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Selon les derniers chiffres disponibles, en 2019, l'Armée a recensé 3000 blessés psychiques dans ses rangs, cinq fois plus que de blessés physiques. Face à ce mal invisible et tabou, qui touche massivement ses soldats, l'institution militaire tente de détecter plus tôt ces troubles de stress post-traumatique et mise sur un nouveau dispositif non-médicalisé pour améliorer leur reconstruction. Auprès de militaires d'active, de blessés, de médecins et de psychologues, le sénateur des Ardennes Marc Laménie nous ouvre les portes d'un monde encore largement méconnu. Année de Production :

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00:00Musique
00:00Le département des Ardennes a été marqué par la guerre de 1870,
00:21première guerre mondiale, seconde guerre mondiale,
00:24donc c'est un des hauts lieux chargés de mémoire, d'histoire,
00:30c'est un engagement profond des militaires,
00:34sacrifier leur existence personnelle, familiale, pour les autres.
00:43Je m'appelle Marc Lamény, sénateur des Ardennes depuis août 2007,
00:49et je rapporte le budget ancien combattant lié avec la nation et mémoire.
00:55Marc Lamény sait ce que la nation doit à ses soldats.
01:02Ses morts, ses blessés physiques, et ceux rongés par des maux invisibles.
01:08Entre 2010 et 2019, l'armée a recensé 3000 blessés psychiques dans ses rangs.
01:13Ils sont 5 fois plus nombreux que les blessés physiques.
01:16Nous rendons au 3ème régiment du génie, régiment historique pour le département des Ardennes,
01:25connu, reconnu avec son histoire, son passé militaire.
01:29Chose rare, le régiment a accepté de recevoir le sénateur pour parler de cette question,
01:35encore largement tabou au sein des armées.
01:37Donc je vais les saluer, aux militaires.
01:40Ah, ça me touche.
01:42Vraiment content de vous rencontrer.
01:46On sait que les militaires, vous êtes exposés à beaucoup de risques.
01:51Risques physiques, mais aussi psychologiques.
01:54Donc tout ça, c'est des sujets importants que vous abordez aussi,
01:59dans l'entraînement, dans le travail et tout ça.
02:01Et je crois que ça, il faut toujours le partager entre tous.
02:04Le 3ème RG compte 900 hommes.
02:06Il a été de toutes les dernières opérations extérieures de la France.
02:11Un régiment reconnu pour son savoir-faire en matière de logistique,
02:16de déminage ou de télécommunication.
02:18Le but de cet entraînement est, comme vous l'avez dit,
02:21de gagner en rapidité, en savoir-faire,
02:23et de travailler dans un contexte opérationnel,
02:26donc avec l'armement et tout l'équipement.
02:28Souvent, le 3ème RG ouvre et ferme les théâtres d'opération.
02:33Il est donc très exposé au feu.
02:35Cet entraînement sur 10 jours permet au sergent-chef romain
02:38d'appréhender les risques et de détecter chez ses hommes
02:41d'éventuels troubles psychiques.
02:44Toujours jouer avec ce thermomètre émotionnel,
02:47tout le temps connaître ses personnels.
02:49Comme je le dis toujours, il n'y a pas de soldat heureux sans famille heureuse.
02:53Un soldat qui n'est pas heureux ne sera pas opérationnel.
02:55Il ne faut pas hésiter à aborder un petit peu tous les sujets.
02:58Et puis même, des fois, on n'ose pas parler de tels sujets qui préoccupent.
03:07Le 3ème RG prend le sujet des blessés psychiques très au sérieux.
03:113 militaires et 2 réservistes s'occupent de la détection de ces troubles,
03:16souvent passés sous silence.
03:17La plupart des gens, quand ils arrivent chez moi,
03:20ils ont cette sensation de faire un aveu de faiblesse.
03:26Et c'est toute la difficulté pour moi de les orienter
03:29et de leur dire que ce n'est pas une faiblesse,
03:32c'est bien évidemment une blessure.
03:33La plus répandue des blessures psychiques
03:35est le syndrome de stress post-traumatique.
03:38Il survient le plus souvent après une situation violente ou choquante,
03:42comme l'expérience de mort imminente,
03:45la sienne ou celle d'un camarade.
03:47De nombreux symptômes peuvent ensuite apparaître.
03:50Troubles du sommeil, troubles de concentration,
03:53ça peut aller parfois jusqu'à des actes de violence
03:55dans les cas les plus extrêmes.
03:57Et surtout, également, le plus difficile, je pense,
04:00pour le patient, c'est avec tout ce qu'on appelle des reviviscences.
04:03C'est-à-dire que les événements marquants
04:06reviennent à l'esprit contre la volonté du patient.
04:10Le stress post-traumatique varie beaucoup.
04:12D'un individu à l'autre,
04:14il peut durer des semaines, des mois, voire des années.
04:17Pour certaines personnes,
04:18ils arriveront à avoir une vie quasiment normale
04:21et arriver à vivre avec leurs blessures.
04:24Et certains, malheureusement, vont être très impactés
04:26à avoir parfois, dans certains cas, malheureusement,
04:30même un handicap.
04:31Vous ne pouvez pas du tout généraliser
04:33parce que, vraiment, chaque situation, au cas par cas...
04:37Depuis 1992, l'institution reconnaît la blessure psychique,
04:41au même titre que les autres blessures de guerre.
04:44Depuis, les plans pour ces blessés spécifiques se sont multipliés.
04:49L'armée a fait le choix de ne plus regarder ailleurs.
04:51Ce serait une faute de ne pas affronter
04:55et de ne pas regarder la vérité en face
04:57parce que c'est notre raison d'être, d'aller au combat.
05:01Et le combat blesse, le combat tue.
05:07C'est aussi une réalité qu'il faut regarder en face
05:09et des moyens existent,
05:11mais qui commencent par la volonté des chefs,
05:14la volonté du commandement.
05:15Pour mieux prendre en charge ces blessés,
05:23qui demandent grand soin,
05:25l'armée a opté pour un changement radical d'approche.
05:28Dans le Morbihan, près d'Oré,
05:30ce décor champêtre, presque hors du temps,
05:33abrite un nouveau dispositif, baptisé Atos.
05:37Le dispositif Atos n'est absolument pas un dispositif de soin.
05:40Le soin, c'est vraiment une partie spécifique.
05:45La réhabilitation psychosociale, finalement, intervient...
05:48Alors, on pourrait dire dans un second temps,
05:49en tout cas, nécessite un minimum de stabilité,
05:52mais a surtout vocation à venir compléter
05:54ce qui va être fait au niveau du soin.
05:57Ces blessés de l'armée et quelques gendarmes
06:00viennent des 4 coins de la France.
06:02Tu te souviens de ton cauchemar ?
06:03Non, je ne suis pas.
06:04Moi, je fais des cauchemars toutes les nuits,
06:06mais je ne suis jamais tombée de monde.
06:07Une fois intégrés au dispositif,
06:09ils sont ici, chez eux,
06:10peuvent venir quand ils le souhaitent,
06:12participer aux tâches ou s'adonner à des activités.
06:16Ce jour-là, à l'ombre du noyer, place au théâtre.
06:19Prenez bien de l'espace,
06:22parce que cette distance permet d'avoir le temps aussi
06:24d'aller vers l'autre.
06:26Et quand vous êtes prêts, vous allez l'un vers l'autre.
06:29Et je m'arrête quand je sens que ça va être trop pour l'autre.
06:31C'est l'autre qui compte.
06:33Parmi les participants, Pierrick, 55 ans.
06:36Ce gendarme s'est dévoué corps et âme à la résolution d'affaires criminelles.
06:41Au cours de sa carrière, il a été exposé à un stress intense,
06:45des scènes insoutenables.
06:47Pierrick tient jusqu'à l'affaire de trop.
06:49Septembre 2020, alors que je rentrais chez moi,
06:52j'ai fait un malaise cardiaque, je suis tombé.
06:54Et donc effectivement, j'emploie le terme tombé,
06:56parce que moi, je suis vraiment tombé physiquement,
06:58avec après une perte totale de mes capacités physiques.
07:04Depuis qu'il a intégré la maison Atos,
07:06Pierrick reprend pied.
07:08Mais il doit toujours composer avec des symptômes de SPT persistants.
07:13J'ai encore des reviviscences.
07:14Il y a des endroits où je passe,
07:15où j'ai développé des flashs au fur et à mesure du temps.
07:19Ils surviennent quand je suis dans un état de fatigue intense.
07:22Ça, je l'ai décelé.
07:24C'est des images de situations que j'ai vécues
07:26qui reviennent dans la tête d'une précision absolument incroyable.
07:29Pierrick est atteint d'un stress post-traumatique complexe,
07:32déclaré il y a une vingtaine d'années,
07:34et non traité à temps.
07:36S'il s'exprime aujourd'hui, c'est pour faire de son cas
07:38un exemple pour ses pères.
07:41Dans nos métiers, on vit tous des situations traumatiques
07:43à un moment donné.
07:46La mort d'autrui.
07:47Moi, j'ai été mis en joue à plusieurs reprises
07:50dans le cadre de ma carrière.
07:51Enfin, bon, voilà.
07:52J'ai eu des situations de coup de feu.
07:56Ce qu'il faut comprendre, c'est que quand on vit ce type de situation,
07:59il faut avoir le courage
08:01de traiter la situation traumatique
08:04dès qu'on en a conscience.
08:06parce que le stress post-traumatique,
08:09on peut le vivre un jour J,
08:12et il ne peut se déclencher que dix ans après.
08:14Si on arrive aujourd'hui à faire rentrer ça dans la tête
08:18de tout un chacun et de mes pères,
08:22de ma hiérarchie du plus bas au plus haut,
08:24des familles de gendarmes,
08:27des familles de militaires,
08:28ou des familles de gens qui sont touchés par le SPT,
08:30traiter le problème dès qu'il survient
08:33pour éviter qu'il ne devienne chronique ou complexe,
08:36eh bien, voilà, j'aurais réussi ma mission.
08:38Tu as envie de dire quelque chose, Pierrick ?
08:39Toi, qui l'as...
08:40Non, c'est que c'est chouette.
08:42Je trouve qu'il y a une forme de communion
08:43qui se met en place.
08:44Je ne sais pas si tu as ressenti la même chose.
08:46Si, si.
08:46Le fait qu'il y a un échange de sourire aussi,
08:49ça change la perception
08:51et le sens de l'accueil.
08:52En dépit de leurs blessures
08:54et d'un poids qui est quand même très visible sur leur corps,
08:59il y a beaucoup de joie dans ces maisons.
09:03J'ai l'impression que c'est un port
09:04où ils peuvent venir un peu accoster
09:06et repartir après, là où ils en sont.
09:08Sans se connaître,
09:10parfois même sans se parler,
09:12tous ici se comprennent.
09:14Je crois que la meilleure chose qu'on puisse dire
09:16de façon très synthétique,
09:21c'est un grand merci d'être là,
09:22quoi, c'est...
09:24C'est...
09:26Pardon.
09:31Le ministère des Armées
09:33ambitionne d'étendre le dispositif
09:35à 10 maisons
09:36pour accueillir 1 000 blessés psychiques
09:38d'ici à 2030.
09:40Et les crédits alloués à Atos
09:42sont en augmentation constante.
09:44Plus de 6 millions d'euros cette année.
09:47Une bonne chose pour Marc Lamény.
09:50Les maisons Atos, c'est innovant.
09:52Il n'y en a que 5, bientôt 6.
09:54Mais il y a une demande légitime.
09:56Certes, tout à un coût,
09:58mais en réalité, le coût, il est raisonnable
10:00par rapport aux biens fondés
10:02et puis aux résultats.
10:03Si l'armée intensifie ses efforts pour les blessés psychiques,
10:08le civil aussi prend sa part.
10:10À Paris, Marc Lamény a rendez-vous au MEDEF.
10:14L'organisation patronale a mis sur pied un groupe de travail
10:18pour aider les entreprises à recruter des blessés psychiques.
10:21Vous avez un rôle fondamental.
10:23Le MEDEF a même édité un guide
10:26avec des recommandations à destination des futurs recruteurs
10:29pour intégrer ses blessés particuliers.
10:31L'entreprise a un rôle à jouer
10:33dans le parcours de reconstruction du militaire blessé
10:37en tant qu'organe de reconnexion sociale.
10:43Voir qu'on délivre un résultat,
10:46on contribue au succès de l'entreprise,
10:49au succès d'un projet, etc.
10:51Eh bien, ce sentiment d'utilité,
10:55il va venir consolider l'estime de soi.
10:58À Rennes, l'entreprise Orange
11:03a fait le choix de donner une nouvelle chance
11:05à Simon Poitvin.
11:07Simon de la CA, bonjour.
11:09Simon était militaire par le passé.
11:12En 2018, en pleine opération de maintien de la paix au Liban,
11:15un trouble psychique violent le terrasse.
11:18Retrouvé à terre par ses camarades,
11:20puis hospitalisé,
11:22il se réveille touché par une amnésie profonde.
11:27C'est un blackout.
11:28total.
11:29Je ne me souviens plus de rien.
11:30Je ne connais pas ma famille,
11:31je ne connais pas mes parents,
11:32je n'ai pas de frères,
11:33je n'ai pas de sœurs,
11:34je ne sais pas ce que je fais là,
11:35je ne sais pas qui je suis.
11:37Et je suis...
11:40En fait, je ne sais pas quoi faire.
11:44Je suis vraiment perdu.
11:46Après une longue convalescence,
11:48Simon tente de retrouver son régiment,
11:50mais il est inapt au service.
11:52Et vous me dites quoi à ce moment-là ?
11:54Ça vous blesse ?
11:56Ouais.
11:58J'avais l'impression, en fait,
11:59j'étais...
12:01Je n'avais plus rien.
12:02Simon rebondit grâce au MEDEF
12:04et trouve un apprentissage chez Orange.
12:07Il est aujourd'hui technicien en CDI
12:09et bien intégré à son équipe.
12:11Les anciens militaires,
12:12ils ont justement cette rigueur,
12:14ce côté très professionnel
12:17qui fait qu'aujourd'hui,
12:19d'accueillir des personnes
12:20issues de l'armée dans l'entreprise,
12:24ça permet justement de capitaliser
12:25sur ces acquis-là
12:27et c'est utile pour l'ensemble
12:29de l'équipe du collectif.
12:31Loin de l'armée,
12:33loin de sa blessure psychique,
12:35une nouvelle vie s'ouvre à Simon
12:37dans le civil.
12:38Je suis soutenu,
12:40que ce soit famille,
12:41que ce soit belle famille,
12:43que ce soit les collègues,
12:44que ce soit mon manager.
12:45Je me sens très soutenu
12:46en tout ce que je fais.
12:48C'est un peu fleur bleue,
12:49mais c'est vraiment la sensation que j'ai.
12:52C'est que j'ai aucun...
12:56Je suis très bien.
12:57L'aspect psychique jusqu'au maintenant
13:02était malheureusement un peu oublié,
13:07alors que maintenant,
13:08les unités militaires
13:09ont pris conscience, je dirais,
13:12d'apporter des solutions
13:13pour aider.
13:16Ce que j'aimerais dire
13:17à nos blessés,
13:20ils méritent beaucoup de respect,
13:21de reconnaissance.
13:22Ils ont servi pendant des années
13:24notre nation,
13:25notre pays.
13:26Sous-titrage Société Radio-Canada

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