- 14/02/2024
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00:00:00 *Générique*
00:00:06 Bienvenue dans cette édition spéciale sur France 24.
00:00:09 Il fut un temps où Robert Badinter était axé d'avocat des assassins.
00:00:13 Aujourd'hui, il est devenu une référence, un repère, une conscience, un sage.
00:00:18 A tel point que l'on parle de sa possible panthéonisation.
00:00:21 Robert Badinter, emblématique gardesseau de François Mitterrand, est mort vendredi à 95 ans.
00:00:27 La France lui rend hommage ce midi Place Vendôme.
00:00:30 Image ici en direct, la France qui lui doit beaucoup.
00:00:33 Abolition de la peine de mort bien sûr, mais aussi dépénalisation de l'homosexualité.
00:00:37 Il a aussi rendu possible l'accès des justiciables français à la Cour européenne des droits de l'homme.
00:00:43 Notre dispositif Pauline Godard, Place Vendôme en direct pour France 24.
00:00:47 Avec nous en plateau Roselyne Fèvre, chef du service politique de France 24.
00:00:52 Et on attend maître William Bourdon, avocat, président fondateur de l'association Sherpa.
00:00:56 Bonjour à tous.
00:00:58 D'abord direction la Place Vendôme pour vous retrouver.
00:01:02 Pauline, il y a déjà beaucoup de monde, on le voit, des admirateurs et des têtes un peu plus connues.
00:01:06 Oui en effet, il y a de nombreux admirateurs, des personnes qui se sont déplacées exprès
00:01:14 pour rendre hommage et assister à cet hommage rendu aujourd'hui à Robert Badinter,
00:01:19 ancien garde desceau, décédé vendredi dernier.
00:01:22 On a pu parler avec Héloïse Parézen, qui nous a dit qu'elle était venue rendre hommage
00:01:26 à un grand homme, qu'elle avait rencontré en 2006 puisqu'elle travaillait dans l'association
00:01:32 Genepi qui permettait de donner des cours aux prisonniers dans les prisons.
00:01:37 Elle a dit qu'elle avait rencontré un grand homme, une personne très accessible
00:01:41 et qu'elle était très émue d'être là aujourd'hui.
00:01:43 On a parlé aussi avec Daniel qui a fait deux heures de train.
00:01:46 Elle est venue exprès de Bourges pour rendre hommage, elle aussi, comme elle a dit, à ce grand homme.
00:01:51 Elle espère que tout ce qu'il a défendu, eh bien, continuera dans l'avenir.
00:01:56 Elle était aussi contente de voir qu'elle peut partager ce lien aujourd'hui avec toutes
00:02:00 ces personnes et ne pas être seule finalement devant sa télévision.
00:02:05 Heureuse aussi de voir que beaucoup de gens se sont déplacés aujourd'hui pour rendre
00:02:09 cet hommage à Robert Badinter.
00:02:10 On a pu parler aussi avec Marianne, une étudiante en droit, qui nous a dit qu'elle devait être
00:02:16 là aujourd'hui, qu'elle se devait d'être là aujourd'hui.
00:02:18 On a pu également rencontrer Jean Linchery qui a été producteur du téléfilm "L'abolition"
00:02:25 qui s'est inspiré de deux des livres de Robert Badinter, "L'abolition" et "L'exécution".
00:02:30 Il nous a raconté qu'au début du tournage, Robert Badinter était venu voir Charles Berling
00:02:35 qui interprétait son rôle dans le téléfilm.
00:02:37 Il lui avait donné sa robe et il voulait que Charles Berling joue avec sa robe dans ce téléfilm.
00:02:44 Il nous a dit, ce producteur, qu'il était indispensable pour lui d'être là aujourd'hui
00:02:49 et que bien sûr il était très peiné de la disparition de Robert Badinter.
00:02:53 Ce que nous ont dit aussi d'autres personnes, c'est qu'il avait 95 ans Robert Badinter
00:02:58 quand il est décédé et que finalement on le croyait éternel et que ça a été pour
00:03:01 eux un choc d'apprendre sa mort.
00:03:04 Il y a aussi de nombreuses personnalités, Gérard Larcher le président du Sénat, Yael
00:03:09 Braun-Pivet la présidente de l'Assemblée Nationale.
00:03:11 On a vu de nombreux anciens premiers ministres comme Elisabeth Borne, on a vu aussi Lionel
00:03:16 Jospin, Jean Marquero, Manuel Valls, Laurent Fabius le président du Conseil Constitutionnel.
00:03:21 Il faut rappeler que Robert Badinter a lui également été président du Conseil Constitutionnel.
00:03:26 Clément Bone qui s'est exprimé et qui a expliqué que Robert Badinter devait inspirer
00:03:32 aujourd'hui tous les français.
00:03:35 François Bayrou qui s'est exprimé aussi, qui a dit que c'était un très grand garde-essau,
00:03:40 un très grand humaniste.
00:03:42 Il respirait les valeurs qu'il portait.
00:03:45 Et puis vous savez aussi qu'il y a cette polémique depuis que l'on sait que la famille
00:03:50 Badinter a refusé que des membres du Rassemblement National soient ici mais aussi des membres
00:03:55 de la France Insoumise.
00:03:57 Alors aucune personne du Rassemblement National ne sera présente lors de cet hommage.
00:04:02 Par contre normalement Éric Coquerel et également Caroline Fiat sont attendus lors de cette
00:04:09 cérémonie.
00:04:10 Merci Pauline.
00:04:11 Arrêtons-nous un instant avec Roselyne Pfeff sur cette polémique LFI Rassemblement National
00:04:17 avec la présence de deux députés de la France Insoumise.
00:04:21 Roselyne et Elisabeth Badinter ne voulaient pas leur présence place Vendôme.
00:04:24 Ils sont quand même venus.
00:04:26 Cette position d'Elisabeth Badinter, elle est compréhensible au vu de la vie du parcours
00:04:32 de Robert Badinter ?
00:04:33 Évidemment, oui.
00:04:34 Bien sûr qu'elle est compréhensible.
00:04:36 Pour parler du Rassemblement National, ça a été quand même les adversaires les plus
00:04:43 virulents de le père et puis le Rassemblement National dans son essence, on va dire aujourd'hui.
00:04:51 Parce que même s'ils ont retiré la peine capitale de leur programme en 2017, on a quand
00:04:56 même entendu Jordan Bardella dire qu'il était pour la perpétuité réelle.
00:05:03 On sent bien que ce n'est pas tout à fait digéré cette histoire.
00:05:06 Et puis Marine Le Pen l'a tweeté, elle a dit "on ne peut pas partager tous les combats".
00:05:13 Donc je comprends tout à fait Elisabeth Badinter.
00:05:16 Parce que rappelez-vous, c'était je crois en 83, sous les fenêtres de la place Vendôme,
00:05:25 sous les fenêtres du garde des Sceaux, deux policiers avaient été tués et l'extrême
00:05:29 droite avait traité d'assassin le garde des Sceaux de l'époque qui était Robert Badinter.
00:05:39 Donc voilà, c'est compréhensible.
00:05:41 En ce qui concerne la France insoumise, c'est un autre sujet, c'était des accusations
00:05:46 effectivement de, on va dire...
00:05:49 Gabriel Attal est en train d'arriver, me dit-on, plasandome.
00:05:53 Voilà, de communautarisme, etc.
00:05:55 En fait, Badinter n'a jamais supporté le communautarisme de Jean-Luc Mélenchon, mais
00:05:59 plus précisément, on va dire que le 7 octobre et la non reconnaissance du groupe terroriste
00:06:06 du Hamas n'a pas dû aider.
00:06:08 Mais on peut voir aussi les choses s'élever au-dessus de la polémique, si je puis dire,
00:06:14 de prendre un peu de hauteur et de dire que si ces gens veulent venir, c'est-à-dire le
00:06:17 Rassemblement National et LFI, c'est que dans le fond, aux yeux de l'histoire, Robert Badinter,
00:06:23 de sa grande victoire, avait raison, l'histoire lui a donné raison.
00:06:27 Et le Rassemblement National a capitulé sur la peine de mort, même s'il y a eu une récup'
00:06:35 quand même, malgré tout, et que dans le fond, tout ça n'est pas digéré.
00:06:37 Parce que quand on regarde l'IFOP, quand même, 2023, la peine de mort, chez 80% des
00:06:47 sympathisants du Rassemblement National, ils sont pauvres.
00:06:50 Donc tout ça est quand même un peu, évidemment, de récupération.
00:06:53 Il y a eu un progrès.
00:06:54 Bonjour William Bourdon, Maître Bourdon, avocat pénaliste, vous avez créé l'ONG
00:06:59 Sherpa, spécialisé dans la défense des victimes des crimes économiques, l'affaire
00:07:05 des biens mal acquis aussi.
00:07:06 C'est vous, merci, de participer à cet hommage national rendu à Robert Badinter.
00:07:11 Roselyne nous parlait de ce revirement et de ce progrès autour de l'abolition de la
00:07:17 peine de mort.
00:07:18 C'est vrai que si on revient dans les années 81, la peine de mort, les Français y étaient
00:07:22 largement favorables.
00:07:23 C'est évidemment un des grands acquis de Robert Badinter.
00:07:28 Je l'ai mis comme million de Français, et au-delà de la France, par la disparition
00:07:34 de celui qui était une seule et unique grande conscience qui subsistait en France.
00:07:40 Et il y en a bien peu aujourd'hui, pour prendre le relais.
00:07:45 Moi, j'ai toujours été bouleversé quand je le voyais par la combinaison que j'essaye
00:07:49 de porter, très modestement, depuis 45 ans, entre sa soif, son goût de la conviction,
00:07:56 ses engagements professionnels, et puis son engagement intransigeant pour l'égalité
00:08:01 des droits, pour la démocratie.
00:08:03 Pour la dignité humaine.
00:08:05 Pour la dignité humaine, bien sûr.
00:08:06 Mais vous avez rappelé, il n'y a pas eu plus haï que lui, en France.
00:08:11 Il n'y a pas eu un homme plus haï que lui.
00:08:14 Il ne faut pas oublier ça.
00:08:15 Des paroles infectes ont été prononcées contre lui.
00:08:18 Des paroles antisémites.
00:08:20 Et cet hommage du bout des lèvres de Marine Le Pen et des autres ne doit pas laisser oublier
00:08:26 que derrière elle, il y a des hommes qui détestaient et qui continuent à le détester,
00:08:31 détestent l'héritage qu'il incarne.
00:08:32 Si aujourd'hui, Robert Badinter, il y a une image où quelqu'un qui lui ressemble
00:08:40 était garde des Sceaux.
00:08:41 Vous imaginez là ce gouvernement de M. Attal ?
00:08:44 Vous imaginez les accusations de laxisme qui seraient proférées contre lui ?
00:08:49 Les accusations de démission devant la délinquance ?
00:08:52 On avait entendu en 1983 Badinter au poteau.
00:08:57 Et puis juste pour dire que, pas question d'entrer dans cette polémique, c'est un
00:09:02 jour de recueillement et de respect, et évidemment de respect pour la volonté d'Elisabeth Badinter.
00:09:08 Moi je ne mets pas en équivalence du tout, mais c'est un autre sujet, l'extrême droite
00:09:15 et la France insoumise, quelles que soient les critiques qu'on peut faire à Jean-Luc Mélenchon.
00:09:20 Mais le point important à dire, je termine là-dessus, c'est que la disparition de
00:09:25 Robert Badinter, moi qui m'a beaucoup inspiré, qui a été une des grandes bougies de ma vie,
00:09:30 la disparition de Robert Badinter, c'est aussi un moment d'interrogation, pour nous
00:09:34 que vous disiez, l'histoire lui a donné raison.
00:09:37 J'aimerais avoir tort, mais les mêmes qui aujourd'hui, peut-être sont là, le saluent
00:09:45 avec plus ou moins de sincérité, de façon plus ou moins hypocrite, certains avec beaucoup
00:09:48 d'émotion, sont ceux qui portent des valeurs et qui ont une expression publique qui sont
00:09:55 absolument à l'envers de tout l'héritage intellectuel, moral et éthique de Robert Badinter.
00:10:00 C'est-à-dire qu'aujourd'hui il y a une remise en cause de l'état de droit en France,
00:10:04 qui est quand même décrié par plusieurs personnes, même si ça reste à débattre.
00:10:08 Non, l'état de droit de toute façon, d'ailleurs, en ce qui concerne l'état de droit, je parle
00:10:14 sous votre contrôle, il a ancré le Conseil constitutionnel dans l'état de droit, avec
00:10:22 deux piliers, qui est le suffrage universel et la hiérarchie des normes, c'est-à-dire
00:10:28 que les traités internationaux sont...
00:10:31 Absolument, c'est tout à fait exact.
00:10:33 Et puis il avait amorcé la réflexion pour introduire ce que Nicolas Sarkozy a fait,
00:10:36 l'une des seules choses, à mon avis, correctes qu'il a faites, c'est-à-dire la question
00:10:39 préalable de constitutionnalité, c'est-à-dire ce droit pour les citoyens de quereller la
00:10:44 constitutionnalité d'un texte devant les juridictions.
00:10:47 Même si la gauche a pu aussi, d'ailleurs, parfois...
00:10:50 La gauche n'a pas forcément été formidablement visionnaire sur cette question.
00:10:54 Vous voyez que je suis œcuménique en tout point.
00:10:56 Revenons peut-être sur le cœur de son combat, en tout cas c'est ce que le grand public retient
00:11:00 à l'abolition de la peine de mort.
00:11:02 Pourquoi est-ce qu'il se lance dans ce combat, Robert Ballinter ?
00:11:06 Il a été avocat avant d'être ministre et ça, ça l'a forgé ?
00:11:10 Alors il se trouve que...
00:11:12 Quand j'étais bébé avocat, mon premier stage c'était chez Philippe Lemeyre, qui
00:11:16 a disparu tragiquement il y a quelques années, qui a été aussi un de mes mentors au sens
00:11:22 le plus noble du terme.
00:11:23 Ils étaient très amis, ils étaient très proches.
00:11:24 Ils avaient tous les deux accompagnés longtemps à la guillotine à Clairvaux.
00:11:32 Et je peux témoigner du fait que Philippe Lemeyre gardait en mémoire l'engagement
00:11:44 absolu, résolu de Robert Ballinter.
00:11:46 Il faut se souvenir parce qu'on n'en sait pas suffisamment parlé, mais il a sauvé la
00:11:50 tête de Patrick Henry, mais il a sauvé derrière six autres personnes.
00:11:54 Il y a eu d'autres combats qui l'amenaient.
00:11:56 Alors l'origine de tout ça...
00:11:57 Patrick Henry qui était un des meilleurs de l'État.
00:11:59 Mais il a continué à se battre.
00:12:01 Ce n'était pas un fait isolé.
00:12:02 Il est resté pugnace et obstiné dans cet engagement.
00:12:07 Il faut se souvenir aussi que c'était un engagement de François Mitterrand, qui avait
00:12:11 dit "moi je ne regarde pas les sondages, je ne regarde pas les sondages, c'est mon engagement".
00:12:15 Patrick Henry, la cour d'assise, Robert Ballinter était un avocat d'affaires, essentiellement
00:12:20 le droit d'auteur, défendant des artistes, toute cette partie de cette carrière est
00:12:25 connue.
00:12:26 Et il a été appelé dans mon souvenir par le bâtonnier Boquillon, qui était le bâtonnier
00:12:29 à l'époque de Troyes, qui très courageusement, cet avocat de province, etc., contre toute
00:12:35 l'oprome, la voux papulie, s'est levé, a dit "moi je vais le défendre".
00:12:40 C'était très courageux de sa part, grande dignité de cet homme.
00:12:43 Et il a appelé Robert Ballinter, et c'est Robert Ballinter qui a donc appelé le deuxième,
00:12:49 et a fait cette pluie d'oirées étourdissante, dont malheureusement il ne reste pas de trace
00:12:52 écrite, mais quand même une mémoire de ceux qui l'ont écouté.
00:12:55 Et qui a permis donc à écarter la peine de mort.
00:12:59 C'était la condition de son entrée au gouvernement.
00:13:02 C'était la condition de son entrée au gouvernement.
00:13:04 Et puis il s'est bagarré aussi à l'échelon européen, il a fait des missions dans différents
00:13:12 pays de l'Est, il a contribué aussi à l'universalisation de l'abolition de la peine de mort.
00:13:18 C'est un point qui est parfois désestimé.
00:13:21 Il s'est soulevé aussi contre les conditions carcérales, indignes.
00:13:26 D'ailleurs ça n'a pas beaucoup changé.
00:13:30 Mais j'aurais peut-être à revenir sur sa relation avec François Mitterrand, parce
00:13:34 que c'était à la base, au début, une amitié.
00:13:37 Comme vous le disiez, c'était un avocat d'affaires, ce n'était pas du tout quelqu'un
00:13:41 qui était destiné à faire de la politique.
00:13:42 Et j'ai envie de dire que ce qu'il a fait en tant que garde des Sceaux, oui il a fait
00:13:46 de la politique, mais peut-être la politique au sens noble du terme.
00:13:50 Ce n'est pas de la politique aérie, c'est-à-dire qu'il a fondamentalement changé la vie des
00:13:56 Français.
00:13:57 Il a sauvé des vies, même si effectivement dans l'affaire Patrick Henry, il était vilipendé,
00:14:03 injurié par l'extrême droite qui disait le laxisme, la faiblesse, c'est celui qui
00:14:08 est du côté des coupables et non pas des victimes.
00:14:11 Mais avec François Mitterrand, il y a quand même le sujet de l'antisémitisme, enfin
00:14:16 le sujet aussi de son amitié avec René Bousquet.
00:14:22 Donc ça c'est aussi un sujet dont il n'a jamais rien dit publiquement, il n'a jamais
00:14:28 rien livré de ses sentiments.
00:14:30 Et il a eu le courage à un moment, c'était je crois en 92, lorsque François Mitterrand
00:14:37 vient à la commémoration de la RAF du Veldiv, c'est en 92, où il est hué par des extrémistes
00:14:44 juifs.
00:14:45 Et là, à ce moment-là, Robert Badinter monte à la tribune et écrit "vous m'avez fait
00:14:53 honte, vous m'avez fait honte".
00:14:55 On se souvient aussi de ce coup de gueule, donc il a défendu son ami Mitterrand, qui
00:15:00 lui dans le fond était dans la doctrine plutôt de De Gaulle, c'est-à-dire la France n'est
00:15:07 pas comptable des actes de Vichy.
00:15:10 Donc on se souvient aussi de ce coup de gueule.
00:15:13 Et dans une interview du Monde, le seul moment où il parle de ce qui aurait pu le gêner
00:15:19 lui en tant que famille de déportés, etc., une amitié avec Bousquet.
00:15:25 Et en fait, parce que vous savez, il y avait eu le livre de Péan, "Une jeunesse française",
00:15:30 qui remettait un peu les choses.
00:15:32 Et Badinter a dit qu'il avait eu une discussion à ce sujet avec François Mitterrand en disant
00:15:37 "ce n'est pas moi qui dirai ce jour-là ce que nous nous sommes dit".
00:15:41 Et ce ne fut agréable ni pour l'un ni pour l'autre.
00:15:44 Et on n'en a jamais su plus.
00:15:46 On attend l'arrivée du cercueil de Robert Badinter dans cette place Vendôme.
00:15:53 Je crois que c'est la première fois qu'une telle cérémonie a lieu devant la chancellerie.
00:15:58 C'est là, William Bourdon, dites-moi si j'ai tort, mais qu'a été rédigé le
00:16:03 projet de loi pour l'abolition de la peine de mort en 1981.
00:16:08 C'est là aussi que furent organisées ces manifestations hostiles à Robert Badinter.
00:16:14 J'aimerais peut-être qu'on revienne encore sur la peine de mort.
00:16:18 On parlera d'autres combats menés par Robert Badinter à la tribune en 1981 à l'Assemblée
00:16:24 nationale.
00:16:25 Il disait "il n'a jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence
00:16:29 ou l'absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité
00:16:32 sanglante".
00:16:33 C'était ça le cœur de son argumentaire pour lui de dire finalement que la peine de
00:16:37 mort n'a jamais dissuadé personne.
00:16:38 Dans son discours, dans toutes ses expressions, il y a toujours une dualité.
00:16:42 Il y a à la fois l'argument pédagogique qui est important, didactique, qui est de
00:16:50 dire "c'est inefficace".
00:16:51 Ce sont les mots qu'il prononce quand il plaide pour Patrick Henry en disant "si
00:16:55 vous le guillotinez, cela ne changera rien".
00:16:58 Et c'est évidemment une dimension importante de l'engagement de tous ceux qui tentent
00:17:06 aujourd'hui de continuer à universaliser l'abolition de la peine de mort.
00:17:09 Mais le principaux argument c'est évidemment l'argument philosophique.
00:17:12 Il l'a fait référence tant de fois dans son discours ailleurs, c'est-à-dire au
00:17:17 texte magnifique de Victor Hugo, bien sûr, "Dernière journée d'un condamné à mort"
00:17:26 d'Albert Camus.
00:17:27 Là, il a fondé son expression sur le fait que la peine de mort était évidemment une
00:17:36 institutionnalisation, une légalisation d'un crime par l'État, que c'était une
00:17:44 forme d'offense à l'humanité et c'était une barbarie institutionnelle.
00:17:50 - C'est le problème des régimes totalitaires.
00:17:52 - Et que ce symbole-là, la peine de mort, et d'ailleurs dans les pays où il subsiste,
00:17:58 on pourrait dire les États-Unis bien sûr, qui de ce point de vue-là donnent le contre-exemple
00:18:01 le plus atroce qu'il soit, mais dans les pays où il subsiste, où la peine de mort
00:18:04 est pratiquée le plus, la peine de mort est toujours corrélée avec un système répressif
00:18:10 et autocratique.
00:18:11 Donc ça incarne toujours cette logique de vendetta orchestrée, mise en scène de façon
00:18:16 mortifère par l'État, ça va toujours de pair avec un refus de l'égalité des droits
00:18:22 et ça va toujours de pair avec des logiques autocratiques et des logiques répressives.
00:18:27 - Emmanuel Macron vient d'arriver Place Vendôme, on attend le discours, l'éloge funèbre du
00:18:32 chef de l'État qui doit, dit l'Élysée, dans un vibrant hommage, vanter la force de
00:18:38 vie de l'ancien ministre de Mitterrand.
00:18:41 Cérémonie passée sous le signe de la justice, des combats contre la peine de mort, l'antisémitisme,
00:18:46 l'homophobie.
00:18:47 Le chef de l'État va également célébrer l'universalisme autour de Robert Badinter.
00:18:54 53 pays pratiquent encore dans le monde la peine de mort.
00:18:58 - Il croyait en l'abolition universelle Robert Badinter, jusqu'à son dernier souffle, il
00:19:03 a lutté pour y arriver.
00:19:04 - Absolument, il croyait.
00:19:05 Alors, il se trouve que j'avais eu l'occasion de parler avec lui au moment de la guerre
00:19:10 en Ex-Yoslavie, puisque, peut-être il était més estimé, mais nous étions quelques-uns
00:19:15 et lui surtout, bien sûr, avoir l'intuition que la réponse au crime atroce commis à
00:19:22 quelques heures d'avion pendant la guerre en Ex-Yoslavie devait être une justice mondialisée
00:19:26 qui était déjà un peu en filigrane d'un certain nombre de travaux.
00:19:30 Il en a été un des initiateurs, avec Pierre Truch, formidable avocat général qui avait
00:19:34 requis contre Klaus Barbier à la cour d'assise de Lyon.
00:19:37 Et évidemment que dans les débats, dans les premières discussions qui ont eu lieu sur
00:19:42 l'institution des tribunaux pour l'Ex-Yoslavie, un certain nombre d'États qui ont tenté
00:19:46 de monnayer leur accord pour ratifier ou soutenir l'élaboration de ce statut au fait que la
00:19:53 peine de mort pouvait y être prévue.
00:19:54 Évidemment que c'était impensable qu'une justice universelle se doit d'être exemplaire
00:20:00 et l'exemplarité supposait évidemment que la peine de mort ne puisse pas être envisagée.
00:20:06 Donc oui, jusqu'au bout, ça a été l'immense et l'incroyable combat de sa vie.
00:20:12 Je ne crois pas que dans l'histoire de la 5e République, il y ait de discours qui,
00:20:16 de façon aussi exceptionnelle, restent comme ça, dans l'empreinte de nos mémoires collectives.
00:20:22 Et j'invite tous les jeunes qui nous écoutent à l'écouter.
00:20:26 Il est facile d'accès pour s'en nourrir de ce que ça veut dire la puissance de conviction.
00:20:30 Oui.
00:20:31 Discours et en plus suivi des actes et qui changent la vie, comme vous le disiez Roselyne.
00:20:35 Il est question de la panthéonisation aussi de Robert Ballinter, peut-être dans le discours
00:20:39 d'Emmanuel Macron.
00:20:40 Oui, mais tout ça est d'une suite logique, comme Simone Veil, comme d'autres.
00:20:47 Vous voulez rester avec nous ?
00:20:51 Tout va bien.
00:20:52 Oui, je dirais que ce qui caractérise, et ça, c'est les mots de François Hollande,
00:20:59 dans un article qu'il a fait, il a dit que c'était le représentant de la dignité humaine.
00:21:06 Et c'est vrai, dans le fond, c'est ça qui marque.
00:21:09 Et je n'ai rien de plus à ajouter à ce qu'a dit brillamment Maître Bourdon.
00:21:15 Et parfois, ça allait quand même, l'idée de la mort allait jusqu'au… Là, on peut
00:21:22 peut-être contester, chacun a sa, c'est une intime conviction, mais sur l'euthanasie,
00:21:29 puisqu'il disait tant que je serai vivant, Emmanuel Macron ne fera pas de loi sur l'euthanasie.
00:21:34 Donc lui, c'était, on ne donne pas la mort.
00:21:38 Donc c'est effectivement un sujet philosophique intime.
00:21:44 Le cercueil de Robert Ballinter, qui est en train de faire son entrée, Place Vendôme,
00:21:50 et il est applaudi par les quelques citoyens, quelques Français qui sont présents.
00:21:54 Je m'affaire bien ici que à BFM.
00:22:17 (Applaudissements) (...)
00:22:46 (...) (...)
00:22:51 (...) (...) (...) (...)
00:23:12 (...)
00:23:41 (...)
00:23:50 (...)
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00:24:41 (...)
00:24:45 (...)
00:24:48 (...)
00:24:51 (...)
00:24:54 (...)
00:24:57 -J'ai l'honneur, au nom du gouvernement de la République,
00:25:02 de demander à l'Assemblée nationale
00:25:06 l'abolition de la peine de mort en France.
00:25:09 (Musique)
00:25:15 (...)
00:25:18 (...)
00:25:21 (...)
00:25:25 (...)
00:25:28 (Applaudissements)
00:25:33 (Musique)
00:25:39 (...)
00:25:50 (Musique)
00:25:57 (...)
00:26:04 (...)
00:26:11 (...)
00:26:19 (...)
00:26:27 (...)
00:26:33 (...)
00:26:40 (Musique)
00:26:46 (...)
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00:26:58 (...)
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00:32:15 (...)
00:32:21 (...)
00:32:27 (...)
00:32:33 (...)
00:32:40 (...)
00:32:46 (...)
00:32:52 (...)
00:32:58 -Si Dieu existe, qu'aimeriez-vous, après votre mort,
00:33:01 l'entendre vous dire ?
00:33:03 -Robert Van Ater, qui trône au centre de cette place Vendôme.
00:33:08 -Tu as fait ce que tu as pu. Entre.
00:33:10 -Voilà, Robert Van Ater, qui a été interrogé
00:33:13 par un journaliste, qui lui demandait
00:33:16 "Qu'aimeriez-vous qu'on vous dise, quand vous serez arrivé au ciel,
00:33:20 "que Dieu me dise, tu as fait ce que tu as pu ? Rentre."
00:33:24 Robert Van Ater applaudit.
00:33:27 On a entendu la 7e symphonie de Beethoven, cher à Van Ater,
00:33:30 et puis les images de sa vie, défilant sur écran géant.
00:33:34 On entend maintenant l'éloge funèbre d'Emmanuel Macron.
00:33:37 Maître Bourdon, vous vouliez revenir sur l'inquiétude
00:33:41 qu'avait exprimée Robert Van Ater sur la considération
00:33:44 portée aux musulmans en France, ici ?
00:33:47 -Oui, de façon plus générale.
00:33:50 C'est très important que chacun mesure notre responsabilité collective
00:33:54 de se sentir obligé de respecter, d'être à la hauteur
00:33:59 de l'héritage et du leg de Robert Van Ater,
00:34:02 à l'heure où les fantômes reviennent.
00:34:05 Les forces obscures sont là, les forces d'xénophobie,
00:34:08 d'intolérance. Juste un mot.
00:34:11 Je me souviens, Robert Van Ater, en 2011, dit...
00:34:15 Je suis sûr de ne pas trahir ses mots.
00:34:18 Je regrette de constater que la façon dont sont traités
00:34:21 les musulmans en France, ça me rappelle la façon
00:34:24 dont les Juifs l'étaient il y a 60 ans.
00:34:27 Il faut aussi se souvenir de ces mots.
00:34:31 -Il fait ton boulot.
00:34:34 -Le sang sur la lame, la tête coupée d'un homme,
00:34:38 une vie fauchée.
00:34:41 Ce spectacle morbide,
00:34:44 Robert Van Ater y assista à l'aube,
00:34:48 le 28 novembre 1972,
00:34:52 dans la cour de la prison de la Santé.
00:34:55 Avant, il y avait eu la plaidoirie,
00:34:58 désespérée, pour sauver son client,
00:35:01 Roger Bontemps, coupable qui n'avait pas tué.
00:35:06 Le procès perdu à trois,
00:35:09 la grâce sollicitée en vingt,
00:35:12 les visites chaque matin dans la cellule,
00:35:15 les derniers jours d'un condamné.
00:35:18 Avant, il y avait eu ce dilemme insoutenable,
00:35:22 qui des deux condamnés, Buffet ou Bontemps,
00:35:25 exécuté en premier ? Ce sera Bontemps,
00:35:28 avait statué leurs avocats, car Bontemps a encore un peu d'espoir.
00:35:32 Mieux vaut qu'il parte d'abord.
00:35:36 Après, il n'y avait plus rien que la nuit,
00:35:41 l'odeur de sang, les visages des bourreaux,
00:35:46 la mort.
00:35:50 La mort sans recours, une vie tombée
00:35:53 parce que la justice, alors tuée.
00:35:58 Son mentor, maître Torres, l'avait prévenu jadis,
00:36:01 "Tu deviendras vraiment un avocat après ta première mort de condamné."
00:36:05 Ce matin-là, à la santé,
00:36:10 c'est un coup près qui tranche aussi
00:36:13 le destin de Robert Badinter.
00:36:16 Avant, ce matin-là, il était un partisan
00:36:19 de l'abolition de la peine de mort.
00:36:22 De ce jour, il en sera un combattant.
00:36:27 Une idée simple gouverna désormais la vie de Robert Badinter.
00:36:31 "Pour ne pas perdre foi en l'homme,
00:36:35 "il ne faut pas tuer les hommes, fussent-ils les pires coupables."
00:36:39 Il était devenu avocat par amour du droit
00:36:43 et pour gagner sa vie, il sera l'avocat pour toujours
00:36:47 de cette cause, l'abolition.
00:36:51 Janvier 1977.
00:36:56 Retour à Troyes.
00:36:59 Dans la même cour d'assises où furent jugés Buffet et Bontemps.
00:37:03 "Cri de la foule qui demande la mort de Patrick Henry,
00:37:07 "cet assassin d'enfant.
00:37:09 "Cri de la foule qui demande la mort de Robert Badinter,
00:37:13 "cet avocat des assassins.
00:37:16 "Les morts vous écoutent, répétait Robert Badinter.
00:37:20 "Et le fantôme de Bontemps l'écoutait."
00:37:24 Les morts étaient sa conscience,
00:37:28 mémoire d'outre-tombe dont il redoutait le jugement.
00:37:33 À la barre, lui qui aimait écriver de théâtre ne jouait pas un rôle.
00:37:37 Il était une âme qui crie, une force qui vit
00:37:41 et arrache la vie aux mains de la mort.
00:37:45 "Si vous tuez Patrick Henry, lança-t-il au juré dont il cherchait le regard,
00:37:49 "alors votre justice est injuste."
00:37:54 Le combat contre la mort devint sa raison d'être.
00:37:58 Après Patrick Henry, Robert Badinter sauva la tête
00:38:02 de cinq autres condamnés.
00:38:06 Les morts nous écoutent.
00:38:10 Les morts, ces morts.
00:38:15 Simon, son père, arrêté le 9 février 1943
00:38:19 par les séides de Klaus Barbie.
00:38:23 Lea, sa grand-mère déportée à 79 ans.
00:38:27 Idy, son autre grand-mère que dans la fuite la famille d'eut laissée
00:38:31 s'éteindre seule à Paris.
00:38:36 Naftoul, son oncle, ses cousins, tant des siens décimés par la Shoah.
00:38:40 La mort comme ombre permanente à chaque contrôle de papier
00:38:44 dans ce village de Savoie quadrillé par les Allemands,
00:38:48 surveillé par la police de Paul Touvier.
00:38:53 Sa quête de fantôme après guerre à Auschwitz.
00:38:57 Oui, Robert Badinter fut un jeune homme hanté par la mort.
00:39:01 Sans doute est-ce pour cela qu'il fit toute son existence,
00:39:05 le choix résolu de la vie, nourriture terrestre, nourriture céleste,
00:39:09 haut, très haut et bas, très bas.
00:39:13 Il vécut intensément chaque minute, fureur de vivre,
00:39:18 des universités américaines au prétoire,
00:39:22 gourmandise des mots, voyage jusqu'au bout des nuits sans sommeil
00:39:26 pour étudier, devenir docteur, préparer ses cours,
00:39:30 épiphanie de travail et de savoir, fête de l'esprit, la vie,
00:39:34 la belle vie, celle des théâtres, celle de l'opéra,
00:39:39 la vie pour aimer, épouser Elisabeth, couple dans le siècle,
00:39:43 unie par l'universel, complicité dans les épreuves et les procès,
00:39:47 les bonheurs et les livres, presque 6 décennies d'une vie mêlée,
00:39:51 avec leurs 3 enfants, Judith, Simon et Benjamin,
00:39:55 lumière d'un grand amour et amour des grandes lumières,
00:40:00 celle de Condorcet, de la révolution, de la République.
00:40:04 Les morts vous écoutent.
00:40:11 Ceux qui écoutent Robert Badinter, ce jour de septembre 1981,
00:40:18 s'appellent Jaurès, Clémenceau, Brillant, Camus, Hugo.
00:40:26 A la tribune de l'Assemblée nationale,
00:40:30 pour défendre la loi abolissant la peine de mort,
00:40:34 le garde des Sceaux porte l'engagement du président François Mitterrand,
00:40:38 formulé durant la campagne en dépit de l'opinion.
00:40:43 Robert Badinter parle,
00:40:47 plaidoirie inoubliable contre une peine capitale
00:40:51 qui, par ses mots, est pulvérisée, à son tour exécutée.
00:40:55 Robert Badinter parle, la peine de mort dissuasive,
00:40:59 mais Patrick Henry lui-même criait à mort buffée, à mort bon temps,
00:41:04 devant le même palais de justice de Troyes, quelques années plus tôt.
00:41:08 La peine de mort dénoncée par les religions, les philosophies,
00:41:12 les consciences du monde, la peine de mort,
00:41:16 et la justice. La justice, n'est-ce pas seulement des juges,
00:41:20 des jurés, avec leurs failles, leurs erreurs ?
00:41:25 Alors faut-il accepter des exécutions sans cause ?
00:41:29 Des cadavres par accident ? Un homme qui n'a pas tué,
00:41:33 coupé en deux dans la cour de la prison de la santé ?
00:41:37 Non, ce n'est pas une question politique, c'est une question morale,
00:41:41 un cas de conscience.
00:41:46 Robert Badinter convint.
00:41:50 Une majorité vota pour la loi entière,
00:41:54 une majorité formée de la gauche, rejointe par quelques députés
00:41:58 de l'opposition, menée par Jacques Chirac.
00:42:02 Robert Badinter avait gagné
00:42:07 son plus grand procès.
00:42:11 Victor Hugo, son modèle, avait écrit 93,
00:42:15 Badinter venait de tracer 81 dans l'histoire
00:42:19 du progrès français, année de l'abolition.
00:42:23 Cela suffisait-il ? Non. Il fallait encore rendre
00:42:31 la justice plus humaine et l'humanité plus juste,
00:42:35 poursuivre l'oeuvre d'émancipation et de fraternité promue par Condorcet,
00:42:39 chasser les terribles démons de l'arbitraire qui tuèrent Condorcet
00:42:43 et tant d'autres après lui, derrière chacun, réprouvés, condamnés, oubliés.
00:42:47 Le garde des Sceaux voulait toujours voir une vie,
00:42:52 simplement, irréductiblement.
00:42:56 Vie des homosexuels,
00:43:00 discriminés, dont Robert Badinter mit fin à l'opprobre légale.
00:43:04 Vie brisée des victimes dont il se soucia plus que tout autre avant lui.
00:43:08 Vie citoyenne avec ses droits inaltérables,
00:43:13 il supprima les tribunaux d'exception et il ajouta un recours,
00:43:17 celui de la Cour européenne des droits de l'homme,
00:43:21 aux armes de liberté des justiciables français.
00:43:25 Vie des détenus, car pour lui existait un droit
00:43:29 qu'aucune loi ne pouvait entamer, aucune sentence retranchée,
00:43:34 le droit de devenir meilleur, même en prison,
00:43:38 même coupable. La vie.
00:43:42 Sa vie menacée, son honneur bafoué,
00:43:46 parce qu'il fut pendant 5 ans le ministre le plus attaqué de France,
00:43:50 cible d'une haine dont l'écho résonne encore dans cette place, Vendôme.
00:43:55 Mais, chers compatriotes, tout à l'heure, vous l'avez applaudi,
00:43:59 dans cette même place, où alors, des voix de haine
00:44:03 s'élevaient pour l'attaquer en raison de cette abolition.
00:44:07 La vie, cette vie sacrée,
00:44:12 garantie par l'Etat de droit, par les lois fondamentales de la République,
00:44:16 cette primauté de la personne humaine, inscrite dans une décision
00:44:20 du Conseil constitutionnel qu'il présida,
00:44:24 et dont il était spécialement fier.
00:44:28 Vie d'études et de sagesse à la tête de cette institution,
00:44:32 vie vouée à défendre la dignité de chacun et l'unité de la République,
00:44:37 jusqu'au banc du palais du Luxembourg.
00:44:41 Protéger les vies, et qu'importent les frontières,
00:44:45 vies brisées par les fers de l'histoire, arrachées par des assassins
00:44:49 qu'il voulait voir jugés dans les cours internationales,
00:44:53 vie au-delà de la France, sa patrie, lui qui aida
00:44:58 tant de pays européens sortis de la dictature ou de la guerre
00:45:02 à inventer leur constitution.
00:45:06 Oui, Robert Badinter avait choisi la vie.
00:45:10 La vie heureuse, la vie en République.
00:45:14 Souvenir des rêves de ses parents,
00:45:19 juifs de Bessarabie, pour qui la France se disait
00:45:23 avec les mots de Zola et les paroles de la Marseillaise.
00:45:27 Souvenir des vies héroïques, de ses habitants de Cognin,
00:45:31 en Savoie, qui savaient que les Badinter réfugiés là étaient juifs
00:45:35 et ne dirent rien aux Allemands.
00:45:40 La vie de Robert Badinter.
00:45:44 La République, fait homme.
00:45:48 La vie contre la mort.
00:45:52 Cette vie portée jusqu'à son dernier souffle,
00:45:56 cet élan de colère qui fustigeait le négationniste le traitant,
00:46:01 lui, l'avocat, sur les bancs des accusés en mars 2017.
00:46:05 Cette vie, la sienne, qui en changea tant d'autres,
00:46:09 lorsqu'ils eurent de croiser un jour ce géant du siècle.
00:46:13 Et à mon tour, je mesure cette chance.
00:46:17 La vie plus sombre depuis vendredi matin,
00:46:22 pour nous tous et pour les Français pleurant aujourd'hui,
00:46:26 sa force de colère, sa force de lumière qui nous grandissait tous.
00:46:30 Les morts nous écoutent.
00:46:34 Oui, les morts nous écoutent.
00:46:39 Les morts nous écoutent.
00:46:42 Robert Badinter, vous nous écoutez désormais
00:46:45 et vous nous regardez.
00:46:48 Conscience morale que rien n'efface, pas même la mort,
00:46:53 que le chagrin élève au rang d'exigence.
00:46:56 Et vous nous quittez au moment où vos vieux adversaires,
00:47:00 l'oubli et la haine, semblent comme s'avancer à nouveau.
00:47:04 Où vos idéaux, nos idéaux sont menacés,
00:47:08 l'universel qui fait toutes les vies égales,
00:47:11 l'état de droit qui protège les vies libres,
00:47:15 la mémoire qui se souvient de toutes les vies.
00:47:19 Alors nous faisons aujourd'hui le serment, je fais le serment,
00:47:23 d'être fidèles à votre enseignement et votre engagement.
00:47:29 Fidèles.
00:47:31 Et vous pourrez écouter nos voix couvrir celles des antisémites,
00:47:35 des négationnistes, comme votre voix couvrait la leur,
00:47:39 les réduisait au silence. Fidèles.
00:47:42 Et vous pourrez écouter des audiences, des plaidoiries,
00:47:45 des lectures de jugement, coeur vibrant de l'état de droit,
00:47:49 si souvent remis en cause au moment où vous partez.
00:47:52 Fidèles. Pour que vous puissiez écouter un jour
00:47:55 quand le Parlement du dernier pays, pratiquant la peine de mort,
00:47:59 dira "Elle est abolie", mettant le point final
00:48:02 à notre combat désormais universel.
00:48:05 Nous serons fidèles.
00:48:09 Pour ceux qui ont été tués, pour ceux qui n'avaient pas tué,
00:48:13 pour tous vos morts et pour ceux qu'il faut sauver,
00:48:17 pour Simon, pour Idis, pour Shinlea, pour Naftoul,
00:48:22 nous serons fidèles.
00:48:25 Pour cette part d'humanité qui fut si longtemps oubliée
00:48:29 depuis des siècles et demeure si fragile, nous serons fidèles.
00:48:33 Car c'est vous qui, aujourd'hui, parmi la foule,
00:48:37 nous êtes fidèles.
00:48:40 Vigie aux sourcils broussailleux,
00:48:44 fendue d'un sourire soudain,
00:48:48 vibrant d'indignation et d'une colère juste
00:48:51 quand sont attaquées les principes universels,
00:48:54 vous nous restez fidèles.
00:48:57 Vous restez ennemis, en silence,
00:49:00 hommes parmi les hommes, rue Sainte-Catherine à Lyon,
00:49:05 pour commémorer la rafle où fut enlevé votre père
00:49:09 un 9 février encore.
00:49:13 Vous êtes là, aujourd'hui, parmi nous.
00:49:20 Les lois de la vie et de la mort comme suspendus,
00:49:25 vaincus, abolis.
00:49:29 Alors s'ouvre le temps de la reconnaissance de la nation.
00:49:35 Aussi, votre nom devra s'inscrire
00:49:38 aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain
00:49:42 et pour la France,
00:49:44 et vous attendent au Panthéon.
00:49:48 Vive la République, vive la France.
00:49:53 (...)
00:49:57 (...)
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00:50:35 (La Marseillaise)
00:50:39 (...)
00:50:44 (La Marseillaise)
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00:50:55 (...)
00:50:59 (...)
00:51:04 (...)
00:51:08 (...)
00:51:12 (...)
00:51:16 (...)
00:51:20 (...)
00:51:24 (...)
00:51:29 (...)
00:51:33 (...)
00:51:37 (...)
00:51:41 (...)
00:51:45 (...)
00:51:50 (...)
00:51:54 (...)
00:51:58 (...)
00:52:02 (...)
00:52:06 (La Marseillaise)
00:52:09 (Propos en anglais)
00:52:13 (...)
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01:00:45 - Merci, Maître Bourdon.
01:00:48 Ça fait du bien d'avoir des paroles d'ouverture
01:00:52 et de nuance de bon sens.
01:00:54 - Et de hauteur. - C'est vrai.
01:00:56 - Merci à vous. - Pas moi, lui.
01:00:59 - Vous deux, on ne va pas faire un concours.
01:01:02 Merci de nous avoir suivis pour suivre cette hommage nationale
01:01:05 rendu à un grand homme, Robert Badinter,
01:01:08 qui devrait rentrer au Panthéon.
01:01:10 On se retrouve à 13h dans un quart d'heure.
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