L'Assurance maladie a placé sous surveillance 500 médecins généralistes. Le but: réduire leur prescription d'arrêts de travail. Francis Blanc, médecin généraliste à Alby surveillé par l'Assurance maladie, témoigne sur BFMTV.
00:00C'est une situation complexe et pour l'expliquer à des gens qui ne sont pas dans le métier, je trouve ça un peu difficile, je vais essayer de simplifier.
00:08Il y a deux problèmes d'ailleurs, pourquoi il y a des arrêts maladie et deuxièmement comment la CPM fait son contrôle.
00:18Pourquoi il y a des arrêts maladie ? Bon, je n'ai pas de compétence particulière dans le domaine, mais je soigne quand même beaucoup de gens.
00:23J'ai une patientèle jeune qui est au travail, je soigne des femmes de ménage, d'employer supermarché, des ouvriers sur les chantiers, etc.
00:30Et je suis un vieux médecin et j'ai bien vu que les conditions de travail se sont dégradées depuis 20 à 30 ans à peu près,
00:37sous l'influence de ce que nous est venu d'Angleterre, des États-Unis, qu'ils ont appelé le new management, et qu'on peut traduire en français par management toxique.
00:45Sur ça, je ne vois pas trop ce que les médecins peuvent y faire.
00:48Et ensuite, la caisse s'est retrouvée devant une injonction politique que vous venez d'entendre,
00:53et il fallait faire des contrôles.
00:55Alors, elle a fait des contrôles à la CPM, c'est-à-dire faire semblant tout en faisant, sans faire.
01:00Donc, suivant une méthodologie qui, je veux dire, si vous étiez étudiant en Thésard ou en Master,
01:07et que vous appliquez la méthodologie que la CPM a faite pour contrôler les médecins,
01:13vous seriez collé.
01:14Vous n'avez aucune chance d'être reçus.
01:16Leurs algorithmes, ils ne nous ont pas donné le mode d'emploi.
01:20Il a fallu que je mette la CPM du Tarn au tribunal administratif pour avoir un début d'explication de pourquoi j'étais sain.
01:27Et ça arrive, et c'est rempli de biais.
01:29Je vous arrête un instant pour donner cette précision, docteur.
01:32Semble-t-il ce qu'il vous reproche à vous, c'est que la moyenne des arrêts maladie que vous avez donnés
01:38était de 35 jours, alors que la moyenne en France tourne autour de 29-30 jours ?
01:45Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
01:47La différence est énorme.
01:50Quand je parle de biais, c'est que les statistiques sont sujettes à des variations individuelles.
01:57Et ce n'est pas des grands nombres, contrairement à ce qu'on pense.
02:00Par exemple, moi, je dois avoir...
02:02Ce qui pose problème, c'est les patients qui sont en arrêt maladie de très longue durée.
02:06Moi, des patients en arrêt maladie de très longue durée, j'en ai 25 à 30.
02:101% de ma patientèle, à peu près.
02:12Il suffit qu'il y en ait 3 ou 4 qui arrêtent, et tout de suite, ou 3 ou 4 de plus, et vous avez ça.
02:17Ça n'a statistiquement aucune signification.
02:20C'est des variations individuelles.
02:21Et la CPM le sait très bien, d'ailleurs.
02:23Ce n'est pas la question.
02:24Et il suffit que vous ayez...
02:26On ne peut pas comparer les choses.
02:27On va comparer...
02:28Moi, je suis à Albi, dans un quartier pauvre.
02:30On n'est plus pauvre de France.
02:31Et le reste de l'agglomération est plutôt prospère.
02:34On va comparer aux médecins de toute l'agglomération.
02:37C'est comme si on compare...
02:38Si on compare un médecin qui est dans le 9-3 avec un médecin qui est dans le 16e, ça n'a aucun sens.
02:43Ça n'a aucun sens.
02:44Ça veut dire que vous vous êtes retrouvés avec une patientèle qui est plus abîmée, si je puis me permettre ce mot.
02:49Bien sûr.
02:50Qui est parfois cassée par le travail.
02:53Tout à fait.
02:54Par exemple, Albi est une ville touristique.
02:57Il y a beaucoup d'hôtels avec des femmes de ménage.
02:59Et les femmes de ménage, elles habitent à mon quartier.
03:01Je les vois, quoi.
03:02Et les hôtels bas de gamme, ça se voit avec une seule femme de ménage
03:08qui fait le ménage.
03:08Je peux vous dire qu'une femme de ménage qui fait le ménage seule dans une chambre d'hôtel,
03:13au bout de 18 à 20 mois, elle n'a plus d'épaule.
03:15Elles sont fichues.
03:15Et elles sont fichues définitivement toute sa vie.
03:18Ça veut dire que la société, vous et moi, on va devoir lui payer quelque chose jusqu'à sa retraite.
03:22Et donc, on tire les prix sur le dos de la société quand même.
03:26C'est ce qu'on appelle le capitalisme et le mérite de chacun pour soi.
03:29Voilà.
03:30Donc, sur ça, qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse ?
03:32À côté de moi, j'ai toujours d'ailleurs une très grande surface
03:36qui était un nid de problèmes...
03:39Indémerdables.
03:41Indémerdables.
03:42Vous avez dit le mot.
03:43Allez-y, docteur.
03:44Vous êtes pardonnés.
03:45Je m'excuse.
03:45Vous êtes pardonnés.
03:46Je m'excuse d'avoir appelé ce terme.
03:48Et il a suffi que la direction change.
03:51Il est devenu une autre direction.
03:53Les caissières ne soulèvent plus de poids, etc.
03:56Et on n'en entend plus parler.
03:58Mais docteur, je trouve ça important qu'on ait pris le temps
04:02d'entendre vos arguments ce matin.
04:04Qu'on sorte, en effet, de la caricature.
04:07J'entends même une forme chez vous de...
04:09Voilà.
04:10Vous êtes blessé d'avoir pu être ainsi, pointé du doigt.
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