- il y a 4 mois
Quinze ans après, la justice rouvre l'enquête sur le suicide de l'ex-femme de Bertrand Cantat, Kristina Rady. Pourquoi s'intéresse-t-elle à nouveau à cette affaire ? On en parle avec : Vincent Vantighem, journaliste police-justice BFMTV. Yael Mellul, ancienne avocate, présidente de l'association contre les violences faites aux femmes ("Femme & Libre"). Me Leh Tibor, avocat des parents de Kristina Rady. Michèle Fines, journaliste police-justice, réalisatrice de documentaire. Et Philippe Laflaquière, ancien juge d'application des peines.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00Autre affaire, 15 ans après, la justice rouvre l'enquête sur le suicide de l'ex-femme de Bertrand Cantat, Christina Raddy.
00:07Donc il va falloir quand même nous rappeler tout ça, Vincent Vantiguem.
00:09Bonsoir.
00:10Cette femme s'est suicidée, c'était le 10 janvier 2010.
00:14Pourquoi la justice de nouveau s'intéresse à cette affaire ?
00:16Déjà, il faudrait effectivement rappeler qui est Christina Raddy, parce que dans la vie de Bertrand Cantat, c'est une personne extrêmement importante.
00:23C'est sa première femme, sa première compagne, celle qu'il a rencontrée en 1993 lors du festival de musique Ziguette à Budapest, puisqu'elle est hongroise, elle est d'origine hongroise.
00:33Il a entretenu une relation avec elle ensuite en France et ils ont eu deux enfants en 1997 et en 2002.
00:40Et à la naissance du deuxième enfant, il l'a quitté pour s'installer avec Marie Trintignant.
00:44La suite de l'histoire, on la connaît, Vilnius, la Lituanie, les coups mortels portés sur Marie Trintignant et cette condamnation à huit ans de prison en Lituanie.
00:51Bertrand Cantat ne purgera pas huit années et en 2007, il sortira.
00:55Il va revenir en France et il va reprendre, on pourrait dire, de façon épisodique une relation avec Christina Raddy,
01:01elle qui a aussi d'autres hommes dans sa vie à ce moment-là.
01:04Mais tout ça va se terminer de façon extrêmement dramatique, puisque le 10 janvier 2010, elle met fin à ses jours dans son logement.
01:11Elle se pend, son corps est découvert par l'un de ses enfants, alors que Bertrand Cantat dort dans une pièce à côté.
01:16Et c'est vrai qu'il y a eu plusieurs enquêtes qui ont été menées sur les circonstances de la mort de Christina Raddy.
01:21Aussi sur les violences que Bertrand Cantat aurait pu lui infliger, lui imposer, avant qu'elle ne mette fin à ses jours.
01:28Quatre enquêtes qui se sont conclues par autant de classements sans suite.
01:32Et aujourd'hui, le parquet de Bordeaux décide de rouvrir le dossier de violences volontaires par son joint,
01:36tout simplement parce qu'il y a eu un documentaire, Netflix, qui a été diffusé au mois de mars.
01:41Et dans ce documentaire, le procureur de Bordeaux, qui l'a visionné, estime qu'il y a des éléments qui n'avaient pas été portés à la connaissance des enquêteurs
01:49lors des précédentes enquêtes. Il veut donc relancer les investigations pour savoir si Christina Raddy a été victime de violences
01:55et si ce sont ces violences qui ont conduit à son suicide.
01:59On va en parler, on va continuer d'en parler avec Michel Fin qui est avec nous, journaliste police-justice, qui a enquêté sur cette affaire.
02:05Bonsoir, nous sommes aussi avec Maître Yael Mélule, ancienne avocate du dernier compagnon de Christina Raddy.
02:10D'ailleurs, vous aviez déposé plainte contre X en 2018. Pourquoi ?
02:15Alors, j'ai déposé deux plaintes. J'ai déposé une première plainte en 2013, puis une deuxième en 2019 au parquet de Bordeaux,
02:23en ma qualité de présidente de l'association Famille Libre, car j'étais convaincue, et je le suis toujours d'ailleurs,
02:29qu'il s'agit de ce que j'appelle un suicide forcé, que donc Christina Raddy était victime de violences conjugales,
02:35à la fois psychologiques et physiques, d'une exceptionnelle gravité, et que ce sont précisément ces violences-là
02:41qui l'ont conduit au passage à l'acte suicidaire. C'est parce qu'elle était victime de violences qu'elle s'est suicidée.
02:48Et sous emprise ?
02:50Évidemment, sous emprise. Elle était sous emprise. Elle était dans un état de destruction psychique telle,
02:55et on le sent d'ailleurs dans un message qu'elle a laissé six mois avant de se pendre sur le répondeur de ses parents.
03:03Un long message de 7 minutes, 7 minutes, c'est long, dans lequel elle décrit en réalité à la fois les violences psychologiques
03:11et les violences physiques que Bertrand Cantat lui faisait subir. Et il aura fallu que je dépose plainte en 2013
03:16pour que ce message laissé par Christina Raddy à ses parents sur le répondeur soit rentré dans le dossier pénal.
03:25Donc j'ai déposé cette première plainte, puis j'ai déposé une deuxième plainte en 2019,
03:30avec d'autres éléments nouveaux. C'était des messages que j'avais pu échanger avec la compagne
03:37d'un ancien membre de Noir Désir qui me disait lors de ces messages
03:41que Christina Raddy était victime des violences conjugales, que Christina Raddy avait peur pour sa vie.
03:47Et elle me disait aussi que tous les membres de Noir Désir avaient décidé de mentir
03:51lors du procès de Vilnius sur la violence de Bertrand Cantat.
03:54– La cacher cette violence en quelque sorte ?
03:57– Oui, de mentir, d'affirmer à la barre du procès que Bertrand Cantat n'était pas un homme violent.
04:04Et si vous voulez, malgré tous ces éléments, tous ces indices quand même assez forts
04:09sur la violence de Bertrand Cantat sur Christina Raddy,
04:13et sur le fait que c'était ces violences-là qui étaient à l'origine du suicide de Christina Raddy,
04:17malgré ça, à deux reprises, le parquet de Bordeaux a rouvert l'enquête,
04:21mais n'a fait absolument aucune investigation. Aucune.
04:27– Et il faut attendre 15 ans ?
04:28– Et il faut attendre 15 ans aujourd'hui, il faut attendre qu'il y ait un documentaire Netflix,
04:32– On va y revenir sur ce documentaire.
04:33– Il faut attendre qu'il y ait une médiatisation à outrance pour que le parquet de Bordeaux
04:39ne s'en fasse pas, on ne peut que s'en féliciter, soit dit en passant.
04:42Mais voilà, il y a eu 15 ans.
04:43– Il n'y a pas de prescription ?
04:45– Il n'y a pas de prescription, puisqu'il y a eu des actes interruptifs de prescription.
04:49– La question va se poser quand même.
04:50– Mais la question va se poser, et puis la question va se poser de savoir
04:52sur quelle infraction le parquet va se baser pour continuer son enquête.
04:59Mais voilà, ça a le mérite d'exister aujourd'hui.
05:02– En tout cas, vous êtes soulagé qu'enfin la justice…
05:03– Ah, mais c'est un immense soulagement, parce qu'enfin, je l'espère,
05:07la justice va enfin pouvoir œuvrer pour la manifestation de la vérité.
05:10– Alors, je voudrais qu'avant de vous faire réagir, Michel,
05:13qu'on aille justement retrouver l'avocat des parents de Christina Rady,
05:17que vous avez cité un instant, c'est Maître Ly Tibor, qui est avec nous.
05:21Bonsoir.
05:23Avez-vous eu, les parents ont-ils réagi à ce rebondissement,
05:29l'ouverture de cette enquête ?
05:31– Alors, je suis actuellement en Budapest, en Hongrie.
05:35J'ai essayé de prendre contact avec les parents, mais je n'ai pas réussi.
05:40L'information m'est parvenue relativement il y a peu de temps, aujourd'hui même.
05:46J'ai téléphoné plusieurs fois, mais je connais leur point de vue,
05:50pour avoir parlé avec eux plusieurs fois, souvent, de ce dossier.
05:54– Dans un premier temps, les parents avaient un comportement ambigü, perplexe.
06:05Depuis un certain temps, ils estiment que ça suffit.
06:13– Alors, on a un petit souci technique avec la Hongrie,
06:19puisque je le rappelle, vous êtes à Budapest.
06:20– Voilà, allez-y, on vous entend.
06:26– Non, bon, l'image se fige, on va essayer de rétablir tout ça.
06:29Il faut se souvenir quand même qu'en 2012, donc il y a un petit moment,
06:33les parents avaient, dans un entretien, un match,
06:36dit que leur fille avait subi des violences de la part de Bertrand Cantat
06:40à sa sortie de prison.
06:41Donc les parents étaient convaincus à ce moment-là
06:43que Bertrand Cantat était un homme violent et qu'il s'en prenait à leur fille.
06:46– Les parents le disent, mais c'est surtout Christina Raddy elle-même qui le dit.
06:50– Oui, c'est quand même assez rare dans ce genre d'enquête
06:54d'avoir un document de la victime elle-même, la dame qui va se suicider,
06:59six mois avant son suicide, où elle décrit ce qu'elle subit.
07:02Ce que dit Christina Raddy, c'est Bertrand est fou,
07:06j'ai failli y laisser une dent, il m'a cassé le coude,
07:08et surtout elle dit les événements de 2003
07:10qui ne s'étaient pas produits sur moi à l'époque,
07:13donc la mort de Marie Trintignan, sont en train de se reproduire aujourd'hui,
07:17de se produire aujourd'hui, à plusieurs reprises,
07:20j'ai failli échapper au pire.
07:21– Donc elle avait le sentiment que le piège était en train de se refermer.
07:24– Elle a le sentiment qu'elle a failli...
07:27Quand on écoute ce message, on se dit qu'elle a failli y laisser sa peau plusieurs fois.
07:33– Pourquoi ce message n'est pas pris en compte ?
07:35Parce que c'est une autre époque ?
07:37Parce qu'à ce moment-là on se dit non, il ne faut pas en tenir compte ?
07:40– Mais il est pris en compte, puisque il y a El Méloul qui dépose plainte en 2013,
07:44c'est le moment où ce message n'est pas publié tout de suite,
07:48il n'est pas diffusé tout de suite.
07:49Elle meurt le 10 janvier 2010.
07:52Le message, c'est la presse, le sort, je crois que c'est VSD,
07:57en 2013, tu le joueras à la plainte qui est déposée,
08:01donc la justice en a connaissance.
08:03Aujourd'hui avec ce qu'on sait sur le suicide forcé,
08:06il y a une loi aujourd'hui sur le suicide forcé,
08:07c'est-à-dire le harcèlement dans le couple qui mène un des membres du couple au suicide.
08:11– On a changé d'époque, à l'époque il n'y avait pas de loi.
08:14– Mais pour vous ça correspond exactement ?
08:15Tous les critères sont réunis pour que ça s'apparence,
08:17même si la justice ne s'est pas prononcée, à un suicide forcé ?
08:20– Ça ressemble à un suicide forcé,
08:23c'est-à-dire que la femme qui parle dans ce message de 7 minutes,
08:26moi je trouve qu'on n'a même pas besoin d'autres témoignages,
08:30ce message de 7 minutes et 33 secondes,
08:32la femme qui parle est une femme terrorisée.
08:34Elle est terrorisée, elle a peur.
08:37Et elle dit « je dois disparaître ».
08:38Alors je dois disparaître, je partirai avec mes bagages,
08:41mais c'est un « je dois disparaître » extrêmement symbolique.
08:44– Et pourquoi elle ne l'a pas quittée à ce moment-là ?
08:44– Parce qu'une femme qui est sous emprise,
08:46d'abord parce qu'elle a toujours dit qu'elle n'avait pas témoigné contre lui,
08:51qu'elle l'a protégé, qu'elle a protégé ses enfants.
08:53– Elle a même beaucoup aidé.
08:55– Oui, c'est grâce à elle qu'il n'est condamné qu'à 8 ans de prison
08:59pour le meurtre de Marie Trintignant,
09:02alors qu'il aurait peut-être pu prendre de plus,
09:04parce qu'elle va témoigner à Vilnius en disant
09:07« il n'a jamais été violent avec moi ».
09:08– Et qu'elle va demander aux membres du groupe de faire pareil.
09:10– Ce qui est faux.
09:12– On sait aujourd'hui que c'est faux.
09:14– On ignore s'il avait été victime de violences
09:16avant les événements de Vilnius.
09:18– Avant Vilnius ?
09:20– Oui, on le sait surtout sur la période postérieure.
09:22– On a une interrogation sur avant Vilnius.
09:23– En revanche, les membres de Noir Désir
09:26savaient qu'il était violent avec les femmes.
09:27– Alors, Anne-Sophie Jeanne, qui est une des co-autrices
09:32de la série, fait un témoignage.
09:35– C'est la fameuse série qui est passée sur Netflix.
09:38– La série Netflix.
09:38– Il faut rappeler, pour ceux qui ne l'ont pas vue,
09:40que c'est un documentaire très important,
09:41parce que dans ce documentaire, il y a des témoignages,
09:44des affirmations qui ne figuraient pas forcément
09:46dans la procédure au début.
09:48– Il n'y en a pas tant que ça, il y en a surtout un.
09:51– Il y en a un qui est très important.
09:53– Et qui, de mon point de vue, j'imagine…
09:55– Justifie l'ouverture.
09:56– Qui a motivé le parquet.
09:58– Donc le documentaire est quand même très important.
10:00– Oui, mais dans le fond, tout ce qu'il y avait dans le documentaire
10:02était déjà porté à la connaissance du parquet.
10:04– C'est juste qu'il est tricoté, c'est juste qu'il est tricoté en chambre.
10:07– Tout était déjà entre les mains du parquet,
10:10sauf ce nouveau témoignage.
10:11– On peut peut-être en dire un mot de ce témoignage,
10:13parce que c'est ça aussi quand le procureur…
10:15– En fait, il y a un témoignage anonyme d'un intérimaire,
10:19on sait que c'est un infirmier qui a travaillé dans un établissement hospitalier à Bordeaux
10:23et qui dit de façon anonyme qu'il a trouvé dans un hôpital de la région bordelaise
10:28le dossier médical de Christina Raddy faisant état des violences
10:31qu'elle avait subies de la part de son compagnon.
10:33Et il a lu, il le dit, j'ai lu rapidement dans ce dossier,
10:36il était mentionné que Christina, elle était passée aux urgences
10:38faire constater des traces de blessures suite à une altercation avec son compagnon.
10:42Donc ça, ce n'était pas porté à la connaissance de la justice jusqu'à présent
10:45et on imagine que dans l'esprit du procureur,
10:48la principale tâche des enquêteurs va être de retrouver ce dossier médical,
10:51ce témoin pour savoir où il travaillait, où il avait vu ce dossier,
10:54est-ce qu'il existe toujours, est-ce qu'on le retrouve ?
10:56– Alors on a retrouvé par téléphone, comme ça c'est plus sûr,
10:59maître Litibor qui est en direct de Budapest en Hongrie,
11:03vous êtes l'avocat des parents de Christina Arradi,
11:05vous avez dit que vous avez du mal à les joindre,
11:07mais il faut rappeler qu'ils avaient comme une conviction ces parents,
11:11c'est que leur fille avait subi des violences de la part de Bertrand Cantat.
11:17– Oui, oui, est-ce que vous m'entendez ?
11:20– Oui, on vous entend.
11:21– Oui, donc je disais que je suis à Budapest en Hongrie,
11:25j'ai essayé de prendre contact avec les parents,
11:28mais je n'ai pas réussi, mais je connais leur point de vue
11:31puisque j'ai eu l'occasion de les voir récemment plusieurs fois.
11:36Alors, ce que je peux dire, c'est qu'il y a quelques éléments
11:41que vous ignorez et que d'une façon générale, le public ignore.
11:46– Alors, la première chose, c'est qu'effectivement,
11:51Christina a cherché à prendre contact avec ses parents
11:55et elle n'a pas réussi, donc elle a laissé un message
11:59de six ou sept minutes sur le répondeur
12:03parce que les parents étaient en vacances au bord du lac de Balaton.
12:07et dans ce message, effectivement, elle parle de fou et blessure.
12:14Mais un mois après, elle est venue à Budapest
12:17et elle a dit à ses parents, oublions ça,
12:20c'était une discussion entre conjoints, ça arrive souvent.
12:26– Elle a minimisé son témoignage,
12:28enfin, ce qu'elle avait laissé comme message.
12:29– Je passe l'éponge et…
12:32Oui, elle voulait oublier, elle a tourné la page.
12:35– Alors, plus tard, effectivement, il y a eu le suicide
12:41et après le suicide, elle avait un compagnon
12:45qui s'appelait François Soubadou
12:48et François Soubadou a demandé aux parents de Christina,
12:52notamment à son père, à François Raddy,
12:56d'envoyer la cassette.
12:59Et ce qu'il a fait, il a envoyé cette cassette,
13:03mais lorsqu'il l'a envoyée,
13:05il a envoyé un e-mail avec,
13:07et moi, je peux retrouver l'email dans mes dossiers,
13:10il a envoyé un e-mail en disant que c'était confidentiel,
13:13confidentiel.
13:15Et malgré cela, la cassette a été distribuée à la presse.
13:22Donc, c'est un élément qu'on ignore.
13:25Et dans le Netflix dont on parle, il n'en a pas question.
13:31Donc, il fallait savoir ça.
13:32– Si, on en parle dans ce documentaire, si, si.
13:35Il y a des extraits dans le documentaire Netflix.
13:37– Oui, mais on ne dit pas…
13:40– Mais qu'attendez-vous ?
13:41Pardon, Maître Tibor, pour pas aller vite,
13:42parce que vous êtes par téléphone.
13:44Qu'attendez-vous aujourd'hui la justice ?
13:47– Monsieur le procureur, il fait son travail.
13:54Donc, ça, c'est effectivement.
13:56Il fait l'enquête.
13:57Je trouve que…
13:59Il se base sur le documentaire que je trouve un peu à charge.
14:07Et donc, ce n'est pas objectif, ce n'est pas à charge et à décharge,
14:11c'est complètement à charge.
14:12– À charge contre Bertrand Cantat ?
14:14– Ah oui, bien sûr.
14:15Parce que maintenant, le cas de Bertrand Cantat dépasse sa propre personne.
14:21Et je trouve que c'est plutôt…
14:24On attaque le symbole aussi, le symbole de Bertrand Cantat.
14:30Mais pour revenir au dossier, il y a aussi un autre élément,
14:37c'est que lorsque une plainte a été déposée par une consoeur
14:40qui vient de parler à la télévision à l'instant,
14:44à l'époque qu'elle était avocate,
14:46les parents m'ont demandé d'aller à Bordeaux.
14:49Donc, je suis descendu à Bordeaux.
14:51J'ai vu à l'époque Mme la procureur,
14:54c'était une femme à l'époque,
14:56qui s'occupait de ce dossier, oui.
14:58Et elle était contre la reverture du dossier,
15:02notamment contre aussi le fait qu'il fallait peut-être toucher au corps
15:09alors qu'elle était déjà enterrée pour faire des examens.
15:13Donc, elle était 100% contre.
15:15Et à la fin, elle m'a remis aussi une lettre qu'elle a laissée,
15:20et que la police a trouvée, lorsque Christina a été trouvée par la police
15:25au moment de son suicide, la police a trouvé une lettre.
15:30Et cette lettre a été donnée à Mme la procureure.
15:34Et Mme la procureure m'a donné cette lettre
15:36que j'ai ramenée à Budapest et que j'ai donnée aux parents.
15:41Et dans cette lettre, il n'y avait pas un seul mot contre Bertrand Cantat.
15:47Rien.
15:49– Alors, M. Lee et Tibor, tout le monde n'est pas d'accord sur l'interprétation de telle lettre.
15:53Attendez, Michel Fine, vous dites,
15:55qu'est-ce qu'il y avait dans cette lettre ?
15:56– Si, si, elle parle de la violence de Bertrand Cantat.
15:59– Elle dit, je ne sais plus quels sont les termes,
16:01mais merci à la violence de Bertrand, si, si, elle parle de Bertrand Cantat.
16:05– Elle ne parle pas que de lui, mais elle en parle.
16:08– Mais ce que dit l'avocat, c'est étonnamment, des parents de Christina Raddy,
16:13c'est que c'est à charge ce documentaire Netflix contre Bertrand Cantat.
16:16– C'est un documentaire qui décrit les faits,
16:21les premiers faits contre Marie Trintignant,
16:26et ce qui était passé inaperçu à l'époque, c'est le suicide de Christina Raddy.
16:30– Et c'est surtout un documentaire qui offre aussi une nouvelle lecture de cette affaire,
16:37un regard sur la façon dont on a regardé cette affaire-là dans les années 2000
16:40et de se rendre compte de ce qu'on pouvait en dire.
16:42C'est saisissant de voir ce qui a pu être…
16:45– Oui, à une époque où on ne parlait pas de féminicide.
16:47– Alors justement, on va écouter ce témoignage, c'est Philippe Laflaquière qui est avec nous,
16:51c'est l'ancien juge d'application des peines,
16:53c'est lui qui a libéré Bertrand Cantat.
16:56Et qui a d'ailleurs rencontré Christina Raddy.
16:59Bonsoir, monsieur le juge, qu'est-ce que vous pensez de ce nouveau rebondissement,
17:0215 ans après la justice qui rouvre l'enquête sur le suicide de Christina Raddy,
17:07avec ce soupçon de suicide forcé ?
17:10– Écoutez, je rejoins tous les éléments qui viennent être donnés par vos invités.
17:18Je pense que c'est une excellente décision,
17:22car on a toujours intérêt à ce que la vérité émerge.
17:25Ce sera sans doute très difficile, mais il le faut, il le faut.
17:29Et c'est vrai, vous avez indiqué que je l'avais rencontré à titre personnel,
17:33lors d'une permission de sortir destinée à préparer la conditionnelle de Bertrand Cantat.
17:37Et j'avais trouvé cette femme absolument extraordinaire, lumineuse, charismatique.
17:43Et c'est vrai que la nouvelle de ce suicide m'a bouleversé.
17:48– Oui, mais on regarde des informations dont on dispose aujourd'hui,
17:52on se dit finalement que Bertrand Cantat aurait dû être condamné à une peine de prison beaucoup plus lourde.
17:55– Sans doute si les éléments qui ont fait l'objet de mensonges,
18:04ou d'une sorte d'omerta au procès de Vilnius, avaient été connus.
18:09Oui, sans doute la peine aurait été plus sévère.
18:12– En tout cas, ça sortait peut-être…
18:13C'est ce qui est frappant, pardon, c'est ce qui me frappe,
18:18c'est que depuis ce que j'appelle la tragédie de Vilnius jusqu'à la tragédie de Bordeaux,
18:23le suicide de Christina Raddy,
18:25on a l'impression qu'il y a effectivement une succession de phases, de mensonges, de non-dits.
18:32Et c'est vrai que Maître Eloula a raison de dire, ça a été difficile,
18:39mais il faut croire qu'on va pouvoir aboutir à la vérité,
18:43en tout cas, à titre personnel, vraiment, je le souhaite.
18:46– Ce qu'on a envie de dire quand même, Yael Melu,
18:47c'est que si Christina Raddy avait peut-être parlé aussi plus directement
18:52de ce qu'elle avait subi, elle serait aujourd'hui en vie
18:56parce qu'elle aurait été protégée.
18:57– Mais elle a parlé.
18:58– Mais elle n'a pas parlé au procès de Vilnius.
18:59– Elle a parlé après.
19:01– Elle n'a pas parlé au procès de Vilnius
19:02parce que très certainement, elle a subi beaucoup de pression
19:06de l'avocat de Bertrand Cantat, tout l'entourage,
19:09parce que quand elle est arrivée à Vilnius,
19:10elle a dit qu'elle avait été victime de violences conjugales.
19:12Elle l'a dit.
19:14C'est après qu'elle est revenue sur ses propos.
19:16Pourquoi elle est revenue sur ses propos ?
19:17Parce qu'on lui a mis la pression.
19:19Et parce que les avocats savaient très bien
19:21que si Christina Raddy arrivait à la barre en disant
19:23« j'ai été victime de violences conjugales »,
19:25le sort de Bertrand Cantat était scellé.
19:27C'était terminé.
19:28– Il ne prenait pas 8 ans, mais il en prenait davantage.
19:30– Absolument.
19:31Mais il n'y a pas eu que Christina Raddy.
19:33Il y a eu tous les membres de Noir Désir qui ont menti à la barre.
19:36Ils ont menti.
19:37C'est-à-dire que c'était une espèce de complot.
19:40– Une sorte de pacte de mensonge.
19:42– Sur ordre de qui ont-ils menti ?
19:45– Je ne sais pas.
19:46Je n'ai pas l'élément de réponse.
19:49– Ils sont peut-être tous mis d'accord ensemble.
19:50– Mais c'est un pacte.
19:51En tous les cas, moi, c'est ce que la compagne
19:53de l'ancien membre de Noir Désir m'a écrit.
19:57Et c'est ce que le membre de Noir Désir
19:59a dit à la journaliste Anne-Sophie Jeanne
20:01lorsqu'elle a sorti son enquête en 2019 dans Le Point.
20:04– Ça veut dire que la justice a été trompée en quelque sorte ?
20:05– Mais ce n'est pas qu'elle a été trompée,
20:07c'est qu'elle a dysfonctionné.
20:08On ne parle pas du procès de Vilnius.
20:09– Si on l'a menti, elle ne pouvait pas savoir qu'il y avait un mensonge.
20:11– Il ne faut pas confondre, il y a deux choses.
20:14Il y a le procès de Vilnius où ils ont tous menti,
20:16mais au moins, il a existé ce procès.
20:19Il a le mérite d'exister.
20:21Je veux dire, Quanta a été condamné,
20:22il a été reconnu coupable.
20:24Qu'on ne soit pas d'accord avec le quantum de la peine,
20:25c'est encore autre chose.
20:27Parce qu'il y a aussi une autre problématique.
20:28Ils se sont arrangés pour qu'ils soient jugés là-bas.
20:31Vous imaginez bien que s'il avait été jugé en France ou à Paris,
20:34il n'aurait pas été condamné à 8 ans.
20:35Mais au moins, il a été condamné, il a purgé sa peine,
20:39quelle qu'elle soit.
20:40Là, on parle d'un cold case concernant Christine Arradi.
20:43Ça s'appelle un cold case, d'accord ?
20:46Où il n'y a absolument rien qui a été fait
20:47depuis le jour de son suicide
20:49par tous les acteurs de la chaîne pénale.
20:52Où il y a eu dysfonctionnement sur dysfonctionnement.
20:55– Mais comment on qualifie le suicide de forcé ?
20:57Qu'est-ce qu'on risque finalement ?
20:59– Alors, la difficulté dans cette affaire,
21:02dans l'affaire de Christine Arradi
21:03qui s'est suicidée en janvier 2010,
21:06c'est que la loi sur le suicide forcé,
21:08le arsénat moral qui conduit au suicide,
21:10a été…
21:11– Elle n'existait pas.
21:12– Elle n'existait pas, voilà.
21:13Elle est sortie en juillet 2020.
21:16Donc, à l'appui de mes deux plaintes en 2013 et en 2019,
21:20j'ai motivé ces plaintes sur l'infraction criminelle,
21:25violence volontaire,
21:26ayant entraîné la mort sans intention de la donner,
21:29considérant que les violences qu'elle subissait
21:31avaient entraîné sa mort par passage à l'acte suicidaire.
21:35Alors, c'est une notion qui est nouvelle.
21:37Nous sommes le premier État en Europe,
21:40voire dans le monde, à reconnaître cette notion.
21:42Donc, il est certain que c'est une mission
21:45qui est demandée aux magistrats
21:47qui est d'une grande complexité,
21:48mais qui n'est pas impossible
21:49puisque c'est déjà recruté dans la sphère du travail.
21:52Il faut quand même le dire.
21:53Si c'est possible dans la sphère du travail,
21:54pourquoi ça ne le serait pas dans la sphère privée ?
21:56Mais là, si vous voulez,
21:57le problème qui se pose dans l'affaire Cantin,
21:59dans l'affaire Christina Raddy,
22:01c'est que malgré les plaintes que j'ai pu déposer,
22:04malgré le fait qu'on avait affaire à quelqu'un
22:07qui était sous le régime de libération conditionnelle,
22:09rien n'a été fait.
22:10Il est à la lumière de ce qu'on sait aujourd'hui.
22:13Et je veux parler de ce nouveau témoin
22:14du documentaire Netflix,
22:16de cet infirmier,
22:17parce qu'il dit des choses extrêmement graves,
22:19cet infirmier.
22:20Parce que vous dites que Christina Raddy
22:21n'a pas parlé, c'est faux,
22:22elle a parlé.
22:23Elle a parlé dans cet hôpital.
22:25Oui, d'accord.
22:26Ah ben oui,
22:27mais elle a dit qu'elle était victime
22:28de violences conjugales et de violences conjugales.
22:29Mais c'est resté à l'hôpital.
22:30Ben oui,
22:31mais pourquoi c'est resté à l'hôpital ?
22:32Pourquoi ça ne s'est pas remonté ?
22:33Pourquoi au moment de son suicide en janvier 2010,
22:35ils n'ont pas eu ce dossier médico-légal
22:36entre leurs mains ?
22:37Il y a eu des dysfonctionnements.
22:39Plusieurs.
22:39Il n'y a eu que ça.
22:40Ça fait partie des recherches de base.
22:43Juste une remarque.
22:44Aujourd'hui, on ouvre pour violences volontaires
22:46ayant entraîné la mort.
22:47C'est pour violences volontaires
22:48que tu avais déposé plainte en 2013.
22:51On a perdu 12 ans.
22:52Philippe,
22:52la flacière,
22:53monsieur le juge,
22:54vous vouliez ajouter quelque chose ?
22:57Non,
22:58je rejoins tout ce qui vient d'être dit.
23:01Ce qui me paraît évidemment terrible
23:04dans ce drame,
23:06c'est qu'effectivement,
23:08au moment où Christina Radhi
23:10manifestement a été victime de violences
23:14et que cela n'a pas remonté à la justice,
23:17à ce moment-là,
23:18il faut rappeler que si l'information
23:20était remontée à la justice
23:21sur ces violences,
23:23Bertrand Quanta très probablement
23:24aurait vu sa libération conditionnelle révoquée.
23:28A mon avis,
23:29sans le moindre doute.
23:30Mais voilà,
23:31on revient toujours à ces périodes
23:32malheureusement de non-dits,
23:35d'Omerta,
23:35de silence.
23:37Merci, monsieur Laflaquer.
23:39Dernière question,
23:39il risque quoi Bertrand Quanta
23:40si ça va au bout tout ça ?
23:43Déjà,
23:43il risque d'être entendu.
23:44Il faut le rappeler,
23:45en 2018,
23:46dans la dernière enquête préliminaire
23:47qui avait été ouverte
23:48avant d'être classé sans suite,
23:50il est entendu en audition libre
23:51par les policiers
23:52qui lui disent
23:53« ça va se terminer,
23:54c'est classé sans suite »
23:55et il dit
23:55« je suis heureux
23:56que cette page se tourne enfin ».
23:58Ce qu'il faut dire,
23:59c'est qu'il va déjà
24:00sans doute être réentendu.
24:02Et puis derrière,
24:03il faudra voir
24:03si effectivement
24:04le parquet de Bordeaux
24:05engage des poursuites
24:06à son encontre,
24:07voir si c'est prescrit ou pas.
24:10Alors avec une nouvelle circulaire
24:11qui a été mise en place
24:13par Éric Dupond-Moretti
24:14lorsqu'il était au ministère
24:15de la Justice,
24:15on peut enquêter
24:16sur des faits prescrits
24:17pour dire
24:18« oui, c'est prescrit,
24:18on ne peut pas juger les gens
24:20parce que c'est trop vieux,
24:21mais on estime
24:21que les faits sont tout de même
24:22constitués ».
24:23Et ce serait déjà peut-être
24:24une forme de réponse
24:26par rapport à ce qui est arrivé
24:27à Christina Raddy
24:27il y a maintenant 15 ans.
24:29Qu'est-ce qu'il est devenu
24:30Bertrand Cantat ?
24:31Je crois qu'il est toujours
24:32à Bordeaux,
24:33qu'il continue toujours sa vie
24:34tranquillement.
24:36Il monte toujours sur scène ?
24:37Je crois,
24:38non je ne crois pas,
24:39mais en revanche,
24:39il a sorti un album
24:40il me semble.
24:41Avec un groupe
24:42qui s'appelle Détroit.
24:43Il y a deux ans,
24:44en faisant appel
24:46à l'argent des gens,
24:47en crowdfunding,
24:48il avait besoin
24:48de 60 000 euros,
24:50il a eu deux fois plus,
24:52je crois.
24:53Donc il y a encore
24:53des fans qui le suivent ?
24:54Il y a encore des fans
24:55qui le suivent,
24:56ceux qui ont vu
24:56le documentaire Netflix
24:57peut-être un peu moins.
24:59Et ça,
24:59ça vous choque ?
25:00Le fait qu'il y ait
25:00encore des gens
25:01qui puissent acheter son disque
25:03ou l'écouter en concert ?
25:05Bien sûr que ça me choque,
25:07mais en même temps,
25:08chacun est libre
25:09de ses choix.
25:10Si eux n'ont pas
25:10de problème de conscience
25:11à écouter
25:12et être fan
25:14d'un meurtrier,
25:15parce que c'est ce qu'il est,
25:16à minima,
25:18c'est leur problème.
25:20On ne peut pas
25:21leur interdire.
25:23Moi,
25:23je trouve que
25:24la grande question aujourd'hui,
25:25c'est est-ce que les gens
25:26qui n'avaient pas parlé
25:26à l'époque ?
25:27Notamment les membres du groupe
25:28dont on sait
25:29qu'ils savent des choses.
25:30Et il y a,
25:31elle le dit,
25:32Cressy Naradi
25:32dans son message,
25:33elle dit,
25:33il y a des témoins,
25:34il y a des témoins.
25:35Est-ce que ces gens-là
25:36vont parler ?
25:36Et d'ailleurs,
25:37quand on se tait,
25:38on est complice.
25:39Absolument.
25:40Et moi,
25:40j'ai toujours espéré
25:41que tous ces gens-là
25:42finissent par libérer
25:43leur conscience
25:43et je vais d'ailleurs
25:44demander audience
25:46au parquet de Bordeaux
25:46parce que j'ai aussi
25:47de nouveaux éléments
25:48à apporter à sa connaissance
25:49et notamment demander
25:50l'audition
25:51de certains témoins importants.
25:53Merci à tous.
Recommandations
50:04
|
À suivre
2:03:17
8:24
16:02
10:44
1:07
Écris le tout premier commentaire