Le management de l'échec et de la faillite des entreprises [Eric Severin]

  • il y a 8 mois
Xerfi Canal a reçu Eric Séverin, professeur des universités en sciences de gestion à l'IAE de Lille, pour parler du management de l'échec. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00 [Musique]
00:09 Bonjour Éric Séverin.
00:10 Bonjour Jean-Philippe Lionni.
00:11 Éric Séverin, professeur des universités IAE de Lille.
00:14 Éric Séverin, vous publiez "Zombification et faillite, déterminants enjeux et perspectives",
00:19 aux éditions EMS, avec David Véganzones, ESCE International Business School.
00:25 "Zombification, faillite, ça fait peur", ça fait peur, c'est des mots qui font un peu peur,
00:31 mais ça renvoie surtout à la question de l'échec.
00:33 J'ai envie de vous poser cette question, Éric Séverin, vous traitez d'ailleurs mon ouvrage.
00:37 Est-ce qu'on peut manager ou gérer l'échec ?
00:41 On peut sans aucun doute, mais avant de savoir comment on peut le faire,
00:45 si on peut le faire, il faut déjà définir ce qu'est l'échec.
00:48 Souvent on l'associe au mot de difficulté, au mot de faillite, au mot de défaillance, au mot de sauvegarde.
00:54 En fait, un échec, c'est être à un moment, être incapable d'honorer un engagement,
00:59 vis-à-vis d'un client, vis-à-vis d'un fournisseur, vis-à-vis d'un banquier.
01:02 Ces échecs peuvent être fréquents, moins fréquents, de plus forte intensité.
01:07 Évidemment, l'échec ultime, c'est la faillite, parce que c'est la reconnaissance par le droit.
01:12 Il y a beaucoup de travaux qui ont cherché d'abord à essayer de savoir
01:15 comment on pouvait déterminer cette notion d'échec.
01:18 Et ça tourne autour de la notion d'insolvabilité au niveau économique.
01:22 L'insolvabilité au niveau du bilan, les actifs ne sont pas suffisants pour payer les dettes.
01:28 Donc, effectivement, il y a échec, insolvabilité.
01:31 Ou insolvabilité au niveau des cash flows, c'est-à-dire ne pas être capable à échéance future de pouvoir rembourser ses dettes.
01:37 On voit tout de suite qu'il y a en fait un défaut qui est patent.
01:43 On a essayé de rendre l'échec plus lisible par la lecture par le droit.
01:47 Et la lecture par le droit, c'est ce que tout le monde connaît en France, c'est procédure collective.
01:52 Et en particulier, ce qui est curatif, le redressement et la liquidation judiciaire.
01:57 En essayant de faire ça, on a essayé de donner un benchmark.
02:00 L'échec, c'est ça.
02:02 Ceci étant, cet élément est un élément objectif.
02:06 Il y a aussi des éléments subjectifs.
02:08 Il y a des entreprises qui marchent très bien et qui s'arrêtent,
02:12 parce que le dirigeant estime que le résultat qu'il a obtenu est largement en deçà de ce qu'il espérait.
02:18 Donc il y a un critère subjectif.
02:20 Et il y a échec parce que ce n'est pas à la hauteur des espérances du dirigeant.
02:24 Donc il faut déjà déterminer ce qu'est l'échec.
02:28 Mais dans sa forme la plus aboutie, c'est la faillite des entreprises.
02:33 Ou la reconnaissance par le droit que l'entreprise ne sera pas capable,
02:37 avec son actif disponible, de faire face à son passif immédiatement exigible.
02:42 C'est le chapter 11 aussi aux Etats-Unis.
02:45 Oui, 11 et 7 pour redressement judiciaire et liquidation judiciaire.
02:50 Une faillite, un échec, c'est évidemment un traumatisme.
02:54 Quel est le management de l'échec ?
02:59 Curieusement, quand on lit la littérature académique, il y a assez peu de choses sur la question.
03:05 Beaucoup plus sur la littérature professionnelle.
03:08 Lorsqu'on essaye un petit peu de regarder les choses, on s'aperçoit que,
03:12 pour essayer de gérer l'échec, on utilise des mesures qu'on appelle souvent des mesures de restructuration.
03:17 J'ai essayé un moment de les classer, on peut en donner deux grandes catégories.
03:21 Les mesures opérationnelles, licenciements, réduction des coûts, désinvestissement.
03:25 Et des mesures financières, baisse des dividendes, augmentation du capital, renégociation avec les banquiers.
03:32 La question qui s'est donc posée, et qui a été posée dans quelques articles,
03:36 c'est de savoir au fond, qu'est-ce qui est premier ?
03:39 Est-ce qu'il faut commencer par des mesures opérationnelles ou par des mesures financières ?
03:44 Alors, il y a un premier courant qui dit "Et toi, le ciel t'aidera".
03:49 Donc, je n'aurai pas l'appui de mon banquier si moi-même, je ne fais pas un effort.
03:53 Donc, ce qui est premier, c'est d'abord l'effort que va faire l'entreprise,
03:57 et qui conditionnera l'effort du banquier.
03:59 Mais vous avez d'autres auteurs qui ne sont pas méconnus.
04:02 Stiglitz, je pense qu'il est assez connu du fait de son prix Nobel et de ce qu'il a écrit après.
04:08 Il dit "Non, la première chose à faire, c'est d'abord les mesures financières.
04:11 C'est d'abord de déterminer la gouvernance de l'entreprise, la géographie du capital.
04:16 Les dirigeants et les actionnaires ont été défaillants, très bien.
04:19 Eh bien, on va transformer les dettes et les créances en capital.
04:22 Et maintenant, il y aura des nouveaux actionnaires qui prendront les décisions qui se doivent,
04:26 qui se doivent pour restaurer l'entreprise.
04:29 Donc, ça, c'est la première question, c'est la première chose.
04:32 Au fond, qu'est-ce qui est premier ? Est-ce que c'est l'opérationnel ? Est-ce que c'est le financier ?
04:36 La deuxième question, c'est "C'est quoi un bon plan de restructuration ?
04:40 C'est quoi un bon management de l'échec ?"
04:42 Alors, il y a très peu d'études, sauf dans la fin des années 90.
04:45 Et qu'est-ce qu'elles montrent ces études ?
04:47 Elles ont été faites en France, aux États-Unis, au Japon essentiellement, et au Canada.
04:51 Elles montrent qu'il faut un peu de tout.
04:54 Mais que ce qui est privilégié, c'est en général les licenciements et les désinvestissements.
04:59 D'ailleurs, c'est assez corrélé, parce que quand on désinvestit,
05:03 on désinvestit une usine, mais les gens qui travaillent à l'intérieur de l'usine.
05:06 Donc, évidemment, ça crée une baisse de l'emploi de l'entreprise.
05:10 Mais on observe aussi les différences.
05:13 On observe beaucoup de licenciements en France et aux États-Unis.
05:18 Curieusement, alors qu'on a un droit dit plus protecteur.
05:22 Beaucoup moins au Japon.
05:24 Il y a des aspects culturels qui font que le management de l'échec et de la faillite,
05:28 dans sa forme à peu poussée, est différent.
05:31 Sur les mesures financières, on voit que finalement,
05:35 on renégocie plus facilement avec les banquiers en France qu'on ne renégocie aux États-Unis.
05:41 Parce qu'aux États-Unis, on a plus tendance à utiliser les augmentations de capital,
05:46 à faire appel au marché financier, pour gérer le problème de la structure financière déséquilibrée.
05:52 Donc, il y a des différences, mais il n'y a pas de version unifiée du management de l'échec.
05:59 Et ça, c'est sans doute un sujet sur lequel, effectivement, on devrait regarder plus en détail,
06:05 parce qu'il y a sans doute des aspects à la fois culturels, institutionnels,
06:09 je pense à l'aspect juridique, la protection des créanciers, par exemple,
06:13 qui fait qu'on devrait voir des différences assez significatives,
06:17 selon les pays ou selon les zones géographiques.
06:20 Il serait intéressant aussi de regarder ce qu'il en est pour l'Asie et la Chine.
06:26 Plutôt que de s'obséder de la performance,
06:29 regarder aussi l'échec et quand ça va mal, on en apprend beaucoup.
06:33 Vous savez ce que c'est qu'un succès, Jean-Philippe Denis ?
06:35 Non.
06:36 C'est un échec qui est mal tourné.
06:38 Merci Eric Seymour !
06:40 Merci !
06:42 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
06:45 ♪ ♪ ♪

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