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  • 12/07/2025
Jean-Dominique Merchet est journaliste, spécialiste des questions militaires et auteur de "Sommes-nous prêts pour la guerre ?" (Robert Laffont).

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Transcription
00:00Il est 8h48, l'invité de RTL matin week-end, nous sommes en ligne avec Jean-Dominique Merchet. Bonjour.
00:06Bonjour.
00:07Vous êtes journaliste, spécialiste des questions militaires, auteur de Sommes-nous prêts pour la guerre ?
00:12Aux éditions Robert Laffont. Alors c'est un fait rare.
00:16Le chef d'état-major Thierry Burkard a donné une conférence de presse hier.
00:19Pour lui, la France s'est identifiée comme le principal adversaire de la Russie en Europe.
00:24Est-ce que vous partagez cette analyse ?
00:28Alors, oui, nous avons un problème avec la Russie, mais ce qu'a dit le chef d'état-major des armées était un peu, je dirais, un peu exagéré.
00:36Parce qu'on a recherché hier des déclarations de Poutine qui auraient pu dire ça, et en fait on ne les a pas trouvées.
00:45Ce qu'il s'avère, c'est qu'il y a eu un récent sondage en Russie, avec ce que valent les sondages en Russie,
00:52qui effectivement désigne, parmi la population russe, la France comme le pays le plus hostile à la Russie.
01:00Donc ce n'est pas tout à fait la même chose.
01:02On a un peu, comment dire, exagéré la communication autour de ça.
01:06Mais il est vrai que la conférence de presse du général Burkhard d'hier, qui était en mission commandée par l'Elysée,
01:14était de sonner l'alarme et de dire « la Russie est notre ennemi ».
01:18Et c'est ce qui va justifier le maintien de hausses de dépenses militaires élevées, peut-être même vont-elles être augmentées.
01:26On la prendra dimanche soir, c'est là.
01:28Mais est-ce que vous ne pensez pas que c'est un petit peu plus insidieux qu'évidemment Vladimir Poutine ne va pas déclarer de but en blanc la France et notre ennemi en Europe ?
01:37On le voit de toute façon, quand la Russie nous attaque, ça passe par la désinformation, les cyberattaques.
01:45Il n'y a aucun doute sur le fait que nous sommes considérés comme une puissance hostile par la Russie.
01:50Il n'y a aucun doute.
01:51Et que nous considérons nous aussi la Russie comme une puissance qui nous est hostile.
01:54Simplement, il s'agissait de rétablir les faits, il n'y a pas de déclaration de Vladimir Poutine disant cela.
02:02C'est une petite exagération de communication, mais sur le fond du dossier, la réalité est là.
02:08Nous sommes dans une confrontation forte entre la Russie et l'Europe occidentale,
02:14et notamment au sein de l'Europe occidentale, entre la Russie et la France.
02:18Et alors, comment peut-on se prémunir, Jean-Dominique Merchet ?
02:22On a parfois l'impression d'être un peu dépassé par rapport à ces attaques russes, cette guerre qu'on appelle hybride.
02:31Alors, depuis 70 ans, on compte sur l'alliance avec les États-Unis pour se protéger de la Russie.
02:36Les Européens de l'Ouest comptent sur l'Ouest, les Européens en général d'ailleurs maintenant,
02:40y compris ceux de l'Est, comptent sur les États-Unis pour se protéger de la Russie.
02:50Effectivement, avec Donald Trump, et puis la réorientation de la politique américaine vers la Chine, vers le Pacifique,
02:59cette certitude sur laquelle reposait notre sécurité tremble, bouge, change.
03:04Donc, effectivement, aujourd'hui, comment se protéger ?
03:09Je ne vois pas comme il n'y a sans doute pas d'autre manière que d'augmenter les budgets de défense au sens large,
03:17y compris le renseignement, la cybersécurité, etc.
03:20C'est d'ailleurs ce qui a été décidé lors du sommet de l'OTAN au mois de juin,
03:25où sous la pression américaine,
03:26les Européens ont accepté de passer à théoriquement 5% de leurs produits intérieurs bruts pour la défense,
03:34contre 2% aujourd'hui, ce qui représenterait un effort absolument considérable.
03:40Bon, alors se pose la question de faire face à cette menace russe.
03:44Emmanuel Macron, vous l'avez dit, prend la parole demain soir.
03:48A quelles annonces faut-il s'attendre ?
03:51Alors ça, c'est la grande inconnue.
03:53Je peux vous dire que tous les spécialistes, tous les experts, tous les militaires,
03:57tous les industriels du secteur se posent la question et attendent le verdict présidentiel dimanche soir à 19h
04:04dans les jardins de l'hôtel de Brienne, le ministère des Armées.
04:06On ne sait pas.
04:08Il y aura sans doute...
04:11Une chose est sûre, c'est que les dépenses militaires seront maintenues à leur niveau actuel.
04:17Il n'y aura pas de réduction,
04:19alors que d'autres ministères verront leur budget réduit.
04:22Et ça, ce seront les annonces de mardi par le Premier ministre.
04:26Il y aura-t-il une augmentation forte ou pas du budget des armées à l'horizon 2030 ?
04:33On ne parle pas forcément de choses toutes immédiates.
04:36Eh bien ça, c'est l'inconnu.
04:38Il y aura peut-être aussi quelques annonces sur une formule un peu nouvelle de service militaire,
04:44mais toujours volontaire.
04:46Il n'y aura absolument pas de rétablissement de la conscription telle qu'on l'a connue au XXe siècle.
04:52Sans le mot universel d'ailleurs.
04:54Sans le mot universel, oui.
04:56On sera encore dans quelque chose de volontaire,
04:59ce qui me semble personnellement une très bonne idée de rester dans le volontariat.
05:03Mais effectivement, il y a des volontaires pour servir le pays,
05:07pour servir la défense de leur pays.
05:09Il faut offrir à ces volontaires la possibilité de le faire.
05:12Tout cela coûte de l'argent.
05:14Or, le problème, c'est que de l'argent, nous savons que nous n'en avons plus.
05:18Mais est-ce que c'est vraiment une nécessité pour nos armées de compter sur ces volontaires,
05:21de compter sur ces jeunes engagés ?
05:24Je crois que c'est surtout une nécessité pour la nation, plus que pour les armées.
05:29Les armées s'en passeraient en réalité.
05:31Les armées, ce qu'elles veulent, ce sont des soldats professionnels
05:33qui sont là pour 5 ans, 6 ans et qu'on forment bien.
05:38En revanche, pour la nation, il est important qu'elle contribue de manière en dehors de l'armée
05:45ou de manière, comment dire, par la réserve, c'est-à-dire une armée à temps partiel,
05:49qu'elle sache se mobiliser, qu'elle sache devenir résiliente,
05:53comme on dit en langage moderne, pour résister aux menaces réelles
05:58qui pèsent sur notre pays, qui viennent de la Russie, mais pas que de la Russie.
06:02Il y a une menace terroriste qui existe toujours.
06:05On voit les Iraniens, on ne sait pas ce que deviendra l'Iran.
06:07Et d'autres puissances, demain, la Chine, etc.
06:10Donc nous sommes dans un monde dangereux, de plus en plus dangereux,
06:14où le recours à la force, on le voit, est de plus en plus banalisé.
06:18On s'est habitué à ce que des nations européennes,
06:22enfin, proches de l'Europe, la Russie, l'Ukraine, mais aussi Israël, l'Iran,
06:27se balancent des missiles sur la tête tous les jours, sur leur ville.
06:30Et au fond, ça ne fait plus vraiment, ça ne surprend plus.
06:35Est-ce qu'il y a 5 ans, 10 ans, on n'aurait pas été stupéfaits d'imaginer un monde
06:40dans lequel les Iraniens tirent des missiles sur Tel Aviv,
06:43et Tel Aviv tirent des missiles sur Téhéran,
06:45ou Kiev sur Moscou, et Moscou sur Kiev.
06:48Donc on voit bien que le danger,
06:50la dangerosité du monde est de plus en plus grande.
06:54Il faut que la nation, au-delà, et pas seulement son armée,
06:58se sentent plus prêtes à se mobiliser pour sa défense.
07:04Un climat géopolitique toujours plus incertain, plus dangereux.
07:08On attend donc les annonces d'Emmanuel Macron demain.
07:10Merci beaucoup Jean-Dominique Merchet.
07:12Je vous en prie.
07:13Journaliste, spécialiste des questions militaires,
07:16je rappelle votre livre,
07:17Sommes-nous prêts pour la guerre ?
07:19C'est aux éditions Robert Laffont.

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