00:02Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin la spécialiste des politiques éducatives et de l'enfance, Sophie Audugé.
00:10Bonjour Sophie Audugé.
00:11Bonjour.
00:12Bienvenue sur Europe 1, vous avez récemment publié avec Maurice Berger l'éducation sexuelle à l'école paru chez Artege.
00:17Le député et les filles Paul Vagné et sa co-rapporteuse Renaissance Violette Spilbout ont remis hier leur rapport sur les violences en milieu scolaire.
00:26Un rapport de 350 pages dans le sillage de l'affaire Bétaram.
00:30Voilà, il formule ce rapport, 50 propositions à forte charge politique évidemment.
00:34Alors qu'est-ce qu'on en retient de ce rapport ?
00:36J'imagine Sophie Audugé, vous n'avez pas eu le temps d'en lire les 350 pages, mais quel est le message essentiel selon vous ?
00:42Alors vous avez raison, il y a un message politique évidemment, mais derrière le message politique il y a une réalité de changement d'époque,
00:48c'est qu'effectivement on avait dans des époques anciennes des écoles privées qui pouvaient avoir des manières un peu plus strictes et un peu plus dures que l'école publique.
00:59Il y a un sujet de violences sexuelles à l'école, d'ailleurs pas qu'il y a l'école privée, il faut le dire aussi.
01:02Alors absolument, c'est-à-dire qu'il faut distinguer...
01:04Dans les milieux associatifs, milieu du sport, etc.
01:06Alors même à l'école publique.
01:07Oui, et dans l'école publique aussi, bien sûr.
01:08Il y a également des problèmes de violences sexuelles dans l'école publique.
01:12De ce côté-là, je pense qu'il n'y a ni de droite, ni de gauche, ni de public, ni de privé.
01:17Mais quand on abuse un enfant, c'est un crime.
01:20Et donc à ce titre-là, tout doit être mis en place pour les protéger.
01:23Ça c'est évident, mais quelque part c'est un autre sujet.
01:25C'est-à-dire qu'aujourd'hui...
01:26Vous pensez que c'est un sujet prétexte finalement ?
01:28C'est un sujet prétexte, même s'il faut être clair, il y a eu des cas, des faits,
01:34des anciens élèves qui se sont organisés pour faire entendre leur voix et c'est très bien.
01:39Là-dessus, il ne faut pas se tromper de combat.
01:41Il y a un combat qui consiste à lutter contre les violences faites aux enfants.
01:43Et ce combat, tout le monde le porte.
01:46Je veux dire, il y a également l'Académie de médecine qui a sorti un rapport il y a quelques mois,
01:50effectivement en insistant sur le fait que les violences faites aux enfants augmentaient.
01:54Là, ce qui est intéressant dans ce rapport, c'est de dire que ces violences,
01:57elles sont faites également dans un cadre qui avait été pour l'instant très protégé,
02:00c'est-à-dire le lieu de l'école et le lieu de l'école dans le privé comme dans le public.
02:04On se souvient de cette maîtresse qui tapait une petite fille de 3 ans dans sa classe, si vous voulez.
02:10Donc il y a des violences en milieu scolaire,
02:13qu'elles soient sexuelles ou physiques ou psychiques.
02:16Je veux dire, on se souvient de la petite de 11 ans qui s'est suicidée
02:21parce qu'elle avait été humiliée à multiples reprises par son enseignante.
02:25Donc là, il y a un vrai sujet.
02:27Derrière, il y a un sujet politique, évidemment,
02:30qui est effectivement la guerre entre le public et le privé.
02:33C'est une guerre qui reprend.
02:34Oui, mais il y a des enjeux majeurs.
02:36Il y a deux enjeux majeurs.
02:38Le premier, c'est un enjeu démographique,
02:39c'est-à-dire qu'il y aura moins d'élèves à scolariser
02:42et qu'à ce titre-là, ça veut dire des fermetures de classes dans le public
02:46et donc, par rapport aux syndicats et aux fonctionnaires,
02:49ça va poser des questions de décision
02:51qui, peut-être, vont impacter l'école publique.
02:54Avec une opportunité d'économie
02:55dont ne fait pas mystère Elisabeth Borne, ministre de l'Éducation.
02:59Bien sûr.
02:59En disant moins d'élèves, ça va permettre de fermer des classes
03:02et c'est une bonne chose pour les finances de l'Éducation nationale.
03:04Absolument.
03:05Alors, d'autres peuvent avoir un autre jugement.
03:07C'est-à-dire, moins d'élèves, c'est peut-être plus de temps pour les instruire.
03:11Et puis, l'autre enjeu, c'est évidemment l'effondrement de l'instruction en France
03:14qui était un tabou français au niveau de l'administration,
03:18qui ne l'est plus.
03:18Il y a eu un rapport récent de la Cour des Comptes
03:20qui est totalement affligeant en termes de conclusion.
03:23Ça n'avait jamais été fait.
03:25On constate qu'effectivement, en France, dans l'école publique,
03:28en tous les cas, la majeure partie d'entre elles,
03:30on n'instruit plus les élèves.
03:31On a des enfants qui ont un niveau en mathématiques qui est dramatiquement bas.
03:37L'enfant de cadre aujourd'hui a à peine le niveau de l'enfant d'ouvrier d'hier.
03:43Vous avez, parmi ces...
03:45On n'a plus de très bons élèves, ni en mathématiques,
03:48ni en littérature, en lettres, etc.
03:51Donc, ça sous-entend, si vous voulez, qu'aujourd'hui, on a des administrations,
03:55ce qui n'aurait jamais été le cas il y a ne serait-ce que cinq ans,
03:57qui commencent à regarder le modèle du privé
04:01et qui disent, il faut qu'on s'en inspire.
04:04À la fois en termes de décentralisation, de la gestion des ressources humaines,
04:08à la fois en termes de direction d'établissement,
04:10en allant choisir ses enseignants,
04:11et que les enseignants choisissent également les établissements.
04:14Et ça, si vous voulez, c'est quelque chose qui inquiète évidemment les syndicats,
04:17parce que ça va à l'encontre de tout ce qui prône,
04:20c'est-à-dire ces retours de la méritocratie,
04:22retour d'une école qui instruit,
04:24avec des méthodes qui sont celles...
04:25Les profs sont contre une école qui instruit, vous dites, Sophie Audugé ?
04:28Manifestement, puisque vous avez 50% des élèves qui quittent le CM2
04:32sans savoir lire et écrire parfaitement.
04:34En tout cas, c'est le rôle que joue l'école privée auprès des parents,
04:36qui se dit que c'est un peu une seconde chance dans bien des cas.
04:39On met les enfants dans le privé parce qu'on veut qu'ils réussissent.
04:42On sait que le climat scolaire, ça sent de tous les sondages,
04:44est réputé meilleur dans le privé que dans le public.
04:46Absolument, quand vous êtes un parent, vous avez deux objectifs.
04:50Le premier, c'est que votre enfant soit en sécurité à l'école.
04:52C'est quand même le premier objectif.
04:53Et le deuxième, c'est qu'a priori, ils y apprennent un petit peu quelque chose.
04:55Et quand, par rapport à ça, vous avez une école publique qui s'effondre,
04:59eh bien, les parents, qui ne sont pas des parents qui vont faire un choix
05:02pour des raisons de foi et religieuse, c'est bien toute la question.
05:05C'est-à-dire qu'aujourd'hui, la plupart des parents ne choisissent pas le privé
05:08pour des régions de religion.
05:10Ils le choisissent pour, justement, un niveau d'instruction,
05:14un encadrement et puis la sécurité.
05:17Mais pour revenir à la France insoumise, au rapport qu'ils portent
05:19contre les violences sexuelles à l'école,
05:22l'idée générale qui est portée, c'est de dire qu'il faut plus de contrôle
05:25de l'école privée au nom de la protection de l'enfance.
05:28Et vous pensez qu'en réalité, c'est un prétexte à une volonté
05:31de démantèlement de l'école privée ?
05:33Bien sûr.
05:35Bien sûr.
05:36Je veux dire, les contrôles doivent se faire pour la protection de l'enfance,
05:39dans le privé comme dans le public.
05:40Je veux dire, il n'y a pas de sujet là-dessus.
05:42Bien sûr.
05:43Il faut contrôler tous les établissements qui sont en contact avec des enfants,
05:46que ce soit des établissements sportifs.
05:48On a vu le ravage des abus sexuels dans le sport, évidemment.
05:53Donc ça, c'est un enjeu qui concerne tout le monde,
05:56tous les milieux des adultes qui sont en contact avec des enfants.
05:59Mais le vrai sujet aujourd'hui, c'est comment on réforme l'école publique
06:02pour que les enfants soient en sécurité et y soient instruits.
06:05C'est la priorité absolue.
06:07Le succès de l'école privée se nourrit des échecs de l'école publique.
06:10Merci beaucoup, Sophie Audugé, d'être venue nous en parler ce matin sur l'antenne d'Europe 1.
06:14On reparlera de ce rapport Bétaram avec tout à l'heure Alexis Brézé,
06:17parce qu'il y avait évidemment une cible politique dans ce dossier.
06:20C'était François Bayrou, le Premier ministre.
06:22Il en sera question dans l'édito politique tout à l'heure à 8h moins 10.