00:00J'avais une intuition au départ de découvrir que la langue française me servait à penser, à vivre, à être dehors.
00:24Mais un jour je découvre qu'en fait je n'arrive pas à dire des mots d'amour dans cette langue.
00:33Comme si en réalité tout le langage, toute la communication sentimentale, affective, intime, retourne à la langue de l'enfance, et dans mon cas particulier à la langue de la mère.
00:48Et qu'en même temps, par rapport à l'arabe, il y a une nostalgie du vocabulaire amoureux.
00:57Quand je retrouve cette chair sonore, à ce moment-là je la récupère dans la langue française, en image, en rythme.
01:09C'est comme si je ramenais tout un secret arabe de l'affectivité, et que j'essaye finalement, en tâtonnant, de redonner aux français langue intellectuelle ou conceptuelle, de lui redonner ce que j'ai perdu ailleurs.
01:27Donc je pense que c'est au fond ça, ma solidarité sur un plan littéraire, c'est ramener les femmes du passé, les ramener dans leur vie, dans leur opposition et dans leur vie.
01:40En faisant exister des femmes entières, pas des femmes entravées.
01:43C'est redonner confiance aux femmes actuelles, aux jeunes femmes actuelles.
01:47Donc j'essaye de me mettre dans le regard des femmes traditionnelles, de multiples femmes des Médina, qui vont et viennent, qui doivent travailler, qui finalement assument à la fois le rôle de l'homme avant,
01:59puisque tout un tas de femmes maintenant, elles travaillent, soutiennent des familles financièrement, et en même temps acceptent l'autorité de l'homme, qu'il soit d'ailleurs souvent le mari ou le fils ou le frère.
02:12Donc ce rôle masculin au présent est quand même plein d'ambiguïté, plein d'échecs, et plein d'une sorte de fausses valeurs.
02:27Comme s'il était toujours au devant, mais qu'en réalité il est un peu vidé.
02:31Au fond, tout se passe comme s'il y a un nœud dans ce présent arabe, et que ce nœud est purement masculin.
02:40Ça fonctionne au niveau de tout un tas de ruptures et de problèmes non résolus à l'intérieur de chaque homme arabe.
