- il y a 7 mois
Julia Ducournau et Tahar Rahim étaient les invités de Léa Salamé, mercredi 21 mai, pour présenter le film “Alpha”, en compétition officielle au Festival de Cannes.
Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20
Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Et Léa, après Jodie Foster et Rebecca Zlotowski hier, quel duo de cinéma à votre micro ce matin ?
00:08Et bien c'est le grand retour à Cannes d'une des prodiges du cinéma français.
00:13Quatre ans après sa palme d'or pour Titane, elle revient en sélection avec Alpha,
00:17le film qui a sans doute le plus fait parler depuis le début du festival,
00:21qui a fasciné 15 minutes de Standing Ovation, mais aussi divisé la croisette.
00:25Quant à lui, il est un des acteurs les plus doués de sa génération
00:28et il livre dans le film une performance habitée et époustouflante.
00:34Julia Ducourneau est à Rahim, bonjour !
00:36Bonjour !
00:37Et bienvenue, merci d'être en direct avec nous de Cannes.
00:40Pour commencer, si vous le voulez bien, pouvez-vous nous définir l'autre, celui qui est à côté de vous là, en trois mots chacun ?
00:47Julia, dites-nous, qui est à Rahim ? En trois mots.
00:51Alors, en premier c'est un géant, en deuxième c'est la famille,
00:57et en troisième c'est mon Lego.
01:01Un Lego ? Vous pouvez expliquer le troisième mot choisi ?
01:05C'est comme ça qu'on s'appelle depuis le tournage, parce que ça a tout de suite cliqué entre nous
01:10et que dès le premier jour, la première prise, on a su qu'on allait se comprendre tout de suite
01:16et qu'il allait avoir besoin de très peu de mots.
01:18Donc c'est mon Lego.
01:18Alors le Lego, qu'est-ce qu'il...
01:21Pourrait-il définir Julia Ducourneau en trois mots ?
01:24On démarre par Lego, forcément.
01:28Immense.
01:29Resseur.
01:30On a dit la même chose, c'est pas intéressant du tout.
01:34Vous aviez préparé ?
01:36Non, on ne s'est même pas concerné.
01:38Julia Ducourneau, votre dernière venue en compétition à Cannes en 2021,
01:42on sait comment elle s'est terminée, une palme d'or à moins de 40 ans pour votre deuxième film seulement.
01:47Vous deveniez la deuxième réalisatrice de l'histoire à obtenir le prix, 30 ans après Jane Campion.
01:52Ce retour à Cannes, après ce précédent aussi glorieux qu'écrasant, il est comment ?
01:58Il est joyeux, stressant, euphorisant.
02:01Vous avez le même bonheur que la première fois où vous sentez que, d'une certaine manière, on vous attend en tournant.
02:06Alors déjà, maintenant, j'ai plus de 40 ans.
02:10Ça change beaucoup de choses.
02:12Après, par rapport au film, j'y reviens un peu comme la première fois.
02:19En tout cas, c'était l'état d'esprit dans lequel j'étais quand on est arrivé avant la montée de marche.
02:23À chaque fois qu'on revient avec un nouveau film, c'est une nouvelle proposition, c'est une nouvelle part de soi.
02:29Donc, on revient forcément à zéro.
02:31La calme, la palme, je n'y pense pas du tout.
02:33D'ailleurs, ça fait longtemps que je n'y pense plus parce que sinon, je n'aurais pas du tout pu travailler, je pense.
02:39Parce qu'effectivement, ça peut avoir un aspect un peu écrasant.
02:43Et donc, je viens toute neuve.
02:46Après, est-ce que du coup, de l'autre côté, du côté de l'audience, ça crée des attentes ?
02:51Oui, c'est évident.
02:53Mais en tout cas, moi, ça ne m'a pas du tout...
02:55Ça n'a pas révélé chez moi une appréhension de la réception.
02:59Pas du tout.
03:00Tahar Rahim, ce film, Alpha, ce n'est pas n'importe quel film pour vous.
03:02Vous y apparaissez transformé, transfiguré.
03:05Vous avez perdu 20 kilos pour le rôle.
03:06Forcément, quand on est allé aussi loin pour un film, est-ce qu'on appréhende encore plus les réactions des festivaliers et du public, des critiques ?
03:14Plus.
03:16Ça aurait pu être le cas dans le passé.
03:18Parce que c'est vrai qu'au début, quand on fait des prestations, on a besoin de ressentir un peu comment c'est reçu, etc.
03:25Mais plus j'avance et plus je vis la chose avec, dans ce cas, ma réalisatrice et les gens avec qui j'ai travaillé.
03:33Et quand on sait ce qu'on a traversé, ce qu'on a vécu et pourquoi on l'a fait, personnellement, moi, ça me remplit suffisamment.
03:38Après, j'espère que les gens comprendront et ressentiront ce qu'on a essayé de donner en termes de générosité.
03:43Et comment vous avez vécu quand vous vous êtes vu sur l'écran ?
03:47C'est toujours quelque chose, en fait, de vivre la projection officielle de son film.
03:53Taha Rahim, quand vous vous êtes vu dans ce film-là, et je sais que c'est un film qui vous tient particulièrement à cœur,
03:59où vous avez beaucoup donné de vous-même, qu'est-ce que vous avez ressenti, vous, quand vous l'avez vu ?
04:04Eh bien, ce que j'ai réalisé, la première fois que je l'ai vu, j'ai eu un choc dans ce sens que c'était très agréable à vivre.
04:13Parce qu'en une phrase, si vous voulez, la première fois que j'ai découvert le film, j'ai eu la sensation de traverser un corps.
04:17Et toutes ces sensations, ces organes, ce que ça provoque, traverser sa respiration, son cœur, pour ensuite rencontrer son âme.
04:24Ça, c'est un truc qui était quasiment interactif et que j'ai adoré vivre.
04:28Ce qui fait que c'est rester longtemps avec moi.
04:29La deuxième fois que je le vois, à Cannes, j'ai réalisé à quel point Julia nous avait filmé,
04:35comment elle nous avait vraiment regardé à un endroit où on n'est pas regardé comme ça habituellement.
04:40Et comme elle a pu le dire elle-même, c'était avec amour et c'est vrai.
04:42Ce film, c'est marrant que vous parliez du corps et de l'âme, parce que c'est exactement ça ce film.
04:48C'est Alpha qui sort, qui va sortir le 31 août, qui a été présenté lundi soir.
04:55C'est l'histoire d'une adolescente de 13 ans.
04:57C'est le 20 août.
04:59Bon ben voilà, très bien, c'est le 20 août, merci pour la correction.
05:02C'est l'histoire d'une adolescente de 13 ans, Alpha, incarnée par l'excellente Mélissa Bogos,
05:07qui vit avec sa mère, Golshifte Farahani.
05:10Non mais Bogos, c'est très drôle, pardon, mais c'est Boros, mais j'aime beaucoup Bogos quand même.
05:15Vous allez me la garder, celle-là.
05:18Boros.
05:20Pardon.
05:21Elle vit avec sa mère, Golshifte Farahani, quand un jour elle revient à la maison,
05:24après une soirée alcoolisée avec ses copains, avec un tatouage sur le bras.
05:28Un tatouage, un A, que quelqu'un lui a tatoué dans la soirée.
05:32Elle ne se rappelle pas vraiment qui lui a tatoué et comment ça s'est passé.
05:35Et ce tatouage que sa mère va découvrir va immédiatement l'angoisser.
05:39Cette mère, Golshifte Farahani, qui est médecin dans le film,
05:42elle va craindre que sa fille ait été infectée par un virus.
05:46Parce que oui, il y a un virus qui rôde, un virus qui transforme les malades en statues de marbre.
05:51Mais surtout, ce tatouage va réveiller dans leur petite famille le souvenir d'un traumatisme passé.
05:56Alpha est un film sur les traumatismes familiaux qui se transmettent à travers les générations.
06:00C'est un film qui se passe aussi dans les années 80 et 90.
06:03Et évidemment, c'est l'épidémie du sida à laquelle on pense,
06:06même si à aucun moment dans le film, le mot sida n'est nommé.
06:11Non, bien sûr, parce qu'il ne s'agit pas évidemment directement de la maladie que je traite dans le film.
06:16Donc c'est parce que dans le film, il ne s'agit pas du sida.
06:21En fait, pour moi, ce que j'ai voulu traiter, au-delà de l'idée de la contamination du virus,
06:29c'est aussi pour ça que j'ai déplacé la maladie sur cette maladie inventée de statuification.
06:37C'est parce que je voulais surtout parler de cette époque dans tout ce qu'elle a eu d'être infectée par la peur.
06:45La peur a infecté les gens, la honte a infecté les gens.
06:49C'est de cette contamination-là que je voulais parler plutôt que de faire évidemment une agiographie de cette période précise.
06:57C'est ce ressenti-là, cette émotion-là que je voulais mettre en avant.
07:02C'est un film que vous portez en vous, que vous avez en tête depuis de nombreuses années.
07:07C'est un film, vous le dites, sur la contamination d'un virus,
07:10mais la contamination de la peur dans la société quand un virus rôde.
07:13Comment on a peur ? Comment on a peur et du coup comment on rejette ?
07:16Du coup, comment on a honte d'être rejeté ?
07:18C'est tout ça que vous racontez ?
07:20Alors oui, il y a le sida qui rôde,
07:25parce que aussi vous montrez très bien comment à cette période-là,
07:28les gens ont eu peur et comment ils ont rejeté les autres.
07:31Et comment les malades étaient...
07:32On avait honte des malades, comment ils mouraient seuls à l'hôpital.
07:36C'est ça aussi qu'on voit, même si le sida en lui-même n'est pas nommé.
07:40Voilà, exactement.
07:41C'est-à-dire qu'on peut rapidement faire le parallèle avec la pandémie de sida
07:46dans la manière dont je traite la société dans mon film
07:50et comment la société réagit aux malades dans mon film.
07:53C'est évidemment directement inspiré de mes souvenirs de cette époque
07:57qui étaient mes premiers souvenirs d'apocalypse,
08:00où moi j'étais très jeune.
08:01J'avais l'impression non seulement d'être censée avoir un avenir
08:05dans un monde où on disait que tout le monde était en train de mourir
08:08et en même temps dans un monde où tout le monde mentait par rapport à la maladie.
08:11La maladie n'était absolument pas acceptée.
08:13Les malades n'étaient pas acceptés.
08:14Il y avait un déni colossal autour de ça.
08:17Et évidemment, à chaque fois qu'il y a un déni autour d'une mort brutale,
08:21autour de plusieurs, de nombreuses morts brutales
08:24et que c'est quelque chose qui provoque le rejet,
08:30qui ne donne pas une bonne image de la société.
08:32Je pense qu'à l'époque, la société a vécu un ressac éthique, moral, humain
08:36qui est colossal et dont aujourd'hui, on n'a toujours pas fait le deuil en réalité.
08:41On n'a jamais vraiment parlé de ça.
08:42Et donc, ça ne peut mener qu'à des traumatismes impactants sur les générations futures.
08:49Voilà, qu'on se transmet dans les générations futures.
08:51Vous, Tahar Rahim, vous avez le souvenir, vous étiez aussi encore plus jeune,
08:55de ces années-là.
08:56Vous avez des souvenirs de cette période-là ou non ?
08:59C'est flou.
09:00Non, j'en ai, bien sûr.
09:02Je me souviens de quelque chose qui m'avait marqué,
09:05puisque ça a été très médiatisé.
09:06C'était la mort de Freddie Mercury.
09:09Et c'est un peu ça qui nous a, d'une certaine manière,
09:12conscientisés à l'ampleur de cette maladie,
09:15le fait qu'elle était incurable.
09:17Ça, c'était un moment qui m'avait marqué.
09:19Et ensuite, je crois qu'en voyant le film,
09:21j'ai aussi peut-être compris pourquoi, à un moment donné,
09:24j'étais hypochondriaque quand j'étais enfant.
09:27Ah oui, de l'hypochondriaque ?
09:27Non, non, c'est passé.
09:28Mais à une période, je l'étais un peu et je ne comprenais pas d'où ça venait.
09:31Et peut-être que ça vient justement de cette espèce de mouvement
09:34de la société face à la maladie.
09:36Ce qui fait que j'avais peur peut-être d'être malade.
09:38Si je peux me permettre, si on compare par exemple
09:41la libération sexuelle des années 70,
09:44qui n'était entre guillemets que 20 ans avant,
09:47donc même pas une génération avant,
09:48puisque une génération c'est 25 ans,
09:50nous en 80, 20 ans plus tard,
09:52le sexe était devenu tabou, le sexe était devenu danger,
09:54on pouvait tuer quelqu'un, on pouvait être tué par quelqu'un.
09:56Tout à coup, ce qui s'était passé de libération est redevenu un emprisonnement moral et humain.
10:06Et ça a été un ressac terrible.
10:08Tahar Rahim, c'est un film où on sent,
10:10et on l'entend encore ce matin,
10:12que vous vous êtes impliqués puissamment,
10:13vous incarnez l'oncle d'Alpha,
10:15l'oncle de cette gamine de 13 ans,
10:18un oncle toxicomane, malade,
10:20fragile, halluciné.
10:22Vous avez, je répète,
10:23perdu 20 kilos pour ce rôle.
10:25Quand Julia Ducourneau est venu vous voir avec ce personnage de toxico, malade,
10:29vous avez dit oui immédiatement ?
10:31Vous aviez envie de rentrer dans cet univers très particulier,
10:35psychanalytique, visuel, physique de Julia Ducourneau ?
10:38Complètement, oui.
10:39Mais ça ne date pas du moment où j'ai reçu le scénario,
10:43c'est quand je l'avais vu grave déjà.
10:45J'étais fasciné de découvrir une telle singularité,
10:50une telle vision du cinéma,
10:51qui fait que c'est les signatures des très grands à chaque fois,
10:53quand ils arrivent avec leur premier film,
10:55on le sent.
10:56C'est-à-dire qu'on change de chaîne,
10:57au bout d'une minute on se dit
10:58ah ça c'est un film de,
11:00je ne sais pas, de Lips, de Ducourneau,
11:01de quelqu'un qui a été identifié
11:03avec sa propre signature et sa propre vision.
11:05Donc quand je reçois le scénario,
11:07déjà je sais que je vais y aller.
11:08Et quand je découvre le personnage,
11:10je le vis comme un cadeau.
11:12C'est la réalisation d'un fantasme carrément.
11:15Ah oui, carrément un fantasme.
11:16Quand on est jeune acteur et on rêve.
11:17Vous n'avez pas du tout hésité à aller perdre les 20 kilos ?
11:20Vous n'avez pas hésité à aller perdre les 20 kilos ?
11:22Ce n'était pas trop dur à perdre ?
11:24Ah non, c'était facile.
11:27C'était très très dur.
11:30Non, je n'ai pas hésité
11:31puisque c'était inhérent au film,
11:33inhérent au sujet,
11:34inhérent au personnage,
11:35inévitable.
11:36Et voilà, il fallait que ça marche.
11:38Et surtout, je ne voulais pas détruire le film de l'intérieur
11:41parce qu'à partir du moment où moi,
11:42je ne suis pas physiquement,
11:43je ne correspond pas au personnage,
11:45tout d'un coup le spectateur,
11:46ça va faire mal au film, à l'histoire.
11:48Mais ça, c'est juste la porte d'entrée.
11:50Après, il faut construire tout ce qu'il y a à l'intérieur.
11:51Julia Ducourneau,
11:52vous parlez de la préparation ahurissante
11:54du rôle par Tahar Rahim.
11:56Vous dites,
11:56j'ai jamais vu ça chez un acteur
11:57qui prend le scénario,
11:59qui la note,
11:59le stabilo boss,
12:00le tourne, le retourne, etc.
12:02C'est vraiment...
12:03Je ne sais pas si c'est la méthode
12:04de l'acteur studio.
12:05Je recevais Robert De Niro
12:07la semaine dernière
12:07qui parlait
12:08de la méthode de l'acteur studio,
12:09c'est que tu n'incarnes pas un personnage,
12:11tu es le personnage.
12:12Tahar Rahim,
12:13on le sait,
12:14vous êtes inspiré par cette méthode-là.
12:16Mais vous,
12:17vous n'aviez jamais vu,
12:18Julia Ducourneau,
12:18un acteur aussi impliqué,
12:19en fait, c'est ça ?
12:21C'est-à-dire que...
12:23Non, c'est vrai.
12:25À cet endroit de...
12:27En fait,
12:27de...
12:28J'ai envie de dire...
12:29J'allais dire de don au personnage,
12:30mais c'est plus que ça.
12:32C'est-à-dire qu'au fur et à mesure
12:33de la prépa,
12:34évidemment,
12:35avec son travail sur le scénario,
12:36nos discussions,
12:37tout ça,
12:38nos petits essais
12:39qu'on faisait entre nous,
12:40le travail qu'il a fait
12:41avec l'association Gaïa
12:42auprès de toxicomanes
12:45et tout ça,
12:46au fur et à mesure
12:47des semaines,
12:48en fait,
12:49je voyais de moins en moins
12:51Tahar,
12:52même si je l'appelais
12:52toujours Tahar,
12:53mais je voyais de plus en plus
12:54Amine affleurer en lui
12:56dans sa manière de se tenir,
12:58dans sa manière de me regarder,
12:59dans sa manière de parler.
13:02Et ça,
13:02j'ai trouvé ça formidable
13:03parce que,
13:04en fait,
13:05ce qui est bien,
13:06ma petite crainte à un moment,
13:07c'est carrément que j'avais peur
13:08que tu nous demandes
13:09de t'appeler Amine.
13:10Et là,
13:10je me suis dit
13:11que ça allait être
13:12un petit peu bizarre
13:13sur le plateau
13:14parce que c'est ça,
13:15le bout de l'acteur studio,
13:16c'est que c'est vrai
13:17qu'ils vont jusque-là
13:18et on le sait,
13:18donc ça,
13:18c'était ma petite crainte.
13:19Mais en fait,
13:20non,
13:20pas du tout.
13:21Je crois que vraiment,
13:22en fait,
13:22c'est comme si,
13:24dans la tête,
13:24il y avait toujours
13:26une part de Tahar
13:27mais le corps était
13:27totalement habité
13:28par Amine
13:29des orteils
13:31jusqu'aux cheveux,
13:32donc c'était
13:32assez impressionnant.
13:33Le corps,
13:34le corps qui est tellement
13:35important chez vous,
13:36Julia Ducourneau,
13:37dans votre manière
13:37de filmer,
13:38vous aviez demandé
13:39à Vincent Lindon
13:40de se bodybuilder
13:41dans Titan,
13:44qu'il ôte à Rahim,
13:45il est émacié
13:46comme jamais.
13:47Vous qui filmez
13:47les corps comme personne,
13:49quel est votre rapport
13:50à votre propre corps,
13:51Julia Ducourneau ?
13:52Alors,
13:52c'était un rapport
13:53qui a été très longtemps
13:54dissocié,
13:57qui n'est,
13:58disons,
13:59que je suis sur le chemin
14:00de la réunification.
14:03Je ne sais pas
14:04combien de temps
14:06ça va me prendre,
14:06peut-être encore
14:07le reste de ma vie,
14:08mais en tout cas,
14:09j'ai accepté
14:11l'idée d'être réunifiée
14:12avec mon corps
14:13depuis quelques années.
14:15Je crois que le cinéma
14:15m'a beaucoup aidée
14:16à ça,
14:16évidemment,
14:17mais ça a été
14:18extrêmement longtemps
14:19dissocié,
14:20mon corps a longtemps
14:21été une autre personne
14:22que moi.
14:23Bon,
14:23il y a encore du travail,
14:24donc on l'entend ce matin.
14:26En tout cas,
14:26Alpha,
14:27c'est un film,
14:28plus qu'un film d'ailleurs,
14:29c'est une expérience,
14:30votre film,
14:30c'est une expérience physique
14:31pour le spectateur,
14:32c'est quelque chose
14:33d'à la fois magnétique,
14:35fascinant,
14:35suffocant.
14:36Le film a déchiré à Cannes,
14:38il y a eu des gens
14:39qui l'ont trouvé absolument
14:40splendide,
14:41d'autres qui l'ont trouvé
14:41trop terrifiant.
14:43Mais à chaque fois,
14:44chez vous,
14:44c'est un ressenti
14:45qui est extrême,
14:46il y a une radicalité,
14:47quelque chose de physique
14:48où vraiment,
14:49on se dit,
14:49est-ce qu'elle veut provoquer ?
14:50Ce n'est pas,
14:51j'ai vu un bon film,
14:52c'est,
14:52je sors de ce truc
14:53et je n'ai jamais ressenti ça,
14:55je ne sais même pas
14:55ce que j'ai vu en fait.
14:57Et il y a,
14:58ça vous fait marrer,
14:59donc ça va,
15:00c'est aussi un film
15:02sur l'apocalypse,
15:03on est dans une fin de monde
15:04avec ce virus qui rôde,
15:06et l'antidote à ça,
15:07parce que c'est aussi
15:08un film sur la vitalité
15:09et sur la vie.
15:09L'antidote,
15:10c'est la famille.
15:11L'antidote,
15:12le refuge,
15:13c'est la famille,
15:14cette famille berbère.
15:16Ce film,
15:16il est dédié à votre mère,
15:18la figure de la mère
15:19avec un grand M
15:20incarné par Golfe Farahani
15:21de manière éblouissante,
15:22elle aussi,
15:23et ce qu'elle donne
15:23dans ce truc maternel
15:26qu'elle envoie,
15:27à la fois avec sa fille,
15:28avec son frère.
15:30C'est ça aussi que vous avez,
15:32vous,
15:32ce n'est pas famille,
15:33je vous aime,
15:33c'est famille,
15:33je vous aime.
15:35Dans ce film,
15:35oui,
15:36après,
15:36je pense que la notion de famille
15:37n'est jamais un acquis.
15:39Je pense que même
15:40quand on parle d'une famille nucléale,
15:42même quand on parle
15:42de nos proches,
15:44ceux dont on partage
15:45la généalogie,
15:46je pense qu'en tout cas,
15:47il ne faut jamais
15:48le considérer comme un acquis.
15:49Je pense que,
15:50pour moi,
15:50la notion de famille
15:51reste une notion d'élection,
15:53même au sein
15:54de la famille nucléale.
15:55Évidemment,
15:55d'élection,
15:56c'est logique avec les amis,
15:57avec les proches comme Tahar,
15:59avec l'équipe et tout ça,
16:01mais même au sein de la famille,
16:03je pense que c'est un travail
16:04à faire,
16:05c'est un travail d'amour,
16:06d'adaptation,
16:07de reconnaissance aussi,
16:08parfois quand ça ne marche pas,
16:10parce que ça peut ne pas marcher,
16:11une famille.
16:14Et voilà,
16:14je crois qu'il ne faut jamais
16:17considérer ça
16:18comme un donné.
16:19Je dirais que la solution,
16:22oui, c'est la famille,
16:23c'est surtout l'amour
16:23dans le film,
16:24et je crois que dans la noirceur
16:25de mon film,
16:26qui pour moi,
16:27évidemment,
16:27est à l'aune
16:27de la noirceur du monde
16:28dans lequel on vit aujourd'hui,
16:29l'amour devient une espèce
16:31de devoir moral,
16:33en fait,
16:34pour tout simplement
16:37que l'humanité continue
16:38à advenir.
16:40La famille comme valeur refuge
16:42dans un monde qui va mal,
16:44j'imagine qu'évidemment,
16:45Tahar Rahim,
16:45c'est quelque chose
16:46qui vous parle,
16:46vous qui êtes à la tête
16:48d'une famille
16:49de quatre enfants,
16:52c'est aussi une valeur refuge
16:53chez vous,
16:54quand le monde déraille ?
16:56Absolument,
16:57absolument,
16:58c'est une valeur refuge
16:59et salutaire également,
17:03et salvatrice pour moi,
17:05parce que quand je vois
17:06ce monde où ça ne va pas,
17:08où tout est à l'envers
17:09et qui profondément
17:11me brise le cœur,
17:13ceux qui me le rassemblent
17:14quand il est en petits morceaux,
17:15c'est ma famille.
17:17Un des personnages du film
17:19dit que la mère,
17:20c'est le principal.
17:21Est-ce que vous êtes d'accord
17:22avec ça, Tahar Rahim ?
17:24La mère dans une famille,
17:25c'est le principal,
17:26ou non,
17:26le père,
17:27il a quand même son rôle ?
17:28Non,
17:28je pense que les deux
17:30sont principaux,
17:31seulement avec la mère,
17:32il y a quelque chose
17:33qui relève de la vie
17:35et de la physiologie,
17:37c'est que pendant un moment,
17:39on est deux en un,
17:40et ça,
17:41le père ne l'aura jamais.
17:44Et ça,
17:44vous le regrettez ?
17:45Non,
17:46pas du tout,
17:46je ne regrette rien du tout,
17:47je trouve que tout est très bien fait.
17:52Vous préférez perdre 20 kilos ?
17:56Que porter un enfant ?
17:57Que les prendre ?
17:58Juliette Ducourneau,
18:02la question de la maternité,
18:05c'est une question
18:05qui vous travaille,
18:07qui vous traverse
18:07ou pas vraiment ?
18:08Moi,
18:09mon point de vue dans le film,
18:10c'est le point de vue d'Alpha,
18:11bien sûr,
18:11je me place en tant que fille de...
18:13Moi,
18:14je suis la fille de la mère,
18:15donc je regarde la figure maternelle
18:18de ce point de vue-là.
18:21La maternité,
18:22oui,
18:22bien sûr,
18:23c'est-à-dire qu'à partir du moment
18:24où on est une femme,
18:26c'est un potentiel,
18:28est-ce que c'est un potentiel
18:28qu'on a envie de réaliser ou pas,
18:30c'est autre chose ?
18:31Est-ce que,
18:31en fait,
18:32c'est une question qui se pose
18:36et qui se posera
18:38jusqu'à ce qu'elle ne se pose plus
18:40au bout d'un moment
18:41d'une manière ou d'une autre ?
18:42Merci en tout cas.
18:45Juste un mot,
18:45vous avez...
18:46C'est aussi un film,
18:48la famille,
18:49elle parle berbère,
18:50cabile,
18:51c'est aussi un hommage
18:52à votre mère
18:53qui est d'origine cabile.
18:55Vous avez dû apprendre
18:56le berbère,
18:57Tahar Haïm ?
18:57Oh oui !
18:58Des heures et des heures.
19:00C'est facile à apprendre ?
19:01Ah non,
19:02pas du tout.
19:03Ce n'est pas parce qu'on a
19:03des sonorités acquises
19:05qu'on peut parler facilement.
19:07C'est...
19:08C'est une langue très difficile.
19:10C'est une langue très difficile.
19:11J'avoue que c'était
19:12et je trouve que c'était
19:12quand même un challenge
19:14énorme pour les acteurs.
19:16Cet apprentissage-là,
19:17j'avais des petits doutes,
19:19l'accent est très compliqué
19:20et tout,
19:21et surtout dans un temps
19:22très restreint,
19:23ça m'a donné des sueurs froides.
19:25Merci à tous les deux.
19:27Le film s'appelle Alpha,
19:28il est en compétition officielle.
19:30On verra samedi soir
19:31si vous ressortez avec un prix.
19:33Vous êtes éblouissant
19:34dans le film
19:35Tahar Haïm,
19:36Dolce Théphara Haïm,
19:37également,
19:38et Mélissa Boros,
19:39et pas Beaugos,
19:40mais Samah.
19:41Et le film sort le 20 août.
19:43Très belle journée,
19:44très belle fin de festival pour vous.
19:45Merci beaucoup.
Écris le tout premier commentaire