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"HORS DE CONTRÔLE : CAUCHEMARS SUR LE TÉLÉPHÉRIQUE" / Ils ont révolutionné la vie des montagnes et se sont imposés dans le paysage. En un siècle, les téléphériques, et les remontées mécaniques ont acheminé des millions de skieurs, de promeneurs et de professionnels sur les sommets les plus hauts et les plus beaux? Et le transport par câble n'est plus l'apanage de la montagne! De Toulouse à New York, Brest, Barcelone, Alger, Medellin, Taipei, il gagne toutes les grandes villes, où il ouvre une dimension aérienne révolutionnaire pour soulager le trafic routier, et contourner les obstacles à moindre coût. Considéré comme LE moyen de transport urbain durable de demain, le « câble » a l'avenir devant lui ! Mais quid, de sa sécurité ? Car le câble est aussi un moyen de transport « sans filet », qu'un câble casse, qu'un frein lâche, comme à Stresa, en mai 2021, et 14 passagers chutent dans le vide, sans espoir. En 1987, dans les Pyrennées françaises, c'est le pylône d'un télésiège de Luz Ardiden qui s'est déraciné, projetant 200 skieurs, des dizaines de mètres plus bas. Et quand toutes les conditions de sécurité techniques sont réunies, le danger peut aussi venir de loin, comme à Cavalese, où l'erreur d'un pilote américain, a coûté la vie de 20 personnes quand son avion a sectionné les câbles d'une cabine. Des accidents rares, mais imparables, sur des sites hors d'atteinte aux secours classiques. Alors, qui contrôle ces installations' Leur construction' Leur maintenance. Comment un pylône peut-il résister à une traction de 45 tonnes. Sommes-nous vraiment en sécurité, suspendus à un câble de moins de 5 cm ? Survivants, ingénieurs, experts, ils ont tous accepté de revenir sur ces accidents tragiques' En route pour des sommets ? « Hors de contrôle » !
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00:00Ils ont révolutionné la vie des montagnes.
00:04En un siècle, les téléphériques et les remontées mécaniques ont acheminé des millions de skieurs, de promeneurs et de professionnels sur les sommets les plus hauts et les plus beaux.
00:16Des machines vérifiées chaque jour, entretenues par une armée de techniciens.
00:22On se retrouve sur un système qui est éprouvé, robuste, qui est relativement rudimentaire de par sa technicité.
00:28Les remontées mécaniques sont un des systèmes de transport les plus sûrs au monde.
00:32Avec moins de 7 morts ou blessés graves pour 100 millions de passages, le transport par câble est bien plus sûr que la route, le rail ou l'avion.
00:43Mais quand l'accident survient, il est imparable.
00:46Le risque zéro n'existe jamais nulle part, surtout quand il y a intervention de l'homme.
00:52Qu'un câble casse, qu'un frein lâche, et c'est la catastrophe.
00:56Comme celle de Streza en mai 2021.
00:59Les passagers n'ont aucune possibilité d'arrêter, de bloquer la cabine.
01:04Je ne veux pas penser à ce qui s'est passé à l'intérieur, mais ils se sont sûrement rendus compte de ce qui leur arrivait.
01:09Des contrôles défaillants, un frein désactivé, 14 personnes sont mortes, écrasées par soucis d'économie.
01:21J'ai parfois envie de pleurer.
01:23Il y a eu trop de noms.
01:25Dans les Pyrénées françaises, c'est la hâte de construire pour sauver la saison qui a précipité un télésiège au sol en 1987.
01:33Avec une telle construction, le massif, il devait casser un moment ou un autre.
01:37200 skieurs projetés des dizaines de mètres plus bas, loin de tout secours.
01:43Je vois le pilote arriver, je me suis pris en pleine tête.
01:46On se sent projeté dans les airs.
01:49C'est un choc épouvantable.
01:51Je lui ai dit, bon, tu vas mourir, c'est fini.
01:54Et le danger peut aussi venir de loin.
01:57À Cavalese, une erreur de pilotage a coûté la vie de 20 personnes.
02:01Ils comprennent tous qu'ils vont mourir, qu'ils ne peuvent pas se sauver.
02:08La cabine va s'écraser de tout son poids au fond de la vallée.
02:14Survivants, ingénieurs, experts, ils ont tous accepté de revenir sur ces accidents tragiques.
02:20Ça a été bâclé, il devait tomber, sauter les chers.
02:22Je me dis, mais à cause de ça, il y a eu des personnes qui ont perdu la vie.
02:26Qui contrôle ces installations, leur construction, leur maintenance ?
02:31Comment un pylône peut-il résister à une traction de 45 tonnes ?
02:36Sommes-nous vraiment en sécurité, suspendus à un câble de moins de 5 centimètres ?
02:41En route pour des sommets, hors de contrôle.
02:44Depuis la toute première cabine, créée en 1924 pour l'aiguille du Midi,
03:07la France est l'un des pays les mieux équipés au monde en remontée mécanique.
03:133 000 kilomètres de ligne, 46 téléphériques, plus de 1 000 télésièges et télécabines
03:19qui débitent jusqu'à 3 millions de passagers à l'heure en haute saison.
03:23Et le transport par câble n'est plus l'apanage des sommets.
03:28Aujourd'hui, ce système de transport n'est pas un système de transport uniquement dédié aux stations de ski.
03:32On commence à avoir un essor en urbain.
03:35De Brest à Toulouse, La Paz ou Barcelone, il gagne toutes les grandes villes du monde.
03:42Le transport par câble peut être une bonne alternative au trafic en ville
03:46parce qu'il passe au-dessus du sol et au-dessus des immeubles.
03:51Rapide, économique, le câble a l'avenir devant lui.
03:55Si tout le monde respecte les règles en vigueur, le drame qui a frappé l'Italie en 2021 ne devrait jamais se reproduire.
04:07Streza, entre lac et montagne.
04:10L'un des joyaux du lac majeur et l'une des destinations les plus prisées d'Italie.
04:16Son climat, la beauté de ses paysages, les hôtels Belle Époque de sa riviera attirent des milliers de touristes.
04:25Perché au-dessus de la ville, le mont Mottaronne, un balcon sur les Alpes et les lacs
04:30que les touristes peuvent rejoindre depuis 1970 en téléphérique.
04:36Il est presque midi, quand le 23 mai 2021, la famille Biran arrive à la gare du téléphérique.
04:48Amit, Tal et leurs deux petits garçons, Tom et Eitan, de 2 et 5 ans,
04:54veulent faire découvrir Streza aux grands-parents qui arrivent d'Israël.
04:57C'est la première fois que les enfants vont monter à bord d'un téléphérique
05:02et vont pouvoir admirer le spectacle de ce voyage suspendu.
05:05Le téléphérique du Mottaronne relie Streza au sommet du mont à 1385 mètres d'altitude.
05:13Avec un premier tronçon de 2,5 kilomètres jusqu'à Alpino.
05:18Et un second de 3 kilomètres sur un dénivelé de 600 mètres jusqu'à la gare de Mottaronne.
05:24Le téléphérique peut emporter 35 personnes.
05:30Quand la cabine se met en branle, les deux petits sont aux anges.
05:34Une sensation que connaît bien Simone Bassi, passionné de remontées mécaniques.
05:40Ceux qui s'amusent le plus sur les téléphériques, ce sont les enfants.
05:44Ils ressentent une sensation de voler, car la cabine passe au-dessus des arbres et du village,
05:49suspendue à un fil avec levier de tout autour.
05:54L'ascenseur des montagnes est pourtant bien accroché.
06:00Ou plutôt, posé sur un câble fixe, tendu entre deux gares, le câble porteur.
06:07C'est sur ce câble que le chariot fixé au toit de la cabine vient rouler.
06:12Mais la cabine n'avance pas toute seule.
06:15Un autre câble, le câble tracteur, est solidement attaché au chariot.
06:20C'est ce câble qui l'attire au sommet.
06:25Actionné par un moteur électrique, le câble tracteur tourne en boucle entre la gare du haut et celle du bas.
06:33C'est ainsi que quand une cabine monte, l'autre descend.
06:36Évidemment, les enfants préfèrent se mettre près des fenêtres, près des vitres, pour pouvoir regarder le paysage.
06:46La maman d'Ethan prend une photo et elle l'envoie à sa famille pour partager ce beau moment de joie.
06:52C'est impressionnant de penser au bonheur et à l'insouciance de cette famille,
06:58alors que personne ne peut imaginer ce qui leur arrivera quelques instants plus tard.
07:03N'est-ce que personne ne peut imaginer ce qu'il dirait quelque instant et après, ce serait le succès.
07:07À la gare intermédiaire, la famille Biran change de cabine pour attaquer le deuxième tronçon.
07:22Ce 23 mai 2021, la cabine numéro 3 s'élance avec 15 passagers.
07:28Ici, on a une vue spectaculaire.
07:31Mais les gens qui ont un peu peur se demandent souvent si ces câbles vont tenir.
07:39Car vu depuis la cabine, ils paraissent beaucoup plus fins qu'ils ne le sont en réalité.
07:465 cm de diamètre pour le câble porteur, 2,5 cm pour le câble tracteur.
07:52Le secret de sa force, sa structure.
07:55Le noyau central, l'âme du câble, est en fibre textile coincée entre 6 gaines d'acier, les taurons.
08:06Et chacun de ces taurons est lui-même un assemblage de 19 brins de métal, de différents diamètres, tressés en hélice.
08:14Le câble est donc composé de 114 fils d'acier.
08:17Le fait d'avoir un entrelacement de plusieurs fils entre eux fait qu'on va avoir les caractéristiques de l'acier qui sont reconduites.
08:26Et la somme de tous ces petits fils va représenter une section équivalente à un barreau d'acier.
08:32Donc c'est quelque chose de très résistant.
08:34Si un fil casse, tous les autres restent en position.
08:39Et continuent à supporter les tensions qui agissent sur le câble.
08:42En fonctionnement, le téléphérique soumet le câble tracteur à une force de 9 tonnes.
08:51Mais lors des tests réalisés pour sa mise en service, le câble a supporté 47 tonnes.
08:58Depuis, il est révisé chaque année.
09:02Les contrôles électromagnétiques permettent de déceler des ruptures internes de fils
09:07ou des usures ou de la corrosion importante des fils à l'intérieur du câble.
09:11Sur le câble du motarone, les derniers contrôles de type électromagnétique ont été faits en novembre 2020.
09:18Le câble a été considéré comme parfaitement apte au fonctionnement du téléphérique.
09:25Des contrôles rigoureux auxquels quelques centimètres du câble échappent tout de même.
09:30Une petite portion relie au culot de raccordement.
09:32Ce cône métallique de 25 centimètres de long est vissé sur le chariot.
09:39C'est par ce point de jonction que le câble tracteur est arrimé au chariot.
09:45L'élément présentant le plus de risque et qui est le plus sensible, ça reste l'élément de liaison, donc le culot.
09:50Toute la tension et la charge finalement des passagers passent au travers de cette pièce et sa rupture serait catastrophique.
09:58Ce raccordement est emboîté dans une douille d'acier qui le protège, mais cache du même coup le culot et une portion du câble.
10:07Cette pièce massive est très difficilement contrôlable par un dispositif électromagnétique.
10:12On ne peut pas radiographier, donc le seul contrôle qui va pouvoir être porté sur le culot est un contrôle visuel.
10:18Elle peut être sujette à des problèmes de corrosion de fil et pour la contrôler, il faut réussir à l'extraire de la douille, soit démonter la douille, soit l'extraire.
10:27D'après la législation européenne, cette pièce doit être inspectée tous les six mois.
10:32Or le culot de Stresa n'a pas été vérifié pendant cinq ans.
10:35Les passagers de la cabine numéro 3 ne peuvent pas le savoir, mais le culot de raccordement au-dessus de leur tête est en bien mauvais état.
10:49À 12h12, ils ne sont plus qu'à quelques mètres de la gare d'arrivée.
10:54Sur la vidéo de surveillance, on voit la cabine ralentir.
11:00Le voyage suspendu est presque terminé.
11:03La joie des passagers est évidente.
11:07On peut voir leur visage.
11:08On voit Ethan, on voit le personnel du téléphérique près de la cabine qui va rentrer en gare.
11:17Mais soudain, la cabine bascule.
11:21Car le câble tracteur vient de casser net, tout près du culot de raccordement.
11:33Il est impossible qu'un câble casse sans raison.
11:37Si un câble casse, cela signifie qu'il y a eu une faute, une négligence ou un manquement encore plus grave au niveau de la maintenance.
11:46Si les vérifications avaient été faites dans les règles de l'art, le câble n'aurait jamais cassé à cet endroit.
11:54Sur les images, on voit le câble tracteur frôler le machiniste paniqué.
12:08Car sans son câble tracteur, la cabine n'est plus retenue.
12:12Le chariot repart vers la vallée, en roue libre sur le câble porteur, comme sur un rail.
12:19C'est très soudain.
12:20Les personnes s'en taffent les unes sur les autres.
12:23Elles sont en proie à la terreur.
12:26S'ils ont essayé de se relever, ils n'ont pas réussi.
12:33Cette sensation d'accélération et cet écrasement contre les parois sont tellement forts qu'ils ne peuvent même pas tenir debout.
12:39Alors que la cabine accélère, la vie des 15 passagers ne dépend plus maintenant que d'un seul dispositif, qui se trouve juste au-dessus de leur tête.
12:50La rupture d'un câble tracteur est un événement rare, mais qui peut être envisageable.
12:54Lorsqu'un véhicule part à la dérive, il existe un dispositif, un frein embarqué, un frein de chariot, qui va être amené à freiner le véhicule.
13:03Le frein sur le chariot de la cabine est une sorte de double mâchoire en acier.
13:07À cheval, autour du câble porteur.
13:12Cette mâchoire est maintenue ouverte par un dispositif relié au câble tracteur.
13:16Si ce câble casse, alors la mâchoire se referme automatiquement.
13:23Le frein ancre la cabine sur place.
13:26C'est ce qui devrait arriver sur le motaron.
13:29Et pourtant, la cabine continue.
13:31Ce qui est étonnant, c'est qu'après la rupture du câble tracteur, le frein d'urgence ne s'active pas.
13:42Les passagers ne peuvent évidemment pas savoir qu'une pièce métallique, une bride, bloquent le frein d'urgence.
13:50Cette fourchette rouge retient les mâchoires du frein en position ouverte.
13:54Elle les empêche de se refermer sur le câble porteur.
13:56Le frein d'urgence de la cabine est désactivé.
14:03C'est une pièce qui est mise à disposition de l'exploitant pour procéder aux opérations de maintenance.
14:08Une bride ne peut absolument pas être utilisée pendant que des passagers sont embarqués dans les véhicules.
14:13C'est quelque chose qui est interdit.
14:16Les deux brides sont pourtant bien là, avec des touristes à bord.
14:20Avec un frein qui ne peut pas fonctionner, la cabine est complètement hors de contrôle.
14:27La cabine fonce maintenant à 100 km heure.
14:32Les passagers n'ont aucune possibilité d'arrêter, de bloquer la cabine.
14:37Ils ressentent sûrement une sensation d'impuissance.
14:38Je ne veux pas penser à ce qui s'est passé à l'intérieur, mais ils se sont sûrement rendus compte de ce qui leur arrivait.
14:46Certainement, les enfants se sont agrippés aux parents et l'impossibilité de faire quoi que ce soit a dû les terrifier.
14:53Au bout de 480 mètres, la cabine se rapproche inexorablement d'un pylône qu'elle ne pourra jamais passer à cette vitesse.
15:01Au niveau du pylône, il y a un changement d'inclinaison.
15:09La présence du pylône fait que la cabine va décoller comme sur un tremplin.
15:13Le chariot se décroche, il déraille, la cabine tombe dans le vide.
15:20Il y a un moment de silence et puis un grand coup.
15:24La cabine s'écrase 20 mètres plus bas et continue à dégringoler le long de la montagne.
15:30Alors que la cabine tombe, se cogne, chute, certains passagers sont expulsés à l'extérieur.
15:37Le père s'est rétan, il le protège avec son propre corps.
15:41Mais les chocs sont de plus en plus violents.
15:44La cabine frappe contre des troncs, se retourne et finit par s'encastrer contre de vieux armes.
15:49De la cabine à Stresa, la cabine du téléphérique est tombée.
16:04Il semble que la cabine soit tombée au milieu du bois.
16:07On ne connaît pas l'état des passagers, sûrement très grave.
16:10Quand les secours arrivent, les débris de la cabine jalonnent la pente sur plusieurs dizaines de mètres.
16:21Cristiano Laltrella et Corrado Bernasconi sont pompiers.
16:26Ils sont parmi les premiers à arriver sur les lieux de l'accident.
16:28Plus je me rapprochais de la cabine, et plus je commençais à apercevoir les silhouettes des occupants.
16:38Dans un rayon d'environ 30 mètres, éjecté, quand la cabine a heurté les armes.
16:46On a commencé à chercher des signes de vie sur les corps par terre.
16:50Et il était évident qu'ils étaient tous morts.
16:54Les passagers sont morts, sauf deux enfants de 5 ans.
16:58Mathia Zorloni et Eitan Biran, retrouvés dans les bras de son père.
17:04Avec nos collègues, on les a transportés dans nos bras, jusqu'au bas de la montagne.
17:12La priorité, à ce moment-là, c'est de ramener les enfants le plus vite possible, près d'un véhicule de secours.
17:21Grièvement blessés, les deux enfants sont transportés en hélicoptère à l'hôpital de Turin.
17:26Mathia meurt pendant la nuit.
17:30Eitan est le seul survivant.
17:34Son père n'est plus là, sa mère n'est plus là, son petit frère n'est plus là, il n'a plus personne.
17:41J'ai le sentiment d'avoir échoué.
17:45J'étais en colère, j'ai pleuré, je le dis sans honte.
17:47J'ai encore parfois envie de pleurer.
17:50Il y a eu trop de morts.
17:5314 personnes sont mortes dans la cabine du Motaron.
17:57L'accident bouleverse l'Italie.
17:59La question que tout le monde se pose est, pourquoi a-t-on mis cette bride sur les freins d'urgence ?
18:08S'ils n'avaient pas été bloqués, personne ne serait mort.
18:11Au cours des premières auditions, un des responsables du téléphérique fait un aveu surprenant.
18:22Dans ces déclarations, le chef du service technique affirme qu'il soupçonnait que le frein avait un dysfonctionnement.
18:34Et qu'il a mis la bride pour empêcher le frein d'urgence de se déclencher quand il ne le devait pas.
18:45Ce responsable aurait donc installé la bride pour éviter que le frein ne se déclenche à tout bout de champ.
18:50Si le frein d'urgence se déclenche de manière intempestive, ça entraîne un arrêt de l'installation pendant plusieurs heures pour faire des contrôles.
19:02C'est une situation qui est embêtante pour l'exploitant puisque pendant ce temps, il ne peut pas utiliser son téléphérique.
19:09Pendant ce temps, on ne peut pas vendre de billets.
19:13On ne gagne pas d'argent.
19:14Le pays apprend que les exploitants mettaient sciemment en danger la vie des passagers.
19:21Quand on découvre que la bride a été mise pour des raisons économiques, les gens en Italie sont restés bouche bée.
19:29Tout le monde était choqué, stupéfait.
19:36Face à cela, il y a eu des réactions de colère, de haine, d'indignation.
19:45Penser qu'on puisse bloquer un frein pour des raisons économiques ou d'un gain quelconque me fait penser à quelque chose d'absolument criminel et inacceptable.
19:53Quelque chose qui ne peut pas être justifié.
19:5614 morts pour ne pas perdre de l'argent.
20:01Cela se pourrait-il en France ?
20:03Désactiver un frein d'urgence en France sur une remontée mécanique est interdit.
20:12On va s'assurer que l'ensemble des dispositifs de sécurité sont toujours fonctionnels.
20:16Ce contrôle est fait par un technicien d'inspection agréée par le ministère des Transports.
20:20On ne joue pas avec la sécurité.
20:21Le ministère des Transports est très attentif à la sécurité de nos 3600 remontées mécaniques.
20:27Mais la France a aussi connu des accidents de câbles dramatiques, comme en 1987, dans les Hauts-de-Pyrénées.
20:34Nous sommes à Lusardiden, une station de sport d'hiver perché à 1710 mètres d'altitude, au bout d'une route enlacée bien connue des amateurs du Tour de France.
20:49Il y a beaucoup de pistes et elles sont en général assez longues par rapport à ce qu'on trouve en général à la Pyrénées.
20:54On a toujours l'impression d'avoir de la place et une station qui offre vraiment des qualités de ski indéniables.
21:0660 kilomètres de pistes, un domaine qui culmine à 2500 mètres et offre une vue imprenable sur la chaîne des Pyrénées et le pic du Midi.
21:15Le 1er mars 1987, c'est une journée printanière qui s'annonce.
21:23Les skieurs se pressent pour profiter de la neige, tandis qu'un drame se prépare en silence, en haut des pistes.
21:30Le 1er mars 1987, nous sommes en famille, tous les quatre, mon épouse et mes deux gamins.
21:48Tout le monde était content, tout le monde était décidé. On est arrivés à Lusardiden, ça devait être 9h30.
21:54A l'époque, Étienne Follet est photoreporteur. Lui aussi a décidé d'aller skier à Lusardiden.
22:05Comme tous les amateurs de ski, il est impatient de découvrir la nouveauté que la station vient d'inaugurer.
22:12Il y a une nouvelle remontée et on voulait essayer de voir ce que ça donnait pour le plaisir du ski.
22:18Une remontée dernier cri, mise en service trois semaines plus tôt. Le télésiège de la caperette.
22:24La caperette, c'est quand même le fleuron de la station. C'est un très bel ensemble.
22:31On sent les monteurs, on sent la puissance.
22:39La caperette a tout pour plaire.
22:42Efficace, rapide, le télésiège débite les skieurs 4 par 4.
22:46D'une gare située à 1903 mètres d'altitude, au sommet des pistes, à 2358 mètres.
22:54Un trajet d'un kilomètre sans et tout cela en moins de 8 minutes.
23:00Avec un passage impressionnant.
23:03Une partie du parcours à 98%, quasiment à la verticale.
23:11Daniel Buisson, qui est aussi sur la caperette ce 1er mars, s'en souvient très bien.
23:16Il y a une barre rocheuse que tout le monde appréhende parce que c'est très pointu.
23:23On est toujours impressionné en se disant il ne faut pas tomber à cet endroit.
23:30Un petit frisson qui ne déplaît pas à ces skieurs qui adoptent tout de suite la nouvelle remontée mécanique.
23:35Au fur et à mesure de la journée, le télésiège est rempli.
23:38Il était plein, on faisait même la queue pour y accéder.
23:45À plein régime, la caperette transporte 200 passagers en même temps.
23:50Soit plus de 10 tonnes de skieurs.
23:53Une prouesse qui s'appuie sur une construction essentielle, la gare d'arrivée.
23:58Les ingénieurs appellent la station de retour.
24:01L'attention la plus importante sur une remontée mécanique s'exerce sur la station qui est en haut, à l'amont.
24:11C'est la station qui accueille le câble avec tout le poids des véhicules et le poids des passagers.
24:18Celle de la caperette supporte une charge de près de 45 tonnes.
24:22Elle a été construite 6 mois plus tôt, en septembre 1986.
24:27Première étape des travaux, le massif.
24:29Autrement dit, les fondations en béton.
24:32Le massif va permettre de stabiliser la superstructure.
24:36Le pylône, la gare.
24:38Donc ce massif, il est à considérer comme un leste.
24:41C'est une fosse, en forme de aile, qui a été creusée dans le sol.
24:46Un trou de 8 mètres 40 de long sur 3 mètres 40 de hauteur.
24:50L'entrepreneur a installé une armature métallique et 10 tiges d'acier à l'intérieur de la fosse.
24:57C'est sur ces tiges que le pylône sera fixé.
25:01Puis, la cavité a été remplie de béton.
25:03Un béton dont la qualité doit être irréprochable pour résister à la traction du câble et aux variations de température en altitude.
25:11Pour finir, le pylône a été emboîté sur les tiges, ancré dans la montagne.
25:17Le béton résiste très bien à des efforts de compression, mais très mal à des efforts de traction.
25:22En l'absence de ferraillage, s'il est sollicité en traction, on va avoir des micro-fissures
25:28et qui vont avoir tendance à ouvrir le béton et donc à casser le béton.
25:33Il va être important de vérifier que les caractéristiques prévues sont bien au rendez-vous.
25:40Des vérifications qui n'ont pas été effectuées correctement à la caperette.
25:44Trois semaines seulement après sa mise en service, le massif du télésiège est sur le point de céder.
25:49On trouvait que les sièges étaient géniales, mais on constate quand même qu'il y a des arrêts intempestifs.
26:04Assez surprenants, parce que pour un appareil neuf, c'est quand même assez curieux.
26:08Les sièges balancent d'avant en arrière.
26:11C'est une sensation un peu étrange et peut-être un peu même effrayante.
26:14À 16h, le chemin de la famille Gans croise celui de Daniel Buisson et d'Étienne Follet, en bas du télésiège.
26:26On commence à sentir la fatigue, donc je dis bon ben allez, on fait la caperette et on rentre au parking à la voiture.
26:33Une dernière piste que ces skieurs ne feront jamais, car les minutes de la caperette sont maintenant comptées.
26:44On voit petit à petit les pylônes qui défilent, et puis il ne reste plus que 2-3 pylônes pour arriver.
26:55Et puis tout d'un coup, clac, le mécanisme s'arrête.
26:58Quelques douzaines de mètres plus haut, un accident impensable est en train de se produire.
27:11Mal conçue, mal construite, les fondations de la station de retour sont incapables de supporter plus longtemps l'effort qu'exerce sur elle le télésiège.
27:21Et elle commence à se fissurer.
27:22A l'évidence, les essais nécessaires et indispensables qui devaient être réalisés ne l'ont pas été.
27:30On n'a pas vérifié la qualité du béton quand il a été réalisé.
27:33Au moment où la fissure apparaît, on n'aura pas de retour en arrière.
27:40Les choses sont inéluctables.
27:42Le massif a atteint son point de rupture.
27:46L'armature métallique installée dans la fosse est trop légère pour le retenir.
27:50Les tiges sont aussi trop courtes, 90 centimètres, alors qu'il faudrait qu'elles mesurent 1,90 m pour résister à l'effort demandé.
28:00Quant au béton, sa qualité est insuffisante pour tenir le choc.
28:04Dans ces conditions, la fondation n'est pas assez solide et ne peut pas résister aux efforts de traction imposés par le câble,
28:11un peu comme un arbre dont les racines ne seraient pas allées assez loin.
28:15C'est l'ensemble des éléments qui fait qu'il y a la catastrophe.
28:19Avec une telle construction, l'accident était inévitable.
28:23Le massif, il devait casser en marronnâtre.
28:26Et c'est ce qu'il fait.
28:28Le massif se déracine et le pylône bascule en avant.
28:36Étienne Follet, qui vient tout juste de descendre de la caperette et qui commence à skier, assiste ébahi à l'accident.
28:44On entend un bruit métallique très très important, cinglant, qui déchire un peu le silence de la montagne.
28:52Et en se retournant sur la droite, on voit que le câble s'effondre, les sièges se mettent à reculer.
29:00Et ça a été vraiment très très très violent, qu'on a compris qu'il se passait quelque chose de grave.
29:09200 skieurs sont bloqués dans la caperette.
29:12La famille Gans et Daniel Buisson entamaient leur dernier tronçon.
29:17Ski au pied.
29:1810 mètres à la pique des rochers.
29:20Les voilà totalement impuissants.
29:21Tout d'un coup, on entend un sifflement.
29:25C'est le câble qui est en train de repartir en arrière.
29:32Le câble déraille et saute dans le vide, en arrachant aussi l'avant-dernier pylône.
29:40Le câble, il est parti d'un coup.
29:43Donc, étant donné qu'il y a une très forte tension sur le bas,
29:46il part en faisant un effet, ce que nous on appelle un effet de fouet.
29:50Comme un peu un serpent qui se tord sur lui-même.
29:53J'ai cette vision de toute l'installation qui s'effondre et qui dévale la pente.
29:59Les sièges repartent à reculons, à toute allure.
30:02Je me retourne et je vois le pylône arriver.
30:05Je me suis pris en pleine tête.
30:07C'est un choc monumental.
30:10Pris par ce mouvement de ressort,
30:12les sièges sont maintenant catapultés vers le bas, vers le haut,
30:15dans une danse incontrôlable.
30:17Certains passagers sont éjectés.
30:21D'autres restent prisonniers de leur banquette.
30:23On se sent projetés dans les airs.
30:27Tout de suite, je suis projetés en arrière,
30:30avec les jambes en l'air.
30:32On a les pieds qui nous passent par-dessus la tête.
30:34C'est un 360, je crois que ça s'appelle un salto.
30:38Voilà, mais à toute vitesse.
30:41Nous sommes projetés vers le sol,
30:43mais je sens que je glisse, que je vais quitter le siège.
30:48Mais je suis retenu par la barre.
30:50Quelques secondes plus tard, c'est la chute.
30:5310 mètres plus bas sur la paroi rocheuse.
30:55Je prends une châtaigne terrible quand je touche le sol.
31:01C'est dur comme du béton.
31:02C'est un choc épouvantable.
31:05Mais c'est en pente raide.
31:07Et donc je pars, je pars, je pars.
31:09Je suis comme un pantin désarticulé.
31:11Et ça ne s'arrête pas.
31:12Je dis, bon, tu vas mourir.
31:14C'est fini.
31:14Et puis, tout d'un coup,
31:19à ma grande surprise,
31:21je suis toujours vivant et ça s'arrête.
31:25Je sens une douleur terrible
31:27au niveau de la hanche et de la jambe.
31:30Donc j'en ai déduit que j'avais
31:31la jambe qui était cassée
31:33ou le fumur.
31:34Il y avait quelque chose qui se passait.
31:36J'ai le fils aîné, celui qui a 12 ans,
31:38il est debout, à gare.
31:40Mon gamin qui a 8 ans,
31:41qui est couché.
31:43Après, il est inconscient.
31:45Je vois, il a du sang qui sort
31:46du nez, d'une oreille.
31:50Quelques secondes après,
31:51il rouvre les yeux.
31:52Et là, c'est vraiment un soulagement.
31:55Voilà, il est présent, il est vivant.
31:59À quelques mètres de là,
32:01Daniel Buisson est grièvement blessé.
32:05Je suis dans une mare de sang.
32:07Je vois un filet de sang continu.
32:09Et là, je commence à sentir
32:13toutes les blessures,
32:15la cheville, le dos,
32:17les côtes cassées.
32:19La descente, elle ne s'est pas passée
32:20sans casse.
32:22Je suis un survivant,
32:23un vrai survivant,
32:25parce qu'autour de moi,
32:25il y a des blessés graves.
32:27Je suis le seul à pouvoir marcher.
32:29C'est un miracle.
32:32Des skis,
32:33des bottes,
32:34partout.
32:36Et surtout des corps
32:37couchés dans la neige
32:38par dizaines.
32:40C'était une scène d'apocalypse,
32:41parce qu'il faut imaginer
32:42qu'il y avait plusieurs centaines
32:43de personnes sur ce télésiège
32:44ce jour-là,
32:45et que d'un seul coup,
32:46tout le monde se retrouve par terre.
32:49Dans un réflexe professionnel,
32:51Étienne Follet saisit son appareil.
32:53Sur plusieurs centaines de mètres,
32:57le câble par terre,
32:58tout en vrac,
33:00et c'était quelque chose
33:01d'absolument hallucinant.
33:06Ces images que j'étais en train de faire
33:08étaient des documents exceptionnels,
33:11des témoins importants
33:12de cette histoire.
33:19Un silence s'abat sur la montagne.
33:21Plus un seul bruit.
33:25C'est glaçant.
33:27Plus personne ne parle.
33:28C'est comme,
33:29oui, un silence de mort,
33:30en quelque sorte.
33:31Et puis tout d'un coup,
33:32c'est les cris qui apparaissent.
33:34La douleur arrive,
33:35sûrement que les gens,
33:36les personnes,
33:37tous ces skieurs,
33:38ressentent les douleurs.
33:40Et ça crie,
33:40elle est blessée.
33:42Il y a une dame
33:42qui est en train de râler.
33:45Et son mari,
33:46son mari qui dit,
33:52dépêchez-vous,
33:53ma femme va mourir,
33:54ma femme va mourir.
33:55Il répète ça trois fois.
33:57Et effectivement,
33:58on entend la dame qui râle.
34:02Et puis ça va durer très longtemps,
34:04une demi-heure,
34:05on va l'entendre,
34:06sans pouvoir rien faire.
34:07Avec un télésiège hors service,
34:16comment faire monter
34:17les secours aussi haut ?
34:19En nombre.
34:20Et vite.
34:23Les pisteurs savent prendre en charge
34:25une chute de ski.
34:26Mais ce jour-là,
34:27les blessés se comptent par dizaines.
34:30Certains agonisent.
34:31Sur la neige,
34:32à 2000 mètres d'altitude,
34:34dans le froid,
34:36quasiment hors d'atteinte.
34:38Alors que la nuit va bientôt tomber.
34:41Alertés,
34:42les ambulances de toute la région
34:43se précipitent à Lusard-Didène,
34:45tout au bout de la route escarpée.
34:48On commence à entendre des bruits
34:49qui remontent,
34:50des sirènes,
34:51des ambulances qui remontent de la vallée.
34:53On les entend arriver de loin.
34:57Bon, ça, ça donne un peu d'espoir.
34:59Mais c'est quand même très, très long.
35:01C'est très, très long.
35:01On est couché sur de la neige.
35:03J'ai froid et je tremble de tout encore.
35:07Et elles tombent très vite à la température.
35:09Donc, on est frigorifiés,
35:11on claque des dents,
35:12on a du mal à prononcer des mots.
35:16Les premiers secouristes
35:17se lancent du bas de la station.
35:20À pied, en motoneige,
35:21en dameuse.
35:21Il y a urgence.
35:24Si les 200 personnes
35:25qui se trouvaient à bord de la caperette
35:26ne sont pas secourues rapidement,
35:28le bilan va s'alourdir encore.
35:34Le risque, c'est l'hypothermie.
35:35En plus, les blessures.
35:37Et plus le temps allait passer,
35:38plus le risque de l'hypothermie
35:39devenait important.
35:42Le gendarme Abadie
35:43est de permanence
35:44à la brigade d'Argelès-Gazost.
35:46Il arrive à la station
35:48une demi-heure après l'accident.
35:51Mon rôle étant de faire
35:52une enquête judiciaire
35:53et non de faire du secours.
35:55J'ai chaussé mes skis
35:56et j'ai commencé la sanction
35:58sous la ligne du télésiège.
36:01Et c'est une scène de catastrophe
36:03que le gendarme,
36:04pourtant chevronné,
36:05découvre en grimpant.
36:06Les blessés et les personnes décédées
36:11se trouvent sur un kilomètre et demi
36:13de haute montagne
36:13avec des barres hacheuses au milieu.
36:17C'est pas simple pour les secours
36:18de les évacuer un par un.
36:19Je vois les premiers secouristes
36:21arriver,
36:21mais au fur et à mesure
36:22qu'ils veulent se déplacer,
36:24ils ont beaucoup de difficultés
36:25parce qu'ils s'enfoncent dans la neige.
36:27Donc c'est quelque chose
36:28qui va prendre du temps.
36:32Pour accélérer les opérations,
36:34deux hélicoptères de la gendarmerie
36:35et de la sécurité civile
36:36arrivent sur les lieux.
36:39Les hélicoptères,
36:40ils font un travail démentiel.
36:45Ils sont en position stationnaire
36:46à un mètre du sol
36:47et on charge les brancards.
36:51Les minutes sont comptées.
36:53Une heure et demie après l'accident,
36:55le soleil s'est déjà caché
36:56derrière la montagne.
36:57Les hélicos,
36:58ils ne peuvent pas travailler
36:59pendant la nuit.
36:59Il faut que toute l'opération de secours
37:01soit terminée avant la nuit.
37:03Daniel Buisson reste 4 heures
37:05couché dans la neige.
37:08Jusqu'à ce que 8 hélicoptères
37:10se relaient
37:10dans une course contre la montre
37:12pour évacuer les blessés.
37:16Et là, on voit
37:17les secouristes qui arrivent,
37:19qui donnent une couverture de survie.
37:21Je suis couché,
37:22je tremble,
37:23j'ai froid.
37:24Je vois qu'il y a mon épouse.
37:26Ils sont plusieurs autour d'elle.
37:28Pour moi,
37:28c'est déjà un soulagement.
37:29Et après,
37:31je suis embarqué
37:32dans l'hélicoptère.
37:35Tandis que la famille Gans
37:36et Daniel Buisson
37:37sont descendus dans la vallée,
37:39le gendarme Abadie
37:40parvient enfin
37:41au sommet de la Caperelle.
37:43Le jour disparaît.
37:45Je suis tout seul là-bas en haut.
37:47J'ai vu un massacre
37:48sur toute la montée.
37:50C'est dur à vivre.
37:51Ça prend un peu les tripes.
37:52Et je prends la dernière photo
37:53au sommet.
37:55C'est la photo du pylône.
37:56Cinq heures après la chute
38:00du télésiège,
38:02les passagers de la Caperelle
38:03ont tous été évacués.
38:05Mais le bilan est lourd.
38:08Plus de 100 skieurs
38:08sont blessés.
38:10Cinq personnes sont mortes.
38:12Et une sixième
38:13montera un mois plus tard
38:15de ces blessures.
38:18Madame, monsieur, bonsoir.
38:19Après le drame,
38:20les questions.
38:21Comment l'accident du télésiège
38:22qui a fait cinq morts
38:23et une centaine de blessés hier
38:25dans la station de Luz-Ardiden ?
38:27Comment cet accident
38:28a-t-il pu se produire ?
38:30Pour la station,
38:32les victimes et les enquêteurs,
38:34c'est leur décompte.
38:36À qui la faute ?
38:37Quand un télésiège
38:38de trois semaines
38:39se déracine.
38:41Nous avons auditionné
38:42tous les protagonistes
38:44de la construction,
38:46des responsables
38:47de la station.
38:48on a un mauvais suivi
38:49tout du long
38:51de la réalisation
38:52de l'appareil.
38:54Une certaine précipitation
38:55a régné
38:56pendant la réalisation
38:57de l'appareil
38:58puisqu'il a été montré
38:59que le permis de construire
39:00n'avait pas été
39:01encore délivré
39:02que la plupart des ouvrages
39:04étaient déjà réalisés.
39:05La construction du télésiège
39:06devait se faire
39:08assez rapidement
39:09parce que ce télésiège
39:10était primordial
39:11pour la station.
39:12Il y avait peu de temps
39:13pour profiter des vacances.
39:14Les autocontrôles
39:15et le contrôle
39:16des administrations
39:17de l'époque
39:18ont été légers.
39:19Des fautes de conception,
39:21des fautes
39:22dans la réalisation
39:23des travaux,
39:24mais aussi des fautes
39:25de surveillance
39:25et de contrôle
39:26des travaux.
39:28Pour aller vite,
39:29ouvrir la caperette
39:30pour la saison d'hiver.
39:34Cet événement
39:35n'aurait pas eu lieu
39:36s'il y avait eu
39:36un suivi,
39:37un réel suivi
39:38du chantier.
39:39Rien n'était fait
39:42pour que ça dure.
39:43Ça a été bâclé.
39:44Il devait tomber
39:45ce télésiège.
39:46C'est de l'incompétence.
39:48C'est de l'incompétence.
39:49Ce sont des abrutis
39:50qui ne savent pas
39:52faire un chantier
39:53tel que celui-là.
39:54Ils sont coupables
39:55d'incompétence.
39:56C'est de la colère.
39:57Je me dis
39:58mais je suis vivant.
39:59Mais à cause de ça,
40:00il y a eu des personnes
40:02qui ont perdu la vie
40:02à cause de ça.
40:04Et ça,
40:04c'est quand même
40:06quelque chose
40:06qui me touche
40:07profondément.
40:09Profondément.
40:09En 1993,
40:15les responsables
40:15de la conception
40:16du télésiège
40:17et ceux
40:18qui ont réalisé
40:18les travaux
40:19ont été condamnés
40:20à des peines
40:21de 8 à 24 mois
40:22de prison.
40:23Toutes avec sursis.
40:27Des survivants,
40:28eux,
40:28ont dû apprendre
40:29à faire face
40:29à leur traumatisme.
40:30Quand on revit
40:32la catastrophe,
40:33on continue.
40:35C'est-à-dire que
40:35c'est une boucle
40:37sans fin.
40:38Moi, je vois les images
40:39une par une.
40:40C'est du présent.
40:41Ce n'est pas du passé,
40:42c'est du présent.
40:43Je vais revivre
40:44la catastrophe
40:45éternellement
40:46pour ne pas l'oublier,
40:48c'est sûr.
40:54Ce qu'il faut,
40:55c'est que ça ne se reproduise plus.
41:00Le retour d'expérience
41:02de l'accident
41:03a permis
41:04de faire évoluer
41:05la réglementation
41:06technique et de sécurité.
41:09Après l'accident
41:10de l'usardidène,
41:12le ministre des Transports
41:13a exigé un état des lieux
41:14de toutes les remontées
41:15mécaniques françaises.
41:17Plus de 700 appareils
41:18ont été examinés
41:19au cours de l'été 87,
41:22beaucoup renforcés
41:22ou même reconstruits.
41:25Le télésiège
41:25de la caperette
41:26a été rebâti.
41:27Il a rouvert
41:28en 1988.
41:30Et la station
41:31de l'usardidène
41:32connaît aujourd'hui
41:33des records d'affluence.
41:37Un accident
41:38comme celui
41:38de l'usardidène
41:39ne pourrait pas arriver
41:40aujourd'hui
41:41parce que l'organisation
41:43qui est mise en place
41:44fait qu'on va avoir
41:45des contrôles
41:46ou des strates
41:46qui permettront
41:47de garantir
41:47que le produit
41:48est construit
41:49en sécurité.
41:51Des contrôles
41:52lors de la construction,
41:53des contrôles
41:54de la maintenance,
41:56c'est ce qui permet
41:56au transport par câble
41:57d'être l'un des moyens
41:59de transport
41:59les plus sûrs au monde
42:00avec moins de 7 accidents
42:02graves pour 100 millions
42:03de passages.
42:13Mais bien construire,
42:15bien entretenir,
42:16ne met pourtant pas
42:17les remontées mécaniques
42:18à l'abri
42:18de tous les dangers.
42:20La catastrophe
42:21peut aussi arriver
42:22de loin.
42:24C'est ce qui s'est passé
42:25au téléphérique
42:26italien du Cermis
42:27en 1998.
42:38Cavellese
42:38est une commune alpine
42:40de 4000 habitants
42:41dans le nord de l'Italie.
42:44Au cœur
42:44d'une région
42:45grandiose,
42:46les Dolomites.
42:47Les Dolomites
42:49sont souvent considérées
42:52comme la huitième
42:53merveille du monde
42:54parce que ce sont
42:55des montagnes magnifiques,
42:57des paysages fantastiques.
42:59Ces montagnes massives
43:00avec des grandes parois
43:01verticales,
43:02elles laissent sans voix
43:03tous ceux qui les découvrent.
43:09En face de Cavellese,
43:10la montagne
43:11qui domine la vallée
43:12s'appelle
43:13l'Alpe du Cermis.
43:14Jusqu'en 1998,
43:19c'est un téléphérique
43:19qui achemine
43:20promeneurs et skieurs
43:21à son sommet.
43:25Le premier tronçon
43:27du Cermis
43:27relie Cavellese
43:28à une altitude
43:29de 1000 mètres
43:30à la gare intermédiaire
43:32de Dos de la Résie
43:33à 1280 mètres.
43:37Un parcours
43:37de 2,6 km
43:38en à peine
43:395 minutes.
43:42Quand les cabines
43:43survolent le centre
43:43de la vallée,
43:44elle se trouvent
43:45à 100 mètres
43:46au-dessus du vide.
43:50Sous la cabine,
43:53on voyait
43:54une vallée
43:54très profonde.
43:58Je me rappelle
43:58que quand la cabine
43:59se trouvait soudainement
44:00dans le vide
44:01et se balançait,
44:04tout le monde
44:05à l'intérieur
44:05criait de peur.
44:09Un passage vertigineux
44:11qui n'impressionne pas
44:12que les touristes.
44:13la hauteur des câbles
44:17à plus de 100 mètres
44:18a posé un souci
44:19plutôt important
44:20car souvent,
44:22des avions militaires
44:23volaient en passant
44:24sous les câbles.
44:28Et cela a suscité
44:29des protestations
44:30des autorités locales
44:33parce que passer
44:34à cette vitesse
44:35avec un jet
44:36est très dangereux.
44:37Jusqu'au 3 février 98,
44:43ces avions militaires
44:44n'ont causé
44:45aucun accident
44:45dans la vallée.
44:46Le 3 février 1998
44:58est une très belle journée.
45:01Les pistes du Chermi
45:02se remplissent
45:02progressivement
45:03de skieurs.
45:03A 14h35,
45:09pendant que les skieurs
45:10profitent d'une neige
45:11parfaite,
45:13à Aviano,
45:15à 90 kilomètres
45:16à l'est
45:16de Cavalaisé,
45:17un avion militaire
45:18se lance
45:19sur la piste
45:20d'une base
45:21de l'OTAN.
45:24C'est un prowler
45:25des marines américains,
45:27un avion spécialisé
45:28dans la guerre électronique
45:29et le contrôle
45:30de l'espace aérien
45:31déployé dans le cadre
45:33du conflit
45:34en ex-Yougoslavie.
45:42Ce jour-là,
45:43le prowler
45:44doit participer
45:45à un exercice
45:46dans le nord
45:46de l'Italie.
45:48Son plan d'entraînement
45:49prévoit le survol
45:50d'une grande partie
45:51de l'arc alpin
45:52et notamment
45:53des dolomites.
45:55Les dolomites
45:56ont une structure
45:59composée
45:59de vallées
46:00et de hautes montagnes.
46:05Un terrain
46:06très similaire
46:07à celui
46:07de la Bosnie
46:08et de la Serbie.
46:10C'est donc
46:10un lieu idéal
46:11pour préparer
46:11les pilotes
46:12à une éventuelle
46:13intervention.
46:16Pendant ce vol
46:16d'entraînement,
46:17le prowler américain
46:19ne peut pas dépasser
46:19la vitesse
46:20de 833 km heure.
46:22Il n'est pas autorisé
46:23à descendre
46:24à moins de 305 mètres
46:25du sol.
46:27Et la réglementation
46:28est encore plus stricte
46:29sur une portion
46:30du parcours.
46:31Dans les dolomites,
46:32il devra rester
46:33à plus de 610 mètres
46:34d'altitude.
46:39La limite
46:39sur les zones montagneuses
46:45est plus stricte
46:46pour des raisons
46:46de sécurité
46:47parce qu'il y a
46:48beaucoup d'infrastructures
46:49civiles,
46:50de pylônes
46:51et de câbles
46:52qui peuvent constituer
46:53des obstacles
46:53très dangereux.
46:54à 15h09,
47:01des Italiens,
47:02des Autrichiens,
47:03des Allemands,
47:03des Hollandais,
47:04des Belges
47:04et des Polonais
47:05font la queue
47:07à la gare
47:08de Dos Deylarési
47:09pour reprendre
47:10le téléphérique
47:10après une belle journée
47:12de ski.
47:15Les portes se ferment
47:17et dans la cabine,
47:18il y a 20 personnes
47:19qui partent
47:20sans savoir
47:20qu'il s'agit
47:21de leur dernier voyage.
47:30Qui pouvait savoir
47:31qu'à 15h12,
47:33le pilote
47:34du prowler américain
47:35changerait le plan de vol ?
47:37Un léger détour
47:38qui le fait entamer
47:39une descente vertigineuse
47:40sur Cavalaisie.
47:45L'avion franchit
47:46la barre autorisée
47:47de 610 mètres
47:48et il descend encore
47:49400.
47:51Il est maintenant
47:53à 100 mètres
47:54au-dessus du sol
47:55et il accélère encore.
47:57Dépasse la vitesse
47:58réglementaire
47:59de 833 km heure.
48:01Le voilà
48:01à 870.
48:05Le fait d'avoir violé
48:08les réglementations
48:09sur l'altitude minimum
48:11de vol
48:11et sur la vitesse
48:13est un comportement
48:14criminel.
48:14à 15h13,
48:19le bruit sourd
48:19des réacteurs
48:20résonne dans la vallée.
48:24La cabine du téléphérique
48:26vient d'atteindre
48:26le passage vertigineux
48:28du parcours
48:28à 100 mètres du sol.
48:31Distrits par le vide
48:32à leurs pieds,
48:33les 20 passagers
48:34ne se doutent pas
48:35que le vrai danger
48:35fonce sur eux.
48:37Il est pratiquement
48:42impossible
48:43d'apercevoir
48:46un câble
48:47de quelques centimètres
48:48de diamètre
48:49en volant
48:50à plus de 800 km heure.
48:51C'est la tâche jaune
48:59de la cabine
49:00que le pilote
49:01a probablement
49:01vu surgir devant lui.
49:04Trop tard,
49:05même en tentant
49:06une dernière manœuvre
49:07désespérée.
49:10Il est désormais
49:11impossible de réagir.
49:15À cette vitesse,
49:17le temps de réaction
49:18du pilote
49:18ne permet pas
49:20d'éviter cet obstacle.
49:21L'aile droite
49:24du prowler
49:25touche les câbles
49:26du téléphérique
49:27à 870 km heure.
49:32Les câbles
49:33sont dimensionnés
49:33pour résister
49:34à des efforts
49:34de traction,
49:35pas des efforts
49:35de cisaillement.
49:36Donc si une aile
49:37d'avion venait
49:38à toucher un câble,
49:39elle le sectionnerait.
49:41Et c'est ce qu'elle fait.
49:43L'aile tranche
49:44les deux câbles
49:44comme un coup de sabre.
49:47Plus rien ne retient
49:47la cabine
49:48qui tombe dans le vide.
49:50Une chute
49:51de 100 mètres
49:51et de 7 secondes.
49:587 secondes,
49:59ça peut paraître
50:03très court.
50:05Mais pour les personnes
50:06qui se trouvent
50:07dans la cabine,
50:08qui savent
50:10qu'elles tombent
50:11dans le vide
50:11et qu'elles vont
50:12mourir écrasées,
50:13avec le schiant
50:14sur le terrain.
50:177 secondes,
50:19c'est une éternité.
50:26Aucun des 20 passagers
50:27n'a survécu
50:28à l'impact.
50:28Les gens étaient choqués,
50:35surtout quand on a découvert
50:36les images
50:37de la cabine au sol,
50:38complètement détruites
50:39en mille morceaux.
50:42Voir le rouge
50:43sur la neige,
50:45c'est quelque chose
50:45qui nous a bouleversés.
50:51Endommagé,
50:52le prowler américain
50:53a réussi à revenir
50:54à sa base d'Aviano.
50:55des brins de câble
50:57encore coincés
50:58dans son aile fondue.
51:00La preuve
51:00d'une faute
51:01de pilotage.
51:05C'est une tragédie
51:07qui pouvait être
51:09absolument évitée.
51:11S'ils avaient volé
51:12à l'altitude autorisée,
51:14cet accident
51:15ne serait pas arrivé.
51:18Évitable,
51:19la catastrophe
51:20soulève un tollé
51:21en Italie.
51:22L'opinion publique
51:23manifeste en mode
51:26unie,
51:27compacte,
51:28forte,
51:30une très grande
51:30réprobation,
51:32un ressentiment
51:33profond
51:33envers les pilotes
51:34dont le comportement
51:37léger
51:37et stupide
51:39a provoqué
51:40la mort
51:40d'autant de personnes.
51:43On assiste
51:44à des manifestations
51:45publiques
51:45d'anti-américanisme.
51:47Au bord
51:51de l'incident
51:51diplomatique,
51:52l'armée américaine
51:53accepte
51:54du bout des lèvres
51:55que ces quatre aviateurs
51:56soient jugés.
51:57Mais le procès
51:58aura lieu
51:59aux Etats-Unis
51:59pour homicide
52:01involontaire.
52:03Et la cour
52:04martiale
52:04des Marines
52:05acquitte
52:05le pilote
52:06et le navigateur.
52:08Avant de se raviser
52:09un mois plus tard,
52:11quand la justice
52:12découvre que les deux
52:13aviateurs ont détruit
52:14une cassette
52:14filmée pendant le vol.
52:17Les deux militaires
52:18sont radiés
52:19de l'armée américaine.
52:21Le pilote
52:21est finalement condamné
52:23à six mois de prison.
52:28L'issue du procès pénal
52:32est absolument honteuse.
52:35Elle provoque en moi
52:36de la colère
52:36et de l'indignation
52:37parce que ces pilotes
52:42qui ont voulu
52:42démontrer leur habileté
52:44ont interrompu
52:48les vies
52:48de 20 personnes
52:49innocentes.
52:50Des personnes
52:50qui n'avaient
52:51aucune culpa.
53:01Comme celle de
53:02Streza
53:02ou de Luzardiden,
53:04la catastrophe
53:05de Cavalés
53:06est donc bien
53:06aussi liée
53:07à une erreur,
53:07une faute
53:08d'origine humaine.
53:09correctement construite,
53:11surveillée,
53:12exploitée,
53:13ces installations
53:14sont infiniment moins
53:15dangereuses
53:15que d'autres moyens
53:16de transport.
53:21On se retrouve
53:22sur un système
53:23qui est éprouvé,
53:24robuste,
53:25qui est relativement rudimentaire
53:26de par sa technicité.
53:28Les remontées mécaniques
53:28sont un des systèmes
53:29de transport
53:30les plus sûrs au monde.
53:31C'est une des raisons
53:33pour lesquelles
53:34La Paz,
53:35Brest,
53:36Barcelone,
53:37des villes du monde
53:38entier s'intéressent
53:39aujourd'hui
53:39à ce mode
53:40de transport public.
53:44Car le câble
53:45est non seulement
53:46économe en vie,
53:47mais aussi en énergie.
53:50Les téléphériques
53:51et les télécabines
53:51ont été identifiés
53:53comme un moyen
53:54de transport
53:54qui crée peu
53:56de gaz
53:56à effet de serre
53:57et ont des vertus
53:58écologiques.
54:00Et de ce fait,
54:00qu'ils ont été inscrits
54:01dans les lois
54:02du Connel
54:03sur l'environnement.
54:04Autre atout,
54:05le câble peut franchir
54:07tous les obstacles
54:07à moindre coût.
54:10Et les travaux
54:10sont donc limités.
54:11On ne va pas perturber
54:12toute une agglomération.
54:14Quand on va vouloir
54:14aller d'un point à un point B,
54:16il suffit de mettre
54:16un pylône d'un côté
54:17et un pylône de l'autre
54:18et le câble sera tendu
54:19au milieu
54:20et il permettra
54:21d'éviter de construire
54:22un pont ou autre.
54:25Avec des dizaines
54:26de télécabines
54:26et de téléphériques
54:27en projet,
54:28des millions de passagers
54:31iront donc bientôt
54:31travailler par la voie
54:32des airs.
54:34À condition
54:35que de leur conception
54:36à leur maintenance,
54:37ces cabines
54:38restent sous contrôle.
54:39Sous-titrage Société Radio-Canada
54:46Sous-titrage Société Radio-Canada
54:50Sous-titrage Société Radio-Canada
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