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  • il y a 3 mois

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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Mai 1948. Blocus de Berlin. Début de la guerre froide. La guerre tout court, la vraie, est terminée depuis trois ans.
00:22Depuis trois ans, on ne peut plus tuer en Europe sans être dans l'illégalité, à moins d'être bourreau.
00:30Ceux-ci, c'était pour vous situer l'époque. Le lieu, c'est la Grande-Bretagne. Georges VI règne encore.
00:37Il y a encore des cartes de rationnement, il y a encore à Londres, dans certaines rues, des tas de briques bien alignées, bien rangées, à la place des maisons.
00:46C'était les maisons. Mais il y a eu les bombardements.
00:51Nous sommes donc en 1948, en Grande-Bretagne, mais pas à Londres, plus au nord, sur la côte ouest, entre le pays de Galles et la région des Lacs.
00:59Pas loin de Blackpool, la ville des Jeux, pas loin de Liverpool, où les Beatles sont encore des enfants.
01:05À Blackburn, très exactement.
01:07Au centre d'une région où l'on vit de l'industrie du coton.
01:13Le vendredi 14 mai 1948, à 18h, un garçon de 22 ans quitte son domicile de Burley Street, à Blackburn,
01:21laissant chez lui son père et sa mère, il s'appelle Peter Griffiths.
01:27À l'instant où Peter quitte son domicile, il est encore à un sujet de sa majesté Georges VI, semblable aux autres.
01:35Comme beaucoup d'Anglais, à cette heure-là, il se rend tout simplement au pub.
01:41Il n'a qu'une idée.
01:43Passez une soirée tranquille.
01:44Passez une soirée tranquille.
01:50Cinq mois plus tard, à Liverpool, quelques personnes se réuniront et en vingt minutes,
01:58décideront que Peter Griffiths doit être pendu.
02:03Car Peter sera pendu pour ce qu'il va faire cette nuit-là.
02:07Lui qui veut passer une soirée tranquille.
02:30Nous sommes en fin de semaine, le vendredi.
02:33Comme chaque vendredi, il y a dans les rues un peu plus de monde,
02:37des hameaux et des villages voisins, on vient passer la soirée à Blackburn.
02:41On ne travaille pas le lendemain, alors on en profite pour faire des courses,
02:45aller au cinéma, visiter les pubs.
02:47Dans cette foule, un peu plus dense que les autres jours de la semaine,
02:51Peter Griffiths marche seul.
02:54Son programme à lui est établi.
02:55Demain, il ira au cinéma, ce soir, il va au pub.
02:58Il veut passer une soirée tranquille.
03:03Quand il pousse la porte du Dunn Horse,
03:08il a devant lui presque cinq heures pour savourer cette tranquillité.
03:14Il s'installe devant une bière, une grande, une forte, et il boit.
03:20Puis il commande une autre bière, une grande, une forte, et il boit.
03:25Puis une troisième bière qu'il boit moins vite.
03:28Le temps passe, il envoie une quatrième, toujours grande et forte.
03:34Maintenant, il envoie une cinquième.
03:37Il est huit heures.
03:38La soirée tranquille de Peter Griffiths est commencée depuis deux heures.
03:45Le pub ne fermera qu'à onze heures.
03:48Il a encore du bon temps devant lui.
03:50À un kilomètre cinq cents du centre-ville,
03:55à la limite d'une campagne peu habitée, se trouve l'hôpital de Queen's Park.
04:01C'est un très vaste établissement, tout en rez-de-chaussée,
04:05couvrant une grande superficie.
04:07Les salles portent des numéros.
04:09La salle numéro 3 est à l'extrémité des bâtiments
04:11et fait partie de la section réservée aux enfants.
04:15Dans la salle numéro 3, le parquet est ciré, brillant.
04:18Des ampoules avec leurs abat-jours en verre des polis,
04:21sans fioritures, très simples,
04:22pendent, au bout de leur fil électrique,
04:25au-dessus d'une douzaine de petits lits.
04:27Six de ces lits seulement sont occupés,
04:29quelques-uns par des enfants qui n'ont pas encore douze mois.
04:33C'est dans cette salle,
04:35à l'heure où Peter Griffiths boit sa cinquième bière,
04:37que la jeune infirmière stagiaire,
04:40Anna O'Donovan,
04:42prend son service ce vendredi 14 mai 1948.
04:46Anna est seule
04:47et ne doit être relevée qu'à 23h30.
04:51Dehors, le vent souffle.
04:53La jeune infirmière a visité ses petits malades.
04:55Tout va bien.
04:56Il est 20h50.
04:59Peter Griffiths, lui, est devant un verre de rhum,
05:01un grand verre de rhum.
05:03Il a changé de pub.
05:05Il n'est plus O'Donholtz.
05:07Il est entré dans celui d'en face
05:09et il a tout de suite commandé une Guinness.
05:12Maintenant, il termine son verre de rhum.
05:15Sa soirée tranquille s'avance,
05:17mais il a encore deux heures
05:18avant de se retrouver dehors.
05:22Donnez-moi encore un autre verre de rhum, s'il vous plaît.
05:24Oui, un grand, s'il vous plaît.
05:27Il n'est pas bête, Peter Griffiths.
05:29Il sait profiter de sa tranquillité.
05:31C'est dommage que le temps passe si vite.
05:33Il prend une cigarette, demande du feu à son voisin,
05:36puis donnez-moi encore un verre de Guinness.
05:40Oui, un grand.
05:43Il est 22h.
05:45À l'hôpital de Queens Park,
05:47la jeune stagiaire Anna O'Donhavann
05:49est maintenant dans la petite cuisine du service des enfants
05:51à côté de la salle numéro 3.
05:54Elle boit, elle aussi, une tasse de thé.
05:56En buvant, elle écoute, attentive au bruit.
05:59L'un des enfants pourrait se plaindre ou appeler.
06:02Mais elle n'entend que le vent
06:03qui souffle un peu plus fort dehors,
06:06dans la nuit.
06:07Quelques instants plus tard,
06:09Anna va visiter ses petits malades.
06:12La petite Brenda Smith,
06:13qui la semaine dernière est tombée de son berceau.
06:15La petite Devanée, la préférée des infirmières,
06:18qui est là depuis 14 jours.
06:19Le petit Attercelle, un bébé de moins d'un an.
06:23Tous dorment.
06:24Anna est seule.
06:27Il sera bientôt 23h.
06:29Dans le pub,
06:31le Dunhorse, où il est revenu,
06:34Peter Griffiths, regarde l'heure.
06:38Il n'a plus que quelques minutes
06:39avant la fermeture.
06:41S'il veut terminer en beauté
06:43cette soirée tranquille,
06:44si bien commencée,
06:45il doit se dépêcher.
06:46Alors il prend encore une grande bière.
06:50Forte.
06:50Une sonnerie retentit
06:54plus que cinq minutes avant la fermeture.
06:56Il vide son verre
06:57et en même temps que les autres consommateurs,
07:00fait sa dernière commande,
07:02une autre bière.
07:05Quand sonnera l'heure de la fermeture
07:06à 23h,
07:08il en sera à son 15e verre.
07:11Le voici dehors.
07:16Il avance en zigzag,
07:18d'un bord du trottoir à l'autre.
07:20Le vent souffle assez fort,
07:21poussant une petite pluie fine
07:23qui scintille dans les zones éclairées
07:25de Darwin Street.
07:26Ailleurs, c'est la nuit.
07:30Dans cette nuit,
07:31Peter voit un point rouge,
07:32incandescent.
07:33Il s'approche.
07:35Un homme fume,
07:36assis à l'abri
07:36dans une petite voiture de sport.
07:37Cette voiture,
07:39Peter la remarque,
07:40elle a des roues
07:40à rayons métalliques
07:41couleur argent.
07:43En arrivant à sa hauteur,
07:44Peter prend une cigarette,
07:45se penche devant la portière.
07:47L'autre baisse la vitre.
07:48Vous voulez du feu ?
07:49Oui, s'il vous plaît.
07:51Merci.
07:52Asseyez-vous quelques instants
07:53à côté de moi
07:54si vous êtes fatigué.
07:55Vous rentrez chez vous ?
07:58Non, pas tout de suite.
08:00Je ne suis pas fatigué,
08:01mais j'ai bu.
08:04Je vais marcher,
08:05ça va me faire du bien.
08:07Si on me voit dans cet état,
08:09alors je ne suis pas pressé
08:10d'entrer à la maison.
08:12Vous êtes marié ?
08:14Non.
08:15Je vais avec mes parents.
08:17Toujours à poser des questions.
08:19Où vas-tu ?
08:19À quelle heure rentres-tu ?
08:21Quand est-ce que tu vas travailler ?
08:23Vous n'avez pas de travail ?
08:25Officiellement,
08:27je suis en balleure
08:28dans une miroiterie.
08:29Mais le travail,
08:31il y en a qui courent après,
08:32moi, c'est le contraire.
08:34Je cours devant
08:35pour pas qu'ils me rattrapent.
08:39Ah !
08:40Il paraît que je suis un médiocre.
08:43Vous savez qui c'est
08:44qui m'a dit ça ?
08:45Que je suis un médiocre ?
08:47C'est l'armée qui me l'a dit.
08:49Yes, sir.
08:51Je suis engagé,
08:51j'avais 18 ans.
08:53J'en ai 22.
08:54Ils m'ont quand même gardé 4 ans.
08:56Ils ont fini par me foudre à la porte.
08:59Il y a 3 mois.
09:00Pour cause de médiocrité.
09:04Je vais vous ramener chez vous
09:05en voiture,
09:05monter.
09:07Bon, je veux bien monter,
09:08mais
09:08je veux pas rentrer chez moi
09:10et faire un tour
09:12du côté de la carrière.
09:14La carrière ?
09:15Oui !
09:16À Queen's Park.
09:17Il y a une carrière à un moment donné.
09:20J'allais jouer la voix
09:21quand j'étais gosse.
09:23Vous voulez y aller
09:23à cette heure-ci ?
09:24À quelle heure est-il ?
09:25Il est 11h30.
09:32Dans sa petite cuisine,
09:34l'infirmière stagiaire
09:35Odenhaven
09:35regarde sa montre.
09:38Sa camarade devrait arriver.
09:40Oui, la voilà,
09:40elle n'entend ses pas.
09:42C'est en effet
09:42Gwendoline Humphrey,
09:44infirmière titulaire,
09:45qui vient la relever
09:46en prenant son service de nuit.
09:49Elle, Anna,
09:50ira dans la seconde salle.
09:53Les deux femmes échangent
09:54quelques mots
09:55à côté d'une table
09:55où sont alignées
09:56une quinzaine de biberons.
09:58Ils dorment tous ?
09:59Oui.
10:00Tout va bien.
10:01Quel vent !
10:02Terrible !
10:03À demain !
10:04Anna Odenhaven s'éloigne.
10:06Gwendoline,
10:07restée seule,
10:08range quelques affaires personnelles
10:10dans un placard
10:10et s'apprête à visiter
10:12ses petits malades.
10:14Il est 23h45.
10:17À Blackburn,
10:17la petite voiture de sport démarre.
10:19Du côté passager,
10:20la vitre est ouverte.
10:21Un homme offre son visage au vent.
10:23C'est Peter Griffiths.
10:24La voiture roule
10:25dans la direction
10:26de la carrière abandonnée
10:27où il jouait
10:28quand il était enfant.
10:30La voiture s'arrête.
10:31Peter descend.
10:32Bref, salut.
10:34La voiture repart.
10:36Peter est debout,
10:36seul,
10:37dans la nuit.
10:38Au loin,
10:39le bruit du moteur
10:39est couvert par celui du vent.
10:42Il est devant une grille.
10:45Il voit derrière la grille
10:46la masse noire de l'hôpital
10:47avec ses fenêtres éclairées.
10:48Dans l'un de ses rectangles
10:50de lumière
10:51passe la silhouette
10:52d'une infirmière.
10:55Les mains de Peter
10:55serrent les barreaux
10:56de la grille.
10:59Il est
10:59minuit dix.
11:01Les récits extraordinaires
11:10de Pierre Belmar,
11:11un podcast européen.
11:13Gwendoline Amfrey,
11:14infirmière titulaire,
11:16égée de caractère,
11:18elle chante dans la cuisine
11:19où elle prépare
11:20la bouillie
11:20des tout-petits
11:21pour le matin.
11:22Tout à coup,
11:23sa main reste en suspens
11:24au-dessus de la casserole.
11:25Elle prête l'oreille.
11:27Est-ce le vent ?
11:28Non.
11:29Un enfant qui pleure
11:30dans la salle numéro 3.
11:31Elle y va ?
11:32C'est le petit
11:33Tether Cell.
11:35Gwendoline change le drap,
11:37change la couche
11:37et comme le bébé pleure encore,
11:39elle le prend dans ses bras
11:41et le promène
11:42de long en large.
11:43Elle lui parle
11:43comme s'il pouvait comprendre.
11:45Du doigt,
11:45elle lui montre
11:46dans le lit à côté du sien
11:47une petite fille
11:48qui dort.
11:49Regarde la petite fille
11:50comme elle dort bien.
11:52Faut faire comme elle.
11:54La fillette
11:55que Gwendoline
11:56montre du doigt au bébé,
11:57c'est la petite
11:58June
11:59Anne
12:00de Vanney.
12:01Elle a l'air
12:02d'avoir 6 ou 7 ans.
12:04C'est la grande
12:04du service des enfants.
12:07Elle a une belle chevelure
12:08qui se détache
12:08bien noire
12:09sur le drap blanc.
12:11Le bébé ne pleure plus.
12:13L'infirmière
12:14le recouche
12:14et s'éloigne
12:16vers la cuisine
12:16où elle va continuer
12:17la préparation
12:18du petit déjeuner.
12:19Il est minuit 20.
12:22Dehors,
12:22Peter s'approche
12:23d'une fenêtre éclairée.
12:24Il ne sait plus
12:25comment il a fait
12:26pour franchir la grille.
12:27Il s'approche encore.
12:28Il colle son visage
12:29à la vitre.
12:30Il est devant une salle
12:31où il y a des enfants.
12:33Dans son dos,
12:33c'est la nuit
12:34où le vent souffle.
12:36Il reste là,
12:37immobile,
12:37à longs moments
12:38à observer.
12:39Rien ne bouge.
12:41Alors,
12:41il enlève ses chaussures
12:42qu'il laisse là,
12:43par terre,
12:43devant la fenêtre.
12:44Il avance vers une porte.
12:46Cette porte,
12:47elle a un bouton de cuivre
12:48qui brille
12:49comme brillait
12:50tout à l'heure
12:50les rayons de la voiture.
12:52Peter pousse
12:52le bâton de la porte
12:53qui s'ouvre aussitôt.
12:54Il entre.
12:56Il avance en chaussette.
12:59Une voix de femme
12:59fredonne à quelques mètres.
13:01Elle se rapproche.
13:02Peter recule.
13:02Il sort.
13:04Il est de nouveau dehors,
13:05retenant sa respiration.
13:07Il est minuit trente.
13:10Wendeline chantonne
13:11devant le petit évier
13:12de la cuisine.
13:13Elle a rincé une couche,
13:14l'a étendue.
13:15Elle va continuer
13:15la préparation
13:16de la bouillie
13:16quand encore un enfant
13:18qui pleure.
13:20Cette fois,
13:20ce n'est pas
13:21dans la salle numéro trois.
13:22pourvu qu'il ne soit
13:23rien arrivé
13:23à Brenda Smith
13:25si elle tombait
13:25encore de son berceau.
13:27Mais non.
13:28Avec le filet
13:28qu'on a tendu
13:29au-dessus du lit,
13:30ce n'est plus possible.
13:31D'ailleurs,
13:32Wendeline est tout de suite
13:33rassurée.
13:33C'est bien la petite Smith
13:34qui pleure.
13:35Mais le filet
13:35est toujours là.
13:36Allons.
13:38Encore une couche
13:38a changé sans doute.
13:40Il est une heure moins le cas.
13:42Peter,
13:42les yeux fixés
13:43sur le bouton de cuivre
13:44qu'il serre dans sa main,
13:45pousse doucement la porte.
13:47Avec ses chaussettes,
13:48il ne fait aucun bruit.
13:49Il est dans la salle numéro trois.
13:51Il avance
13:51entre deux rangées de lit,
13:53traverse une pièce minuscule
13:54puis une autre.
13:55Il arrive dans une cuisine.
13:56Il y a des biberons ?
13:58Personne.
13:59Il revient sur ses parts.
14:00Le voici de nouveau
14:01dans la salle numéro trois.
14:02À sa gauche,
14:03il y a une table
14:04où sont posés des flacons
14:05et des boîtes qui brillent.
14:07Il prend un flacon,
14:07avance jusqu'au milieu de la pièce.
14:09De chaque côté de lui,
14:09les enfants dorment.
14:10Mais pourquoi ?
14:11Pourquoi a-t-il pris ce flacon ?
14:13Il le regarde.
14:14Il le pose sur le parc essiré.
14:17Mais tout à coup,
14:18un bruit d'infirmière.
14:20Peter se retourne,
14:20perd l'équilibre,
14:21tombe contre un lit
14:22auquel il se retient.
14:25Personne ne vient.
14:26Mais dans le lit,
14:27l'enfant se réveille,
14:27se met à pleurer
14:28avant même d'ouvrir les yeux.
14:30C'est Youn,
14:30Anne,
14:31Devané,
14:31la petite fille aux cheveux noirs.
14:34Peter fait un geste.
14:35Chut !
14:36Tais-toi !
14:37Elle le regarde
14:38et se tait.
14:40Mais dans le lit voisin,
14:41c'est le bébé
14:41qui se met à pleurer.
14:43L'infirmière va venir !
14:45Peter se penche sur le lit
14:46de la petite June,
14:47Anne,
14:47Devané,
14:47prend l'enfant dans ses bras,
14:48se redresse.
14:50Elle repose sur son bras droit
14:51et tandis qu'il franchit
14:52la porte laissée ouverte
14:53pour ne pas tomber,
14:54elle l'enlace
14:55de ses deux bras
14:56en le tenant par le cou.
14:58Dans le vent,
14:59dans la nuit,
15:00il l'emmène
15:01à travers les terrains
15:01de l'hôpital.
15:02Il parcourt ainsi
15:03quatre-vingt mètres
15:04et s'arrête.
15:06Il pose l'enfant
15:07dans l'herbe
15:07au pied d'un mur.
15:09Elle se met à pleurer.
15:10Il veut qu'elle se taise.
15:12Elle continue.
15:12Alors ?
15:15Alors Peter est pris
15:18par la colère
15:19et ce qui se passe
15:21devient ignoble.
15:25Il fait subir à cet enfant
15:26des violences horribles
15:27et pour terminer,
15:29lui cogne violemment
15:29la tête contre le mur.
15:33Ses coups-là sont mortels.
15:36Ce qui s'est passé avant
15:37l'est également.
15:41Car cette fillette
15:41qui paraissait avoir
15:42six ou sept ans
15:43dans son lit,
15:43cette petite June Han
15:45de Vannay,
15:46enfant chérie
15:47des infirmières,
15:50elle n'avait pas
15:50encore quatre ans.
15:52Elle aurait fêté
15:53son quatrième anniversaire
15:54un mois plus tard
15:55et elle est morte
15:58d'avoir été violée.
16:01Il est une heure vingt.
16:05Wendelin est en train
16:06de refermer la porte
16:07de la salle numéro trois.
16:08Avec le vent qu'il fait,
16:09on aurait dû la réparer plus tôt.
16:10En effet,
16:12elle vient de trouver ouvertes
16:13les deux portes
16:13par lesquelles est passé Peter.
16:15Elle pense que c'est le vent,
16:16Wendelin.
16:16Comment pourrait-elle
16:17imaginer autre chose ?
16:19Et celui-ci,
16:19regardez-le,
16:20comme il bouge en dormant,
16:21ce voyou.
16:22Tout son lit est défait.
16:23Et tu ne dors pas ?
16:24C'est toi qui pleurais ?
16:26Mais regarde ta petite voisine.
16:29Le mot reste dans la gorge
16:30de l'infirmière.
16:33La chevelure noire
16:33n'est plus là.
16:34Le lit est vide.
16:35Wendelin ne chantonne plus.
16:38Elle s'assure que l'enfant
16:39ne s'est pas levé
16:40pour aller aux toilettes,
16:41cherche partout rapidement.
16:42Et rapidement,
16:43l'idée du drame,
16:44d'un drame s'impose.
16:47Il est une heure vingt-cinq.
16:49Peter refait en sens inverse
16:51les quatre-vingt mètres
16:51qui le séparent de l'endroit
16:52où il a laissé ses chaussures.
16:54Il les retrouve,
16:54s'assoit pour les mettre
16:55et repart.
16:56En passant à l'endroit
16:57où il a laissé le corps
16:58près du mur,
16:59il lui jette un coup d'œil
17:00et s'éloigne.
17:03Il est une heure trente.
17:06Dans l'hôpital,
17:06Gwendoline,
17:07d'une voix angoissée,
17:08appelle l'infirmière en chef
17:09et la jeune stagiaire
17:11O'Donovan.
17:12Les trois femmes
17:12remarquent des empreintes de pieds.
17:14On dirait
17:14des empreintes de pieds nus.
17:16Il y en a partout.
17:17Et ce flacon ?
17:17Pourquoi est-il par terre ?
17:18N'y touchez pas.
17:20Il y a peut-être des empreintes.
17:22Madame Wilcock,
17:23l'infirmière en chef,
17:24alerte la police.
17:26L'inspecteur William Wilson
17:27reçoit le coup de fil.
17:28Il part aussitôt
17:29chez M. et Mme Devanet
17:30avec la terrible tâche
17:33de leur annoncer
17:34que leur petite fille
17:35vient de disparaître.
17:37Avec M. Devanet,
17:38il repart aussitôt
17:39pour l'hôpital.
17:40Il est 1h40 du matin.
17:42Peter Griffiths
17:43est arrivé chez lui.
17:45Au premier étage,
17:46ses parents dorment.
17:47Il enlève son col,
17:48sa cravate,
17:49se couche tout habillé
17:50sur le divan
17:51du rez-de-chaussée.
17:52Et demain ?
17:54Demain,
17:54j'irai au cinéma.
17:56Il s'endort.
17:58Il est 2h du matin.
17:593h17.
18:02Le gardien Parkinson
18:03découvre le corps
18:05mutilé de June Hahn.
18:07L'inspecteur Wilson
18:08et M. Devanet
18:09se rendent devant
18:09la dépouille de l'enfant.
18:11Le père reconnaît sa fille.
18:14Peter Griffiths dort.
18:153h30.
18:17Le docteur Rogers
18:18de l'hôpital
18:18vient constater le décès.
18:22Peter Griffiths dort.
18:244h20.
18:25Le chef constable,
18:26l'OMS,
18:27chef des services
18:27de police de Blackburn,
18:29et le docteur Bailey,
18:30chirurgien de la police,
18:31arrivent sur les lieux.
18:32Ils commencent
18:33leur investigation.
18:36Peter Griffiths dort.
18:376h du matin,
18:39à Londres.
18:40Départ pour Blackburn
18:41du chef-inspecteur
18:42Capstick
18:43et de l'inspecteur
18:44Stoneman
18:44de Scotland Yard.
18:46À Blackburn,
18:47arrivé de l'inspecteur
18:47Colin Campbell
18:48du service
18:49dactyloscopique,
18:50autrement dit
18:50le spécialiste
18:52des empreintes.
18:52Peter Griffiths dort.
18:559h.
18:56Arrivée du biologiste
18:57Noel Jones
18:58du laboratoire
18:59de police scientifique.
19:01Peter Griffiths
19:01se réveille sur son divan.
19:03Il se lève,
19:04se rase,
19:05installe tout ce qu'il faut
19:06pour repasser.
19:07Comme il a dormi
19:07tout habillé,
19:08il doit donner
19:08un coup de fer
19:09à son complet.
19:10Il n'est pas question,
19:11naturellement,
19:11qu'il aille au cinéma
19:12avec des vêtements
19:13aussi fripés.
19:1613h.
19:17Deux autres inspecteurs
19:18de Scotland Yard
19:18quittent Londres
19:19pour Blackburn.
19:20À Queen's Park,
19:21policiers, inspecteurs,
19:23chirurgiens, médecins,
19:24biologistes, chimistes,
19:25spécialistes des empreintes,
19:26tout le monde s'affaire.
19:27Pas un centimètre carré
19:29n'échappe aux recherches
19:30dans la salle numéro 3.
19:32Pas un brin d'herbe
19:33qui ne soit examiné
19:34autour du corps
19:35de la victime.
19:36Le docteur Bélé
19:37a effectué
19:38une autopsie
19:38de la fillette.
19:39La police
19:39est maintenant
19:40en possession
19:40des empreintes
19:41des pieds
19:42et des mains
19:42de Griffiths.
19:43Elle a des fibres
19:43de ses vêtements
19:44et de ses chaussettes.
19:45Elle possède
19:46des échantillons
19:47de son sang,
19:48de ses cheveux,
19:49de ses poils,
19:49de ses ongles,
19:50de son sperme.
19:53Il est 15 heures.
19:55Pendant ce temps,
19:56à 1 500 mètres
19:57de cette armée
19:57levée contre lui,
19:59que fait Griffiths ?
20:00Il est au cinéma.
20:01Le royal,
20:02tout simplement.
20:04À 17h30,
20:04il rentre chez lui,
20:05prend son thé,
20:06parcourt les journaux
20:07où, sous de gros titres,
20:09s'étalent les informations
20:10sur le crime.
20:11Sur son crime.
20:14Il lit avec indifférence.
20:15Son père et sa mère
20:16le regardent.
20:17Où étais-tu hier soir ?
20:19Au pub.
20:20Tu es rentré tard ?
20:22À minuit.
20:23Pourquoi es-tu resté en bas ?
20:25Tu as couché tout habillé ?
20:27Comment ne parlez pas ?
20:28Je me suis payé
20:29une de ses cuites.
20:31C'est tout.
20:33À partir de cet instant,
20:35il n'en parlera plus.
20:37Il va poursuivre
20:38sa vie normale,
20:39suivant,
20:40de loin,
20:41le travail de la police.
20:43Et ce travail
20:44va être considérable.
20:45posséder les empreintes
20:47d'un coupable,
20:48cela ne sert à rien
20:49si on ne peut les comparer
20:50à d'autres empreintes
20:51d'un individu
20:52déjà identifié.
20:53Or,
20:53les empreintes de Griffiths
20:54ne figurent nulle part
20:56dans aucun service de police.
20:58Le problème est donc
20:59de prendre les empreintes
21:01de suspect
21:01et de les comparer
21:02avec celles du flacon.
21:04Mais avant,
21:04il faut éliminer
21:05tous ceux
21:05qui,
21:06pour des raisons professionnelles,
21:07peuvent avoir manipulé
21:08ce flacon.
21:09Plus de 1000 personnes
21:10sont dans ce cas.
21:12Après environ deux semaines,
21:14il est à peu près certain
21:15que les empreintes
21:16découvertes sur le flacon
21:17n'appartiennent pas
21:17à une personne
21:18ayant normalement accès
21:19à la salle numéro 3.
21:21Parallèlement
21:22à ces vérifications,
21:23on relève
21:24les empreintes
21:25de 3000 hommes
21:26dont on peut penser
21:27qu'étant privés
21:28de rapports normaux
21:29avec l'autre sexe,
21:30il y a chez eux
21:30quelque chose
21:31qui ne tourne pas rond
21:32de ce côté-là.
21:33Ce travail considérable
21:34n'aboutit à rien.
21:35Alors,
21:36on va employer
21:36les grands moyens.
21:37Le public est invité
21:38à faciliter la tâche
21:39de la police.
21:40Il s'agit de relever
21:42l'empreinte du pouce
21:43et de l'index gauche
21:44de tous les hommes
21:46qui ont pu se trouver
21:47à Blackburn
21:48la nuit du 14 au 15 mai 1948.
21:52Cela représente
21:53plus de 46 000 empreintes
21:55qu'il faut recueillir
21:57et examiner.
21:59Maison par maison,
22:01le travail commence.
22:02Il s'étend même
22:03hors des limites
22:04de Blackburn
22:04et de l'Angleterre.
22:06La plupart des autres
22:06polices d'Europe,
22:07du Canada
22:08et des États-Unis
22:08reçoivent des photographies
22:09des empreintes
22:10relevées sur le flacon.
22:11À Blackburn même,
22:13la ville est divisée
22:14en 12 secteurs
22:14semblables à ceux
22:15d'un cadran de montre
22:16dont le commissariat
22:17de police serait le centre.
22:19Méthodiquement,
22:19chaque jour,
22:19de 8h à 22h,
22:21les inspecteurs
22:22visitent les maisons
22:22de leur secteur
22:23et recueillent
22:23les empreintes
22:24de toute personne
22:25de sexe masculin
22:26âgée de plus de 14 ans
22:28qui n'était pas clouée au lit
22:29et a pu,
22:30la nuit du crime,
22:31se rendre
22:31à l'hôpital de Queens Park.
22:33Pour que personne
22:33ne soit oublié,
22:34on compare la liste
22:35de ceux qui ont été visités
22:36avec la liste des électeurs.
22:38Malheureusement,
22:39cette dernière liste
22:40est incomplète.
22:41Les semaines passent
22:43et l'enquête
22:43ne donne aucun résultat
22:44sinon celui d'avoir éliminé
22:46comme coupable possible
22:46environ 50 000 personnes,
22:48ce qui est tout de même
22:49quelque chose.
22:50C'est alors que la police
22:51apprend
22:51qu'une prochaine distribution
22:53de cartes de rationnement
22:54doit avoir lieu
22:55dans le pays
22:56et qu'à cette fin,
22:57les habitants de Blackburn
22:58figurent sur une liste.
23:00Ce genre de liste
23:01est forcément complète
23:02car chacun
23:03tient à s'y faire inscrire
23:05plutôt deux fois qu'une.
23:06Or,
23:07en la comparant
23:08avec celle des hommes
23:09qui ont donné leurs empreintes,
23:11on s'aperçoit
23:11qu'environ 200 personnes
23:13ont été oubliées
23:13ou ont évité
23:14les vérifications à domicile.
23:17Tout cela
23:18a demandé 13 semaines.
23:21Nous sommes le 11 août 1948.
23:23Les 200 noms
23:24ont été répartis
23:25par secteur
23:26et le gardien Calvert
23:28de la police municipale
23:29de Blackburn
23:29quitte le commissariat central
23:31avec les noms
23:32de son secteur à lui.
23:33Dans son secteur,
23:35il y a
23:35Burle Street
23:36et dans Burle Street
23:37le nom d'un certain
23:39Griffiths.
23:41Griffiths ne fait
23:42aucune objection
23:43lorsque Calvert lui demande
23:44de donner ses empreintes.
23:47Il ne se distingue en rien
23:48des 50 000 autres personnes
23:49visitées.
23:51Cet anonymat
23:52ne va pas durer.
23:55Le 12 août,
23:56c'est-à-dire le lendemain,
23:57il prend fin
23:58lorsque l'inspecteur Campbell
23:59identifie les empreintes
24:00de Griffiths.
24:02Des 50 000 empreintes
24:03examinées,
24:03voilà celles
24:04qui sont sur le flacon.
24:07Le 13 août,
24:08un vendredi,
24:09vous savez,
24:10c'est fin de semaine
24:11où l'on vient à Blackburn
24:12pour les courses,
24:12le cinéma
24:13ou la visite des pubs.
24:15Ce soir-là,
24:16il est pas tout à fait
24:1721h30.
24:19Peter Griffiths
24:20sort de chez lui.
24:21Il a envie de passer
24:22une soirée
24:23tranquille.
24:25Peut-être demain
24:26ira-t-il au cinéma.
24:28Ce soir,
24:29il va...
24:29Peter Griffiths,
24:30oui.
24:33Nous sommes fonctionnaires
24:34de police.
24:36Je vous arrête
24:36pour le meurtre
24:38de June
24:38Anne Devaney,
24:41commis à l'hôpital
24:41de Queens Park
24:42dans la nuit
24:43du 14 au 15 mai
24:44dernier.
24:46Mais qu'est-ce que
24:46j'ai à voir là-dedans ?
24:47Mais j'y suis jamais allé.
24:49Allons monter.
24:51On le fait monter
24:52dans une voiture.
24:54Le chef-inspecteur
24:55capstick
24:55de Scotland Yard
24:56est à côté de lui.
24:58L'inspecteur Milen
24:58est devant,
24:59à côté du commissaire
25:00divisionnaire
25:00Woodman,
25:01c'est qui conduit
25:02la voiture.
25:04Personne ne parle.
25:06C'est Peter
25:06qui soudain
25:07ronde le silence.
25:09Mais je ne suis jamais
25:09allé dans aucune
25:10des salles de l'hôpital.
25:12Quand j'étais petit,
25:13j'allais souvent jouer
25:14dans la vieille carrière.
25:17C'est à cause
25:17de mes empreintes
25:18que vous êtes venu
25:19me chercher ?
25:19Oui.
25:23Ce sont vos empreintes
25:25qui sont sur le flacon.
25:27Eh bien,
25:29si ce sont mes empreintes
25:30qui sont sur la bouteille,
25:33je vais tout vous raconter.
25:38Maintenant,
25:39Peter a tout raconté,
25:40tout ce que nous savons.
25:42Et il ajoute,
25:44je regrette pour les parents,
25:47j'espère que j'aurai
25:48ce que je mérite.
25:51Condamné à mort,
25:51il ne fit pas appel
25:52et fut pendu
25:53le 19 novembre 1948.
25:56Dans la chambre de Peter,
25:58l'inspecteur Mylène
25:59avait trouvé
26:00plusieurs feuilles de papier.
26:02Sur cinq d'entre elles,
26:04étaient écrits
26:05en tout ou partie
26:05les vers suivants
26:08dont nous vous donnons
26:09la traduction en français.
26:12Avertissement.
26:15Lorsque la bête
26:16dégna baisser les yeux
26:19sur le visage
26:20de la belle,
26:22elle ne put la frapper.
26:25Et de ce jour-là,
26:27ce fut comme si la bête
26:29était morte.
26:31Et ses vers étaient signés
26:33la terreur.
26:34Vous venez d'écouter
26:54les récits extraordinaires
26:56de Pierre Bellemare,
26:57un podcast
26:58issu des archives
26:59d'Europe 1.
27:01Réalisation et composition
27:02musicale Julien Tarot.
27:05Production Estelle Lafon.
27:07Patrimoine sonore Sylvaine Denis,
27:09Laetitia Casanova,
27:11Antoine Le Reclus.
27:12Remerciements à Roselyne Bellemare.
27:15Les récits extraordinaires
27:16sont disponibles
27:17sur le site
27:18et l'appli Europe 1.
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