00:00Allez, 7h09 sur Sud Radio, c'est une nouvelle illustration dramatique de la crise qui secoue aujourd'hui l'hôpital public.
00:07Dans le Lot-et-Garonne, les urgences d'Agin tirent la sonnette d'alarme.
00:10Les soignants sont au bord de l'épuisement.
00:12Certains travaillent près de 100 heures par semaine.
00:15Ils ne savent pas combien de temps encore ils vont pouvoir tenir ainsi.
00:18Jean-François Sibien, bonjour.
00:20Bonjour, monsieur Gareil.
00:22Et merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio.
00:24Vous êtes médecin urgentiste au centre hospitalier d'Agin à NERAC, président d'Action, praticien hôpital et vice-président de SAMU Urgences de France.
00:33Racontez-nous concrètement, docteur, dans quelles conditions travaillez-vous aujourd'hui dans ces urgences d'Agin ?
00:39Des conditions qui ne sont plus dégradées tellement qu'elles sont dégradantes.
00:46Tout ferme autour de nous.
00:48Et vous entendez un gouvernement qui vous dit tout va bien, tout est sous contrôle.
00:52Oui, c'est sous contrôle parce qu'on donne pour certains d'entre nous le meilleur de nous-mêmes, qu'on soit spagnant ou praticien.
00:59Mais on travaille dans des conditions très, très difficiles.
01:02Donc là, aujourd'hui, le directeur général de l'ARS Nouvelle-Aquitaine vient à Agin.
01:09On va travailler avec lui pour trouver des solutions, mais surtout pour redonner des perspectives à cet hôpital.
01:16Mais il n'y a pas que cet hôpital. On a des retours de nos collègues du 82, qui sont également en grande difficulté entre Montauban et Moissac.
01:26Et également, se dochent dans le Gers.
01:29Et donc, la population vient également sur l'Holoté-Garonne se faire soigner sur les bassins de population quand ils n'ont pas de soupçon ouverte.
01:39Et nous, en plus, on a une difficulté puisque le groupe Elsan a décidé de ne pas satisfaire les demandes tout à fait justifiées à nos yeux de nos collègues urgentistes de la clinique.
01:50Et donc, pendant 12 jours cet été, la clinique a fermé sans moyens supplémentaires pour l'hôpital,
01:56avec 30 ou 40 patients en plus à devoir gérer, avec les difficultés que nous avions également sur l'hôpital,
02:02avec des fermetures de lits qu'on n'a jamais vues, pas si nombreuses cet été.
02:07Mais Agen n'est pas un village gaulois.
02:10Agen est un hôpital comme beaucoup d'autres.
02:14C'est-à-dire que c'est symptomatique un petit peu de ce que l'on peut vivre globalement dans les hôpitaux en France.
02:20En termes d'heures de travail, je parlais d'heures de travail, les heures supplémentaires, c'est combien d'heures supplémentaires pour vous ?
02:28Alors, M. Glaze, il faut expliquer à vos auditeurs, les heures supplémentaires pour un salarié, c'est au-delà de 39 heures.
02:34Nous, les praticiens hospitaliers, de 39 heures à 48 heures, ces heures supplémentaires ne sont pas décomptées et pas valorisées.
02:42Le Conseil d'État l'a noté, voilà.
02:45On parle de travail au-delà de 48 heures.
02:47Là, vous avez vu, on a dû travailler pour analyser les chiffres l'an passé, 10 500 heures au-delà de 48 heures pour 24 ou 25 praticiens.
02:59C'est l'équivalent de 6,8 équivalents de temps plein.
03:04C'est tellement hallucinant.
03:06Là, juste pour cet été, 5 700 heures de temps de travail additionnel, c'est-à-dire de temps au-delà de 48 heures.
03:15Et normalement, quand vous travaillez au-delà de 48 heures, la loi, elle est claire, elle date de 2003.
03:19Vous devez avoir un contrat de temps de travail additionnel, nous n'en avons pas.
03:23Donc là, je dis à mon directeur, M. Vinet, merci, merci.
03:27Au-delà de 48 heures, l'établissement doit tenir un registre.
03:31Ce registre n'est pas tenu, vous comprenez pourquoi.
03:345 700 heures, c'est l'équivalent de 3 équivalents de temps plein.
03:38Donc là, on a travaillé, nous pour certains, au lieu de travailler 4 mois, mai, juin, juillet, août, on aura travaillé l'équivalent de 6 mois.
03:46Ni vu, ni connu.
03:47Et là aussi, la bonne idée de M. Bayrou, c'est qu'il a eu, il a fait un choix au début juin, au lieu de doubler la valorisation de ces heures au-delà de 48 heures.
04:00Mais non, on a majoré les heures supplémentaires de soignants, ce qui est normal.
04:06Mais il faut également expliquer à vos auditeurs, ces heures au-delà de 48 heures, 33,76 euros en brut, c'est en dessous du salaire horaire d'un premier échelon.
04:16Qui va travailler 24 heures d'affilée ?
04:19Qui va travailler 72,96 heures par semaine en étant moins payé que ce que touche un premier échelon ?
04:27Déjà qu'on connaît, et vous êtes les premiers concernés, on connaît une pénurie de soignants à l'hôpital, ça ne risque pas de s'arranger, là ?
04:34Ah non, là, si vous voulez, nous, l'idée, le directeur général de la RS vient, et on espère que M. Noderre viendra, et on comprendra aussi M. Rotaillou,
04:43puisqu'on travaille avec nos collègues pompiers, donc Yannick Noderre, le ministre de la Santé, on pourrait faire venir Mme Bautrin, qui est également ministre de la Santé, du Travail, des Solidarités et des Familles.
04:54Mais l'idée, là aussi, notre hôpital, 7 millions d'euros de déficit. Donc mon directeur, qu'est-ce qu'il va faire ?
05:00Il va encore taper dans le personnel. Le personnel, c'est moins de médecins, moins de soignants. C'est plus possible.
05:07Nous demandons que ce pays arrête de vivre à crédit. Mais quand je dis qu'on arrête de vivre à crédit, il y a une guerre sanitaire.
05:14Donc, au lieu de faire des réformes, oui, il y a la guerre autour de la France, on le sait. Mais là, on a un régime solidaire, le régime de la sécurité sociale.
05:2573 milliards d'euros, au lieu d'être investis dans la sécurité sociale, sont donnés au patronat. Donc là aussi, moi, je ne suis pas...
05:34Jean-François, Jean-François, si bien...
05:3773 milliards d'euros qui n'arrivent pas dans les hôpitaux, ça manque à la femme.
05:41Je vous entends, Jean-François, si bien. Sur le court terme, là, sur le court terme, combien de temps vous allez pouvoir encore tenir aux urgences d'Agin ?
05:49Parce que j'imagine que vous êtes dans un niveau d'épuisement, mais énorme.
05:54L'épuisement est présent. Mais si vous voulez, on va tenir tant qu'on va pouvoir tenir.
06:00Donc là, on a une réunion. On passe la journée avec le directeur général de l'ARS. On va lui présenter, nous, ce qu'on peut porter.
06:07Et on espère que ce qu'on va porter pour l'Éloté-Garonnet, pour nos collègues du GERF, qu'on gère toutes les nuits,
06:15et également pour les consoyens du secteur de Moissac, qui viennent parfois sur Agin, qu'on va pouvoir porter un projet,
06:23un projet régional, interrégional, supradépartemental, mais également redonner les leviers du changement.
06:29Aujourd'hui, on va rentrer en rébellion. Donc on va voir ce que ça va donner.
06:34On va voir si on est entendu. Je pense qu'ils n'ont pas d'autre choix.
06:38Mais on a toujours le choix dans la vie. Les gens qui nous gouvernent et qui nous amènent dans le mur,
06:43nous le font bien comprendre. Quand on entend votre dernier reportage sur le Premier ministre
06:49qui va faire un vote de confiance, oui, c'est kamikaze.
06:53Moi, je ne sais pas si la kamikazie, aujourd'hui, c'est quelque chose qui m'intéresse.
06:56480 morts de plus au mois de juillet liés à la canicule.
07:01On ment à vos auditeurs, on ment aux Français.
07:04Sur ces 480 morts, il y a des morts liées à des morts brancards,
07:08des malades qu'on a laissées sur des brancards, surtout les personnes âgées.
07:11Donc nous, moi, je ne suis pas un don quichotte.
07:14On est là pour construire l'accès aux soins de nos concitoyens,
07:18pour assurer la qualité et la sécurité d'un juste soin.
07:21Mais je ne suis pas là pour mourir sur scène.
07:24Et mon hôpital, être de garde, c'est une partie de ma vie,
07:30oui, 3000 heures de travail par an sur plusieurs années.
07:34Effectivement, quand vous êtes sur une base de 1800 heures,
07:39ça fait beaucoup d'investissements.
07:40Mais on ne lâchera pas tant qu'on tiendra.
07:43On a des collègues, effectivement, qui ont un genou à terre.
07:46On va les faire aussi pour les protéger.
07:48Votre message, en tout cas, et votre coup de gueule,
07:49est passé ce matin sur Sud Radio.
07:51Jean-François, si bien, merci d'avoir été avec nous.
07:53Je rappelle, vous êtes médecin urgentiste,
07:55donc au centre hospitalier d'Agenera,
07:56qui est également vice-président de SAMU Urgence de France.
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