- 06/06/2024
Avec Jean-Pierre Guéno, historien, écrivain et auteur de "Paroles du Jour J - Lettres et carnets du Débarquement" (Flammarion)
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00:00 [Musique]
00:07 - Bonjour à toutes et à tous, il est 8h35, vous voulez savoir ?
00:10 Alors parlons vrai ce matin avec Jean-Pierre Guénaud, historien, écrivain, auteur de paroles du jour J,
00:16 aux éditions Flammarion, nouvelle édition Librio. Bonjour Jean-Pierre Guénaud.
00:20 - Bonjour. - Merci d'être avec nous.
00:21 On a évidemment parlé du 6 juin 1944, 80 ans aujourd'hui, commémoration de ce débarquement. Le jour le plus long,
00:32 bon, tout le monde a vu le film, le jour le plus long c'est Rommel. C'est Rommel qui a dit cela.
00:39 - Oui, Rommel avait de la mémoire et il avait vérifié que certaines plages de Normandie étaient des plages jumelles,
00:46 des plages où les alliés avaient débarqué en Sicile. Et il a, sur l'ordre d'Hitler, personnellement inspecté cette partie du mur de l'Atlantique.
00:54 Et c'est lui qui a renforcé les fortifications de Maha Beach. C'est pour ça qu'on l'a appelé "hommage sanglante".
01:00 Et quand il est passé pour inspecter tout ça, il a vu que c'était tout à fait insuffisant.
01:05 Il a fait renforcer les fortifications de telle manière que d'une part, les batteries à la pointe du Hockey,
01:12 il suffisait de deux mitrailleuses sur cette plage pour verrouiller la plage complètement.
01:17 C'est la raison pour laquelle, heureusement que les informations ne passaient pas assez vite à l'époque,
01:23 du côté des Allemands comme du côté des alliés, parce qu'à la mi-journée, il y a eu un grand danger.
01:29 Si les informations avaient été plus rapides, il n'est pas impossible que les alliés aient décidé de faire demi-tour, en tout cas,
01:35 vers Maha Beach, et ça aurait été quelque chose d'épouvantable.
01:40 - Alors, au Maha Beach, ce sont les Américains qui ont débarqué, Utah Beach, les Américains.
01:46 Il y a en fait 80 kilomètres, à peu près, c'est sur une... Le débarquement s'est étendu sur 80 kilomètres.
01:54 - Oui, et puis l'armada fantastique navale va arriver sur un front de 35 kilomètres de large, c'est monumental.
02:04 - Monumental.
02:04 - Et quand les Allemands commencent à apercevoir, quand la nuit commence à se lever vers 4 heures du matin,
02:09 quand ils commencent à apercevoir cette armada, ils n'en reviennent pas, c'est quelque chose d'impensable.
02:14 - Oui, impensable, avec des milliers d'avions ! Déjà dans la nuit, les premiers parachutistes ont été largués derrière les défenses allemandes.
02:23 - Et quelques jours avant déjà, des gens qui s'infiltraient, le rôle de la résistance, qu'il ne faut jamais oublier.
02:28 - Oui, très important.
02:29 - Et puis le rôle des débarquements précédents, parce qu'on parle du débarquement, du jour J, c'est un peu injuste,
02:34 il y a des débarquements. D'abord, l'heure de vérité, c'est après le débarquement, c'est la bataille de Normandie,
02:39 épouvantable, 50 000 morts parmi les civils, qu'on oublie trop souvent.
02:43 Mais il y a eu des débarquements qui ont précédé, il y a eu le débarquement de Dieppe,
02:47 on a longtemps cru que c'était une répétition, en fait l'enjeu c'était d'arriver à capturer une machine Enigma
02:52 pour décoder les codes des nazis.
02:56 On dit que souvent c'est l'ouverture du front, le D-Day, c'est faux, l'ouverture d'un front européen,
03:04 ça se passe dès le débarquement bien antérieur, en Afrique du Nord, suivi du débarquement en Sicile.
03:12 - En Sicile et en Italie.
03:13 - Et puis on ignore trop souvent qu'en dehors du...
03:16 Il y a eu une répétition générale dans le Devon, en Angleterre, à Slapton Sound.
03:20 Les alliés ont réuni 30 000 hommes, parmi lesquels certains jouaient le rôle des allemands.
03:25 La météo était déjà exécrable, les communications fonctionnaient mal,
03:29 et on a décalé au dernier moment, on tirait à balles et à roquettes rielles sur les combattants,
03:34 c'était un véritable exercice.
03:36 Malheureusement, la météo s'est mal passée, c'était mauvaise, les communications fonctionnaient mal,
03:41 un croiseur n'a pas capté le message du décalage d'une heure,
03:45 et a balancé les obus sur les hommes.
03:48 Cette répétition a fait plus de morts que le jour J.
03:51 - Alors le jour J, 3 000-4 000 morts à peu près.
03:55 - Moins que prévu.
03:56 - Moins que prévu.
03:57 - Moins que prévu, parce qu'on a été servi par le grand bazar, par le chaos.
04:02 Alors le chaos vient essentiellement du fait que les technocrates sont toujours là.
04:07 Les américains ont fait passer une loi au congrès pendant la guerre,
04:10 évoquant le fait que quand un pilote ou un parachutiste voit son premier parachute partir en torche,
04:18 il faut qu'il ait le temps d'ouvrir le second, ventral-dorsal.
04:21 Moyennant quoi, ça explique le fait que les américains ont leur interdisé de voler au-dessus d'une certaine altitude.
04:28 Moyennant quoi, météo désastreuse, vague de 2 mètres, tempête épouvantable,
04:33 les parachutistes tombent n'importe où, et surtout l'imprécision des bombes,
04:38 entre autres sur les plages, qui font que les blocos à Omaha Beach ont bien tenu le coup.
04:44 - Ont bien tenu le coup et ont tué les soldats allemands.
04:48 Alors, 3-4 000 morts le premier jour, avec Omaha, c'est là où ça a été le plus difficile.
04:58 Est-ce qu'à un moment donné, le commandement allié s'est dit "on va arrêter, on va rebrousser chemin".
05:05 Est-ce qu'il y a eu un moment charnière ?
05:08 - À la mi-journée, il y a eu un moment où les gens retenaient leur souffle,
05:13 les péniches de débarquement tournaient en rond,
05:16 on ne pouvait plus aborder tellement le bombardement, les mitrailleuses étaient efficaces.
05:22 Pareil pour les allemands, la résistance avait joué un grand rôle et sabotait les communications.
05:30 Si l'information avait été portée plus rapidement, les allemands auraient réagi beaucoup plus tôt.
05:35 Les alliés aussi, et ça aurait peut-être remparti compromis ce débarquement,
05:40 et Dieu merci, ça n'a pas eu lieu, parce qu'on ignore trop souvent qu'il y avait un plan B en cas d'échec du département.
05:46 On est passé tout près.
05:48 J'ai été le premier à publier un témoignage manuscrit, c'est le projet de communiqué de presse d'Eisenhower, qui dirige tout,
05:56 et le communiqué est prêt, il n'y a plus qu'à le sortir.
05:59 Et il dit "notre tentative de débarquement dans la région du Havre et de Cherbourg s'est soldée par un échec,
06:05 l'armée est hors de cause, les combattants ont été hors pair,
06:08 s'il y a un seul responsable pour tout ce fiasco, c'est moi et moi tout seul", signé Eisenhower.
06:13 Il l'avait donné à son ordonnance, on ne l'a pas sorti, Dieu merci.
06:17 Le plan B était terrible.
06:19 - C'était quoi le plan B ? En cas d'échec du débarquement, il y avait ce plan B ?
06:24 - Il ne faut pas oublier qu'on cherchait à intimider l'URSS aussi dans toutes ces histoires-là,
06:29 et à leur dire "attention, voyez ce dont on est capable".
06:32 Le plan B c'était de raser les 6 plus grandes villes allemandes,
06:34 donc on visait les civils, les bébés, les femmes, les vieillards,
06:37 avec des bombes à anthrax, c'est le gaz moutarde, et des bombes au botox.
06:43 Donc, l'arme chimique était là, toutes ces bombes ont été livrées en Europe.
06:48 Elles ont été livrées en Europe, il n'y avait plus qu'à les charger dans les bombardiers,
06:53 ça a été annulé au dernier moment, il s'en est fallu d'un cheveu.
06:56 Ça veut dire que la barbarie dans les guerres, vous le savez, la barbarie est partout.
07:00 - Quelle que soit la nation qui la conduit, la guerre est sale,
07:05 et les civils meurent.
07:08 On va rappeler quand même, on va rappeler que des dizaines de milliers de civils,
07:13 des français, en Normandie sont morts.
07:16 - 50 000, et depuis on a rasé quasiment Lisieux, Caen, on a rasé Saint-Lô.
07:24 - On les a souvent oubliés, dans les commémorations.
07:28 Là, hier, Emmanuel Macron en a parlé, mais on les a souvent oubliés.
07:33 - Il y a un problème, c'est que derrière l'émotion légitime,
07:36 l'indispensable souvenir pour que l'oubli ne soit pas la preuve d'une double peine,
07:41 c'est que après avoir subi les horreurs, tout glisse dans l'oubli,
07:44 on peut constater ce que j'appelle une sorte d'incontinence mémorielle,
07:48 de dysentrie mémorielle, ça part dans tous les sens.
07:51 C'est favorisé malheureusement par l'allégorée consubstantielle aux chaînes d'information
07:56 qui doit occuper le terrain H24, alors trop souvent la mémoire est borgne,
08:00 parce qu'elle oublie le côté pile de l'histoire.
08:04 Et puis, à l'honneur actuellement, on réécrit beaucoup l'histoire,
08:07 nos gouvernants réécrivent beaucoup l'histoire, ils s'en en parlent.
08:09 Je pense le plus grand mal de ces réflexions, un tantinet pétainiste
08:14 qui glorifie le mythe du roman national et de l'esprit français,
08:17 et ça ne fait qu'aggraver.
08:19 Ce qu'il faut bien appeler une sorte de vampirisation de la mémoire collective.
08:23 - C'est-à-dire ?
08:24 - Eh bien, on oriente les choses, on se garde bien de dénoncer le côté pile des choses.
08:31 On va prendre un exemple.
08:33 On est tous au courant des viols qu'ont commis les américains,
08:36 tant en Angleterre pendant les phases d'entraînement qu'ensuite en Europe.
08:39 Les russes, je n'en parle pas, c'est épouvantable, de Moscou à Berlin, ça n'arrête pas.
08:43 Mais les méfaits de l'armée française sous la gouverne du maréchal Juin,
08:47 lorsqu'on reconquiert l'Italie après le débarquement en Sicile,
08:51 c'est tuff, c'est épouvantable.
08:53 L'armée française a violé tout ce qui bougeait.
08:56 Les bébés, les enfants bas âge, les vieillards, les femmes.
09:01 Et quand un prêtre s'interposait, on n'est pas loin du Vatican, il était sodomisé.
09:06 Ça a été d'une telle violence que le pape a interdit à l'armée française de défiler après la victoire au Vatican.
09:13 On ignore toute ça.
09:14 Nous sommes toujours donneurs de leçons.
09:16 - Toutes les armées se ressemblent.
09:18 - Dans le comportement, la guerre est sale, encore une fois, on va le répéter.
09:23 - Oui, absolument.
09:24 - Et on ne le dit pas, c'est vrai qu'on ne le rappelle pas.
09:26 - Et le jour J, on est encore très très loin du compte,
09:30 on va découvrir les camps, on va découvrir beaucoup de choses.
09:33 Les camps sont encore occupés, ils tournent à plein régime,
09:37 les chambres à gaz et les crématoriums continuent à fonctionner à plein régime,
09:41 et ça va durer jusqu'en 1945.
09:43 - Jusqu'en 1945.
09:45 Quelques mots sur les leurres,
09:49 parce que tout a été quand même bien préparé, ce débarquement a été bien préparé,
09:54 on a tout fait pour leurrer les allemands.
09:56 - Alors il y a une guerre de la communication, de l'intox, on en parle beaucoup aujourd'hui.
10:00 - Je vais reprendre la phrase de Winston Churchill que j'adore,
10:03 "En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu'elle doit être escortée par un corps de mensonge."
10:10 Je trouve ça absolument extraordinaire comme phrase.
10:13 - Oui, l'intoxication a très très bien fonctionné,
10:15 on a fait croire...
10:18 Mais il faut dire que tout le monde était très divisé, ça a mis aussi pas mal de bazar,
10:22 tant parmi les généraux alliés, entre les américains, les anglais,
10:26 les canadiens, les français, de Gaulle, qui est parfois marginalisé car les américains préfèrent Giraud
10:32 pendant très longtemps, Roosevelt n'aime pas de Gaulle,
10:35 que parmi les allemands, où là encore les gens sont très divisés,
10:39 c'est souvent des histoires d'hommes, de tendances,
10:42 et alors on a pu faire croire que les débarquements seraient du côté de Calais,
10:46 il y a eu tout un tas de leurres, on a fabriqué des leurres en Écosse,
10:50 enfin c'est incroyable de voir... - Des faux chars, de faux avions...
10:54 - Quand on voit ce que les russes font actuellement en Europe,
10:57 bon, à l'époque il n'y a pas internet, il n'y a pas les réseaux sociaux,
11:00 mais on a déjà des moyens de propagande terriblement efficaces.
11:03 - Terriblement efficaces, et les allemands sont dupés,
11:06 l'état-major allemand est divisé,
11:09 il n'y a que Rommel qui croyait aux débarquements en Normandie,
11:13 - Et ce qui est hallucinant, c'est que le moment du débarquement,
11:16 tout le monde était en vanrouille,
11:17 Rommel est parti souhaiter l'anniversaire de sa femme en Allemagne,
11:22 la plupart des généraux partent à Kriegspiel, on croit rêver,
11:26 parce qu'il s'ennuie, il s'ennuie mortellement,
11:30 et c'est un jeu de guerre, c'est-à-dire,
11:34 c'est ce qui existe aujourd'hui dans certains cas,
11:36 là encore c'est un concept moderne,
11:39 c'est un "escape game" en quelque sorte.
11:41 - Un "escape game", oui,
11:43 les généraux étaient en train... Oui, c'est extraordinaire généralement.
11:47 - C'était totalement à découvert,
11:49 et le bazar ambiant du US que je citais tout à l'heure,
11:53 les parachutistes arrivaient un peu n'importe où,
11:56 ont fait que les allemands n'ont rien compris,
11:58 ils ont cru...
12:00 il n'y avait aucune cohérence dans tout ça,
12:02 ça a été la chance du débarquement.
12:03 - Ça a été la chance du débarquement.
12:05 Alors, nous allons reprendre quelques paroles de soldats,
12:10 dans votre livre "Paroles du jour J",
12:12 "Lettres et carnets du débarquement",
12:14 Jean-Pierre Guénaud,
12:16 mais un mot sur l'actualité,
12:18 la Russie n'est pas invitée,
12:20 je regardais le sondage "Quelle est la nation ?"
12:23 le dernier sondage de l'IFOP Sud Radio,
12:26 qui est allé, qui a paru ce matin,
12:27 "Quelle est la nation qui a le plus contribué à la défaite de l'Allemagne ?"
12:30 En mai 1945, les personnes interrogées répondaient l'URSS,
12:36 à 57%.
12:37 Aujourd'hui, les personnes interrogées répondent les Etats-Unis à 60%.
12:42 La Russie n'est pas invitée au cérémonie, qu'en pensez-vous ?
12:45 Vous, historien ?
12:47 - Ça me paraît totalement légitime,
12:49 parce que de toute façon,
12:51 comment dire...
12:53 - Les Russes n'ont pas participé au débarquement.
12:55 - Ils n'ont pas participé au débarquement,
12:56 alors que toutes les nationalités ont participé,
12:58 les Belges, les...
13:00 - Les Danois, les Norvégiens, oui.
13:02 - Et puis alors, il y a ces pauvres du commando Kieffer,
13:05 on n'arrête pas de les glorifier, mais on...
13:07 - 177. - On oublie de dire ce que la mémoire leur a fait subir.
13:09 Ils ont commis un péché mortel.
13:11 Ils font partie des commandos d'infanterie de marine.
13:15 Or, l'ennemi héréditaire dans la marine française,
13:18 ce n'est pas l'Allemand, c'est l'Anglais.
13:20 Donc c'était le péché mortel, ils débarquent sous uniforme anglais.
13:23 Ils l'ont payé, très longtemps.
13:26 Lors du 60ème anniversaire de l'armistice,
13:29 lorsqu'Obama et Poutine se sont fait un petit sourire,
13:32 lors de cet anniversaire,
13:36 il restait encore des survivants du commando Kieffer,
13:40 beaucoup ont été tués pendant le premier assaut,
13:42 ils ont libéré l'Europe jusqu'à Berlin.
13:44 - Oui. - Et bien la plupart n'avaient toujours pas leur Légion d'honneur.
13:48 - Vous vous rendez compte ? - Oui.
13:50 Le poids de la rancune sur la mémoire.
13:53 Donc il faut avoir tout ça en tête.
13:55 Aujourd'hui, évidemment, ce qui est intéressant,
13:57 c'est que l'Ukraine est invitée, la Russie ne l'est pas,
14:00 et ça paraît tout à fait légitime,
14:02 parce que ce qui se passe est comparable.
14:04 Et le gros problème, c'est de savoir,
14:06 nos jeunes, nos enfants, nos petits-enfants,
14:10 malgré la légitimité de ce combat pour la liberté,
14:14 la flamme de la résistance ne s'étendra pas,
14:16 de Gaulle l'annonçait très tôt, Churchill aussi,
14:18 s'ils sont très généreux, les jeunes, aujourd'hui,
14:22 dans les ONG, seraient-ils prêts à donner leur vie pour la liberté,
14:25 comme l'ont été, et c'est ça qu'il faut célébrer.
14:28 L'infinie générosité de ces gens,
14:30 beaucoup plus jeunes qu'on le croit.
14:32 - Oui, parce que tous ces soldats venus d'ailleurs,
14:36 d'outre-Mange venus, qui ont traversé l'Atlantique.
14:39 - Ils ont entre 17 et 23 ans.
14:41 Je dis toujours que si demain vous tournez un film
14:44 sur la Première ou la Seconde Guerre mondiale,
14:46 allez recruter vos figurants en seconde, première et terminale.
14:50 Le jour le plus long, caricature, ils ont plus de 50 ans.
14:54 Tom Hanks lui-même, dans un film bien meilleur,
14:56 qui est le soldat Ryan, c'est un beau quadrat,
14:59 viril de 45 ans, mais c'est un ancêtre,
15:03 c'est une antiquité. A 30 ans on est vieux,
15:06 lors du débarquement.
15:07 - Oui, à 30 ans on est vieux.
15:09 Vos lettres, ces lettres, ces documents
15:12 que vous avez réunis, rassemblés,
15:15 dans "Parole du jour J",
15:17 tiens, donnons la parole à un soldat allemand.
15:22 Il s'appelle comment ?
15:23 - Franz Goeckel.
15:25 - Soldat allemand, qui était en première ligne.
15:27 - Il vient de fêter ses 18 ans, la veille,
15:29 ses amis ont voulu l'emmener au bordel, il a refusé,
15:31 il n'a pas envie que ses premières expériences
15:33 soient de cette nature.
15:35 Et il est l'un des deux mitrailleurs qui,
15:38 grâce à l'intelligence de Rommel, ou à cause,
15:41 tient la plage d'Omaha Beach, sous le feu de sa mitrailleuse.
15:46 - En fait, ils sont deux !
15:48 - Ils sont deux. Il est responsable
15:50 de la moitié des morts d'Omaha Beach.
15:53 Il est blessé vers 13h,
15:55 évacué à 150 km dans un hôpital militaire allemand,
15:59 et là, tout de suite, il écrit à ses parents.
16:01 Et son texte est terrible, parce que quand il commence à mitrailler,
16:04 il a l'expression suivante,
16:06 "Alors le massacre commença".
16:08 Le massacre !
16:10 Et ça l'a, il a jamais métabolisé, ça l'a hanté toute sa vie.
16:13 Il est revenu chaque année, chaque année,
16:15 en plus, dans le civil,
16:17 il était le fils d'un couvreur, couvreur lui-même,
16:20 il a eu beaucoup de travail après la guerre,
16:22 des toits à refaire, il y en avait un paquet.
16:24 - Oui, et il est revenu chaque année ?
16:26 - Il est revenu chaque année, il a même,
16:28 à un moment donné, essayé de construire un monument.
16:30 Alors, la mémoire de tous ces jeunes hommes
16:32 qui avaient son âge, et donc beaucoup,
16:34 avaient été victimes de sa mitrailleuse,
16:36 il y a eu des gens assez stupides pour détruire ce monument,
16:39 sans voir à quel point ce genre de tragédie
16:43 porte, et à quel point on ne métabolise jamais
16:46 le fait d'avoir pris des vies.
16:48 - Alors, on pense beaucoup à tous ces soldats morts sous les balles,
16:51 ou sous les bombes, mais on pense peu
16:54 à tous ces soldats morts noyés,
16:57 parce que ça a été terrible le débarquement.
17:00 - 20% des vagues d'assaut, ils ont été noyés,
17:02 il y avait des vagues de 2 mètres !
17:04 - Il y avait des vagues de 2 mètres !
17:06 - C'était épouvantable, la plupart des chars amphibies ont coulé,
17:08 parce que la mer était trop grosse pour eux.
17:11 Donc c'est terrible de penser que 20% sont morts noyés.
17:15 - Oui, alors j'ouvre au hasard,
17:18 je tombe sur Ernest Pyle, 44 ans,
17:23 lors du débarquement, ce fils de fermet de l'Indiana
17:26 est entré dans la vie active sans aucun diplôme,
17:28 correspondant de guerre en 1944,
17:30 il a reçu le prix Pulitzer,
17:32 et ses reportages sur la fin de la seconde guerre mondiale...
17:34 - Il y avait un important rôle des journalistes.
17:36 - Il y avait, parce que, j'allais y venir,
17:38 parce qu'aujourd'hui dans les guerres, on interdit les guerres aux journalistes.
17:41 Regardez à Gaza, aucun journaliste international
17:44 ne peut entrer dans Gaza, et même couvrir la guerre en Ukraine
17:47 ou en Russie est extrêmement difficile aujourd'hui.
17:50 A l'époque, les correspondants de guerre accompagnaient les soldats.
17:54 - Les photographes, Kappa.
17:55 - Kappa, le photographe.
17:56 - Et pas que, on interdit aussi pendant la seconde guerre mondiale,
18:00 quelque chose qui apportait beaucoup de vérité pendant la première,
18:03 ce sont les journaux intimes.
18:05 Parce que l'information échappe à la propagande, au pouvoir.
18:09 Après la première guerre mondiale, il y a un tonnelier
18:11 qui s'appelait Louis Barthas, qui a eu la phrase suivante terrible,
18:14 il savait qu'on instrumentaliserait leur courage,
18:16 qu'on récupérerait leur courage.
18:18 Et il a dit "on nous construira des monuments d'hypocrites, pitié".
18:22 - Ça c'est, oui.
18:25 Jean-Pierre Guénaud, comment allez-vous suivre ces cérémonies aujourd'hui ?
18:29 - Avec intérêt, et en même temps...
18:33 - Dites-nous franchement.
18:34 - Et bien en même temps, avec une certaine ambiguïté.
18:38 - Pourquoi ?
18:39 - Je n'aime pas la mémoire borgne, je l'évoquais tout à l'heure,
18:42 celle qui n'évoque que le côté face ou le côté pile des choses.
18:46 L'histoire est comme la vie, c'est un mélange inextricable
18:50 de fanges et de ciel, d'ombre et de lumière.
18:52 Nous n'avons ni à en être fiers, ni à en être honteux.
18:56 Et je trouve que cette récupération mémorielle,
18:59 y compris pour des raisons électorales qui peuvent paraître justifiées,
19:02 parce qu'il paraît aberrant,
19:04 que si peu de décennies après ce qui s'est passé,
19:08 on n'ait oublié que parmi les 10 personnes qui ont fondé le Front National,
19:13 avec Jean-Marie Le Pen,
19:15 il y en a 4 des Français qui ont porté,
19:17 non pas seulement l'uniforme de la milice,
19:19 l'uniforme SS !
19:21 Ils se sont battus ces Français sous l'uniforme SS.
19:24 Comment peut-on oublier ça, si peu de temps après ?
19:27 C'est pas possible.
19:28 Depuis quelques décennies, nous élisons des mirages.
19:32 C'est très préoccupant.
19:33 J'avais essayé d'enrayer l'autre phénomène très pervers,
19:36 qui est celui de l'abstention,
19:38 qui va encore battre des records.
19:40 J'avais publié un livre,
19:41 lors des antépénultièmes élections,
19:44 qui avait pour titre "Votons ! Ce que Jaurès, De Gaulle et Saint-Exupéry
19:50 ont encore à dire aux Français déboussolés".
19:52 Deux parmi ces trois-là ont donné leur vie pour la France.
19:55 J'ai publié un autre livre,
19:57 lors des dernières élections présidentielles,
19:59 qui avait pour titre "La tentation du chaos".
20:01 J'ai autour de moi des gens qui ont la chance d'avoir pu faire des études,
20:04 qui ne sont pas forcément idiots,
20:05 mais on entend parfois un propos hallucinant.
20:08 "Je n'aime pas Marine Le Pen,
20:10 mais je vais donner un grand coup de pied dans la fourmilière".
20:12 Comment peut-on aller vers ça ?
20:15 Comment peut-on approuver les cavaliers de l'apocalypse,
20:20 les chevaliers du vide,
20:21 qui ne progressent qu'en nous prédisant toutes les horreurs possibles,
20:26 et qui, en fin de compte, sont vides ?
20:29 Le grand problème de nos élections depuis 30 ans,
20:32 et surtout aujourd'hui,
20:33 c'est que la plupart des candidats n'ont aucun projet de société.
20:37 On nous dit qu'il faut marcher, qu'il faut aller vite,
20:40 pour aller où ? On ne le sait pas.
20:42 Et le grand problème de la plupart des partis politiques,
20:45 tous, de droite, de gauche, les populistes, les autres,
20:48 c'est qu'ils sont pulvérisés.
20:51 C'est la foire des égaux.
20:52 C'est ce que j'avais appelé, il y a 30 ans, dans un de mes livres,
20:56 "Nous vivons l'ère du tout à l'égo",
20:59 de l'hyper-narcissisme.
21:00 - Tout à l'égo.
21:01 - C'est très préoccupant.
21:02 Et c'est ce qui démotive également beaucoup de jeunes,
21:05 c'est ce qui les encourage à l'abstention.
21:08 Malheureusement, nous avons les élus que nous méritons.
21:11 Ils sont à notre image.
21:13 Nous vivons l'ère de l'égo, du tout à l'égo.
21:15 Chacun pense à ses propres intérêts,
21:19 alors qu'il faut relire Saint-Exupéry,
21:21 "Notre vie ne commence à prendre un sens
21:23 que quand nous tournons notre regard vers les autres."
21:26 Le reste n'a aucun intérêt.
21:27 - Oui, je terminerai en disant que ceux qui sont morts
21:30 ne pensaient pas à leur propre intérêt.
21:33 Ceux qui sont morts sur les plages,
21:35 à Omaha Beach, à Utah Beach,
21:37 ne pensaient pas à leur propre intérêt.
21:39 Ils pensaient à l'intérêt commun.
21:41 - À l'intérêt commun, à la liberté.
21:43 - À la liberté.
21:44 - Et c'est hallucinant de penser au crédit
21:47 que peuvent encore recevoir des gens comme Poutine
21:50 ou comme l'extrême droite en Israël.
21:52 Ces gens-là sont des grands bouchers de l'histoire.
21:55 Et c'est Paris en Chine.
21:57 Et ce qui est hallucinant avec Poutine,
22:00 c'est que son pouvoir s'est construit depuis plusieurs décennies
22:03 avec une complicité mondiale.
22:06 Et il y a encore des gens qui sont assez naïfs
22:08 pour les avoir reçus il y a cinq ans, il y a dix ans.
22:11 Même avec une longue cuillère,
22:14 on ne négocie jamais avec le diable.
22:17 - Merci Jean-Pierre Guénaud d'être venu nous voir ce matin
22:20 sur l'antenne de Sud Radio.
22:22 Merci, vous réagissez évidemment,
22:23 vous avez envie de parler de cette histoire,
22:27 de ce jour de commémoration.
22:29 N'hésitez pas.
22:30 0826 300 300, je rappelle, Jean-Pierre Guénaud,
22:34 Parole du jour J, Librio.
22:37 C'est une nouvelle édition.
22:39 Merci, 8h58.
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