Chaque printemps, c’est la même comédie : Le Figaro, L’Étudiant, Challenges publient leur palmarès des grandes écoles. Des colonnes de chiffres, des flèches rouges et vertes, des “top 5” qui font vibrer les familles et donner des sueurs froides aux candidats. Comme si l’intelligence, l’ambition et la capacité à réussir se résumaient à une position dans un tableau Excel. Mais derrière cette façade pseudo-scientifique, les critères choisis révèlent surtout une vision étriquée, conformiste – et franchement paresseuse – de la réussite. [...]
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00:00Chaque printemps, c'est la même comédie.
00:11Le Figaro, l'étudiant, Challenge publie leur palmarès des grandes écoles.
00:16Des colonnes de chiffres, des flèches rouges et vertes,
00:18des top 5 qui font vibrer les familles et donner des sueurs froides aux candidats.
00:23Comme si l'intelligence, l'ambition et la capacité à réussir
00:28se résumait à une position dans un tableau Excel.
00:32Mais derrière cette façade pseudo-scientifique,
00:35les critères choisis révèlent surtout une vision étriquée,
00:38conformiste et franchement paresseuse de la réussite.
00:43Premier critère fétiche, le salaire brut 6 mois après la sortie.
00:47Comme si un revenu temporaire reflétait la valeur d'une formation.
00:52Pire, ce critère récompense les carrières les plus conformistes,
00:55financent, conseils et disqualifient d'emblée les jeunes qui entreprennent,
01:01enseignent, innovent ou partent dans l'économie sociale.
01:04L'élitisme version Excel, ceux qui gagnent vite ont raison.
01:09Un campus à l'étranger, des partenariats en rafale,
01:13quelques cours en anglais et voilà !
01:14L'école coche la case globalisée.
01:18Peu importe que les étudiants restent entre Français,
01:21à Berlin ou à Singapour, ce qu'on valorise,
01:24ce n'est pas l'ouverture au monde mais le storytelling international.
01:28Une illusion d'exotisme qui rassure mais ne transforme personne.
01:34Plus une école est bien classée,
01:36plus les recruteurs s'y intéressent.
01:38Plus les étudiants y vont, plus leur salaire monte.
01:42Résultat, un cercle vertueux pour les écoles installées
01:45et un plafond de verre pour les outsiders.
01:48Ce n'est pas une mesure de qualité,
01:50c'est un miroir à prestige.
01:53Le nombre d'articles publiés dans des revues dites à comités de lecture
01:57pèse lourd dans les classements.
02:00Mais combien d'étudiants lisent ces papiers ?
02:03Combien de managers en tirent une idée utile ?
02:06On récompense des chercheurs pour leur capacité à se faire relire
02:10par d'autres chercheurs dans une langue absconce
02:14sur des sujets sans lien avec le terrain.
02:16On a troqué l'enseignement contre la bibliométrie.
02:20Quant à sonder les anciens sur leur fierté d'appartenance,
02:23cela revient à demander à des ex-diplômés s'ils aiment leur trophée.
02:26Oui, ils sont fiers.
02:28Mais ça ne dit rien sur ce qu'ils ont appris,
02:30encore moins sur ce qu'ils transmettent.
02:32C'est un indicateur d'appartenance tribale,
02:34pas de valeur ajoutée pédagogique.
02:37Les classements mesurent ce qui compte vite,
02:40salaire, publication, partenariat,
02:43mais laissent de côté l'essentiel,
02:45la capacité à former des esprits libres,
02:48critiques et inventifs.
02:50En valorisant le vernis,
02:52ils poussent les étudiants à viser des écoles
02:54comme on coche une case,
02:56en espérant y trouver la clé du succès.
02:59Mais beaucoup découvrent, une fois entrés,
03:01que derrière la promesse de l'excellence
03:04se cache un conformisme tranquille,
03:07des cours interchangeables et une ambition sous vide.
03:10La grande école bien classée
03:12ne déçoit pas parce qu'elle est mauvaise,
03:15elle déçoit parce qu'elle promet plus
03:17qu'elle ne peut apporter à la personnalité
03:20et aux talents spécifiques de chacun.