- 24/10/2024
Dans "Tout Public" du jeudi 24 octobre 2024, Eloi Relange, président de la Fédération française des échecs pour la série "Rematch", et l'écrivain Philippe Jaenada pour "La désinvolture est une bien belle chose".
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00:00Et voici du public avec vous, Mathéo Maestraci.
00:07Bonjour Lucie, bonjour à tous.
00:08Encore un joli programme aujourd'hui.
00:10Si vous aimez les séries télé, vous avez sans doute entendu parler de ceci.
00:14Concentre-toi.
00:15Concentre-toi.
00:16Joue.
00:17Joue.
00:18IBM veut un rematch, un million de dollars.
00:24Ce sera la plus grande bataille entre l'homme et la machine de toute l'histoire.
00:29Le jeu est plus important que toi.
00:32Rematch sur Arte, 6 épisodes, ils sont tous déjà disponibles en ligne sur le site d'Arte
00:37et les 3 derniers diffusés ce soir sur la chaîne à 20h55.
00:40Une série qui raconte, vous l'avez sans doute compris, le duel dans les années 90
00:44entre un certain Garry Kasparov, champion du monde d'échecs, et le super ordinateur
00:49Deep Blue conçu par IBM, 6 matchs après une victoire de Kasparov l'année précédente.
00:55Bonjour Éloi Rollange.
00:56Bonjour.
00:57Merci d'être avec nous sur France Info.
00:58Vous êtes président de la fédération française des échecs, pas d'échecs, des échecs,
01:02depuis 2021.
01:03Vous en arborez fièrement la polaire avec le logo FFE.
01:07D'abord, cette série Rematch, vous l'avez vue, j'imagine que vous l'avez dévorée.
01:11Oui, dévorée en famille.
01:13C'est une série qui se regarde très très bien, qui met la tension échiquienne qu'on
01:18peut voir dans des matchs de très haut niveau, des matchs sportifs de très haut niveau,
01:23centré autour du personnage de Garry Kasparov qui est quand même un personnage hors normes
01:25comme on peut le voir dans la série et comme on peut le voir en vrai quand on le connaît
01:28un petit peu.
01:29Cette série ne s'adresse évidemment pas qu'aux joueurs ou aux amateurs d'échecs,
01:33parce que ce serait un public assez restrictif, c'est l'une de ses qualités, c'est-à-dire
01:37que même si on n'est pas amateur, même si on n'a jamais joué, on comprend la plupart
01:41des choses.
01:42Oui, alors la première chose, je vais quand même préciser que les échecs sont un sport
01:45extrêmement populaire puisqu'il y a 5 millions de pratiquants en France.
01:48Donc ce n'est pas limité à une élite ou à une population très fine, 5 millions
01:52de pratiquants qui jouent une partie par an ou plus et un français sur deux qui connaît
01:55les règles.
01:56Et le sport est dans l'inconscient collectif de nombreux français.
01:59Mais oui, je confirme, il n'y a pas besoin de savoir jouer aux échecs pour vibrer en
02:02regardant cette série.
02:03C'est un match homme-machine, donc ça dépasse les mouvements techniques du jeu d'échecs
02:09et ça se regarde vraiment avec grand plaisir et beaucoup d'enthousiasme.
02:12Et Loire-Lange, vous ne m'en voudrez pas de dire votre âge ? Vous avez 48 ans, c'est
02:17sur internet, c'est public, vous avez 48 ans ! Voilà pourquoi je dis ça, c'est que
02:21vous avez sans doute des souvenirs de cette époque, vous étiez déjà joueur à l'époque,
02:24vous étiez déjà amateur de la discipline ?
02:26Oui, bien entendu, je suis effectivement président de la Fédération française des échecs,
02:31mais également grand maître international, donc j'ai été en équipe de France, membre
02:34de l'équipe de France puis capitaine de l'équipe de France et les joueurs de haut niveau commencent
02:37jeunes.
02:38Donc l'âge général pour commencer les échecs, c'est 4, 5, 6 ans éventuellement.
02:42Et c'est un parcours de joueurs d'échecs qui se construit dans la durée, il faut 10
02:47à 15 ans pour devenir grand maître international, c'est un vrai parcours d'excellence.
02:51Je vous félicite du coup au passage.
02:53Merci.
02:54Je suis né en 1976 et donc le match a eu lieu en 1997, donc j'étais déjà pleinement
02:59en possession de tous mes moyens pour suivre ça avec beaucoup d'attention, notamment
03:03la qualité des parties.
03:04Est-ce que vous trouvez que cette série, parce qu'il y a le fond, il y a la forme,
03:07est-ce que vous trouvez qu'elle fait particulièrement honneur à la discipline, aux échecs et à
03:13tout le symbole qui s'en dégage et toute la stratégie qu'elle implique ?
03:17C'est une excellente question parce qu'on va découvrir le personnage de Garry Kasparov
03:24qui a été champion du monde pendant 15 ans, donc qui est considéré comme le meilleur
03:28joueur de tous les temps, à égalité avec Magnus Carlsen peut-être, qui a marqué son
03:32époque et son temps, mais qui avait un caractère très très difficile.
03:36C'était un dissident du bloc soviétique, relativement paranoïaque, très nerveux,
03:41très exigeant pour lui et pour les autres, qui, comme on le voit dans le film, va passer
03:47d'un coup à l'autre, va faire des pompes, va se remettre dans la partie, calcule extrêmement
03:50vite, vraiment un cerveau extrêmement impressionnant, mais des valeurs qui ne sont pas forcément
03:57très consensuelles.
03:58Il est agressif.
03:59C'est un joueur agressif.
04:00Donc je dirais que ça, c'est la partie des échecs, ce côté agressivité, ce côté
04:07combat à mort qu'on va découvrir, qui n'est pas celle qui me parle le plus.
04:11Nous aussi, à France Info, on fait des pompes entre deux invités, c'est évidemment totalement
04:14faux.
04:16Justement, vous parlez de son caractère, c'est une question que j'avais prévue plus
04:19tard, mais vous me tendez une perche.
04:20Le jeu de l'arène sur Netflix, ça c'est avec Anya Taylor-Joy, que ce soit elle, son
04:26personnage dans la série, ou Garry Kasparov, on ne peut pas vraiment dire que ce soit des
04:30personnes, alors brillants aux échecs, mais que ce ne soient des personnes ni très stables,
04:34ni très aimables, rassurées, vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait 5 millions
04:38de pratiquants en France, rassurées les gens qui nous écoutent, on peut être très bon
04:41aux échecs sans être quelqu'un d'associal.
04:45Tout à fait, tout à fait, non, on croise, et c'est d'ailleurs les personnages qui
04:49vont nous captiver pour romancer, ou pour filmer, ou pour faire des sujets, c'est ceux
04:55qui sont un petit peu décalés de la virile, mais la grande majorité, comme dans la société
05:00française ou dans la société mondiale, la grande majorité des joueurs d'échecs d'excellence
05:04sont des gens comme vous et moi, tout à fait normaux, qui discutent chaleureusement.
05:09Tout à fait.
05:10C'est fou d'ailleurs que cette histoire n'ait pas été adaptée plus tôt, parce
05:13que finalement, il y a tous les ingrédients du parfait thriller, et la série est construite
05:16comme ça.
05:17Vous l'attendiez depuis longtemps cette série ? Vous ne vous disiez pas, en tant
05:21qu'amateur d'échecs, ayant connu cette époque, que ce serait vraiment super qu'on
05:25ait au moins, au mieux un documentaire, même si ça doit exister, au pire un documentaire,
05:30au mieux une grande série sur cette histoire, qui est formidable ?
05:33Oui, alors je préfère largement, effectivement, le rematch, comme on a pu le voir, la série
05:38sur un fait historique marquant des échecs, plutôt que ce qu'on a habituellement.
05:44Le joueur d'échecs est complètement fou, donc on a beaucoup de films sur les échecs,
05:49mais qui vont montrer des personnages vraiment en décalage complet avec la société, avec
05:54le monde.
05:55Là, ce n'est pas le cas.
05:56Donc ça, j'aime bien.
05:57L'histoire est passionnante.
05:59Effectivement, il y a IBM, il y a l'intelligence de l'homme contre l'intelligence de la
06:04machine.
06:05Il y a un enjeu qui est très fort et je trouve, moi, très bien expliqué.
06:08Les parties sont réelles, réalistes.
06:10On voit Kasparov dans les moments de doute, quand il comprend ce qui se passe.
06:13On voit aussi son doute face à la machine.
06:16Il ne sait pas à quoi il va être confronté.
06:20Il arrive au match, il ne sait pas ce qu'il va y avoir en face.
06:22Il n'a pas eu accès aux parties.
06:24Et ça, c'est quelque chose qui est extrêmement vrai en tant que joueur d'échecs.
06:27Quand on regarde cette série, c'est captivant.
06:29C'est vrai que quand on n'a pas vu les parties de l'adversaire, on ne sait pas à quoi ça
06:31tombe.
06:32On va revenir au côté informatique dans un instant.
06:33Mais est-ce qu'on parlait du jeu de l'arène sur Netflix, rematch sur Arte ?
06:37Est-ce que vous, en tant que président de la Fédération française des échecs, vous
06:40avez constaté que ces séries-là suscitaient un engouement particulier ?
06:43Est-ce que des gens vous en parlent ?
06:45Est-ce que des gens veulent jouer aux échecs après les avoir vus, se renseignent, s'inscrivent ?
06:49C'est quelque chose que vous avez matérialisé, cet engouement nouveau ?
06:53Alors, on l'a matérialisé pour le jeu de la dame.
06:54Alors là, très clairement, il y a eu un alignement de planètes pour le sport échec
06:57qui était incroyable. Le confinement, la sortie de la série Netflix et l'explosion
07:02du jeu en ligne. C'est-à-dire aux échecs, on peut jouer en ligne comme sur un vrai
07:05échiquier. On clique, on démarre une partie, on a un adversaire du même niveau que nous
07:08en même temps. Donc, tout le monde était bloqué à la maison.
07:11Il n'y avait plus de sport à la télé.
07:13Il y avait la série Netflix, le jeu de la dame.
07:15Et chacun, dans l'inconscient collectif, sait que les échecs sont un sport noble,
07:18valorisant. Il y a souvent un échiquier qui traîne à la maison et on peut jouer en
07:21ligne. Donc, tout cet ingrédient-là a fait qu'on est passé, à la Fédération
07:25française des échecs, de 50 000 licenciés à à peu près 80 000 aujourd'hui.
07:29Donc, c'est une énorme progression. Sur trois ans, il y a eu 30 000 licenciés en
07:32plus. Et sur le nombre de pratiquants, c'est encore plus large, plus vaste.
07:36La série Space, vous l'avez rappelé, en 1997, les faits datent de 1997.
07:42Une machine bat un homme.
07:45On en est où, de ce point de vue-là, des années après ?
07:48On est en 2024. J'avoue que je ne me suis pas renseigné volontairement pour que vous,
07:51vous m'apportiez la réponse. Est-ce qu'aujourd'hui, il est quand même beaucoup plus
07:55fréquent que les ordinateurs battent les joueurs d'échecs humains ?
07:58Alors, l'humain n'a plus aucune chance.
08:00C'est terminé depuis, on peut dire pratiquement depuis 97, à peu de choses près.
08:05Aujourd'hui, on utilise l'ordinateur pour se préparer.
08:07C'est vraiment un travail d'analyse et de préparation.
08:10Donc, c'est un outil.
08:11Ce n'est plus un adversaire. Il n'y a plus de match.
08:13Mais par contre, c'est un outil qui va nous servir à préparer les rencontres entre
08:18champions. Tous les champions utilisent désormais la technologie de l'ordinateur.
08:21Il y a eu un autre basculement après IBM et 97.
08:26Il y a eu Google DeepMind avec l'intelligence artificielle qui a battu
08:31l'ordinateur. On considérait tous ce joueur d'échecs comme imbattable, qui était
08:34l'ancienne technologie. Donc, ça, c'est le deuxième basculement.
08:36Le premier, c'est effectivement l'ordinateur bat l'homme.
08:39Et le deuxième, c'est l'intelligence artificielle bat l'ordinateur, pour ainsi
08:42dire. Et c'est, ça continue à se poursuivre.
08:46On parle beaucoup d'intelligence artificielle sur énormément de thématiques,
08:51des choses plus légères, des choses plus graves, notamment
08:55dans le cinéma des acteurs.
08:57Il y a eu des grèves de scénaristes à Hollywood qui ne voulaient pas être remplacés
09:00par des outils d'IA. Vous, de votre position
09:05dans les échecs en France, est-ce que c'est quelque chose qui a tendance à vous
09:08inquiéter ou pas, l'intelligence artificielle ?
09:12Alors moi, je suis plutôt progressiste sur la technologie.
09:14Je pense que c'est des avancées pour l'humanité, pour le confort de tous.
09:19J'en vois les défauts, j'en vois les risques, bien entendu.
09:21En ce qui concerne les échecs, l'intelligence artificielle, il n'y a aucun doute, c'est
09:24une vraie progression. On a appris des nouvelles stratégies, des nouvelles
09:26techniques. C'était une petite révolution.
09:28C'était extraordinaire.
09:30Après, c'est plus une question philosophique sur les risques impliqués par l'IA.
09:34Et là, je compte sur nos grandes entreprises,
09:37nos grands philosophes pour encadrer ça et qu'on en ait tous les bénéfices.
09:41C'est un outil, ce n'est pas un danger.
09:43Merci beaucoup. Alors, pendant que vous parliez, notre autre invité est venu
09:46s'installer à côté de vous sur France Info, Philippe Janeda.
09:48Bonjour. Alors généralement, on crée des petites alchimies entre nos invités.
09:53Est-ce que vous êtes amateur d'échecs ?
09:55Est-ce que ça vous intéresse ou pas du tout ?
09:56Soyez honnête. Je vais être très honnête, ça m'intéresse.
10:00Je ne suis pas un très bon joueur, donc je ne joue jamais.
10:02Mais vous avez la gagne ou rien.
10:05Je comprends, c'est aussi pour ça que vous êtes là.
10:06Merci beaucoup. En tout cas, merci Éloi Rollange.
10:09Restez avec nous, évidemment, si vous le souhaitez.
10:11Président de la Fédération française des échecs pour cette série Rematch.
10:15Kasparov contre la machine sur Arte.
10:17Trois épisodes ce soir à 20h55.
10:20Philippe Janeda est avec nous.
10:22Alors, si la qualité d'un livre devait se mesurer à la longueur d'un ouvrage
10:26ou même à celle de ses titres, vous en seriez le champion.
10:29Ce qui est encore mieux, c'est que les dix romans sont tous de très bons livres.
10:32La désinvolture est une bien belle chose.
10:34Sans preuve et sans aveu, au printemps des monstres, la serpe, la petite femelle
10:39et on en passe. On est très content que vous soyez là.
10:41Je ne dis pas ça par flagornerie, mais sachez que quand on a annoncé
10:43qu'on vous invitait dans une réunion interne à la radio, plein de gens ont dit
10:47Ah oui, c'est super ou je l'adore.
10:49Est-ce que vous avez conscience de dégager ce capital sympathie là?
10:52Est-ce que vous le comprenez?
10:54Alors, est-ce que j'ai conscience?
10:56Ça me fait plaisir. En tout cas, est-ce que je le comprends?
10:58J'espère. Les gens qui disent je ne comprends pas qu'on aime bien
11:01ces gens qui ont forcément des soucis.
11:04Non, je pense que ça vient surtout du fait que dans mes livres,
11:07je suis un peu le représentant des lectrices et des lecteurs.
11:11Je leur suggère de m'accompagner dans mes voyages,
11:15toujours modestes voyages et mes recherches.
11:17Donc, je pense qu'ils se créent, j'espère.
11:19En tout cas, c'est ce que je cherche.
11:20Une sorte de familiarité, de complicité.
11:23Dans un instant, ce sera la pause du Silinfo, mais juste un mot.
11:25Vous étiez dans les huit finalistes pour le Prix Goncourt.
11:28Il sera décerné le lundi 4 novembre.
11:30Depuis mardi, ne sont plus que quatre.
11:32Votre nom n'y est plus.
11:34Alors, soyez soyez honnête.
11:35Est-ce que ça vous a vexé, blessé ou au contraire un peu soulagé ou un peu tout ça?
11:40Vous me demandez toujours d'être honnête.
11:41Je suis honnête en permanence, Mathéo.
11:43Je ne vous le demanderai plus.
11:45Ni soulagé, ni surtout vexé, blessé, etc.
11:47Je pense qu'il faut vraiment voir le bon côté.
11:50On peut toujours voir les choses de deux côtés.
11:52Moi, j'ai vu des auteurs ou des autrices, souvent des auteurs, d'ailleurs,
11:56tristes ou furieux de ne pas avoir le Goncourt ou de sortir d'une liste.
11:59Alors qu'il faut regarder dans l'autre sens, c'est à dire que moi, depuis un mois et demi,
12:02comme tous les 16 premiers de la liste et encore a fortiori les huit
12:07qui étaient là encore avant-hier, on a vécu un mois et demi formidable.
12:11Partout où on allait en France, dans les salons du livre, les librairies,
12:14les gens disaient on est content pour vous, on croise les doigts, etc.
12:16C'était formidable. Maintenant, ça s'arrête.
12:20Aux échecs, je n'aime pas perdre dans la littérature ou aux courses de chevaux.
12:24Je joue beaucoup aux courses de chevaux.
12:25Ça apprend non pas à perdre, mais à ne pas gagner.
12:27Vous avez eu le prix de flore.
12:29Vous avez eu le féminin en 2017 pour la Serp.
12:32Est-ce que les récompenses, c'est important ou pas?
12:34Ou est-ce que c'est superficiel?
12:37Alors, à peu près ni l'un ni l'autre.
12:39Si c'est important dans un domaine assez pragmatique,
12:44c'est à dire que ça fait beaucoup plus de lecteurs qui découvrent les livres.
12:47Ça fait des sous, de l'argent.
12:50Et ce n'est pas superficiel, mais disons que ce n'est jamais que l'avis
12:54de quelques jurés, aussi talentueux, estimables soient-ils.
12:59Aucun livre ne peut plaire absolument à tout le monde.
13:02Et heureusement, moi, je serais terrifié si mes livres plaisaient à tout le monde.
13:04Donc, après, c'est une affaire de sensibilité.
13:08Ça fait plaisir quand on a un prix.
13:10Ça fait plaisir.
13:10Moi, quand j'ai eu le féminin, j'ai eu une réaction de gamin.
13:13J'ai failli...
13:14Alors qu'une heure avant, j'aurais dit non, si je l'ai, c'est bien.
13:17Mais enfin, bon.
13:18Et puis, quand on ne l'a pas, surtout, il ne faut pas prendre ça
13:20ni comme une vexation, ni comme une injure à désespoir.
13:24Je ne sais pas.
13:25Enfin, c'est vraiment on l'a ou on ne l'a pas.
13:27Mais voilà.
13:27En tout cas, vous êtes avec nous.
13:28On vous a, on vous garde jusqu'à qu'il est hors-heure, au moins.
13:31Merci beaucoup, Philippe Genada.
13:32Et tout public revient.
13:33Juste après le Fil-Info, il est 13h45.
13:36Avec vous, Théo Méthon-Réjimbaud.
13:39Le Liban doit avoir le monopole des armes,
13:42affirme il y a quelques instants le Premier ministre libanais.
13:45Il est à Paris, dans le cadre de la conférence internationale
13:48de soutien au Liban.
13:49Emmanuel Macron a demandé ce matin à l'ouverture que la guerre cesse.
13:5370 pays sont réunis, ainsi que 15 organisations internationales.
13:57Dans le même temps, au Proche-Orient, des affrontements à bout portant
14:01entre le Hezbollah et l'armée israélienne dans un village du Sud-Liban,
14:05frontalier d'Israël.
14:07Dans ce secteur, l'armée de l'État hébreu mène des incursions.
14:10Le groupe islamiste dit avoir détruit un char israélien.
14:14Kamala Harris estime que oui, Donald Trump est fasciste.
14:18Elle répondait hier à une interview de CNN
14:20à 12 jours de l'élection présidentielle américaine.
14:23Donald Trump, lui, estime que Kamala Harris a un faible quotient intellectuel.
14:27Un homme grièvement blessé par balle hier soir au Plessis-Robinson,
14:30dans les Hauts-de-Seine, c'est près de Paris.
14:32Un autre a également été pris en charge, suspecté de lui avoir tiré dessus.
14:36Lui a été passé à tabac par les amis de la première victime.
14:40Sept gardes à vue sont en cours.
14:42Et puis, qui a gagné un million d'euros en Haute-Savoie ?
14:46La Française des Jeux est à la recherche de ce mystérieux chanceux
14:49dont le code MyMillion d'Euromillions est gagnant.
14:52Il doit présenter le reçu avant le 1er novembre, 23h59, pour récupérer son gain.
15:07Toujours avec Philippe Gennada, qui a publié un nouveau livre au mois d'août,
15:11toujours chez ses complices de Mialet-Barreau.
15:14La désinvolture est une bien belle chose.
15:17Philippe Gennada, vous nous ramenez, nous lecteurs, dans les cafés,
15:20ou en l'occurrence dans un café de Saint-Germain-des-Prés dans les années 50, c'est bien cela ?
15:24Oui, au tout début des années 50, et même c'est assez précis, entre août 50 et fin 53.
15:31Comme souvent, vous êtes parti d'une phrase, d'un témoignage, d'une citation, d'une photo,
15:35pour vous focaliser sur un personnage.
15:38Là, encore une fois, pardon pour la question qu'on a dû vous poser souvent,
15:41mais quel a été l'élément déclencheur ? Parce que je crois que là aussi c'est passionnant.
15:44Alors l'élément déclencheur de mon intérêt pour cette histoire,
15:48c'est que j'écrivais mon livre précédent,
15:50Au printemps des monstres, je faisais mes recherches,
15:52enfin je n'écrivais pas, je faisais les recherches en 2018-2019.
15:55Complètement par hasard, je tombe dans un vieux journal de 1953,
15:59sur quelques articles qui annoncent la mort, le suicide apparemment,
16:04de la plus jolie fille de Saint-Germain-des-Prés,
16:07la plus libre, la plus heureuse, la plus légère,
16:11qui était folle amoureuse, tous les garçons étaient amoureux d'elle,
16:13mais elle, elle était amoureuse du plus beau soldat américain du quartier,
16:16qui était aussi amoureux d'elle,
16:18et qui à 20 ans, elle avait été mannequin chez Dior, brièvement,
16:20et à 20 ans, elle se jette par la fenêtre.
16:22Donc ça m'intrigue, je cherche un tout petit peu,
16:24mais comme j'étais sur l'autre livre et que je sentais qu'il allait faire 8 ou 900 pages,
16:28je ne me suis pas attardé là-dessus.
16:31Et puis une fois que ce livre précédent était terminé,
16:34je me suis de nouveau penché sur elle, mais je ne pensais pas en faire un livre,
16:37c'est-à-dire vraiment, je ne me disais pas, je vais écrire un livre sur,
16:41même si un suicide est toujours incompréhensible,
16:43je vais écrire un livre sur cette jeune fille qui avait tout pour elle,
16:47comme on dit bêtement, et qui s'est tuée à 20 ans.
16:50Mais en me renseignant sur elle, j'ai trouvé une photo d'elle,
16:52j'ai voulu savoir d'où venait cette photo,
16:54j'ai appris assez rapidement qu'elle venait d'un ensemble de photos,
16:57d'un livre de photos publié dans les années 50.
17:00J'ai réussi à me procurer ce livre d'occasion sur Internet,
17:03et maintenant il est presque impossible à trouver, j'ai eu de la chance.
17:06Et quand j'ai ouvert ce livre, je suis tombé sur des dizaines et des dizaines de photos
17:10de très jeunes gens, 16-18 ans, enfermés dans un petit bistrot, tous magnifiques,
17:15joyeux ou désespérés, insouciants ou complètement paumés.
17:19Et là, j'ai senti que j'avais quelque chose qui pouvait m'attirer pour un livre.
17:23Une bonne matière. Cette jeune femme, c'est Kaki, c'est son surnom,
17:25elle s'appelle Jacqueline Arispe, son histoire vous a happé.
17:30Vous parlez d'elle, mais vous parlez aussi de la France de ces années-là,
17:34d'une atmosphère, des artistes autour d'elle.
17:38Et vous l'avez dit, j'ai l'impression que vous êtes absolument fasciné,
17:42pour ne pas dire jaloux, par l'insouciance de cette jeunesse-là
17:45qui n'avait pas de nuages au-dessus de la tête.
17:47Oui, c'est la désinvolture pour le coup.
17:50En fait, ce sont des jeunes gens, ce qui est particulier dans cette génération.
17:54Ils ont eu 10 ans pendant la guerre, pendant l'occupation,
17:56donc ils n'ont pas pu vivre cette période très importante de l'enfance,
17:59entre la toute petite enfance et l'adolescence,
18:01celle où le cerveau et le cœur s'ouvrent un peu au monde.
18:04Ils n'ont pas pu vivre ça correctement, donc ils ont essayé de le recréer
18:07après-guerre, à 16-17 ans.
18:10Ils ont essayé de vivre comme quand on a 9 ou 10 ans,
18:12ils se sont mis dans un endroit clos, une sorte de sanctuaire,
18:15isolés complètement du monde, et ils ont pu vivre pendant 2 ou 3 ans
18:18sans aucune contrainte, aucune responsabilité,
18:22aucun projet d'avenir, le travail, les études, les arts,
18:25rien ne les intéressait, comme un enfant de 8-9 ans.
18:28Sauf que, alors c'est merveilleux, mais je ne suis pas jaloux,
18:31parce que des morceaux de désinvolture ou d'insouciance,
18:33on peut en avoir dans la vie, des morceaux d'enfance, de ce qu'on veut,
18:36sur une longue période, c'est impossible, et eux ont vécu ça à fond,
18:39mais ils voulaient rester enfants, mais rester enfant à 17 ans,
18:42ça va, à 25, à 30, à 40, c'est impossible.
18:45Philippe Généda, dans vos premiers livres, vous parliez surtout de vous,
18:50depuis un moment, avec cette démarche que j'ai expliquée,
18:54sur laquelle on va revenir, d'enquête autour d'un personnage
18:58ou d'une histoire, vous imaginez, depuis plusieurs ouvrages,
19:01d'autres vies que la vôtre, pour reprendre à peu près
19:04le titre du livre d'Emmanuel Carrère.
19:06Oui, en fait, pendant 7 romans, j'ai raconté ma vie,
19:11parce qu'elle progressait, c'est-à-dire mon premier roman,
19:12c'est un jeune homme à Paris, un peu naïf, qui cherche l'amour.
19:16Mon deuxième roman, c'est le même genre de jeune homme,
19:18c'est plus ou moins moi encore, un coup de foudre pour une fille
19:21complètement dingue, dont il tombe fou amoureux, qui le fait souffrir.
19:24Le troisième, c'est la même fille, le même homme,
19:26mais c'est l'enfer de la vie conjugale avec un bébé.
19:27Enfin, ça suivait ma vie.
19:29Et puis, ma vie, au bout d'un moment, est devenue d'une platitude,
19:32d'une monotonie qui, moi, me délecte, que j'adore.
19:35Mais pour la littérature, c'est la déroute totale.
19:38Et donc, c'est vraiment, vous disiez, vous parliez de Carrère,
19:41c'est vraiment, en passant devant une librairie, le simple titre
19:44d'autres vies que la mienne, je me dis tout d'un coup,
19:46parce que moi, je n'ai pas envie d'écrire de la fiction,
19:48ça ne m'intéresse pas beaucoup en tant qu'écrivain, en tant qu'lecteur.
19:51Donc, je me disais, c'est mort, ma vie est plate.
19:56Essayez de raconter la vie des autres.
19:57Et sur les conseils futés de mon éditeur, Bernard Barraud,
20:03un de mes deux éditeurs, il m'a dit, d'accord, change de style,
20:06parle d'autres personnes, mais je voudrais que ton roman commence par « je ».
20:10C'était une manière de me dire, n'oublie pas de t'incruster dans tes livres.
20:13Et c'est ce que je fais maintenant, pas par narcissisme,
20:16mais pour alléger des histoires souvent très tristes.
20:19Vous le faites beaucoup et, effectivement, ça a cet effet-là.
20:24Mais vous ne vous forcez pas à le faire, vous le faites spontanément.
20:28C'est-à-dire que vous parlez de vous, vous dites où vous êtes,
20:29vous dites dans quel hôtel miteux ou quel bar bruyant vous êtes.
20:34Vous vous mettez en scène, mais c'est conscient.
20:37Et puis, ça explique peut-être l'affection qu'ont les gens pour vous
20:40dont on parlait précédemment.
20:41Oui, c'est ce que je vous disais tout à l'heure.
20:43C'est-à-dire que je me vois comme une sorte de journaliste,
20:48d'envoyé spécial de mes électeurs et électrices,
20:51enfin, d'électeurs et électrices, dans les salles d'archives où je vais,
20:55dans les bistrots où je vais pour essayer de voir ce qui a changé
20:58ou n'a pas changé entre 2024 et 1952.
21:03Donc, et je parle de moi de manière jamais grave ou profonde.
21:07C'est toujours des petites choses pour que tous les gens qui lisent mon livre,
21:13si possible, m'accompagnent dans mes petites virées.
21:17Je suis juste un, je dis dans le livre, je suis un peu comme,
21:20je me vois un peu comme un chauffeur de bus, un voyage organisé.
21:23Il y a tous les lecteurs derrière.
21:24Moi, je suis le chauffeur de bus.
21:25Et puis je dis parfois, nous passons devant la bibliothèque.
21:29C'est votre façon de travailler, parce que vraiment,
21:32on a envie de savoir les coulisses.
21:33Vous n'êtes pas obligé de tout dévoiler, mais de l'extérieur,
21:35on se dit que c'est titanesque, que vous devez passer des jours,
21:38des nuits à vous documenter, à chercher, à vérifier, à vous déplacer.
21:42Parfois, vous laissez, vous l'avez dit tout à l'heure,
21:44une enquête et un livre en plan pour une autre histoire.
21:46Ça doit être épuisant.
21:48Est-ce que vous êtes épuisé ou est-ce que vous arrivez à vous ménager
21:50des moments de paix intérieure ?
21:53Alors, je ne suis pas épuisé parce que je suis un colosse, en vérité, un colosse.
21:57Et puis, non, surtout, souvent, les lecteurs me disent ou me disent
22:01quel travail, ça doit être terrible, comme vous venez de dire.
22:03En fait, c'est une passion.
22:04Pour moi, c'est vraiment, c'est ce que j'aime faire dans la vie.
22:07Aller dans les archives, les vieux papiers, fouiller, construire des histoires.
22:11Et je dis souvent, c'est comme si on disait à un joueur de ping-pong,
22:14un grand joueur de ping-pong, si on lui disait ça doit être terrible.
22:16Tu passes ta journée à taper dans une petite balle, quoi, avec ta raquette.
22:20Mais en fait, c'est ce qu'il aime, c'est le but de sa vie.
22:22Donc moi, plus il y a du travail, plus c'est compliqué, plus c'est long, plus je suis content.
22:27Non, mais ce que je veux dire par là, vous voyez où je veux en venir,
22:28c'est que vous avez une vie sociale, une famille, des amis.
22:31Non, mais voilà, vous n'en avez plus.
22:33Non, mais voilà, comment vous jonglez avec tout ça ?
22:35Est-ce que, je ne sais pas, je sais qu'il y a des auteurs qui écrivent le matin
22:38et se reposent ensuite ou vous, vous avez une espèce de...
22:41Est-ce que vous avez une discipline ?
22:42Ah bah, c'est le moins qu'on puisse dire.
22:43Non, mais surtout, je n'ai pas de vie sociale.
22:45Je n'ai pas de vie sociale, je n'ai pas d'amis.
22:46Il y a...
22:47Je n'ai pas d'amis, vous imaginez ?
22:48Non, c'est vrai.
22:49Ma chère épouse, enfin, il y a plein de gens que j'aime et qui m'aiment bien,
22:52mais je veux dire, pas d'amis, je ne vais jamais dîner chez personne.
22:54Du matin au soir, je suis enfermé chez moi, sauf là, en période de tournée, quoi.
22:59Je suis enfermé chez moi, je sors une heure par jour pour aller au bistrot d'en bas.
23:03Je n'ai même pas à traverser la rue, c'est dans le même pâté de maison.
23:05Je ne vois que ma femme et notre fils quand ils passent nous voir.
23:09C'est plus que pas mal, c'est le monde entier, ma femme.
23:11Et donc, voilà, non, je n'ai pas de vie sociale du tout.
23:14Surtout maintenant.
23:15Avant, c'est vrai, quand j'avais 30 ans, 35 ans, je sortais beaucoup plus.
23:18Je voyais des gens.
23:19Là, maintenant, je suis dans ma grotte.
23:21Et vous n'avez pas de téléphone portable ?
23:22Non.
23:23Vous dites, je ne vais pas dîner chez les gens.
23:25Si jamais des auditeurs veulent vous inviter, on leur donnera votre adresse mail.
23:29Je plaisante.
23:30Vos livres, je le disais, Philippe Janada, sont denses, touffus, plutôt longs.
23:34Moi-même, j'avoue...
23:35C'est horrible.
23:36Non, non, mais j'avoue les adorer, mais j'en ai laissé certains en cours pour les reprendre
23:39plus tard.
23:40C'est d'ailleurs...
23:41Je dois être honnête maintenant, c'est moi qui suis honnête avec vous.
23:42Le cas du dernier, est-ce que c'est, est-ce que les gens vous le disent parfois, ça,
23:46qu'ils ont commencé votre livre et qu'ils ont adoré, qu'ils en sont à la moitié ou
23:49deux tiers ?
23:50Et est-ce que vous vous formalisez quand on vous dit ça ?
23:52Non, surtout pas.
23:53Non, non.
23:54Surtout pas.
23:55On me le dit très souvent.
23:56Comme il y a beaucoup de personnages, surtout dans celui-là.
23:57On me reproche souvent d'avoir trop de personnages, trop de digressions.
23:59Là, je choisis comme thème un groupe de jeunes, donc je suis obligé de parler de
24:02tous et je sais que dans les premières pages ou les premières dizaines de pages, on est
24:06un peu perdu, noyé, etc.
24:08Mais moi, tout ce que je dis, c'est faites-moi confiance, continuez à avancer, ne retenez
24:12pas les noms, les détails, je vous guiderai jusqu'au bout.
24:15Mais quand les gens me disent, je me suis noyé dans vos parenthèses, vos digressions,
24:18tous vos personnages et les grands-parents de vos personnages, évidemment, je comprends
24:23la lecture.
24:24Moi, je suis le premier, j'ai toujours dit à mon fils, la lecture, il n'y a rien de
24:26sacré, la littérature.
24:27Si un livre, au bout de 50 ou 60 pages, soit t'ennuies, soit tu sens que c'est pas pour
24:32toi, soit ça t'intéresse pas, tu le refermes comme quand tu changes de série sur Netflix.
24:36Et puis voilà, donc moi, non, évidemment, ça ne me gêne pas du tout.
24:39Vous parliez tout à l'heure de l'évolution de vos écrits et de votre bibliographie en
24:44disant qu'après sept romans où vous parliez de vous, vous avez eu envie de changer.
24:49Est-ce que là, les derniers ouvrages que vous avez écrits, est-ce que vous avez envie
24:54de continuer dans cette veine-là ou est-ce que vous sentez une lassitude poindre un petit peu ?
24:59Non, pas de lassitude, j'ai envie de continuer tout en changeant.
25:01Par exemple, là, depuis 3-4 livres, je faisais des affaires criminelles ou des erreurs judiciaires.
25:06Là, il n'y a pas d'erreurs judiciaires, il n'y a pas de crimes, en tout cas en apparence.
25:09Donc, je varie un petit peu.
25:12Un peu de tragique quand même ?
25:13Oui, il y a du tragique et surtout, il y a des archives, c'est ce qui me passionne.
25:15Mais les archives, c'est la vie, donc il y a toutes sortes de livres qu'on puisse écrire
25:18à propos, en se servant des archives.
25:21Vous serez toujours le bienvenu à France Info.
25:23Merci beaucoup.
25:24Et pour réécouter tout public, rendez-vous sur franceinfo.fr.
25:33Merci à vous, Matteo Maestraci.
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