00:00Peut-on entraîner une intelligence artificielle sur des contenus protégés sans licence ?
00:16On en parle tout de suite avec mon invité, Anne-Marie Pecoraro, associée chez UGGC Avocats.
00:22Anne-Marie, bonjour.
00:23Bonjour Arnaud.
00:23Disney et NBC Universal attaquent le générateur d'images mid-journée pour avoir entraîné son intelligence artificielle sur des contenus protégés.
00:35Des personnages iconiques sont concernés, Dark Vador, Elsa, Shrek, les mignons qui sont reproduits à l'infini.
00:44Pour commencer, l'entraînement d'un modèle IA sur des œuvres protégées constitue-t-il une violation du droit d'auteur selon le droit américain ?
00:53Merci Arnaud.
00:55Une partie de la réponse est déjà dans votre question puisque vous parlez de modèle protégé qui est le critère qui va revenir constamment.
01:03Donc la question, elle va se poser sous le droit américain du copyright.
01:07Elle va se poser bien sûr en Europe et je dirais que le monde entier teste des réponses à ces questions sous le droit américain du copyright act.
01:18Dès lors qu'une œuvre fait loger d'une protection, comme c'est incontestablement le cas de ces personnages iconiques,
01:24les personnages de la guerre des étoiles, les personnages des films comme Elsa et les mignons, etc.
01:32Donc dès lors, par principe, va être interdite leur reproduction, leur distribution ou leur adaptation dans une œuvre dérivée.
01:41Sauf, alors quel est ce sauf ? Sauf naturellement si une autorisation a été négociée ou une licence,
01:47mais sauf aussi si on tombe dans un certain nombre d'exceptions.
01:51On va parler du fair use, je développerai ça mieux.
01:53Voilà, mais je voudrais simplement dire, Arnaud, qu'effectivement, le droit américain,
02:01qui lui aussi est régi par la convention de Berne, qui unit un bon nombre de pays,
02:06a donné lieu déjà à un certain nombre de cas.
02:11Donc on n'a pas un cas définitif, mais en tout cas il est certain que le droit interdit la reproduction d'une œuvre protégée.
02:18Alors on va parler justement de l'exception de fair use que vous avez citée,
02:23qui est susceptible de limiter l'application du droit de propriété intellectuelle aux États-Unis.
02:28Alors souvent, justement, les outils d'IA revendiquent cette exception du fair use.
02:33Concrètement, dans quelles conditions on peut utiliser cette exception ?
02:37Le fair use a été exploré, comme je le disais, par différents cas de jurisprudence.
02:44Pour identifier la légitimité de la réclamation de fair use, il y a quatre critères.
02:50Je vais revenir dessus et je vais quand même aussi rapidement à cette occasion mentionner quatre affaires,
02:56puisqu'on a la fermée de journée et on a aussi trois autres affaires qui sont intéressantes.
02:59Ce ne sont pas les seules.
03:00Donc pour identifier un cas de fair use, un juge américain va rechercher quatre critères.
03:07C'est un test qui va se faire en quatre étapes.
03:09Le premier critère va être le but et le caractère de l'exploitation.
03:15C'est-à-dire qu'il va rechercher si on a un usage commercial et s'il a un usage non lucratif.
03:23Effectivement, ça va jouer un petit peu plus dans le sens du fair use.
03:25Néanmoins, un usage commercial par une structure non lucrative risque de rester commercial.
03:30Il va aussi chercher la transformation.
03:32Le caractère transformatif, c'est de savoir si par rapport à une œuvre donnée,
03:35comme tout à l'heure ont cité les chers mignons, est-ce qu'ils ont été beaucoup transformés ?
03:41Et dans les cas qui sont reprochés à mi-journée, on constate effectivement de nombreuses exploitations qui sont peu transformées.
03:50Le deuxième critère va être la nature de l'œuvre.
03:52Est-ce que cette nature est originale ? Est-ce qu'elle est caractérisée dans sa protection ?
03:56Donc dans le cas, encore une fois, des personnages, la nature de l'œuvre va probablement être jugée hautement originale.
04:04Mais on a des cas intéressants dans lesquels le fair use peut être repoussé.
04:10Tu pensais à quoi ?
04:11Justement, c'est un des cas que je voulais citer, qui est l'affaire de Thomson Reuters contre Ross.
04:16C'est un mouvement en plusieurs étapes, c'est-à-dire qu'il y a plusieurs étapes préliminaires sans qu'on soit arrivé au cas définitif.
04:24Mais ce qui est très important et intéressant rapidement, c'est que ce sont des fiches de résumé d'arrêt qui ont été utilisées.
04:30Et ces fiches de résumé d'arrêt, le juge les a passées à travers le test.
04:34Certaines des étapes, l'agent sur la deuxième, je vais rapidement mentionner les deux autres, étaient moins caractérisées, d'autres plus.
04:42Mais le juge a quand même considéré que ces fiches de résumé d'arrêt, elles allaient être d'une nature suffisamment protégeable, suffisamment originale pour mériter quand même une protection et justifier qu'on étudie un rejet de ce fair use.
04:57D'accord.
04:58Et les deux autres critères ?
04:59Alors, les deux autres critères rapidement, ça va être la quantité utilisée, la quantité substantielle et à quel point on va retrouver le résultat proportionnellement en substance
05:09dans ce qui va être produit par l'intelligence artificielle.
05:13Et enfin, le quatrième facteur, il est très marquant et on va souvent le regarder de près puisque c'est l'impact sur le marché.
05:20C'est un critère qui peut paraître aussi familier aux droits européens.
05:22On va étudier si la solution finalement, en l'espèce d'IA ou la solution à qui on reproche de copier, elle va fournir un substitut au marché et aux exploitations du plaignant de telle sorte qu'il va affaiblir la valeur commerciale.
05:42Et en l'espèce, concernant les personnages d'animation de Disney et de Universal, ils pourront développer le fait que la valeur des personnages, bien sûr, peut être mise en cause par ce marché concurrent,
05:59mais aussi directement des produits de licence, par exemple la fabrication de posters, de nouvelles images, de produits qui auraient pu normalement donner lieu à des revenus,
06:09mais qui là sont substitués par un marché qui n'en donne plus, en tout cas pas à leur profit.
06:13Et c'est comme ça qu'on évalue le préjudice, le montant du préjudice de ces reproductions ?
06:18Alors voilà, ça, ça va être un cas séparé, les juges dans les différentes affaires, par exemple dans les affaires qui ont déjà été vues, que ce soit l'affaire contre Ross,
06:28il y a deux autres affaires très intéressantes qu'on appelle Anthropique et une autre contre Meta.
06:34Les juges vont d'abord voir si le fair use est caractérisé ou pas dans les trois affaires avec des résultats différents.
06:41Et ensuite, dans un deuxième temps, effectivement, il va étudier le montant du préjudice, des dommages intérêts forfaitaires, le remboursement de certains frais,
06:50selon des modalités nécessairement complexes dans un cas comme ça.
06:53Et là, je crois que dans leur mémoire, NBC et Disney évaluent grosso modo le préjudice à 150 000 dollars par oeuvre.
07:00Effectivement, il y a un tarif et un moyen d'évaluer comme ça par oeuvre et de multiplier par le nombre d'oeuvres,
07:09ce qui nous conduit à plusieurs millions de dollars.
07:12Il y a un point, Arnaud, que je voulais aussi mentionner, qui me paraît extrêmement intéressant à l'appui, en tout cas, de ces ayants droit et aussi d'autres ayants droit,
07:21puisque là, on n'est pas là pour prédire ce qui va se passer à travers le monde entre, effectivement, les ayants droit d'un côté et les intelligences artificielles de l'autre,
07:29mais on est là pour analyser les critères clés.
07:31Et c'est la position de l'US Copyright Office qui s'est prononcée, pas pour la première fois, une nouvelle fois le 6 mai 25.
07:40Et quelle est sa position ?
07:41Et ça, c'est vraiment intéressant parce que le Copyright Office a étudié techniquement s'il y avait des...
07:46si on constatait des reproductions ou pas.
07:49Et de manière générale, le Copyright Office a estimé dans ce rapport que le processus implique des reproductions,
07:57même en cas de suppression, et probablement aussi dans le cadre de l'entraînement, et probablement aussi dans le cadre des mises à jour.
08:03Donc, ce document, il va rester effectivement pour éclairer la grille de lecture des juges à travers le monde.
08:10Ça veut dire qu'il y a une tolérance quand même à ce que ces outils reproduisent, puisque c'est leur modèle, certaines œuvres même protégées ?
08:20Pas forcément une tolérance, c'est-à-dire que ça creuse la première question, c'est vraiment de se demander si on a une contrefaçon et s'il y a une exception,
08:26il faut déjà savoir s'il y a une reproduction.
08:28Ça, c'est un point sur lequel on a chopé encore d'autres jurisprudences en disant,
08:32écoutez, je ne peux pas prononcer de condamnation si je n'arrive pas à prouver une reproduction.
08:36Mais ça, c'est un point sur lequel il faut avancer, et c'est là que le Copyright Office estime qu'on constate des étapes qui sont nécessairement de reproduction.
08:47Après ça, on se dira, mais est-ce qu'on est dans le cadre d'une exception ou pas ?
08:52Fair use aux États-Unis, des exceptions très différentes en Europe qui ne fonctionnent pas sur cette base-là.
08:58Bon, on attend des éclaircissements sur ces questions.
09:01Merci Anne-Marie Pécoraro. Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet UGGC Avocat.
09:06Merci Arnaud.
09:07C'est le moment de conclure cette émission. Merci de votre fidélité.
09:11Restez curieux et informés. À très bientôt sur Be Smart for Change.