Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 3 mois
Concentré, pudique, Tahar Rahim se confie rarement. L'acteur qu'Hollywood nous envie s'ouvre à "Marie Claire" à l'occasion de la sortie d'"Alpha", mercredi 20 août. Dans ce nouveau choc cinématographique signé Julia Ducournau, il livre, une nouvelle fois, une performance magnétique, saisissante, bouleversante. Ses métamorphoses spectaculaires, son besoin de "quitter vite" ses rôles pour ne pas se faire envahir, ses plus grandes fiertés depuis "Un prophète", sa famille, ses souvenirs de l'arrivée du VIH (l'un des thèmes du film) dans son enfance... Rencontre.
Transcription
00:00Ce qui me rend fier, c'est la famille que j'ai fondée.
00:02C'est ma famille nucléaire, ce qui me rend le plus fier.
00:05Évidemment, et de loin.
00:07Ma femme et mes enfants.
00:08Sinon, dans mon métier, ce qui me rend fier, c'est d'avoir tenu.
00:13Ne pas avoir répondu à l'appel des sirènes d'une façon ou d'une autre,
00:17ou à une espèce de facilité.
00:19Dans le choix des rôles, dans le choix des films,
00:21dans le non-choix, beaucoup aussi,
00:25que ce soit ici ou autre Atlantique,
00:27les noms, d'avoir tenu sur ça, parce que parfois, c'est séduisant.
00:31Je ne parle pas d'argent.
00:32Parfois, on nous propose des projets,
00:35particulièrement Outre-Atlantique,
00:36j'ai reçu quelques projets avec des noms d'acteurs
00:38qui m'ont fait rêver, qui m'ont inspiré.
00:42Et je dois dire non.
00:44C'est dur.
00:45Il y a beaucoup de choses.
00:47Je dirais qu'il y a encore beaucoup de genres que je n'ai pas explorés.
00:50Il y a une poche en moi, je ne peux pas trop expliquer,
00:53qui n'est toujours pas comblée.
00:57J'espère qu'elle ne le sera jamais,
00:58parce que si toutefois, elle venait à être comblée,
01:01peut-être que j'arrêterai.
01:03Mais j'ai une sorte d'insatisfaction
01:04de vouloir pratiquer mon métier,
01:07l'explorer, l'explorer,
01:09et continuer de l'expérimenter.
01:11C'est d'ailleurs la morale du film d'Aznavour.
01:14C'est ça.
01:15C'est une extension,
01:17soit de nous-mêmes,
01:18ou de ce personnage,
01:20avec laquelle moi, je vais cohabiter,
01:21et je vais même fusionner corps et âme
01:24pendant tout le tournage,
01:26et avant le tournage.
01:27J'en ai besoin.
01:28Une fois que ça termine,
01:30je quitte mes personnages assez rapidement,
01:32parce que,
01:33pour ma santé mentale,
01:35ce n'est pas très conseillé.
01:37Et puis, je ne veux pas imposer ça aux autres.
01:40C'est un peu la première fois que ça m'arrive.
01:41C'est étrange,
01:41parce que j'avais une espèce de distance
01:43avec ce que je voyais à l'image,
01:45parce que j'avais l'impression
01:45de voir un autre moi.
01:47Vraiment, pour le coup,
01:48c'était étrange.
01:49Le corps n'est pas pareil,
01:51il ne bouge pas pareil,
01:52ce qui est déjà arrivé parfois.
01:53Mais là, il y avait aussi
01:55ce côté squelettique,
01:57une autre voix qui était nasillarde
01:59dans un autre rythme.
02:01Leur regard, tout était différent.
02:03Mais c'est moi, je le sais.
02:04Mais en même temps,
02:05bizarrement, je voyais un autre moi.
02:07Si un film pouvait être appelé un corps,
02:09un corps battant,
02:11j'ai envie de dire,
02:11ça serait celui-ci.
02:12Quand on perd plus de 20 kilos
02:13pour un rôle,
02:14c'est impressionnant,
02:16surtout quand on n'est pas très épais.
02:17Et souvent, on s'arrête à ça,
02:19parce que justement,
02:20c'est impressionnant,
02:21parfois choquant.
02:22Mais il est vrai que derrière,
02:24tout ce qui est à construire
02:25est d'autant plus difficile.
02:27Et la raison pour laquelle
02:28cet aspect physique était nécessaire
02:31et capital au film,
02:32c'est qu'il est inhérent au projet.
02:34S'il n'y a pas cette apparence physique,
02:36d'abord, moi, personnellement,
02:38j'aurais du mal à y croire.
02:40Ensuite, je risque d'abîmer
02:42le film au spectateur.
02:43Ce n'était pas obligé
02:44d'aller si loin,
02:45mais j'en ai eu besoin, justement.
02:47Quand Julia était suffisamment
02:48satisfaite et inquiète aussi,
02:50quand j'avais perdu
02:51un certain nombre de kilos,
02:53je lui ai dit de laisser moi faire,
02:55je vais aller plus loin.
02:57Elle me dit,
02:57oui, mais fais attention.
02:58Je dis, ça va aller.
02:59J'étais très bien surveillé,
02:59cela dit en passant.
03:01Mais j'ai eu besoin, justement,
03:02de dépasser ça
03:02pour aller toucher l'intérieur
03:03du personnage
03:04et de pouvoir, justement,
03:05créer tout ce qu'il y a
03:07à faire vivre,
03:09et vibrer
03:10et raconter l'histoire
03:11de ce Amine,
03:11l'apparence physique
03:12était la porte d'entrée.
03:13C'est maman, la petite.
03:15Je pourrais aller là-bas.
03:16Tu la verras
03:16quand t'auras
03:17deux ou trois kilos en plus, non ?
03:19J'ai fait des tripocondriacs
03:20que j'ai été.
03:21Tout va bien maintenant.
03:22Finito.
03:23Même si on aime
03:24à me le rappeler parfois,
03:25c'est fini.
03:26Et j'ai réalisé, en fait,
03:27en faisant quelques interviews
03:28autour de ce film-là,
03:29que peut-être
03:30ça pouvait venir de là
03:31en écoutant Julia
03:31parler du...
03:32Parce que j'ai la sensation
03:33qu'elle l'a...
03:33Elle l'a plus conscientisée
03:36plus tôt que moi.
03:38Et quand j'entends ça,
03:39je me dis,
03:39peut-être ça vient de là.
03:40Alors ensuite,
03:41quand je convoque mes souvenirs,
03:42il y a eu un moment marquant.
03:44On entendait parler de tout ça,
03:45mais on est quand même des gosses.
03:46Donc oui,
03:48on nous prévient.
03:49Moi, j'étais plus prévenu
03:51de tout ça
03:52que quelqu'un
03:54qui en prenait
03:55vraiment conscience.
03:57Seulement,
03:57il y a eu ce moment,
03:58cette bascule
03:59où Freddie Mercury
04:00est décédé.
04:02Tout à coup,
04:03quelqu'un
04:04qui a
04:04visuellement
04:06tous les moyens possibles
04:07pour bien vivre
04:08et se guérir,
04:08n'en guérissait pas.
04:12Donc ça n'épargnait personne.
04:13Et c'est à ce moment-là
04:14que j'ai compris,
04:15enfin,
04:15réalisé profondément
04:16que cette maladie
04:17était mortelle.
04:18Et malheureusement,
04:19plus tard,
04:19j'ai un ami à moi
04:20qui l'a contracté.
04:24Il va très bien,
04:24aujourd'hui,
04:25on vit bien avec ça,
04:26heureusement.
04:27Et du coup,
04:27ça m'a marqué.
04:28Forcément,
04:29c'est des endroits
04:29qui m'ont parlé
04:30de manière assez intime.
04:32ça aurait absolument
04:34changé mon regard
04:35s'il avait été autre avant.
04:37La vérité,
04:38c'est que j'ai côtoyé
04:39quelqu'un pour qui
04:39j'ai beaucoup d'amitié
04:40profondément
04:42qui a traversé ça.
04:43Alors,
04:43ce n'était pas au stade
04:44de l'aiguille,
04:45mais c'est allé au stade
04:46juste avant.
04:47Et cette personne
04:47a eu le courage
04:48de se sevrer elle-même,
04:50sans passer par des cures,
04:51sans substitut,
04:52sans rien du tout.
04:54Et j'étais avec elle.
04:54Et ce que j'ai vu
04:57pendant les deux semaines,
04:59ce que j'ai pu voir,
05:00l'état du corps,
05:01les tremblements,
05:02la transpiration,
05:04enfin,
05:04tout ce que j'ai pu voir
05:05dans l'état du manque,
05:07c'est encore plus loin,
05:10c'est quand même
05:10un stade encore plus loin
05:11que ce que vous,
05:12vous pouvez voir
05:12dans le film.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations

1:52