• il y a 4 mois
Transcription
00:00C'était âpre, violent, passionnant, tendu, romantique, très solitaire.
00:30Je n'ai jamais cherché à les réaliser, juste à les refaire les nuits d'après.
00:36Tu veux du thé ?
00:37C'est Boy Meets Girl, avec Mireille Perrier, le premier film qu'on a fait avec Léos.
00:43Là, c'était mes premiers pas au cinéma.
00:46Dieu sait que ce n'est pas facile, déjà la parole au théâtre, elle est répétée,
00:52elle n'est pas facile, mais la prise de parole au cinéma, c'est très impressionnant,
00:57surtout quand on est débutant, surtout quand on n'est pas dans une dynamique de jeu,
01:00comme sur une scène de théâtre où on entre en combustion, on brasse de l'énergie.
01:06Là, il faut commencer de rien.
01:08Ce qui m'a énormément impressionné, c'est que, quand j'ai revu le film, mon temps après,
01:12j'avais énormément de textes composés par Léos, très poétiques, très affûtés aussi,
01:20et que je le sors avec une sorte d'impassibilité.
01:24Je me souviens que Léos, il m'avait indiqué rien de psychologique, jamais, absolument jamais,
01:33mais des exigences d'ordre plastique, c'est-à-dire de ne pas, ce que je fais énormément maintenant,
01:40de ne pas rider le front et d'ouvrir la bouche seulement quand j'avais à parler,
01:46de ne pas bailler au corneil.
01:48La sonnerie du téléphone m'a sorti d'un drôle d'état, une sorte d'illusion, de déjà vu,
01:53comme un souvenir du présent.
01:55C'est pour ça que je suis un peu dans les vagues.
02:00Tu sais que c'est demain que je...
02:02Oui, oui, c'est pour ça que je...
02:03Mais je n'ai pas envie d'en parler.
02:04Ah, bon, bon.
02:06À l'époque, je pensais, j'imaginais même pas faire du cinéma.
02:09Quand je n'avais pas cette ambition-là, moi, je commençais à jouer au théâtre.
02:14Moi, je rêvais plutôt de personnages en costume, de Shakespeare, d'Hamlet, de choses comme ça,
02:20dans un passé lointain, onirique.
02:23Et donc, là, c'était vraiment un personnage d'aujourd'hui, de mon âge,
02:27qui devait partir au service militaire.
02:29Mais au long du scénario, il y avait quelques scènes qui m'avaient, pof, qui m'avaient séduite,
02:35qui m'avaient parlé intimement.
02:37Et notamment ce fameux passage, quand Alex traverse le Pont-Neuf,
02:43avec une sorte de Walkman d'époque, où il écoute Bowie, déjà.
02:47Et il rencontre, il voit un couple qui s'embrasse sur le pont.
02:51Et il leur donne, il jette un peu d'argent, comme si c'était une attraction, un spectacle urbain.
02:57Ce genre de choses-là, je me dis, ah ouais, là, il y a quelque chose qui me concerne.
03:18La fameuse scène de la course sur le Modern Love de David Bowie.
03:24Sur le scénario, il y avait, Léo sort de la boutique, il se tient le ventre,
03:29comme s'il avait du béton dans le ventre, et il se met à marcher en titubant,
03:36de plus en plus en déséquilibre.
03:39En quelques mots, comme Léo a l'art de le décrire.
03:42Et donc, on avait esquissé cette scène, avec la musique de David Bowie, déjà,
03:48avec un travail dans une voiture, sur un grand parking, à Vélizy.
03:51Et à partir de là, j'avais travaillé avec une chorégraphe, Christine Burgos,
03:55qui m'avait aidé à structurer ce que j'avais produit.
03:58Les gestes, les mouvements, tout ça.
04:01Et je me suis dit, c'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça.
04:04Christine Burgos, qui m'avait aidé à structurer ce que j'avais produit.
04:08Les gestes, les intentions, les sursauts, instinctivement.
04:11Et je me souviens qu'à l'époque, j'avais compris que Léo,
04:14ça avait plutôt une tendance à creuser, creuser les scènes, à répéter.
04:19Là, je lui dis, ça va être beaucoup d'énergie.
04:21Je le pressentais.
04:22Il me dit, je vais le faire cinq fois.
04:24Comme ça, mais sans prétention, timidement.
04:27Je lui dis, excuse-moi, mais je pense que je peux le faire cinq fois.
04:30Evidemment, j'avais bien intégré la chorégraphie.
04:33J'ai reproduit à peu près la même chose.
04:35Il y avait deux voitures travelling,
04:37une avec trois caméras, une avec les éclairages,
04:40qui devaient partir ensemble.
04:41Donc, on devait se coordonner pour partir.
04:44Donc, il y a eu des faux départs.
04:45Résultat, on l'a fait sept fois.
04:47J'en garde le souvenir d'une tenue, d'un effort, d'une énergie,
04:53d'exécuter quelque chose jusqu'au bout.
04:56C'est ce qu'on sent quand on crie.
04:59Je me souviens surtout que l'achèvement de la course,
05:02avec la rondade,
05:03c'est une des prises que Léo s'est gardée exprès
05:07parce qu'il y a eu un petit retard.
05:09À un moment donné, je suis débordé par le travelling.
05:14J'ai obligé de le rattraper.
05:16Mais ça rend encore plus concret cette course.
05:20Ça a bouleversé mon existence.
05:23Parce que du jour au lendemain, j'ai été perçu comme…
05:26Il y a beaucoup de gens qui ont découvert mon existence
05:29à travers le cinéma.
05:31Des gens qui n'avaient pas forcément vu « Boy Meets Girl ».
05:33Donc, du grand public, c'était un film culte
05:36pour toute une génération.
05:56« Les Jambes en Dupont-Neuf »,
05:58troisième année de tournage,
06:00c'est-à-dire en 1990 à Montpellier.
06:05Sur le décor qui a été fait à l'échelle, pratiquement,
06:09par Michel Vendestin,
06:11qui a été le décorateur sur tous ses films.
06:14Et avec Juliette, Juliette Binoche,
06:17il y a encore une scène de danse
06:19où la foule est en train d'enchaîner
06:22Avec Juliette, Juliette Binoche,
06:24il y a encore une scène de danse,
06:26la fin d'une scène de danse qu'on a dû répéter.
06:29Parce que, je ne peux pas vous cacher,
06:31le tournage s'est étendu sur trois ans.
06:34Donc, c'est trois ans d'être galérien du Pont-Neuf.
06:38On a commencé en 88,
06:40août, septembre 88.
06:42On a terminé en mars 91.
06:44Et donc, là, effectivement, c'est aussi une scène de danse
06:47qu'on a répétée tout au long du tournage,
06:50qu'on a répétée techniquement,
06:53et qu'on a improvisée, finalement,
06:55qui était moins réglable.
06:57C'est plus compliqué à deux que tout seul, en plus.
07:00Dans laquelle, avant, je brise mon plâtre
07:03contre une pile du pont,
07:05et avec un long traveling,
07:07on termine, on finit sur cette valse viennoise
07:11qui termine où on tombe par terre.
07:14Les amants, je pourrais en parler pendant des années.
07:17Je pourrais même écrire mon point de vue.
07:20Ma traversée des amants du Pont-Neuf,
07:23c'était âpre, violent, passionnant,
07:28tendu, romantique, très solitaire.
07:32C'est vraiment un parcours, une grande solitude,
07:37mais que je ne regrette pas,
07:39parce que j'ai appris beaucoup.
07:41En fait, comme sur chaque film avec Léos,
07:44ça a été pour moi une aventure humaine,
07:46une aventure artistique.
07:48Et voilà, ça m'a affranchi de plein de choses,
07:53par rapport à moi-même, au métier.
07:56Oui, c'était une belle aventure.
08:16Oh, mon Dieu !
08:18Oh, mon Dieu !
08:20Oh, mon Dieu !
08:22Oh, mon Dieu !
08:24Oh, mon Dieu !
08:26Oh, mon Dieu !
08:28Oh, mon Dieu !
08:30Oh, mon Dieu !
08:32Holy Motors.
08:34Une dernière séquence qu'on a faite au Père Lachaise,
08:38avec le fameux M. Merde,
08:41qui est déjà apparu dans Tokyo.
08:44Ce film a trois têtes,
08:46Michel Gondry, Bongiorno et Léos Carax.
08:49Et donc, la meilleure invention,
08:51meilleur personnage.
08:53Moi, je trouve que j'aime beaucoup M. Merde.
08:55Ça va de soi, quoi.
08:57C'est une création qui est jubilatoire dans tous les sens.
09:01Des fois, on n'a plus envie que de jouer ça, quoi.
09:03Mais bon, on ne peut pas jouer partout.
09:06Et ça a été nos retrouvailles.
09:09Heureusement, avec Léos,
09:12avec Léos,
09:14après Les Amants du Pont-Neuf,
09:15qui a été éprouvant pour tout le monde.
09:17Ça a été pof !
09:18La séparation, l'éclatement.
09:20Et après, il y a eu cette possibilité de retrouvailles,
09:24dans un tout autre registre
09:26que ce qu'on avait abordé auparavant.
09:29Il ne s'agissait pas de vivre,
09:31d'éprouver les personnages dans sa chair,
09:33dans son esprit,
09:34pour les faire retentir,
09:35mais de la composition,
09:37de l'artifice, des postiches.
09:40Il y a eu cette invention de M. Merde,
09:42qui se présente avec une barbiche,
09:46les cheveux roux,
09:48cette barbiche de travers,
09:49un œil crevé,
09:51réellement borgne,
09:53avec une vision mono-oculaire,
09:55avec des ongles très longs aux mains et aux pieds,
09:58avec ce petit costume et pieds nus,
10:01ce qui donne une démarche déjà particulière
10:03qui a été renforcée, sculptée,
10:06indiquée, chorégraphiée par Léos.
10:08Il a toujours une épaule plus haute que l'autre,
10:11et il marche un peu en canard
10:12avec des grandes enjambées,
10:14en regardant vers le ciel.
10:15Et surtout, il parle un langage
10:17qui n'appartient qu'à lui,
10:19il parle le merdogon.
10:20J'ai tellement adoré ça
10:21que j'ai écrit des poèmes en merdogon.
10:23Et j'ai continué à pratiquer.
10:26Même avec Léos, on avait enregistré
10:28« My Way » traduit en merdogon.
10:31Je sais encore, vous voyez.
10:33« Monsieur Merd » a été providentiel
10:35parce que ça nous a remis en contact avec Léos
10:39à un autre endroit de créativité.
10:42Et un endroit presque où moi j'étais…
10:44je ne me sentais plus chez moi
10:45parce que ça faisait partie…
10:47il y avait quelque chose de beaucoup plus théâtral.
10:49Mais là, le personnage en lui-même,
10:51il était improbable,
10:53et pour moi, il m'a été tout de suite familier.
10:55C'est comme si je connaissais Léos.
10:57Et pour moi, il m'a été tout de suite familier.
10:59C'est comme si je le connaissais depuis le début.
11:01Ou que toute ma trajectoire de comédien,
11:03elle menait à « Monsieur Merd » si je puis dire.
11:27« Mon nom est Alxim Zadzhet »
11:29« Je suis Alxim Zadzhet »
11:31« Je suis Alxim Zadzhet »
11:33« Je suis Alxim Zadzhet »
11:35« Je suis Alxim Zadzhet »
11:37« Je suis Alxim Zadzhet »
11:39Voilà.
11:40Je ne sais pas, mais si je savais, je répondrais.
11:43Effectivement, ça c'est le dernier opus de Léos.
11:48« C'est pas moi »
11:50qui est un ouvrage un peu particulier
11:53parce que c'est qu'un montage d'archives
11:58par rapport à lui.
12:00C'est presque un autoportrait.
12:02Si vous voulez, la seule scène que j'ai vraiment tournée pour le film,
12:05c'est la scène de notre dialogue au Butchomon,
12:07qui est une après-midi de tournage.
12:09Donc ça me fait un peu bizarre parce que
12:11je n'ai pas l'impression d'avoir vécu un tournage avec Léos
12:14à propos de ce film.
12:16Mais en même temps, comédie, effectivement,
12:18il y a une trajectoire de 40 ans
12:20entre « Boy meets Girl »
12:22et c'est la scène qu'on a fait d'en passer au Butchomon.
12:24Il me parle en merdogon, d'ailleurs.
12:28Mais oui, parce que c'est là où on se rejoint,
12:32il me semble,
12:33dans cette fantaisie,
12:36cette chose enfantine
12:38qui n'est pas que de la candeur, de la douceur,
12:41qui est aussi une sorte de lucidité implacable
12:44par rapport au monde des adultes.
12:46Il m'a émancipé d'une certaine manière.
12:49C'est un truc formidable.
12:50Il m'a amené quelque part où je n'avais pas pensé aller.
12:53J'ai appris beaucoup en jouant sous son regard
12:58et en vivant ces moments d'Alex,
13:03ses Alex,
13:04cet Oscar,
13:06ce Monsieur Merde
13:08et ses différentes figures
13:10parce que c'est un grand esprit.
13:20Sous-titrage ST' 501

Recommandations