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  • il y a 4 mois
Tahar Rahim et Julia Ducournau étaient les invités du 7h50 de France Inter, mercredi 20 août, pour la sortie en salles du film "Alpha". La réalisatrice y raconte l'histoire d'une famille confrontée à une épidémie mystérieuse qui effrite et pétrifie les corps.

Retrouvez « L'invité de 7h50 » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00Il est 7h45 sur France Inter, place au cinéma qui bouscule à chaque fois une expérience
00:11avec vous.
00:12Bonjour Julia Ducourneau.
00:13Bonjour.
00:14Alpha, votre troisième long-métrage présenté à Cannes en mai dernier, sort en salle aujourd'hui.
00:19Tahar Rahim à vos côtés pour en parler, bonjour à vous, merci d'être là tous les
00:25deux.
00:26Oncle toxicomane dans ce film, vous n'aimez pas le confort pour vos rôles ?
00:31Non, pas vraiment, je me suis dit que j'allais me faire une petite comédie, donc je suis
00:35allé voir Julia.
00:36On n'hésite pas un peu Tahar Rahim quand on reçoit un scénario de Julia Ducourneau ?
00:41Non, non, pas du tout.
00:44Au contraire, avant même de lire, j'avais très peu d'hésitation puisque j'étais déjà
00:49très fan de son cinéma et puis j'avais très envie de savoir ce qu'allait être le prochain
00:55opus au vu de sa vision très unique et personnelle du cinéma.
01:01Tytane, Palme d'or à Cannes il y a quatre ans.
01:04On rappelle grave votre premier long-métrage, Julia Ducourneau.
01:07Vous aviez peur qu'il refuse Tahar Rahim ?
01:09Il faut rappeler que c'est un rôle qui a été physiquement une épreuve.
01:12Vous avez perdu 20 kilos pour incarner, habiter ce personnage ?
01:17Oui, j'avais peur qu'il refuse, mais pas pour cette raison-là.
01:19Parce qu'on sait que Tahar, c'est un acteur qui est extrêmement investi, qui justement
01:23aussi recherche ce dépassement de soi par le corps et aussi par l'esprit, la spiritualité
01:29aussi qui est très importante.
01:31Et donc, je n'avais pas peur qu'il refuse pour ça.
01:33J'avais peur qu'il refuse tout simplement parce que j'avais écrit le rôle pour lui
01:35et que s'il refusait, ça me mettait dans un sacré pétrin.
01:38C'est une pression, ça pour vous Tahar Rahim.
01:42Épreuve physique, ça a été dur d'y entrer, d'en sortir aussi ?
01:45D'y entrer, ça a été très dur, bien sûr, parce qu'il y a tout un travail physique,
01:49comme vous avez pu le dire, qui demande un...
01:52Voilà, il faut agir comme un sportif de haut niveau et ça vous coupe un petit peu du monde,
01:56mais c'est mon travail, c'est comme ça que j'aime le faire.
01:58Mais en sortir, non, je n'ai jamais vraiment de mal à sortir de mes personnages généralement.
02:01Le corps de Tahar Rahim creusé par ses piqûres.
02:05Quand d'autres corps dans ce film, Julia Ducourneau, s'effrite, atteint par un mystérieux virus,
02:12les corps sont malmenés, maltraités dans Alpha.
02:15C'est une constante de votre cinéma, histoire de corps après grave, titane, on l'a dit.
02:21Et dans ce film, la maladie pétrifie, Julia Ducourneau, dans tous les sens du terme, on pourrait dire.
02:27Oui, à plein d'égards, évidemment.
02:29Donc ces corps dont le symptôme est que certaines parties, et puis au final tout le corps entier,
02:36se met à se figer dans du marbre.
02:40Et évidemment, ce virus qui pétrifie la société entière, qui la met à l'arrêt,
02:45à tous les niveaux, d'impuissance, dans un arrêt humaniste aussi totalement,
02:51puisqu'on voit que la peur donne lieu à du rejet et à de la culpabilisation des malades.
03:02C'était aussi pour signifier cette peur qui pétrifie ?
03:05Oui, bien sûr.
03:06Que vous avez choisi ?
03:07Ce n'est pas pour ça en premier lieu.
03:10La raison pour laquelle j'ai choisi ce symptôme-là, de pétrification dans le marbre,
03:15c'était une manière pour moi aussi d'inséminer du sacré dans les vies et dans les morts de ces malades,
03:25et d'une certaine manière de les élever au rang de saint,
03:29et de créer un monument pour eux et pour les rendre éternels.
03:34C'est saisissant de beauté, cette pierre, ces corps qui s'effritent, qui se transforment en marbre.
03:42Alpha, le titre du film, c'est le nom de l'héroïne.
03:44Elle a 13 ans, elle est incarnée par Mélissa Boros,
03:46qui revient un jour chez elle avec un très vilain tatouage.
03:49Sa mère craint à ce moment-là, parce qu'une épidémie circule, qu'elle ait été contaminée.
03:54Ses copains de classe le croient aussi, elle est rejetée.
03:58La société rejette, y compris chez les jeunes, y compris dans cette période qu'est l'adolescence.
04:04Oui, on voit bien que de toute façon, à partir du moment où la société,
04:08d'une certaine manière, sort de l'humanisme,
04:12ou se déresponsabilise par rapport à quelque chose qui pour autant concerne tout le monde,
04:17à quel point ça peut ruisseler jusqu'aux enfants,
04:21et amener à des comportements d'ostracisation chez les enfants aussi.
04:26Ce qui fait partie de la tragédie de tout ça,
04:30et en fait du trauma qui va être laissé aux générations futures.
04:37La maladie, elle effraie d'autant plus qu'elle ne se soigne pas,
04:40que les malades, on le voit, Tahir Rahim finissent très seuls.
04:45L'hôpital dans lequel ils sont soignés, il est quand même très très vide.
04:48On ne peut pas ou on ne veut pas les soigner ces malades.
04:51Non, je pense qu'il y a des gens qui veulent les soigner,
04:53c'est ce qui est beau dans ce film-là, et on ne peut pas non plus,
04:56mais il s'agit de les accompagner, de les garder nobles et vivants.
05:00Mais ce qui est important aussi à dire, c'est que le film porte effectivement
05:02tous ces sujets-là qui sont importants et qui changent de forme,
05:06et qui se répètent au fil des générations, c'est ce qui le rend très moderne,
05:08mais c'est aussi un film de famille, un film d'amour,
05:11un film d'interdépendance et de sauvetage.
05:13Le traumatisme familial, le deuil impossible, l'espoir dans ce film,
05:19Julia Ducourneau, il vient de cette femme, Goldfisher Farhani,
05:21qui joue votre sœur Tahir Rahim.
05:23Alors elle, elle, elle se bat.
05:25Elle, elle n'est pas pétrifiée, ni par la maladie, ni par la peur.
05:28Mais non, parce que déjà c'est sa vocation, c'est sa mission en tant que médecin.
05:33Et puis le rôle de Goldshifté s'appelle maman.
05:35Elle n'a pas de prénom dans le film, elle s'appelle maman,
05:37parce qu'elle est non seulement la maman d'Alpha,
05:39mais elle est aussi la maman de son frère, elle est aussi la maman de ses patients.
05:42Et elle est la maman en fait de tous ceux qui en ont besoin à ce moment-là.
05:48Donc c'est vraiment quelqu'un qui est ému par une empathie et un amour fou en fait pour les autres.
05:55Qu'est-ce que vous avez voulu décrire dans ce traumatisme familial
05:59qui traverse les générations avec la réapparition de ce frère fantôme, malade,
06:05qui va bouleverser la famille, sa sœur et puis sa nièce, la jeune Alpha ?
06:10Ce que je voulais montrer c'est qu'effectivement quand le deuil est impossible
06:14et quand l'acceptation d'une mort ou de plusieurs à l'échelle de la société,
06:22d'une partie de la population est impossible,
06:24quand on ne met pas de mots sur les choses, quand on ne nomme pas,
06:28dans ces cas-là ça crée un cycle vicieux
06:32qui une fois de plus se transmet aux générations futures.
06:37Et tant qu'on n'aura pas en fait d'une certaine manière percé l'abcès
06:42et dit les choses, ce cycle ne pourra que se répéter.
06:48Et le rôle d'Alpha dans le film évidemment,
06:50c'est d'amener en fait à la conscientisation,
06:54la prise de conscience de la tragédie que ça a été,
06:57d'accepter en fait de laisser partir ce qu'on aime.
07:01Et la société elle est coupable de ça ?
07:04Oui, oui, oui, beaucoup dans le film.
07:05C'est vrai que, on me dit souvent que je fais des films en fait
07:09sur des personnages marginaux,
07:11ce qui m'étonne toujours un petit peu
07:12parce que moi je n'ai jamais considéré mes personnages comme étant marginaux,
07:16du fait que je me mets à leur place en fait quand je les écris
07:20et puis que je me mets dans leurs émotions.
07:22Et je dis toujours que non, c'est le comportement de la société vis-à-vis de mes personnages
07:26qui est marginal dans la mesure où elle sort en fait d'une certaine manière de l'humanisme
07:32et que mes personnages en fait se construisent en réaction par rapport à ce traitement.
07:38Il y a de l'amour au désespoir dans ce film Tarahim
07:42jusqu'à l'acharnement de celle qui joue votre sœur.
07:47C'est beau ou c'est d'une tristesse absolue ?
07:50Moi je trouve ça beau à des endroits, je ne dirais pas triste,
07:53je dirais que c'est dommage parce que parfois on s'en rend compte un peu trop tard
07:57et je pense que ça a été le cas du personnage de maman
07:59mais comme c'est un film, je le disais tout à l'heure sur la famille,
08:04ce qui la sauvera elle, c'est sa fille.
08:06Et ce qui va sauver sa fille, c'est la réapparition de cet oncle-là.
08:09Et ce qui aura sauvé cet oncle, c'est aussi sa sœur et cette fille.
08:12Donc il y a quelque chose d'interdépendant au milieu de tout ça
08:15qui rend justement sa lumière à ce film.
08:21Et si je puis enchaîner, c'est vrai qu'il y a un questionnement aussi sur ce que c'est qu'aimer.
08:26À un moment le personnage de Tarah, Amine dit dans le film à Alpha
08:29« Trop d'amour, ça rend les gens fous parfois ».
08:32Et c'est vrai que dans l'amour, il y a une responsabilité qu'on a vis-à-vis de l'autre.
08:36On a la responsabilité de le protéger, mais aussi de lui laisser sa liberté fondamentale de choix et d'être.
08:43Et c'est une liberté qui, quand on est dans la peur,
08:46surtout la peur que l'on a de laisser partir les nôtres, ce qu'on aime,
08:49où on peut dépasser une forme de rationalité et dépasser cette responsabilité-là
08:56pour laisser place à sa douleur, ce qui est parfois effectivement problématique.
09:02Ça résonne beaucoup avec l'actualité d'aujourd'hui aussi.
09:06Merci à tous les deux, Julia Ducourneau, d'être venue parler de ce film Alpha,
09:12votre troisième long-métrage Tarahime à vos côtés.
09:14Merci beaucoup à tous les deux d'avoir été avec nous sur France Inter.
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