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00:00 Il s'agit de Jacques Doyon. Les accusations s'enchaînent puisque les actrices Anna Mouglalis et Isile de Besco l'accusent à leur tour de viols, d'agressions sexuelles et de harcèlement.
00:09 Et puis, hasard du calendrier, le parquet de Paris requiert un procès contre le réalisateur Christophe Ruggia pour agressions sexuelles aggravées sur l'actrice Adèle Haenel quand elle était elle aussi jeune adolescente.
00:19 Des témoignages qui jettent un froid sur les comportements de plusieurs cinéastes qu'on dit héritiers de la nouvelle vague. Marine Turchi, bonjour.
00:25 Vous êtes journaliste à Mediapart. Vous avez enquêté justement sur ces cas et notamment sur précisément l'affaire Benoît-Jacques.
00:32 Vous êtes l'autrice d'un article sur l'autrice d'un article, le cinéma français au cœur de la bataille #MeToo.
00:39 Vous évoquez un système dont finalement Benoît-Jacques ne serait qu'un des avatars.
00:44 En fait, les violences sexuelles, on le sait, elles traversent les milieux. Ce n'est pas de droite ou de gauche. C'est partout les violences sexuelles.
00:50 Mais les affaires les plus retentissantes peut-être en France ont eu lieu dans le monde du cinéma, dans le monde de la culture.
00:56 Et ce n'est pas un hasard. Ça s'explique par le fait que le cinéma, finalement, c'est un vecteur de culture populaire, de représentation.
01:02 C'est extrêmement dans la culture de chacun et chacune. Et puis c'est aussi, et vous l'avez dit dans votre reportage, un héritage de la politique d'auteur, du cinéma d'auteur,
01:11 où on a érigé finalement, et Geneviève Selye le dit très bien, on a érigé les réalisateurs en génie créateur dont on ne pouvait pas contester la puissance.
01:22 Et finalement, ça leur donnait peut-être tous les droits. Et c'était aussi un alibi artistique qui était celui pour avoir des relations avec des mineurs,
01:31 comme s'est dénoncé aujourd'hui pour Benoît-Jacques. Donc c'est intéressant d'analyser aujourd'hui cet alibi artistique et de voir comment des réalisateurs ont théorisé
01:39 qu'il fallait être amoureux de leur actrice sans que ça gêne absolument personne. Il faut rappeler que quand les actrices vont sur un tournage, c'est du travail.
01:46 Le film, c'est une entreprise. Le code du travail, la loi s'applique comme partout ailleurs. On a l'impression aujourd'hui qu'il y a une ouverture de parole qui est possible
01:55 parce qu'elle est entendue. Nous, on a révélé l'année dernière l'affaire Depardieu, 13 témoignages, plus l'affaire qui concerne La Plaignante, 14.
02:02 Il faut attendre des images de compléments d'enquête pour que l'affaire ait un écho énorme. Pourquoi ? Parce que ces images montrent notamment des propos sexuels et obscènes
02:11 à destination d'une mineure. Et c'est peut-être là... - Et tenu en dehors de tout contexte de tournage. - Tout à fait. Mais c'est peut-être le dernier verrou qui reste à faire sauter en France.
02:19 C'est que la société s'indigne plus facilement lorsque ce sont des violences à l'égard de mineurs. Et c'est normal, c'est le crime ultime à l'égard d'un enfant.
02:28 Mais aujourd'hui, on a du mal à entendre encore les témoignages qui concernent des femmes majeures. Nous, on a révélé le témoignage d'Adélénal qui a eu un grand écho.
02:35 Vanessa Springora aussi a eu un grand écho. Camille Kouchner et son livre. Tout ça et Judith Gaudrèche, ce sont des récits qui concernent des violences à l'égard de mineurs.
02:43 - Alors il y a eu le consentement, effectivement, de Vanessa Springora, la familia grande de Camille Kouchner, qui ont révélé aux yeux du public le fait qu'une mineure de moins de 15 ans ne peut pas être consentante.
02:54 - Alors ça pose, effectivement, ça a relancé ce débat. À quel âge on met le consentement ? On vient de révéler, nous, dix témoignages dans l'affaire Gérard Miller qui posent aussi cette question,
03:03 puisqu'on voit Gérard Miller inviter chez lui des jeunes femmes mineures, certaines avaient 16 ans, 17 ans.
03:09 - Et il y a là des conditions particulières qui sont des conditions d'hypnose, en plus, c'est-à-dire là, pour le coup, de perte réelle même du sens-tomate.
03:14 - En tout cas, il y a un cadre qui est toujours le même, c'est-à-dire des jeunes femmes qui, pour la plupart, pas toutes, mais la plupart, sont abordées dans le cadre d'émissions où il était chroniqueur,
03:20 d'émissions de Laurent Roquet, de Michel Drucker. Elles sont invitées d'après leur récit chez lui. Certaines se voient proposer de l'alcool. Je rappelle que certaines sont très jeunes.
03:27 Les témoignages qu'on a, c'est entre... Elles ont 16 et 21 ans à l'époque.
03:30 - Donc, perte de lucidité. Dans le cas de Judith Gaudrech et de Vanessa Spring-Goret, il y a un trait particulier, c'est que dans des histoires d'ailleurs assez parallèles,
03:37 on a affaire à deux jeunes femmes de moins de 15 ans lorsqu'elles rencontrent ceux qui vont devenir leurs compagnons, mais en réalité des prédateurs sexuels.
03:45 - Alors ce qui est intéressant dans ces récits, c'est l'aveuglement collectif, parce que où étaient les adultes ? C'est la question que pose Judith Gaudrech aujourd'hui.
03:52 - L'entourage joue un rôle énorme. - Où étaient les adultes dans ces histoires ? Parce qu'en fait, évidemment, les personnes qui sont aujourd'hui accusées de viol sur des mineurs
04:00 sont des personnes qui sont peut-être engouffrées dans une fragilité possible, dans une désertion des parents, des adultes ou autres.
04:07 Donc c'est la question qu'on pose d'ailleurs dans l'affaire Jaar Miller, c'est où étaient les personnes qui ont vu des personnes mineures être invitées à l'issue d'une émission ?
04:15 - Dans le cas de Judith Gaudrech, il y a même une des charges quasiment des parents qui, lors de voyage en Italie, l'autorisent finalement à sortir, à aller à peu près où elle veut.
04:21 - Elle dit elle-même que Benoît Jacques aurait profité de cette faille. Sa maman était partie, son papa était dévasté, c'est ce qu'elle dit.
04:28 C'est intéressant de voir dans quoi s'engouffrent aussi ces hommes qui sont accusés de violence.
04:33 - Jean-Claude Churchillat, dans votre article que j'invite à chacun d'entre vous à aller lire, parce qu'il est effectivement passionnant, sur deux traits très particuliers.
04:39 À la fois un trait propre au cinéma, la capacité finalement à fictionner des affaires, des relations entre deux individus, avec un écartage parfois effectivement très important,
04:49 et donc des relations en fait entre mineurs qui apparaissent comme consentis à l'écran, entre mineurs et adultes parfois beaucoup plus âgés qu'elles.
04:58 Et puis un trait propre au cinéma français lui-même qui, dites-vous, met au-dessus de tout, depuis la nouvelle vague, le réalisateur.
05:04 - Oui, c'est-à-dire qu'avant il y avait une puissance des techniciens, des scénaristes, et puis avec la nouvelle vague, et puis le cinéma d'auteur, la politique d'auteur après les années 50,
05:14 qu'est-ce qui se passe ? Là on consacre la puissance du réalisateur, et c'est pas moi qui le dis, c'est tous les universitaires qui travaillent sur le cinéma.
05:20 Ça c'est une spécificité quand même assez française, où on dit que l'intérêt de l'œuvre est supérieur.
05:25 - C'est pas le cas en Italie, on a parlé de Bertolucci pour des faits assez semblables.
05:29 - Il n'y a pas seulement en France, sans aucun doute, mais il y a quelque chose d'assez français dans cette culture de l'impunité.
05:35 Moi je l'ai vraiment vu dans l'affaire Depardieu, beaucoup d'éléments étaient documentés dans des vidéos, dans des interviews, dans des livres.
05:42 Il y avait des choses qui étaient sous nos yeux, une partie des faits étaient sous nos yeux, pas tout mais une partie.
05:46 Et je crois qu'il y a eu un aveuglement collectif, qui est celui du monde du cinéma, qui est aussi celui du monde des médias, qui est celui de la société en fait, toute entière.
05:52 Il faut rembobiner tout ça et regarder ça.
05:55 Mais dans ces affaires, pour certaines, il y a des faits qui sont récents.
05:58 Dans l'affaire Depardieu, moi la plupart des témoignages que j'ai sont quand même dans les dix dernières années.
06:04 Dans l'affaire Gérard Muller, on a un fait qui date de 2016.
06:07 Donc il ne faut pas seulement penser que tout ça c'était il y a 30 ans.
06:10 Les violences sexuelles, les récits de violences sexuelles, c'est aujourd'hui, c'est maintenant, c'est partout, c'est dans les entreprises, ça traverse les milieux évidemment.
06:18 - Merci beaucoup Marine Turchi d'avoir été avec nous.
06:20 Je rappelle le titre de cet article, "Cinéma français au cœur de la bataille #MeToo"
06:25 et qui démonte effectivement à la fois les ressorts propres au cinéma, mais aussi peut-être propres à notre culture française.
06:30 Merci d'avoir été avec nous sur France 24.