Pollution plastique : «Il va falloir qu'on 'déplastifie' notre société», affirme la présidente d'une fondation environnementale

Europe 1

Regardez Pollution plastique : «Il va falloir qu'on 'déplastifie' notre société», affirme la présidente d'une fondation environnementale - Europe 1 sur Dailymotion

Transcript

00:00On va en parler avec une autre invitée, Rosalie Mann, présidente de la Fondation Nomor Plastique.

00:04Bonjour !

00:05Merci d'être avec nous sur Europe 1.

00:07D'abord, pourquoi un traité mondial sur le plastique est jugé indispensable aujourd'hui ?

00:11C'est indispensable tout simplement parce que c'est au-delà d'une question écologique.

00:15Beaucoup de gens pensent que c'est juste une question écologique,

00:17alors qu'en fait il s'agit d'une question de santé publique avant tout,

00:20et une question économique aujourd'hui.

00:22Le traité qui va se jouer en ce moment à Genève

00:24va clairement inscrire tout l'avenir de chacun des pays du monde.

00:31Donc c'est très important de comprendre ça.

00:32Ça a un impact direct sur la santé aujourd'hui.

00:35On a énormément de preuves scientifiques qui sont là pour les prouver,

00:38et depuis plus de 50 ans maintenant, il y a énormément de corpus scientifiques sur le sujet.

00:43D'ailleurs c'est l'objet de mon livre où je réunis toutes ces études qui existent déjà depuis plus de 50 ans.

00:50Donc en fait on a 50 ans de retard avec ce traité.

00:52Et ça fait 50 ans qu'on aurait dû déjà prendre conscience de l'impact toxique et délétère du plastique

00:58qui impacte aujourd'hui la santé, l'économie,

01:01puisque ça a un vrai poids sur le système de santé aujourd'hui.

01:05Et tout ça coûte de l'argent, aussi bien pour le tourisme également.

01:10Et aujourd'hui c'est extrêmement important que les pays s'entendent autour d'un traité.

01:15Alors j'ai relevé quelques chiffres qui font froid dans le dos.

01:17Selon le programme des Nations Unies pour l'environnement, 460 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde.

01:23Et cette production pourrait tripler d'ici 2060 si aucune action forte n'est menée.

01:28Dans les années 70, on produisait 35 millions de tonnes de plastique.

01:31Donc aujourd'hui 460, on est devenu accro au plastique ?

01:34Absolument en fait. On a tellement associé ça au progrès, et le progrès on ne l'arrête pas,

01:39que c'est devenu une normalité en fait.

01:42Et aujourd'hui il faut qu'on arrive à dénormaliser ce plastique dans notre quotidien.

01:47En fait le plastique ce n'est pas le problème, le vrai problème c'est nous.

01:51Nous l'avons introduit dans beaucoup trop de secteurs d'activité où il n'y a clairement pas besoin de plastique.

01:57Aujourd'hui sur les 460 millions de tonnes de plastique qu'on produit par an,

02:00deux secteurs simplement correspondent à plus de 50%.

02:03Donc c'est le packaging, les emballages et le textile.

02:07Donc vous comprenez bien que dans ces deux secteurs-là, on pourrait clairement s'en passer.

02:11Mais comment on fait alors concrètement pour s'en passer ?

02:13Par exemple nous au quotidien en tout cas.

02:15Ah non, ce n'est pas une question de quotidien, c'est pour ça que le traité est extrêmement important

02:18et que l'enjeu de ce qui est en train de se jouer à Genève va avoir un impact direct sur toute la vie de chacun en fait.

02:25Ce n'est pas le consommateur le responsable, le responsable c'est les politiques,

02:28c'est comment on va réduire à la source la production de plastique issu de la pétrochimie.

02:33Aujourd'hui sur les 38% de packaging qu'on utilise par an, sur les 460 millions de tonnes,

02:40il y a énormément de packaging inutile.

02:42On n'a jamais challengé le sujet.

02:44C'est-à-dire qu'il y a énormément de plastique.

02:46Quand vous voyez des concombres emballées dans du plastique, clairement on n'en a pas besoin.

02:50Des melons, des fraises.

02:52Quand vous voyagez à travers le monde, vous voyez qu'au Japon ils emballent absolument tout dans du plastique.

02:58Tout ça a un impact direct sur notre santé,

03:01puisque tous ces plastiques génèrent des microparticules et des nanoparticules

03:05qu'on retrouve aujourd'hui dans l'organisme humain,

03:08donc dans les cerveaux, dans le poumon, dans le cœur, dans le sang, dans les placentas.

03:13Tous nos enfants naissent prépollués aujourd'hui.

03:15Donc la question elle est, qu'est-ce qu'on a envie d'avoir comme avenir ?

03:20Selon la WWF, un humain moyen ingérerait environ 5 grammes de plastique par semaine,

03:26l'équivalent d'une carte de crédit, ça fait quand même très peur.

03:29On vit tous avec des microplastiques à l'intérieur de nos corps.

03:32Ça vient d'où par exemple ? En se brossant les dents ?

03:35Oui, effectivement, vous avez la brosse à dents, mais ça vient aussi, c'est dans l'air en fait.

03:39Aujourd'hui, comme je vous l'expliquais, les plastiques génèrent des microparticules

03:43et des nanoparticules tout au long de leur cycle de vie.

03:45Et aussi au moment de l'usage.

03:47Ce n'est pas qu'au moment de la dégradation.

03:48Beaucoup de gens pensent que c'est les déchets plastiques,

03:50ce dégradant génère des microparticules de plastique.

03:52Non, je vous donne un exemple. Les baskets, quand vous courez,

03:56toutes les baskets quasiment sont faites avec des semelles en plastique aujourd'hui.

04:00À chaque fois que vous courez, l'abrasion au sol va créer des microparticules

04:03et des nanoparticules qui vont rester sur le sol

04:06et partir dans les eaux ou dans l'air qu'on respire aujourd'hui.

04:10Alors, des dernières sessions, notamment à Busan en Corée du Sud en 2024,

04:14les négociations échouées, qu'est-ce qui coince ?

04:17Alors, ce qui coince, c'est qu'on a besoin d'un accord commun en fait.

04:21Il faut que tout le monde soit d'accord autour de la table, un consensus.

04:24Et je pense que ce n'est pas comme ça qu'on va y arriver.

04:26Donc, j'espère qu'aujourd'hui, ce traité doit être historique.

04:30Il faut qu'on s'entende autour de la table.

04:33L'ONU demande est-ce qu'il y a un consensus,

04:35mais est-ce qu'on ne va pas avoir du coup un traité au rabais ?

04:38Et la question, c'est surtout là.

04:39Donc, c'est très important.

04:42C'est dommage que ça se passe au mois d'août,

04:43au moment où beaucoup de gens sont en vacances et en congé.

04:46C'est un enjeu historique et majeur pour l'humanité.

04:52Mais est-ce que certains pays n'ont pas clairement intérêt

04:54à ralentir les négociations, voire à empêcher

04:56qu'un accord soit trouvé pour protéger leur économie ou leur industrie ?

05:00Mais c'est une question économique, comme je vous le disais.

05:02Donc, c'est protéger.

05:03Aujourd'hui, déplastifier notre société,

05:05c'est déplastifier, décarboner et déplastifier.

05:09C'est la même chose.

05:10Donc, quand on parle beaucoup de politique de décarbonisation,

05:12il va falloir qu'on déplastifie.

05:14Et c'est une question économique aussi.

05:16Tous les pays qui ne vont pas déplastifier leur industrie

05:19vont perdre des parts de marché.

05:21Donc, c'est très important.

05:22C'est une question économique aussi

05:24de ce qui est en train de se jouer à Genève.

05:26Ce n'est pas qu'une question sanitaire ou écologique.

05:29Dans votre livre, Nomor Plastique,

05:30vous proposez des gestes concrets.

05:32Quels sont ceux que vous recommandez en priorité,

05:33les plus faciles à mettre en œuvre ?

05:35Alors déjà, il faut prendre conscience

05:37que le plastique est un problème

05:39et qu'il se trouve principalement dans les packaging et les textiles.

05:43Donc, ça veut dire, regardez énormément

05:44les étiquettes sur les vêtements que vous achetez.

05:47Tout ce qui est polyester, polyamide, polyester, polyéthélamine.

05:53C'est des noms à rallonge.

05:54Voilà, des noms à rallonge, etc.

05:55Tout ça, c'est du plastique.

05:57Et donc, ça a un impact sur votre santé.

05:59Ensuite, tout ce qui est...

06:01Il faut que les femmes fassent extrêmement attention

06:02parce qu'au moment du cycle de la femme

06:04qui correspond aux menstruations,

06:06à la puberté ou à la ménopause

06:08et au moment de la grossesse, de la lactation,

06:11tous ces moments-là,

06:12on va stocker davantage les perturbateurs endocriniens

06:14qui sont présents dans les plastiques.

06:16Donc, à ces moments-là,

06:17il faut simplement éviter de consommer un maximum

06:19tout ce qui peut être emballé dans du plastique.

06:21Et il y a beaucoup de choses emballées,

06:23que ce soit la cosmétique,

06:25dans l'alimentaire, les vêtements.

06:28Et vous dites aussi dans votre livre, je cite,

06:30« Le plastique recyclé nous fait perdre un temps précieux.

06:33Il donne l'illusion que nous sommes sur la bonne voie. »

06:35Est-ce que le recyclage est une fausse solution ?

06:37Ah, c'est pire que ça.

06:38Ça aggrave la situation.

06:40Aujourd'hui, recycler,

06:41c'est remettre en circulation des substances toxiques.

06:45Un plastique contient 16 000 à 23 000 substances toxiques.

06:49Donc, il faut comprendre que remettre ça en circulation

06:51ne va absolument rien résoudre.

06:54D'autant que le plastique génère des gaz à effet de serre

06:57au contact des rayons UV du soleil

06:58ou de la chaleur, tout simplement.

07:02Donc, recycler pour en refaire des bâtiments,

07:04des terrains de tennis, des routes

07:07ou toutes ces choses qui ont un impact direct

07:10avec les rayons UV du soleil

07:12et d'autant plus que les températures augmentent

07:15partout dans le monde,

07:16vous comprenez bien que ça n'a aucun impact positif.

07:20Donc, il faut changer la manière de recycler

07:22ou il faut arrêter de recycler ?

07:23Il faut arrêter de recycler les plastiques totalement.

07:25Aujourd'hui, il faut les exterminer,

07:27les éradiquer, c'est possible.

07:29Le problème, c'est qu'on a tellement popularisé

07:30la question du recyclage ou même du réemploi

07:33que les politiques vont vers cette direction.

07:37Mais c'est une hérésie totale

07:38et un non-sens sanitaire.

07:39Est-ce qu'on a des exemples de pays ou de villes

07:41qui ont réussi à réduire drastiquement

07:43leur usage du plastique ?

07:45Absolument, oui.

07:45Alors, drastiquement, on n'en est pas encore là.

07:47Mais en tout cas, vous avez des pays

07:49qui interdisent de rentrer chez eux

07:50si vous avez des sacs en plastique

07:52ou des plastiques à usage unique.

07:54On parle beaucoup du plastique à usage unique,

07:56mais ça, c'est que le haut de l'iceberg.

07:57Il faut comprendre qu'aujourd'hui, le plastique s'est introduit

08:00dans énormément de secteurs

08:01et qu'il va falloir drastiquement réduire

08:04cette consommation exponentielle

08:06qu'on a fait du plastique.

08:08Vous pensez qu'un compromis est encore possible

08:09d'ici la fin de cette session à Genève ?

08:12Je ne sais pas si c'est possible,

08:13mais en tout cas, le mouvement est en marche aujourd'hui.

08:16Il s'est clair que même si le traité était un échec,

08:20de toute façon, on n'a pas le choix.

08:22Il va falloir qu'on déplastifie notre société.

08:23On ne peut pas continuer à utiliser le plastique

08:26issu de la pétrochimie de manière aussi exponentielle.

08:30Et si le traité est un échec,

08:31quelles seraient les conséquences ?

08:33Ça dépend de ce qui sera jugé,

08:35de ce qui sera...

08:36C'est tout le propos de ce qui va se passer à Genève,

08:39c'est-à-dire que qu'est-ce qui va réellement en sortir.

08:42Aujourd'hui, ce qui peut être vraiment positif,

08:46c'est qu'on va réduire à la production

08:48le pourcentage de plastique.

08:51Merci, Rosalie Mann, d'avoir été avec nous sur Europe 1.

Catégorie

Transcription

Écris le tout premier commentaire

Recommandations