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FRANCE 24
  • 27/06/2025

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00:00Sébastien Regnaud est également à mes côtés. Bonsoir.
00:02Vous êtes spécialiste de l'Iran, auteur de la modernité iranienne aux éditions L'Armatan.
00:08Benyamin Netanyahou a parlé aujourd'hui d'un tournant historique.
00:11Qu'est-ce que ça implique exactement l'intervention américaine et l'entrée en guerre des Etats-Unis face à l'Iran ?
00:18C'est-à-dire qu'en fait, c'est jeudi soir que tout a changé.
00:21Parce que la guerre jeudi soir entre Israël et l'Iran a été pliée.
00:25Et les Israéliens se sont rendus compte qu'ils ne pouvaient pas atteindre le programme nucléaire iranien.
00:32C'est-à-dire que malgré les esbroufs de Netanyahou, ils se sont rendus compte qu'ils avaient frappé l'Iran,
00:39ils avaient fait mal à l'Iran, mais ils n'avaient pas atteint leur cible,
00:42c'est-à-dire empêcher l'Iran d'atteindre le programme nucléaire iranien.
00:49Donc à partir de ce moment-là, les Iraniens ont montré leur jeu.
00:53Si vous voulez, c'est un petit peu comme dans les jeux d'échecs.
00:57Souvenons-nous que le jeu d'échecs a été inventé par les Perses.
01:00Il y a eu échec et mat entre Israël et l'Iran.
01:04Shahmat, on dit en persan.
01:05L'expression vient de là.
01:07Et si vous voulez, ils ont montré leur jeu.
01:10Et le jeu, ils l'ont montré à Washington.
01:12Ils ont expliqué quelle était la doctrine nucléaire iranienne.
01:15Ils expliquent aux Etats-Unis qu'ils disposent de la capacité
01:21à disposer de la bombe en 15 jours depuis 15 ans.
01:25C'est-à-dire depuis 15 ans, ils ont une capacité à obtenir la bombe en 15 jours.
01:29Sauf qu'ils ne prennent pas la décision de la réaliser.
01:33Conformément aux engagements qu'ils ont pris du point de vue international
01:37en référence au traité de non-prolifération atomique.
01:40C'est-à-dire qu'ils ont expliqué leur doctrine nucléaire
01:44qui est une doctrine du seuil nucléaire.
01:47Nous avons la capacité, parce que nous avons la capacité scientifique et technique
01:50de pouvoir avoir la bombe.
01:53C'est ça qui a fait réagir les Etats-Unis.
01:54Voilà. C'est-à-dire que c'est ça qui a fait réagir les Etats-Unis.
01:58Les Iraniens ont montré leur jeu aux Etats-Unis d'une manière tout à fait transparente
02:01et d'une manière qui permettait d'expliquer aux Américains
02:04qu'il n'y a aucune différence entre les discours et ce que nous faisons en interne.
02:08C'est pour ça que Trump s'est donné 15 jours.
02:12Vous voyez, 15 jours, 15 jours de la bombe.
02:15Et donc, pour réfléchir.
02:16Il a décidé que cette position,
02:21cette transparence qu'ont amené les Iraniens sur le dossier à Washington,
02:26pouvait être réglée par la voie de la diplomatie.
02:30Car cette capacité iranienne, qui était concrète, qui était précise, etc.,
02:34peut affecter, si vous voulez, toutes les puissances nucléaires de la région.
02:39Et donc, tout est une question de seuil nucléaire.
02:42C'est-à-dire, à quel seuil acceptable pour les uns et les autres ?
02:45Toutes les puissances nucléaires autour, Israël bien entendu,
02:49et quel seuil acceptable pour l'Iran ?
02:51Et là, il y avait une multitude de voies de négociation tout autour de cette question.
02:55Vous voyez, c'est une question de curseur.
02:57Où est-ce qu'on met le curseur ?
02:59Et par rapport à ce curseur, il y a toutes les questions qui peuvent se poser.
03:02La question de la stabilité de la région, la question du terrorisme,
03:05la question des relations entre eux-mêmes, l'Iran et Israël.
03:10Je vous rappelle qu'au début des années 2000,
03:13Khamenei s'était engagé sur une feuille de route
03:16initiée par Jacques Chirac à l'époque,
03:19pour régler tous les problèmes qui concernent son pays,
03:22en échange d'une reconnaissance par l'Iran d'Israël dans les frontières de 1967.
03:26Donc, si vous voulez, il y avait, d'un point de vue diplomatique,
03:30les Iraniens sont les inventeurs de la diplomatie,
03:33ce sont des très fins diplomates,
03:34et d'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles, à mon avis,
03:36il y a eu un bombardement, c'est-à-dire qu'il y a une telle usine à gaz diplomatique à gérer
03:40que, finalement, il y a presque, j'allais dire,
03:44une incapacité à pouvoir gérer les problèmes de sanctions au niveau de l'ONU,
03:49au niveau de l'Europe, au niveau des États-Unis, etc.
03:51Et donc, Trump a pris la décision de détruire le programme nucléaire iranien.
03:57Mais sans vouloir changer le régime.
03:59Alors, sans vouloir changer le régime.
04:01C'est ce qu'ils disent, en tout cas, aux États-Unis.
04:01Pourquoi ? Parce qu'à partir du moment où les Iraniens ne font pas de blanche,
04:05ils présentent leur doctrine nucléaire aux Américains,
04:10ils se mettent, évidemment, dans une position de fragilité,
04:15puisqu'en fait, ils expliquent exactement, concrètement,
04:18quel est le cœur du réacteur nucléaire iranien.
04:20À partir de là, s'ils peuvent disposer de la bombe en 15 jours,
04:27ils disposent d'un stock d'uranium enrichi.
04:29Et donc, avant les frappes, ils ont retiré ce stock d'uranium enrichi,
04:34dont ils disposent encore, c'est-à-dire cette capacité d'un jour.
04:38Ils affirment qu'ils ont encore des capacités nucléaires incroyables.
04:40Évidemment, c'est-à-dire que le programme, c'est-à-dire l'aspect technique,
04:42la manière de fabriquer, en fait, c'est comme s'ils ont détruit l'usine,
04:47mais le produit de l'usine, ils l'ont conservé pour eux.
04:49Et ce produit de l'usine, ils l'ont conservé pour eux.
04:52Et ce produit de l'usine, maintenant, est au cœur de la négociation.
04:56Donc, si vous voulez, ils ont, entre guillemets, un peu coincé aussi un petit peu l'ensemble du système.
05:01C'est-à-dire que vous allez être obligés de négocier avec nous,
05:04parce qu'on a toujours le cœur du produit.
05:07On n'est plus capable d'enrichir de l'uranium,
05:09mais le produit que nous avons fabriqué pendant toutes ces années,
05:12on en dispose toujours.
05:14Et en fait, toute la question sera de savoir,
05:17parce que donc la doctrine nucléaire reste la même,
05:21la doctrine nucléaire iranienne reste la même,
05:24une capacité de disposer de la bombe en 15 jours,
05:28et toutes les négociations vont tourner autour de cette question.
05:31Donc l'Iran n'a pas dit son dernier mot, si l'on vous comprend bien.
05:33Alors là, c'est évident que non.
05:36Merci beaucoup Sébastien Regnaud.
05:38Je crois qu'on n'a malheureusement pas le temps pour davantage,
05:41mais on va prendre désormais la direction de la Syrie,
05:44puisque un attentat...
05:46Ah pardon, alors on va pouvoir continuer un petit peu,
05:49puisque manifestement, on a un petit peu plus de temps.
05:52Je voudrais également vous interroger sur le détroit d'Hormuz,
05:55qui est l'une des grandes questions ce soir.
05:58L'Iran, vous le disiez, n'a pas dit son dernier mot,
06:00puisqu'il détient encore le cœur du nucléaire.
06:05Il a aussi cette marge de négociation, le détroit d'Hormuz,
06:08il peut l'utiliser ?
06:09Le premier rallié de l'Iran, c'est le cours du baril de pétrole.
06:13Et ça, évidemment, un baril à 100 dollars, 150 dollars,
06:17ça peut affecter le monde entier.
06:19Et comme cette région regorge de pétrole,
06:20et d'ailleurs c'est une raison pour laquelle cette région est dans cet état,
06:24c'est-à-dire qu'en fait, il n'y a pas de questions à se poser.
06:26C'est la seule région au monde où il y a un tel bouleversement permanent
06:30depuis 40 ans, on est dans des modelages, remodelages, réorganisation du Moyen-Orient.
06:34C'est parce qu'au cœur de ce Moyen-Orient,
06:37il y a la source la plus importante d'énergie
06:40pour le fonctionnement de tout système économique international,
06:45qui est en Arabie Saoudite,
06:46qui est, d'ailleurs, c'est intéressant et c'est très important à souligner.
06:49On parle de l'Iran comme déstabilisateur de la région.
06:52N'oublions pas que l'Arabie Saoudite et le Qatar sont les deux seuls pays au monde
06:56qui sont wahhabites.
06:58Le wahhabite, c'est, entre guillemets, un salafisme monarchique.
07:02C'est-à-dire que les Saoudiens et les Qataris diffusent le salafisme partout dans le monde.
07:07Et quand on considère que l'Iran déstabilise la région,
07:12il faudrait se poser un tout petit peu les questions
07:14de notre propre alliance avec le salafisme saoudien et Qataris.
07:20Je rappelle à toute fin utile que les terroristes des attentats du 11 septembre
07:24n'étaient pas afghans, ils n'étaient pas irakiens,
07:26ils n'étaient pas iraniens, ils étaient saoudiens.
07:28Ce sont les Saoudiens qui ont donné le la du terrorisme international.
07:31Je rappelle que le 7 octobre,
07:33le Hamas a perpétré le pire attentat d'Israël,
07:39que Israël ait connu,
07:40et que tous les cadres du Hamas vivent à Doha.
07:45Et c'est le jour où le chef du Hamas est parti en Iran
07:48pour se rendre à des obsèques,
07:51qu'il a été tué par les Israéliens en Iran.
07:54Vous voyez, donc le lien, si vous voulez,
07:58l'opposition de considérer que tous les problèmes viennent d'Iran
08:02en faisant fi du fait que nos alliés salafistes saoudiens et qataris
08:07répandent le salafisme partout dans le monde,
08:10il faudrait un tout petit peu le regarder en face,
08:13car c'est là le cœur du sujet.
08:15Moi, je ne connais pas de région qu'on puisse stabiliser,
08:19entre guillemets, d'ailleurs, c'est aussi une des seules régions
08:21qu'on stabilise en faisant la guerre,
08:24comme si la guerre permettait de stabiliser une région.
08:26Mais ce que je veux dire, c'est que cette question de notre alliance
08:32avec les salafistes saoudiens et qataris pose un énorme problème,
08:36notamment pour la stabilité de la région,
08:38mais pour la stabilité de nos propres sociétés européennes.
08:41Un dernier mot sur Israël.
08:44L'Iran continue de frapper également le territoire israélien.
08:48Israël, sa démarche, c'est de faire place nette dans la région
08:54pour pouvoir vivre en paix.
08:57Est-ce que, de cette manière,
08:59ces objectifs sont en passe d'être atteints ?
09:02C'est-à-dire que tout est un problème entre politique et militaire.
09:06C'est-à-dire que les Israéliens désintègrent la région
09:09parce qu'en fait, ils sont incapables de s'intégrer à leur propre région.
09:13Ils ont très peu de relations diplomatiques
09:14et ils ne font pas cet effort diplomatique
09:16pour avoir des relations avec les voisins.
09:19Et donc, ils attribuent toujours les responsabilités
09:21de tous les problèmes aux autres,
09:23mais ils ont aussi une part de responsabilité
09:25dans les problèmes actuels.
09:28Et ça, je pense qu'il y a aussi une extrême droite israélienne
09:33qui est extrêmement conquérante, extrêmement un peu messianique.
09:37D'ailleurs, c'est très lié.
09:39Il y a un messianisme des évangélistes protestants américains,
09:43un messianisme des salafistes saoudiens qui est très fort
09:48et un messianisme de toute une doxa juive suprémaciste.
09:54Et si vous voulez, c'est cette alliance-là qui est extrêmement forte
09:58et qui fait que cette région du monde est en permanence contrôlée.
10:04Par rapport à la stabilité de la région, si vous voulez,
10:07moi, je crois qu'on peut remercier la Chine
10:09d'avoir réussi à enterrer l'âge de guerre
10:11entre l'Iran et l'Arabie Saoudite.
10:13Parce que c'est à ce moment-là que le terrorisme et la tension
10:16dans la région, moi, je ne comprends pas comment on peut essayer
10:20de stabiliser une région avec un seul partenaire
10:23en rejetant toutes les responsabilités à l'autre.
10:25Si vous voulez, stabiliser une région avec un allié salafiste qataré
10:30comme, par exemple, en Syrie, où maintenant ce sont des salafistes
10:34qui sont à la tête du pouvoir, c'est un petit peu un problème.
10:38Les Occidentaux ont tendance toujours, si vous voulez,
10:41lorsqu'ils arrivent dans cette région,
10:43à arriver avec les valises des billets de nos alliés
10:46qui sont pleines de billets
10:48de nos alliés salafistes saoudiens et qataris.
10:52Et si vous voulez,
10:52pour apporter la démocratie et les droits de l'homme,
10:55ce n'est pas la meilleure solution non plus.
10:57Donc voilà, je pense qu'il faut mettre
10:58un tout petit peu d'eau dans son vin,
11:00essayer de prendre la part
11:02de notre propre responsabilité,
11:04de nos propres alliances,
11:05pour essayer de comprendre
11:06la complexité des problèmes qui existent au Moyen-Orient.
11:10On en revient à Gauthier Rybinski qui parlait de la politique qui...
11:14C'est-à-dire, est-ce que notre turpitude,
11:15et que vous avez parfaitement expliqué,
11:17justifie l'existence d'un régime comme celui des Mollas ?
11:21On en revient...
11:21Vous avez parfaitement raison de décrire comme vous le faites.
11:25Et finalement, toute une histoire de décolonisation
11:27qui s'est mal passée,
11:28la manière dont on arrive avec nos billets,
11:30la manière dont on compte dicter les choses,
11:33est-ce que tout cela, in fine,
11:37ça veut dire que, par comparaison,
11:39on peut justifier le régime des Mollas,
11:41y compris par rapport aux Iraniens ?
11:42Il n'y a pas à le justifier, je veux dire,
11:44l'Arabie Saoudite, c'est un pays qui décapite...
11:47Oui, mais il faut...
11:48Oui, mais vous avez raison.
11:49Est-ce que c'est une raison pour violer les femmes
11:51dans les prisons iraniennes ?
11:53En Arabie Saoudite, c'est une raison ?
11:55Mais non, mais je suis d'accord.
11:56Non, mais voilà.
11:56C'est pas une question.
11:57Moi, je ne justifie rien du tout.
11:58Alors, attendez, attendez.
11:59Parce que vous nous dites, finalement,
12:00les Iraniens, tout compte fait par rapport aux Saoudiens,
12:02et on pourrait être d'accord avec vous.
12:05C'est moins grave.
12:06C'est tout aussi grave.
12:07Mais c'est deux poids, deux mesures qui me posent problème.
12:09Moi, c'est deux poids, deux mesures qui me posent problème.
12:11Alors, allons-y, disons...
12:12On est le même discours avec les Saoudiens et les Qataris
12:15qu'avec l'Iran.
12:17Et bien, tout le monde, le même discours pour tous.
12:18Mais non, mais alors là, vous rentrez dans un débat.
12:21Moi, je vais vous dire, je suis français.
12:23J'ai vécu 15 ans en Iran.
12:25La première chose que j'apprends quand j'arrive en Iran,
12:28c'est l'humilité.
12:29Pourquoi ?
12:29Parce que je suis là en face d'un pays
12:31qui a 2500 ans d'histoire.
12:32Et si vous voulez, je ne crois pas qu'on ait beaucoup de leçons
12:35aux Iraniens.
12:36Et j'ai infiniment plus confiance aux Iraniens.
12:39Parce que je les connais, je les connais vraiment.
12:41Et moi, si vous voulez,
12:43les histoires de changement de régime,
12:45les histoires de... etc.
12:47Ça, vraiment, ça ne m'intéresse pas.
12:49D'ailleurs, ça a toujours été...
12:50Et le sort des gens, ça ne vous intéresse pas, le sort des Iraniens ?
12:52Mais bien sûr que si.
12:53Mais c'est pas moins français.
12:55Vous trouvez que le guide suprême est quelqu'un d'humble ?
12:57Je vais devoir interrompre ce débat, messieurs.
13:00Mais non, mais vous avez raison sur les Saoudiens.
13:01Mais à ce moment-là, pourquoi avoir cette réserve ?
13:04Mais en tant que français, c'est pas loin de dire...
13:05Je vous laisse débattre en dehors de l'antenne.
13:08Restez avec nous dans quelques minutes.
13:09On se retrouve pour l'essentiel politique.
13:11Pardon, pardon.