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  • il y a 4 mois

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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:12A la première page du dossier que nous ouvrons aujourd'hui, une chose saute tout d'abord aux yeux, une date 1850.
00:20Et aussitôt une question se pose, pourquoi s'intéresser à une affaire datant de plus d'un siècle ?
00:25Eh bien chers amis, c'est tout simplement que le personnage principal de ce dossier a créé sur ses pas une suite d'événements tellement incroyables qu'ils font encore partie de l'actualité de la ville de Rennes, la capitale bretonne.
00:39D'ailleurs dans cette région, il suffit de prononcer le nom d'Hélène Gégado pour faire encore courir un frisson d'horreur.
00:55Oh ma pauvre Rose, ma pauvre petite Rose, il n'y a plus rien à faire maintenant.
01:09Elle va passer, oh oui c'est sûr, elle va passer.
01:12Mais ce qui me console, c'est qu'elle sera sûrement à la droite de notre seigneur.
01:16Mais voulez-vous vous taire Hélène ?
01:18Enfin voulez-vous vous taire, vilaine oiseau de mauvaise augure ?
01:21Et cessez de dire toutes ces sottises devant cette malheureuse petite, vous êtes en train de l'inquiéter pour rien.
01:25Après tout, elle n'a fait qu'une mauvaise chute, mais elle s'en remettra.
01:31Les deux personnages que nous voyons devant nous, c'est d'abord la servante Hélène Gégado qui crie au malheur,
01:37et celui qui vient de la rabrouer, c'est son maître, monsieur Théophile Bidard, professeur à la faculté de droit de Rennes.
01:43Depuis fort longtemps, monsieur Bidard emploie à son service une femme de charge.
01:47C'est le troisième personnage de cette scène, elle s'appelle Rose Tessier.
01:52Monsieur Bidard aime beaucoup Rose, car elle fait fort bien son travail.
01:56Oui, elle fait partie de la famille Rose Tessier.
01:59Et comme elle commence à prendre de l'âge, monsieur Théophile Bidard a décidé il y a quelque temps de la soulager d'une partie de son travail
02:07et d'engager une cuisinière.
02:09C'est à ce moment-là que s'est présentée Hélène Gégado.
02:13Elle est née à Plouinec, 50 ans plus tôt.
02:17Elle avait toujours fait ce métier, elle s'était, comme l'on dit, mise en condition pour subvenir aux besoins de sa mère,
02:24dont elle était le seul appui et sur lequel elle continuait à veiller.
02:28D'ailleurs, Hélène Gégado possédait l'excellent certificat de travail.
02:31On l'a pris à l'essai, et monsieur Bidard s'avoua bientôt séduit par ses qualités de cordon bleu.
02:38Hélène faisait en particulier à la perfection la soupe.
02:43Une soupe aux herbes dont elle avait le secret et ne voulait donner la recette à personne.
02:51Monsieur Bidard n'avait jamais mangé une si bonne soupe.
02:54Et il engagea Hélène.
02:58« Mais attention, je ne veux avoir à m'occuper de rien, » précisa le patron.
03:04« Vous rendez compte de tout ? Arrose ! »
03:07De fait, Rose Tessier, soulagée du travail de cuisine, eut donc tout le temps nécessaire pour prendre son rôle de chef d'équipe au sérieux,
03:14et chaque matin, elle venait surveiller de près le menu prévu pour la journée, les dépenses nécessaires et l'état des réserves.
03:20Puis, elle allait vaquer à ses occupations en faisant sonner fièrement le trousseau de clé qu'elle portait à sa ceinture,
03:27naïf signe de sa supériorité et preuve que le maître lui accordait toute sa confiance.
03:33Hélène Gigado, qui escomptait vraisemblablement occupé une place moins subalterne dans la maison,
03:41eut l'impulsion de manifester une certaine mauvaise humeur de cet état de choses,
03:45mais elle ravala bien vite ses protestations.
03:48C'est ainsi que, pour les derniers jours d'automne, la famille et ses servantes étaient allées savourer les beautés de la nature
03:55dans une propriété que possédait M. Bidard non loin de Rennes, une maison militairement dénommée le Baudrier.
04:01Et c'est là, au Baudrier, que se produisirent quelques événements un peu plus fâches.
04:10D'abord, une nuit rostessier fut éveillée par un bruit contre sa porte
04:16et une voix sépulcrale qui prononçait sur un ton théâtral
04:21« Rose ! Rose ! »
04:25L'intéressée, superstitieuse comme nombre de filles de la campagne,
04:30fut prise d'une sainte frousse et se blottit sous ses couvertures en se signant
04:34et en récitant à toute vitesse un nombre invraisemblable de prières
04:37sûrement propres à conjurer les plus mauvais des mauvais esprits.
04:41Le lendemain matin, le professeur appela la cuisinière et lui fit la morale avec autant de sérieux que possible.
04:45« Enfin voyons, ma fille, vous êtes trop intelligente pour continuer à faire ce genre de farce stupide à la pauvre Rose ! »
04:51Mais Hélène ne voulut rien reconnaître.
04:54Ce n'était pas elle le fantôme du baudrier.
04:57Et pour preuve de sa bonne foi, elle ajouta
04:58« Mais moi-même, monsieur, j'ai oui frappé un grand coup dans la porte
05:02et j'ai bien cru que ceux d'en dessous venaient pour prendre cette malheureuse fille. »
05:09L'incident déclaré clos.
05:10Quelques jours plus tard, rostessier fait en descendant à la cave une chute assez douloureuse.
05:17Mais les contusions superficielles ne présentaient aucun caractère de gravité.
05:22Cependant, Hélène Gégado y voit, elle, un très mauvais présage.
05:25Et c'est là que nous la trouvons près du lit où Rose se remet de ses émotions.
05:30Et elle débite à voix haute des litanies de catastrophes
05:33qui ne sont pas faites pour remonter le moral de la blessée.
05:36Alors, comme vous l'avez entendu, le professeur Bidart intervient lui-même
05:40pour faire sortir de la chambre l'oiseau de mauvais augure et ses sombres prédictions.
05:45Mais Hélène n'en démore pas.
05:48Elle est sûre que le mauvais sort s'acharne sur Rose.
05:52La suite des événements va hélas lui donner raison.
05:57Le 3 novembre, toute la maisonnée est de retour à Rennes.
06:02Rose, à peu près remise de sa chute, dîne à la cuisine avec Hélène
06:06et est de fort bon appétit.
06:08Hélène sait faire une si bonne soupe.
06:11À la fin du repas, Rose se redresse soudain, livide,
06:16puis se précipite vers l'évier, secouée par de terribles vomissements.
06:20Heureusement, Hélène est là qui la soutient.
06:22La couche et toute la journée la soignent avec attention.
06:26Le 5, le docteur Pinault, le médecin de famille, est à son chevet.
06:30Il la trouve plus calme, quoique fatiguée.
06:32Ne vous inquiétez pas, rien de grave.
06:34Ce sont les nerfs.
06:35Notre pauvre Rose a sûrement été secouée par votre voyage d'âme.
06:39À son âge, il faut qu'elle songe à se ménager, on ne travaille plus comme à 20 ans.
06:44Ayant prescrit repos et diète, le docteur repart.
06:48Mais quelques heures plus tard, le mâle reprend et bien plus fort cette fois.
06:52Rose souffre de douleurs intolérables à l'estomac.
06:54Elle crie qu'elle a un brasier dans le corps, qu'elle brûle.
06:57Et rien ne peut arrêter ses cris déchirants.
07:01Le docteur Pinault revenu sur place est bien perplexe.
07:03Et en toute modestie, il appelle en consultation à de ses confrères.
07:06Après examen et discussion, les deux praticiens tombent d'accord pour diagnostiquer une fracture du diaphragme.
07:13L'état de Rose empire très vite.
07:16Hélène Gégado la soigne maternellement.
07:18Pas un seul instant.
07:19Elle ne veut quitter le chevet.
07:20Elle ne mange plus.
07:21Elle ne dort plus.
07:22Elle essuie le front de Rose ou perd le sans cesse de grosses gouttes de sueur.
07:25Elle lui tient les mains quand la douleur se fait plus forte.
07:28Elle est la seule à lui faire avaler, goutte à goutte, les médicaments.
07:33Mais elle est la seule aussi à refuser obstinément de partager l'avis rassurant des médecins et de la famille.
07:40« Ce sont de foutues bêtes ! » répète-t-elle à Rose.
07:42« Ils n'entendent rien à la maladie. »
07:45« Comment ne voit-il pas que tu vas mourir ? »
07:50Hélène ne se trompe pas.
07:52Rose trépasse à 5h30 du soir le jeudi 5 novembre.
07:56La mère de la défunte arrive aussitôt et elle trouve Hélène qui tombe dans ses bras en proie à une crise de larmes que rien ne peut arrêter.
08:06Quelques jours après les funérailles, le professeur Bidard se prend à songer qu'il faut remplacer la disparue.
08:13« Comment, monsieur ? Mais qu'avez-vous à faire de deux servantes ?
08:18Et pourquoi y expliez votre bel argent ?
08:20Je suis encore assez robuste pour prendre sur moi tout l'ouvrage. »
08:24Ah, c'est habile de la part d'Hélène Gégado qui se voit assez bien, régnant sur tout le ménage.
08:29Elle a pourtant la mauvaise surprise de voir arriver bientôt une jeune fille de 19 ans, Françoise Uriot.
08:36Françoise joint à une sympathique robustesse un don inné de ne pas voir plus loin que le bout de son nez, qu'elle a fort plat d'ailleurs.
08:46Cette fois, Hélène ne cherche même pas à dissimuler son aversion pour la petite nouvelle et lui fait subir toutes sortes de brimades.
08:53« Elle ne l'admet pas à la table, la faisons manger debout, elle lui rationne la nourriture et lorsque le maître en fait la remarque,
09:00Hélène Maugré, c'est une paresseuse, une ingrate, même le peu de pain qu'elle mange, elle le vole. »
09:07Cette mésentente ne dure pas longtemps, car d'un coup, Françoise Uriot tombe malade.
09:15Pourtant, pendant les 19 ans qu'elle a vécu au grand air, sa forte constitution a fait le bonheur de sa famille et de ses précédents employeurs.
09:26Il faut croire que Hélène ne lui vaut rien.
09:28Après quelques semaines passées au service du professeur, elle ne se plaint même plus de n'avoir dans son assiette que de maigres rations,
09:34car elle perd l'appétit et même cette petite quantité de nourriture, elle n'arrive plus à l'absorber sans être prise de violent malaise.
09:42Elle perd plusieurs kilos, elle est pâle, elle est très tirée.
09:47Voyant cela, Hélène Gigado s'inquiète, oublie sa mauvaise humeur et tente de requinquer la petite servante
09:52en lui apportant à chaque repas, dans une écuelle spéciale, de larges portions de cette soupe qu'elle prépare si bien, cette si bonne soupe.
10:05Pourtant, quoi qu'elle fasse, la petite bonne maigrit chaque jour davantage, tandis que ses mains deviennent toutes rouges et enflées,
10:12et bientôt cela gagne ses jambes.
10:15De nos jours, on diagnostiquerait quelque chose dans le genre d'une allergie.
10:19Le réflexe des parents de Françoise est d'ailleurs à peu près le même.
10:23Constatant son état en venant la visiter un jour, il juge que leur fille doit être réfractaire à la ville et à ses miasmes,
10:31qu'elle doit manquer de soleil et de grand air, et il l'emmène avec eux, chez eux, où elle va d'ailleurs se rétablir très vite.
10:38Cette fois, Hélène Gigado ne tente plus de convaincre le professeur qu'elle peut prendre tout le ménage à elle seule,
10:43et d'ailleurs, M. Bidard la charge de trouver elle-même une remplaçante.
10:47Hélène a gagné, elle sera maintenant la domestique principale.
10:53C'est donc elle qui recrute une certaine Rosalie Sarrazin, une fille de 18 ans, qu'elle semble bien connaître,
11:01et dont elle fait un éloge surprenant.
11:04Rosalie est engagée, Hélène saute de joie et entoure sa recrue de prévenance et de tendresse,
11:09ne manquant pas une occasion de lui sauter au cou pour le moindre travail bien fait.
11:13Mais, le travail est si bien fait que bientôt, les choses vont tourner et tourner d'une manière dont vous ne pouvez pas avoir idée.
11:26Ce que l'on va découvrir dépasse toute supposition.
11:29Rosalie Sarrazin, 18 ans, recrutée par Hélène Gigado elle-même,
11:44fait donc fort bien le travail qui lui est confié si bien,
11:47qu'un jour, le professeur Bidard lui en confie un autre, et d'importance.
11:52Les écritures.
11:54Rosalie sait lire, écrire, compter.
11:56Et elle devra tenir à jour le livre de la maison.
12:00Alors là, d'un coup, la lune de miel avec la cuisinière est terminée.
12:04Comment ?
12:05Cette jeunesse qu'elle a fait entrer elle-même chez le professeur ?
12:08Cette jeunesse aura toutes les responsabilités,
12:10détiendra le livre, les clés, l'argent du ménage,
12:13et elle-même, Hélène, qui a 50 ans bientôt,
12:15qui a l'habitude de servir,
12:16elle va se retrouver à nouveau reléguée derrière ses fourneaux ?
12:19La dispute éclate dans la cuisine.
12:22M. Bidard intervient,
12:24Hélène lui dit, d'un bloc, tout ce qu'elle a sur le cœur.
12:27Et alors là, oh, surprise,
12:29c'est encore elle que l'on gronde.
12:31Ma fille, si vous êtes incapable de vivre en bonne intelligence avec Rosalie,
12:35vous n'avez qu'à faire votre baluchon.
12:37Venir chercher vos gages,
12:38et aller passer votre mauvaise humeur chez un autre maître.
12:43C'est pour le coup un rude choc pour Hélène Gigado,
12:45cette petite Rosalie, qu'elle aimait bien,
12:47mais c'est un serpent qu'elle a réchauffé dans son sein,
12:50et puis, sans la tête,
12:51elle part vers sa soupante,
12:53entraînant ses chaussons.
12:55« Cette vilaine bête,
12:56elle a tourné la tête de notre maître, » murmure-t-elle.
12:59« Si je suis obligé de partir,
13:02on partira avant moi. »
13:06Hélène avait encore raison.
13:08Rosalie devait partir.
13:09Le 10 juin,
13:12après une nouvelle dispute,
13:14M. Bidard donne cette fois,
13:16pour de bon,
13:18congé à sa cuisinière.
13:20« Vous partirez pour la Saint-Jean. »
13:23L'émotion a dû être forte pour Hélène Gigado,
13:25car, le soir même,
13:27le veau au petit poids qu'elle sert au professeur Bidard
13:30a fort mauvais goût.
13:32Y touchant à peine,
13:33il renvoie le plat furieux.
13:35« Je ne sais pas ce qu'il lui trouve, »
13:37m'a fait Hélène déçu.
13:38« Tiens, Rosalie, mange-le donc. »
13:41Et dans la nuit même,
13:42commencent les malaises pour Rosalie.
13:45Une longue agonie
13:46qui va durer deux semaines.
13:49Rosalie se tord de douleur dans son lit,
13:51hurle, se cabre.
13:52C'est affreux.
13:53Là encore, le docteur Pinault
13:54revient accompagner le docteur Baudouin,
13:56le médecin de la famille de Rosalie.
13:58Leurs soins sont malheureusement impuissants.
14:00Et il regarde,
14:02étrangement cette fois,
14:03Hélène Gigado,
14:05qui s'est transformée
14:07en une remarquable infirmière.
14:10Un instant,
14:12il surprenne son regard.
14:16« Les yeux d'un chat tigre, »
14:18diront-ils plus tard.
14:20Mais cela ne dure qu'une seconde,
14:21et aussitôt,
14:22les yeux de chat
14:23s'emplissent de larmes
14:24en voyant Rosalie se redresser,
14:26en hurlant
14:26et en se tenant la gorge.
14:28Hélène,
14:29saisit un crucifix,
14:30le met sur la bouche
14:31de la malheureuse
14:32pour arrêter son cri.
14:33« Voici ton sauveur, »
14:34dit-elle,
14:35« il a enduré pour toi le martyr.
14:37Recommande ton âme à lui. »
14:39Puis,
14:39se tournant vers les médecins,
14:41« il y a un malheur
14:42sur cette chambre.
14:43Rosie est morte.
14:44Françoise y a été malade.
14:46Quant à Rosalie,
14:48« que voulez-vous,
14:49j'ai le cœur trop bon. »
14:50Je ne puis pas voir
14:52les autres souffrir.
14:54Le 1er juillet,
14:56il est 7h du matin
14:57lorsque Rosalie
14:58rend le dernier soupir.
15:00Les deux médecins
15:01se retrouvent
15:02sur le pas
15:02de la porte
15:03de la maison perplexe.
15:05Maintenant,
15:06pour eux,
15:06aucun doute,
15:08un empoisonneur
15:09se cache
15:10dans cette demeure.
15:12Mais qui ?
15:13Qui donc ?
15:15Vous savez bien,
15:16mon cher confrère,
15:16que deux personnes seulement
15:17ont approché
15:18la défunte,
15:19son maître,
15:19et la cuisinière.
15:21Vous conviendrez avec moi
15:22que le professeur Bidard
15:23est quand même
15:23au-dessus de tout soupçon.
15:25En ce qui concerne Hélène,
15:26elle a été dans dévouement
15:27d'une amnégration remarquable
15:29pour la malheureuse.
15:30Cela fait des nuits
15:30et des nuits
15:31qu'elle ne dort pas
15:33pour être près d'elle.
15:35Oui, peut-être.
15:37Mais avez-vous remarqué
15:39ses yeux ?
15:40Ah, ses yeux !
15:42Mais cela a été si bref.
15:44J'ai pensé à une illusion.
15:46Je n'osais pas
15:47vous en parler.
15:48Ah, et puis cela
15:50ne constitue pas
15:51une preuve
15:51dans une accusation
15:52aussi grave.
15:54Écoutez,
15:54mon cher confrère,
15:55pour libérer
15:55notre conscience,
15:56le mieux à faire
15:57serait de consulter
15:58la justice.
16:01Dans la rue,
16:01justement,
16:02il rencontre
16:02le procureur général
16:03et en marchant
16:04lui raconte
16:05l'affaire.
16:06Le magistrat
16:07la juge si grave
16:08qu'aussitôt
16:09une information
16:10est ouverte
16:10et que le juge
16:11d'instruction vanier
16:12se présente
16:13au domicile
16:13du professeur Bidard.
16:14C'est Hélène
16:16Gégado
16:17qui ouvre la porte
16:18et se retrouve
16:18nez à nez
16:19avec ce personnage
16:20à l'allure officielle.
16:21Une seconde,
16:22elle perd pied
16:23et balbutie.
16:24Mais je suis innocente !
16:25Innocente de quoi,
16:26fait le juge d'instruction ?
16:27Qui vous a accusé ?
16:30Alors,
16:30les choses vont très vite.
16:31M. Bidard,
16:34qui avait en fait
16:34son idée
16:35derrière la tête,
16:37avait gardé
16:38dans un placard
16:39le fond
16:40d'un flacon
16:40de potions
16:41qu'Hélène
16:42faisait prendre
16:43à Rosalie
16:43sur les ordres
16:45du docteur.
16:46Il avait également
16:46recueilli
16:47un peu de la salive
16:48de la malheureuse.
16:50L'analyse révèle
16:50une forte proportion
16:52d'arsenic
16:52et l'on procède
16:53à l'autopsie
16:54de Rosalie.
16:55Même résultat.
16:56On exhume le corps
16:57de Rose Tessier.
16:58Même résultat.
16:59La nouvelle
17:01de l'arrestation
17:02commence à se répandre
17:03dans l'île
17:03et vilaine
17:04et le morbillon.
17:04Et là,
17:06là,
17:06chers amis,
17:08je vous demande
17:08de bien vous tenir
17:09car l'histoire
17:10d'Hélène Gégado
17:11telle que la révèle
17:13l'instruction
17:14est plus qu'effarant.
17:16Orpheline à 7 ans,
17:17Hélène
17:17avait été élevée
17:19par un abbé
17:20qui négligea
17:21un peu son instruction
17:22mais lui fit
17:23une éducation morale
17:24et religieuse
17:25digne d'une future nonne.
17:27Il la plaça ensuite
17:28chez un autre curé
17:29où son mauvais caractère
17:30fut connu
17:31dès qu'une petite bergère
17:33se plaignit
17:34qu'Hélène
17:34lui mit dans sa soupe
17:36des graines
17:37de chanvre.
17:40Autre paroisse,
17:40autre vicaire
17:41et là,
17:42une effrayante série
17:43commence.
17:45Le vicaire,
17:45son père,
17:46sa mère,
17:47sa nièce,
17:47deux servantes
17:48et la propre sœur
17:49d'Hélène
17:50qui partageait
17:50leur repas,
17:51cette personne
17:52tombe malade
17:53les unes
17:54après les autres
17:55et
17:56meurt.
17:58« Mais,
17:59c'est une épidémie ! »
18:00s'exclame le médecin
18:01qui ne peut rien faire.
18:04La sœur d'Hélène
18:04étant décédée,
18:05elle laisse vacante
18:06une place de servante
18:07chez le curé
18:08du village voisin.
18:09Hélène
18:09prend cette place.
18:11Auprès du prêtre
18:12vivent sa sœur,
18:13sa nièce
18:14et la tante
18:15d'Hélène
18:15Gégado,
18:16sa tutrice.
18:17Après quelques mois,
18:18l'épidémie a gagné
18:19ce village
18:19et les trois femmes
18:20succombent.
18:22C'est le même médecin
18:23qui les a soignées
18:23et qui cette fois
18:24songe à un empoisonnement.
18:25Mais l'enquête
18:26ne va pas loin
18:27car on ne trouve
18:28aucune personne suspecte
18:30ayant approché les victimes.
18:31Personne ne songe
18:31à Hélène
18:32qui a tellement,
18:33mais tellement
18:33de chagrin.
18:35La voici à l'ocminé
18:36où elle occupe
18:37trois places successivement.
18:39Résultat,
18:40sept morts.
18:42Je traîne
18:42le malheur après moi.
18:44J'ai mis
18:44la pauvre Hélène
18:45partout où je vais.
18:47Le monde trépasse.
18:49Dans la ville,
18:50une superstition
18:51s'établit
18:52à son sujet
18:53qu'elle soigne
18:53d'ailleurs
18:54avec attention,
18:55ne circulant plus
18:56qu'en manteau noir,
18:57capuchon relevé
18:59sur la tête.
19:00Elle a les foies blancs,
19:02murmure-t-on.
19:03Son haleine
19:04fait mourir.
19:06Surtout,
19:07n'entrez pas
19:08dans le confessionnal
19:09quand elle vient
19:10d'en sortir.
19:12L'autre jour,
19:14on l'a vue
19:14sur la route
19:14avec un soldat.
19:16Pour sûr,
19:17c'était son maître,
19:18le diable,
19:19déguisé en militaire.
19:22Hélène Gigado
19:23a déjà
19:25dix-sept morts
19:25derrière elle.
19:27L'unce peut-être
19:27de toutes
19:28ses agonies,
19:29elle se présente
19:30un jour au couvent
19:30du Père Éternel
19:31à Oré.
19:33La supérieure
19:34voit devant elle
19:35une humble fille
19:36d'une piété
19:36et d'une éducation
19:37religieuse
19:37assez rare
19:38et l'accueille
19:39bien volontiers.
19:39Mais le diable
19:40est à nouveau
19:41sur ses pas
19:41car voici
19:42que chaque matin
19:43on découvre du linge
19:44et des vêtements
19:44tailladés
19:45à grands coups
19:46de lames,
19:46des livres pieux
19:47découpés en tous sens
19:48où seuls sont intacts
19:50les noms de Jésus
19:51et de Marie.
19:53Les religieuses
19:53font des prières
19:54d'exorcisme,
19:55aspergent
19:56les murs
19:56d'eau bénite
19:57mais cela n'empêche
19:58pas la supérieure
19:59soeur Anastasie
19:59de se livrer
20:01à une petite enquête
20:02beaucoup plus dératère
20:02à la suite de laquelle
20:03Hélène Gigado
20:04est mise
20:05purement et simplement
20:06à la porte.
20:07La voici cuisinière
20:08chez une vieille dame
20:10de 77 ans
20:11qui apprécie beaucoup
20:12oh qu'elle apprécie
20:13cette dame
20:13la bonne soupe aux herbes
20:15une si bonne soupe
20:17à 77 ans
20:18on n'a pas de santé
20:20et la vieille dame
20:21quitte ce monde.
20:23C'est drôle
20:23murmurent les pleureuses
20:25qui viennent à son chevet
20:26c'est drôle
20:27comme son visage
20:28est bleu
20:29et elle pousse
20:30professionnellement
20:31leur lamentation
20:32accompagnée par Hélène
20:33qui a bien du chagrin
20:35oh
20:36j'aurai jamais de bonheur
20:38murmure-t-elle
20:38en quittant la maison
20:40cela fait
20:4118
20:42malgré la légende
20:44qui l'entoure maintenant
20:45Hélène reste à Oray
20:46et entre chez madame
20:47et elle
20:48dont le gendre
20:48est le maire
20:49le maire reçoit beaucoup
20:51notamment un ecclésiastique
20:52qui palie
20:53en voyant Hélène
20:54servir à table
20:55et se penche à l'oreille
20:55du maître de maison
20:56mais
20:57vous ne savez donc pas
20:59qui est cette fille
21:00mais c'est la mort
21:02renvoyez-la bien vite
21:04c'est fait le soir même
21:06mais le surlendemain
21:08madame et elle
21:08déjà bien malade
21:09succombe
21:11dans d'atroces souffrances
21:1419
21:16puis
21:18c'est la maison
21:19des bidars
21:19où Hélène Gégado
21:21termine sa carrière
21:23avec
21:23les deux cadavres
21:25que vous savez
21:26en voilà 21
21:28oh je ne vous raconterai pas
21:31l'enquête
21:32et le procès
21:32il y aurait de quoi parler
21:33pendant des heures
21:34Hélène Gégado
21:35nia farouchement
21:36défia les juges
21:37de trouver la moindre preuve
21:38qu'elle aurait possédé
21:39de l'arsenic
21:40elle fit appel
21:41à la justice divine
21:4210 fois
21:42à chaque audience
21:43elle fut quand même
21:45condamnée à mort
21:45la grâce fut rejetée
21:47et elle attendit
21:48en prison
21:49on la prévint
21:50de son exécution
21:51chose impensable
21:52une journée
21:53à l'avance
21:54ce temps de réflexion
21:56l'incita peut-être
21:56à son dernier geste
21:59elle confessa
21:59tous ses crimes
22:00à l'aumônier
22:01lorsque le jour
22:03se leva
22:03le brave abbé
22:05pourtant habitué
22:05aux prisons
22:06ne put en croire
22:07ses oreilles
22:08et préféra
22:09appeler des témoins
22:09devant lesquels
22:10la condamnée
22:11renouvela ses avis
22:12l'exécution
22:13en place publique
22:14fut impressionnante
22:15et fait également
22:16l'objet de nombreux
22:16récits qui marquent
22:17l'histoire régionale
22:18de Rennes
22:19on apprit par la suite
22:20et on reparla
22:22de la justice divine
22:23on apprit
22:24qu'Hélène Gégado
22:25serait de toute manière
22:27morte à peu près
22:28à la même date
22:28si elle n'avait pas
22:30été guillotinée
22:30car elle souffrait
22:31d'un cancer
22:33on apprit aussi
22:34qu'elle avait à sa manière
22:35préservé
22:36une certaine pureté
22:38elle était encore
22:39jeune fille
22:40alors maintenant
22:41la question que nous posions
22:42au début de cette histoire
22:43un épisode aussi fantastique
22:46dans l'horreur
22:46est-il encore possible
22:47de nos jours
22:48un siècle plus tard
22:49bon je vous entends déjà
22:51me dire
22:51soyons sérieux
22:52comment oser poser
22:54cette question
22:54c'est bien évidemment
22:55impossible
22:56la médecine a fait
22:57de tels progrès
22:58en un siècle
22:58que l'on découvrirait
23:00dès le premier crime
23:01la présence
23:02de l'arsenic
23:03peut-être vrai
23:05mais
23:06réfléchissez un instant
23:09si un de nos contemporains
23:12aux choses
23:13peu probables
23:14bien sûr
23:14se mettait dans l'idée
23:16de faire avaler
23:17à quelqu'un
23:17le bouillon d'11 heures
23:19aurait-il la sottise
23:20de choisir
23:21encore aujourd'hui
23:22de l'arsenic
23:24pour l'assaisonner
23:25en fouillant
23:26dans quelques bons ouvrages
23:27il trouverait sûrement
23:29quelque chose
23:30de très moderne
23:31la chimie a fait
23:32autant de progrès
23:33que la médecine
23:34que voulez-vous
23:36mais ne rêvons pas
23:38il nous manquerait
23:39aujourd'hui quand même
23:40une chose essentielle
23:41la recette de base
23:43pour préparer
23:45une si bonne soupe
23:59vous venez d'écouter
24:07les récits extraordinaires
24:08de Pierre Belmar
24:09un podcast
24:11issu des archives
24:12d'Europe 1
24:13réalisation et composition
24:15musicale
24:16Julien Tarot
24:17production
24:18Estelle Lafon
24:19patrimoine sonore
24:21Sylvaine Denis
24:22Laetitia Casanova
24:23Antoine Reclus
24:25remerciements
24:26à Roselyne Belmar
24:27les récits extraordinaires
24:29sont disponibles
24:30sur le site
24:31et l'appli
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