propos évidemment et on va prendre le temps de se poser sur ces propos.
00:58Mais sur l'attitude de la mairie de Besançon, comment vous la qualifiez ?
01:01C'est consternant, c'est consternant, c'est gravissime, c'est beaucoup plus grave que moi.
01:06C'est consternant, c'est qu'on a empêché un écrivain d'aller dans un salon du livre pour un délit d'opinion.
01:12Il faut bien comprendre ce que c'est que la censure.
01:15La censure, quand ce n'est pas la loi qui prend en charge la censure, c'est-à-dire quand on n'est pas en tyrannie,
01:19la censure c'est une loi sous la loi, c'est une loi cachée sous la loi,
01:24c'est une façon de légiférer à l'abri de la loi elle-même et d'imposer de nouvelles lois plus strictes.
01:30Et c'est ce qui m'est arrivé, c'est-à-dire on a considéré que mes propos relevaient, étaient inqualifiables
01:35et justifiaient que je ne puisse pas présenter mon livre aux bisontins.
01:40Alors, est-ce que c'est un délit d'opinion ou est-ce que vous énoncez un fait qui n'est pas la réalité ?
01:47Par exemple, Manuel Bompard dit, il vous accuse d'apologie du génocide.
01:50Oui, j'ai déjà entendu ça, on est tous génocidaires.
01:53C'est très facile d'être génocidaire, il suffit de défendre le droit d'Israël à exister et on est axé de génocidaire.
01:59Mais sur les propos eux-mêmes, ce que je dis est extrêmement simple
02:04et venait d'ailleurs en illustration d'une vidéo qui le détaillait.
02:07Je dis qu'il n'y a pas, et à ma connaissance, et on ne m'a pas donné le moindre contre-exemple
02:12depuis qu'on m'a maudit pour avoir dit ça,
02:15je dis qu'il n'y a pas de journaliste à Gaza qui ne soit dans la main du ramas,
02:18qui ne soit accrédité par le ramas, contrôlé par le ramas,
02:21et dont le ramas vérifie les témoignages.
02:24Et c'est à ces gens-là qu'on demande d'être impartiaux
02:26et c'est sur leur témoignage qu'on s'appuie pour parler de la situation sur place.
02:30Je n'ai dit que cela.
02:32Je n'ai dit que cela, et je rêve d'être démenti,
02:36c'est-à-dire je rêve qu'on me montre qu'il y a des journalistes indépendants.
02:38Vous allez peut-être l'être, puisque la rédaction de BFM TV
02:41travaille régulièrement avec un journaliste francophone de Gazaoui
02:44qui s'appelle Rami Abou-Jamas, qui a obtenu d'ailleurs le prix de Bayeux.
02:47On a essayé de le joindre, malheureusement, il est retenu chez lui
02:49parce qu'il a peur des bombes à sa terre.
02:51Thierry Arnaud, est-ce que vous confirmez ?
02:53Est-ce que pour vous, Rami Abou-Jamas est un journaliste ?
02:56Oui, alors c'est un sujet compliqué,
02:59parce qu'il y a plusieurs choses à dire sur le sujet.
03:01La première chose, c'est que s'il n'y a pas de journalistes extérieurs
03:03à la bande de Gaza, capables de rentrer dans la bande de Gaza
03:06pour faire leur travail, c'est du fait d'Israël.
03:08C'est parce qu'Israël l'interdit.
03:10Les seuls journalistes qui ont pu aller,
03:11ça a été le cas d'équipes de BFM TV par exemple,
03:13au début du conflit,
03:16c'est en étant totalement entourés,
03:19encadrés par l'armée israélienne
03:21pour aller voir les tunnels, les souterrains, etc.
03:25Et donc, Israël ne permet pas aux journalistes
03:27de faire leur travail dans la bande de Gaza.
03:29Et ça, c'est la première chose importante à rappeler.
03:32Ensuite, sur le sujet, plus précisément,
03:37de l'existence de journalistes au sens strict du terme.
03:41Il y a des centaines à travailler dans la bande de Gaza,
03:45à se revendiquer journalistes,
03:46à porter des gilets pare-balles avec écrit presse,
03:49des cases de presse, et essayer de faire leur travail.
03:51Est-ce qu'ils travaillent sur le contrôle du Hamas ?
03:54Oui, parce que le Hamas contrôle tout, y compris l'information,
03:57et c'est une guerre de l'information.
03:59Est-ce que pour autant, ils ne sont que des propagandistes
04:02qui ne font que relayer la parole du Hamas ?
04:04C'est là où la réponse, évidemment, doit être plus nuancée.
04:09Parce qu'il y en a qui sont clairement et totalement instrumentalisés.
04:13Il y en a d'autres qui racontent tout simplement de manière assez factuelle.
04:16Et c'est le cas de Rami, avec qui on a travaillé à de très nombreuses reprises
04:20sur beaucoup de sujets.
04:21Et Rami, ce qu'il fait essentiellement,
04:23c'est raconter la vie quotidienne de ceux qui vivent dans la bande de Gaza aujourd'hui.
04:27Il n'y a aucun problème.
04:28Enfin, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites.
04:30Je ne vois pas de contradiction avec ce que je raconte.
04:33Je dénie, alors vous allez me dire, peut-être j'ai tort de le faire,
04:37je dénie la qualité de journaliste à quelqu'un qui travaille pour le Hamas.
04:40Mais il ne travaille pas pour le Hamas.
04:42Travailler pour le Hamas, c'est travailler...
04:43Il travaille sous son contrôle et il diffuse des témoignages que le Hamas autorise.
04:47Ce n'est pas la même chose.
04:47D'accord, c'est une nuance bien fine.
04:50Mais bon, d'accord.
04:51Non, c'est une nuance très importante.
04:51Non, c'est une nuance bien fine.
04:53quand vous travaillez sous le contrôle de quelqu'un qui surveille ce que vous diffusez
04:56et ce que vous racontez.
04:58Entre ça et travailler pour.
04:59Mais je vous accorde, ils travaillent sous leur contrôle.
05:04Je dénie la qualité de journaliste aux gens qui sont dans cette situation-là.
05:09C'est tout.
05:09Je ne disais que cela.
05:10La conversation que nous avons maintenant,
05:13les informations que vous me donnez,
05:15la personnalité du journaliste avec lequel vous travaillez, etc.
05:17prouvent assez que ce que je racontais était matière à débat.
05:21est matière à débat.
05:23Et matière à controverse, à discussion entre gens de bonne volonté,
05:27qui essaient de comprendre ce qui se passe,
05:28qui font ce qu'ils peuvent, etc.
05:30Et en aucune façon répréhensible.
05:32Évidemment, pénalement répréhensible, bien sûr que non.
05:35Mais même moralement répréhensible.
05:36C'est tout ce que je dis.
05:38Je ne demande que cela, moi.
05:39Je n'ai dit que quelque chose qui, en l'autre sens,
05:42fait légitimement l'objet d'un débat aujourd'hui.
05:44Flora.
05:45Moi, j'ai une question un peu qui pique.
05:47Est-ce que vous n'êtes pas victime d'un jeu
05:51auquel vous participez régulièrement ?
05:53Vous dites à monsieur, oui, il y a une nuance près.
05:56Mais c'est précisément ce sujet, c'est précisément la nuance,
05:58surtout quand on parle d'un conflit qui fait des morts,
06:01qui est essentiel pour avoir une conversation et un débat.
06:04Et moi, je vous suis sur Twitter.
06:06Je vois que régulièrement,
06:08vous êtes un peu tombé dans l'anarmite des réseaux sociaux.
06:12En tout cas, c'est ce que j'observe, moi, en vous suivant sur Twitter.
06:15Est-ce que vous ne remettez pas régulièrement des pièces
06:19dans la machine que, là, vous venez sur ce plateau dénoncer ?
06:22Je ne vois pas le rapport entre ce que l'activité sur Twitter,
06:25qui consiste à s'exprimer,
06:27et ce qui m'arrive à Besançon,
06:30où je suis interdit de m'exprimer,
06:31c'est-à-dire qui consiste à me censurer.
06:33Ce sont quand même deux choses tout à fait différentes.
06:35Je n'ai en aucune façon recherché,
06:37cherché à être censuré d'une manière ou d'une autre,
06:40en m'exprimant sur la situation à Gaza.
06:42J'ai diffusé une vidéo qui détaillait le CV
06:45de soi-disant journalistes
06:46qui étaient en fait des combattants et des cadres du Hamas.
06:49J'ai diffusé cette vidéo-là.
06:50Je l'ai assortie de ce commentaire-là.
06:52Je n'ai pas fait ça pour qu'on me censure ensuite, si vous voulez.
06:55Ça me paraît ahurissant.
06:56Un exemple qui est d'écrire,
06:57il n'y a aucun, aucun en majuscule journaliste à Gaza
07:00qui a été démenti ici,
07:01qui a été démenti aussi par France Inter.
07:03Démenti sans être démenti.
07:05Il travaille sous le contrôle du Hamas,
07:06et moi, je dénie cette qualité de journaliste
07:08à quelqu'un qui travaille sous le contrôle du Hamas.
07:10À présent, je n'ai pas été démenti à ce sujet.
07:12Je n'ai pas été démenti à cet égard, pardonnez-moi.
07:14Ni par ce que vous dites, ni par ce que...
07:16Pardon.
07:16Non, pour moi, c'est un débat sur le métier de journaliste, en fait.
07:19On devrait s'interroger sur ce qu'est un journaliste.
07:21Ce qu'est un journaliste, mais ce qui est assez cocasse,
07:23quand même, c'est de voir qu'il y a une critique
07:25par ceux qui n'ont aucune difficulté
07:27à promouvoir Rima Hassan
07:30qui, elle, défend,
07:32refuse de dire que la Hamas est un mouvement terroriste.
07:34En termes d'apologie, quand même,
07:36du terrorisme, c'est quand même pas mal.
07:37Ou encore une fois, pardon, invite Médine.
07:39Médine et ses quenelles.
07:41C'est quand même une autre histoire.
07:42Ou même sans ça, sur la question de la censure,
07:44les mêmes qui ont une pince à linge sur le nez
07:45quand il s'agit de défendre Boalem Sansal.
07:48Donc, c'est ça qui est terrible.
07:49C'est pour ça qu'on parle du deux poids, deux mesures.
07:50Et d'ailleurs, moi, je suis maire d'une ville qui s'appelle Tavernier.
07:52On fait beaucoup de résidences.
07:54Vous êtes le bienvenu.
07:55Merci.
07:56C'est pas tombé dans l'oreille d'un aveugle.
07:59Mais en dehors de cela, c'est vrai que ce qui est terrible
08:01dans notre pays aujourd'hui,
08:02c'est l'incapacité à débattre.
08:04C'est-à-dire que c'était tellement hystérisé,
08:06il y a tellement d'extrémisation de tout
08:08et tellement de pensées stériles
08:09reposant sur des clichés
08:11à des fins, évidemment, de récupération politique
08:14qu'on ne peut même pas avoir des deux mains
08:16sur des choses qui, en fait, en plus,
08:17ne relèvent pas d'une infraction pénale.
08:19Parce que ce qui est gênant, c'est l'apologie du terrorisme.
08:22Ce qui est gênant, c'est l'apologie d'un génocide.
08:24Ce qui serait gênant, c'est l'apologie de crimes
08:25contre l'humanité.
08:27Mais là, on est juste sur une phrase d'un peu provoque,
08:30de quelqu'un d'un peu provoque quand même,
08:31mais qui dit « bon, pour moi, le journaliste, c'est pas ça.
08:34Et c'est pas mon éthique. Voilà le droit. »
08:36Alors, les communistes craignaient des manifestations.
08:38Et c'est aussi pour ça...
08:39Des manifestations ?
08:40Des manifestations contre votre venue.
08:42Ah, c'est pour me protéger qu'ils m'ont censuré, en fait.
08:44Je ne sais pas, mais c'est pour ça qu'ils ont écrit
08:46à la mairie écologiste et qu'ils ont déprogrammé.
08:49Est-ce que c'est de la censure
08:50ou est-ce que c'est finalement un genre de nouveau pas de vague ?
08:52Une façon de prendre soin de moi.
08:54Non, mais je vous pose la question.
08:55Est-ce qu'on a eu la censure ou est-ce qu'effectivement peut-être...
08:58C'est une censure objective spectaculaire
09:00avec laquelle ces gens-là vont devoir tenter de vivre maintenant.
09:03C'est une censure objective sans conteste.
09:06Qu'est-ce que c'est que censurer quelqu'un
09:07sinon l'empêcher d'aller à un festival pour présenter son livre
09:10après l'avoir invité à le faire ?
09:12Sous des motifs qui, à mon sens, ne sont pas recevables.
09:14C'est une pure censure
09:16dont les auteurs vont devoir supporter le poids
09:19en eux-mêmes, pour eux-mêmes.
09:20Ce qu'ils ont fait là est inqualifiable
09:22et durablement inqualifiable.
09:24Je veux dire, ma présence à Besançon
09:26n'avait rien d'un événement,
09:28n'avait rien d'un moment, d'un concert.
09:31Vous voyez ce que je veux dire ?
09:32C'était pas grand-chose.
09:33Ils auraient pu très bien laisser les choses se faire.
09:36Ils ont choisi de se coller une migraine maximale
09:38en pratiquant une censure objective.
09:40Non, ce n'est pas une migraine maximale.
09:43Si vous voulez, il est possible
09:45qu'ils ne vous aient pas censuré pour vous censurer,
09:47mais pour envoyer un message électoral.
09:49Parce que ce qui vient de se passer
09:50et ce dont vous êtes victime
09:52est finalement l'illustration de quelque chose
09:54qu'on voit depuis des mois, voire des années,
09:56c'est-à-dire le basculement,
09:58une dérive dans toute une partie de la gauche
10:01dans le sillage de la France insoumise
10:02qui part d'un constat simple.
10:04C'est-à-dire que cette gauche
10:06qui voulait parler aux classes populaires
10:07et qui fait le constat que cette classe populaire
10:09est partie au Rassemblement national
10:10pour de bon et ne reviendra pas,
10:12a essayé finalement de prospérer
10:13sur un nouvel électorat
10:15et a épousé un discours identitaire
10:17afin de toucher une jeunesse ultra-urbanisée,
10:21sensible à la politique spectacle
10:22et un électorat communautarisé,
10:25majoritairement issu de l'immigration.
10:27Et c'est comme ça que, si vous voulez,
10:29en épousant des thématiques
10:31comme Gaza
10:32à forte vocation identitaire,
10:36elle envoie des messages à un électorat
10:38et ce qui est terrible,
10:39c'est que ce pari électoral marche.
10:42On le voit d'ailleurs
10:43dans la dynamique de la France insoumise.
10:44Et ce qui est terrible,
10:45c'est que ça se fait en...
10:45Alors là, ce sont les écologistes
10:46et les communistes.
10:47Mais justement,
10:47c'est-à-dire qu'ils suivent
10:48la même dynamique,
10:49le même passage ouvert
10:51par la France insoumise
10:52et ils le font en foulant
10:54des libertés fondamentales
10:55qui sont la liberté d'expression.
10:56Moi, je suis très surprise
10:57du terme qui est utilisé d'abord
10:58par les organisateurs du festival,
11:00ce terme de sérénité du salon
11:02parce qu'on est précisément
11:03sur un camp politique
11:04qui, à l'inverse,
11:06lorsque des manifestations
11:06sont interdites
11:07par risque du trouble
11:10à l'ordre public,
11:11crie précisément
11:12à la décision politique,
11:14à la censure,
11:16au refus de respecter
11:17les libertés.
11:18Donc, il y a quelque chose
11:19de très paradoxal
11:20dans l'invocation
11:21de ce terme de sérénité.
11:24Et on pourrait ajouter
11:25à ce que vous dites,
11:27pardonnez-moi,
11:27juste une parenthèse,
11:28qu'à l'inverse,
11:30la sérénité est malvenue
11:31dans un salon du livre.
11:32C'est précisément le moment
11:33où il doit y avoir de la vie,
11:35un peu de discussion,
11:36un peu de débat,
11:36un peu d'engueulade éventuellement.
11:37Et en l'espèce,
11:37comme ça fait débat,
11:38la sérénité du salon
11:39n'est pas non plus garantie.
11:40Mais pour reprendre l'expression
11:41de Flora qui parlait
11:42de questions qui piquent,
11:42j'en ai deux moi aussi,
11:44je vais me lancer.
11:44Allez, dans ce que vous écrivez,
11:46il y a deux choses.
11:48Il y a le fait que vous dites
11:49qu'il n'y a aucun journaliste,
11:51et le débat vient d'avoir lieu
11:52avec Thierry,
11:54et j'ai pu en suivre
11:55ou suivre vos échanges.
11:57Mais vous dites aussi
11:58qu'il y a uniquement
11:59des tueurs,
12:00des combattants
12:00ou des preneurs d'otages
12:02avec une carte de presse.
12:04Est-ce que pour vous,
12:04à la lumière de la discussion
12:05que vous venez à avoir
12:06avec Thierry,
12:07les journalistes qui sont
12:07sous le contrôle du Hamas,
12:08ils sont victimes du Hamas ?
12:10Ou ils sont complices ?
12:11Mais bien sûr,
12:12c'est infiniment compliqué.
12:13Vous avez raison,
12:14c'est infiniment compliqué.
12:15Il faut remettre les choses,
12:17pour le coup,
12:17invoquer un tout petit peu
12:18de contexte.
12:19Je n'aime pas faire ça,
12:20mais enfin quand même.
12:21C'est une phrase
12:21qui venait à l'appui
12:23d'une vidéo
12:24qui détaillait le CV
12:26d'un certain nombre
12:27de journalistes,
12:28soi-disant,
12:29qui étaient en fait
12:29des cadres du Hamas,
12:30des combattants actifs,
12:32etc.
12:33Donc, c'est une phrase
12:34qui...
12:36Mais dont, pour le coup,
12:37je veux bien reconnaître
12:39l'excès
12:40et dont...
12:42Mais c'est important.
12:43Mais ça ne me...
12:44Alors pour le coup,
12:45ça ne me pose rigoureusement
12:46aucun problème.
12:47Oui, mais c'est très important
12:47parce que dire que
12:49certains combattants
12:51s'abritent derrière
12:52des identités de journalistes,
12:53c'est important de le dire.
12:54C'est important de le dire.
12:55Mais dire aussi
12:56que c'est forcément
12:57le cas de tous ceux...
12:58Et mettre...
12:59Donner le sentiment
13:00qu'on met tout le monde
13:01dans le même panier,
13:02que tout le monde est combattant,
13:03c'est une faute.
13:04Très bien,
13:05c'est important de le reconnaître.
13:06Mais c'est une faute.
13:07En revanche,
13:07en revanche,
13:08je persiste.
13:10Il faudrait quand même
13:11qu'on puisse s'interroger,
13:12pourquoi ne pas le faire ici d'ailleurs,
13:14sur ce que c'est
13:15qu'un journaliste.
13:15Est-ce que je peux être provocatrice ?
13:16Si l'on peut être...
13:17Je vous en prie.
13:18Mais si l'on peut être journaliste
13:20quand on est dans
13:21une telle situation.
13:23Deux choses.
13:24La première,
13:24c'est que dire que le Hamas contrôle
13:27et dire que le Hamas laisse dire
13:29ce qu'il arrange.
13:30Je vous le concède,
13:31c'est une réalité.
13:33Ça ne veut pas dire pour autant
13:34que tout ce que le Hamas laisse dire
13:36est faux
13:37et n'a aucune valeur journalistique.
13:39Et lorsque...
13:40Ah oui, mais ça...
13:40Oui.
13:41Mais vous pouvez dire le vrai.
13:42C'est le premier point.
13:43C'est le premier point.
13:44Et il est important,
13:45je vous laisse répondre ensuite.
13:47Et la deuxième chose,
13:49dans le contexte
13:50que l'on évoquait tout à l'heure,
13:51où Israël ne permet pas
13:52aux journalistes
13:53de faire leur travail à Gaza
13:55parce que la guerre de l'information
13:56allait des deux côtés,
13:58les médias occidentaux
13:59qui ont travaillé
14:00avec des journalistes présents
14:01dans la bande de Gaza,
14:02comme les journalistes de BFM TV,
14:04comme les journalistes
14:05de grands journaux américains,
14:07comme les journalistes
14:08de grands organes de presse,
14:10de grandes agences de presse,
14:11Associated Press,
14:12l'AFP, Reuters et d'autres,
14:14n'ont pas repris pour argent comptant
14:16ceux qui leur venaient
14:17de la bande de Gaza,
14:18ont utilisé les éléments
14:20qui étaient fournis
14:20depuis la bande de Gaza
14:21pour faire leur travail de journalisme.
14:22Alors là, pour le coup,
14:23il faudrait détailler les choses
14:24parce que tout le monde
14:25n'a pas traité l'information
14:26de la même manière.
14:27Certes, parfois,
14:27elle a été savamment filtrée
14:30et intelligemment filtrée
14:31de manière à présenter les choses,
14:33à conserver la valeur
14:34de témoignage
14:34à ce que les gens pouvaient dire.
14:36Dans d'autres cas,
14:37ça a été travaillé
14:38de telle manière
14:39que, à mon avis,
14:39les faits étaient déformés.
14:41Mais c'est tout le problème,
14:42pardon,
14:43de savoir ce qu'est un journaliste
14:45et ce que peut faire
14:46un journaliste
14:46dans une situation comme celle-là.
14:47Alors, l'autre problème
14:49et l'autre question
14:50est de savoir, effectivement,
14:51s'il s'installe
14:52un climat de censure
14:53pour toutes les personnes
14:54qui sont pro-israéliennes
14:56et qui défendent
14:57le gouvernement
14:58de Benjamin Netanyahou,
14:59ou en tout cas,
15:00le droit d'Israël
15:01d'exister.
15:02Voilà, j'ai repris.
15:03Comme par exemple
15:03Enrico Macias.
15:04Je ne sais pas si vous avez vu
15:05ce qui lui est arrivé.
15:05J'ai vu que son concert
15:06a été annulé.
15:07Son concert a été annulé.
15:08C'est beaucoup plus grave que moi.
15:10Voilà.
15:10Lui qui disait
15:11« Je suis le premier juif
15:12à avoir réuni les juifs
15:13et les musulmans.
15:14Mon problème,
15:14c'est que je ne supporte pas
15:15la violence des terroristes. »
15:16Il avait l'habitude
15:17d'aller chanter en Turquie,
15:19à Istanbul.
15:20Eh bien, voilà,
15:20lui aussi a été déprogrammé.
15:22Est-ce que vous pensez
15:22que dans les mois qui arrivent,
15:24eh bien,
15:25ça va être de plus en plus souvent ?
15:26Vous savez,
15:27Tocqueville,
15:27le philosophe,
15:29sociologue Tocqueville,
15:30a théorisé au 19e siècle
15:31un concept très intéressant
15:33qui s'appelle
15:33la tyrannie de la majorité.
15:35Ce qui, a priori,
15:35est absurde
15:36puisque en démocratie,
15:37la majorité ne peut pas
15:38être tyrannique.
15:38Elle gouverne.
15:42un groupe se constitue
15:43pour vous faire taire.
15:44C'est-à-dire,
15:45quand on ne peut pas
15:45vous interdire,
15:47quand on ne peut pas
15:47interdire ce que vous dites,
15:49on s'arrange
15:49pour vous faire taire.
15:50Ou alors,
15:51on vous laisse parler,
15:52mais on s'organise
15:53de telle manière
15:53que vous perdez vos droits
15:55à l'humanité.
15:56Vous êtes un étranger
15:57parmi nous.
15:58Et ce mode d'organisation
16:00spontanée
16:00des sociétés démocratiques,
16:02qu'il appelle donc
16:02tyrannie de la majorité,
16:04on le retrouve.
16:05On le retrouve à l'œuvre
16:06dans les réseaux sociaux,
16:06bien sûr,
16:07où les meutes se constituent
16:08dès qu'une parole est dissidente.
16:09On le retrouve aussi
16:10dans l'opinion publique
16:11en général,
16:12où les gens s'organisent
16:13pour faire taire
16:15toute parole
16:16qui n'irait pas
16:16dans le sens
16:17du génocide,
16:18de l'apartheid,
16:19de la famine à Gaza
16:20et ainsi de suite.
16:20Je vous avais demandé
16:21si je pouvais être provocatrice.
16:22Je vous en prie.
16:25Jean-Luc Mélenchon
16:25a été annulé
16:26pour une de ses conférences
16:28qui avait été annulée,
16:29je crois,
16:29à Lille,
16:30où il avait de la même façon
16:31crié à la censure,
16:32etc.
16:32Est-ce que vous accepteriez
16:33de débattre avec lui
16:34de ce qu'est la censure
16:35et de ce que sont les libertés ?
16:36Deux réponses à vous faire.
16:37La première,
16:37c'est que j'ai déjà débattu
16:38avec Jean-Luc Mélenchon.
16:38En 2021,
16:40justement,
16:40on a la une de l'Express
16:41qui est débattue
16:42avec Jean-Luc Mélenchon.
16:43Vous pourriez le refaire
16:44aujourd'hui ?
16:44Non.
16:45Non.
16:46Pourquoi ?
16:46Parce qu'après le 7 octobre,
16:48je ne peux pas.
16:48Après ce qu'il a dit,
16:49après le 7 octobre,
16:50refuser de parler de terrorisme
16:51à propos du ramas,
16:53dire que le CRIF
16:53est derrière
16:54les décisions du gouvernement,
16:56dire que le Likoud
16:57est derrière
16:57la défaite des travaillistes,
17:00dire que...
17:01Je ne peux pas.
17:02Ça ne m'intéresse pas.
17:04Ça ne m'intéresse pas.
17:05Je n'ai pas de terrain commun.
17:07Je n'ai pas de terrain commun
17:08avec un homme
17:08qui défile
17:09sous un écusson
17:10Palestine libre
17:11où il nie
17:12l'existence d'Israël.
17:13Je n'ai pas de terrain commun
17:13avec quelqu'un
17:14qui promeut
17:15une représentante...
17:16Ce n'est pas le rôle
17:16de la démocratie
17:17justement de parler
17:17avec tout le monde.
17:18Mais le rôle de la démocratie,
17:18c'est aussi de faire ce qu'on veut
17:19et en l'occurrence,
17:20je ne veux pas.
17:21Voilà.
17:22J'ai des limites,
17:23moi aussi.
17:23Les limites sont atteintes.
17:24Je ne débattrai plus jamais
17:25avec Jean-Luc Mélenchon.
17:32J'y reviens.
17:33En fait,
17:34moi, j'ai l'impression
17:34que dans ce conflit,
17:36il y a deux camps
17:37autres que les deux camps
17:38qu'on imagine,
17:38à savoir le camp pro-israélien
17:40et le camp pro-palestinien.
17:42Il y a les gens
17:43qui veulent aller
17:43vers un narratif de la paix,
17:45à savoir ne pas débattre
17:46sans nuance de cette question,
17:48voire éviter de débattre
17:49trop vite de cette question
17:51puisqu'on sait
17:51à quel point elle est houleuse.
17:54Et puis, il y a un autre camp
17:55qui va dans le sens,
17:58alors je n'irai pas jusqu'à dire
17:59de la guerre,
18:00mais en tout cas,
18:00du clivage,
18:02de la petite phrase,
18:03du conflit.
18:04Et moi,
18:05mon camp,
18:06c'est juste celui de la paix,
18:07c'est juste le narratif de la paix.
18:09Moi, je ne m'exprime jamais
18:09personnellement
18:10sur les réseaux sociaux
18:11sur ce sujet,
18:12alors que je m'exprime
18:12sur tout un tas de sujets
18:13pour cette raison précise
18:15qui est que
18:16c'est un sujet tellement complexe
18:18qu'on a besoin de débats,
18:19on a besoin de nuances.
18:20Là, c'est génial.
18:21On peut parler pendant
18:21plusieurs dizaines de minutes
18:23de votre cas.
18:24Ce n'est pas le cas sur Twitter.
18:26Donc moi,
18:26je reviens à cette question
18:27parce qu'effectivement,
18:29Jean-Luc Mélenchon,
18:29Rima Hassan,
18:30ont été annulés
18:31de certaines conférences
18:32pour troubles à l'ordre public.
18:33Quand Jean-Luc Mélenchon
18:34a été annulé...
18:35Est-ce que vous ne jouez pas
18:36un peu aussi à ce jeu,
18:37ce jeu du clivage ?
18:38Ça n'a rien à voir.
18:39D'abord,
18:39quand Jean-Luc Mélenchon
18:40a été annulé,
18:41il a comparé le directeur,
18:43le président de l'université
18:44à Eichmann,
18:45ce qui est relevé
18:46d'une lecture totalement délirante
18:47du texte d'Anna Arendt.
18:49Mais,
18:50juste un point
18:51sur le narratif de la paix.
18:52Historiquement,
18:54le pacifisme
18:55s'est toujours rendu complice
18:57des pires atrocités.
18:58Toujours.
18:59Toujours.
19:00Je peux vous donner
19:00l'exemple de 1938,
19:01je peux vous donner
19:02des tas d'exemples ensuite
19:03pendant la guerre froide,
19:04etc.
19:04Historiquement,
19:05le pacifisme,
19:06c'est-à-dire le sentiment
19:07que la paix
19:09est toujours préférable
19:10à la guerre,
19:11a soutenu des régimes
19:12épouvantables,
19:12a conduit à des catastrophes.
19:14Donc,
19:14le narratif de la paix,
19:15moi,
19:15je m'en méfie.
19:16Raphaël Elthoban,
19:16excusez-moi,
19:17je voudrais juste dire un truc
19:18quand même,
19:18parce que je n'ai pas réussi
19:18à le caser,
19:19mais juste pour...
19:20On oublie quand même
19:21qu'on censure aussi
19:22un philosophe.
19:23Et aujourd'hui,
19:24on a de plus en plus
19:25de censure
19:25dans le monde culturel.
19:27Moi,
19:27je vous donne
19:27un autre exemple
19:28de censure,
19:28ça existe à l'extrême gauche,
19:29ça existe à l'extrême droite.
19:31On a des pressions,
19:31par exemple,
19:32parfois par le Rassemblement National
19:33pour ne pas soutenir des films
19:35quand il s'agit de films
19:36par exemple transsexuels
19:37comme Emilia Perez.
19:39On a ce type de censure aujourd'hui.
19:40Il y a eu le phénomène Barbie
19:42où un maire
19:42a déprogrammé un film
19:44parce que des intégristes
19:45ne souhaitaient pas
19:46qu'un film
19:47qui parlait finalement
19:48de la liberté de la femme
19:49et du féminisme
19:49soit programmé.
19:50Donc aujourd'hui,
19:51on a un risque
19:51de censure culturel
19:52qui n'est pas que le propre
19:53de l'extrême gauche
19:54ou des intégristes
19:55mais qui est le propre
19:55aussi de tous les extrémistes
19:56et je trouve que là-dessus,
19:58on ne s'indigne pas assez.
19:59On ne se révolte pas assez
20:00et que d'ailleurs,
20:01même les artistes
20:02qui parfois sont prontes
20:03à manifester un peu sur tout
20:04là-dessus sont assez muets.
20:06Ils sont assez silencieux.
20:07Merci Raphaël Enthoven
20:08d'avoir été l'invité
20:09du club de BFM.
20:10Je rappelle votre livre
20:11L'Albatros
20:12aux éditions de l'Océan à 3.
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