Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • 19/12/2023
Avec Jean-Baptiste Noé, rédacteur en chef de la revue Conflits et auteur de "Le déclin d'un monde : géopolitique des affrontements et des rivalités" publié aux éditions de l'Artilleur.

Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h à 14h sur #SudRadio.

---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75...
Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

———————————————————————

Nous suivre sur les réseaux sociaux

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100063607629498
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
———————————————————————

☀️ Et pour plus de vidéos de Bercoff dans tous ses états : https://www.youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDQe5oKZlhHutOQlGCq7EVU4

##LE_FACE_A_FACE-2023-12-19##

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états, le face à face.
00:05 13h03 sur Sud Radio, l'heure pour nous de vous présenter ce face à face du jour aujourd'hui.
00:10 Guillaume Bigot, vous recevez Jean-Baptiste Noé, rédacteur en chef de la revue "Conflit"
00:13 qui vient nous voir pour ce livre "Le déclin du monde géopolitique, des affrontements
00:17 et des rivalités en 2023", c'est aux éditions de l'Artilleur.
00:20 Bonjour Jean-Baptiste Noé.
00:21 Bonjour.
00:22 Merci Esteban, effectivement je reçois aujourd'hui Jean-Baptiste Noé qui est rédacteur en chef
00:27 de la revue "Conflit" qui est aussi l'auteur de cet ouvrage dont on va parler "Le déclin
00:32 d'un monde" aux éditions de l'Artilleur et qui entend réhabiliter la géopolitique,
00:38 la vraie géopolitique, on va faire la différence entre la vraie et la fausse.
00:43 Donc bonjour, ravi de vous accueillir.
00:44 Nos auditeurs, il est vrai, probablement vous connaissent déjà parce que vous sévissez
00:49 sur cette antenne le vendredi à 7h20, vous avez des chroniques géopolitiques.
00:53 Moi j'ai été ravi de vous lire parce que d'abord vous êtes un géographe, vous êtes
00:57 le deuxième géographe de cette matinée, on a eu le plaisir d'avoir tout à l'heure
01:01 à l'antenne Sylvie Brunel, vous réclamez de l'école française de la géographie,
01:07 cette grande école de Vidal de la Blache et vous êtes en plus économiste sur les
01:12 bords je pense même, et voire au centre héritier de la tradition d'économie politique française.
01:17 Et donc tout ça fait de vous un géopolitique réaliste.
01:20 Et je disais, vous pestez contre la fausse géopolitique, un peu comme la fausse monnaie
01:25 chasse la bonne.
01:26 Alors qu'est-ce que vous appelez la vraie géopolitique, la fausse géopolitique, c'est
01:29 la géopolitique des bons sentiments, c'est ça ?
01:31 Exactement, le terme de géopolitique a longtemps été interdit en France, il est revenu un
01:36 petit peu à la mode dans les années 1980 avec un autre géographe qui s'appelle Yves
01:40 Lacoste.
01:41 Et aujourd'hui c'est un terme qu'on emploie un peu à tort et à travers.
01:43 Je me réjouis qu'on en parle et que ça revienne parce que c'est fondamental la géopolitique
01:48 mais on l'emploie un peu à toutes les sauces et comme tous les mots qu'on emploie beaucoup,
01:52 ça finit par perdre de sa valeur.
01:54 Et aujourd'hui on confond souvent géopolitique et relation internationale qui sont en fait
01:57 deux choses différentes.
01:58 La géopolitique c'est l'étude des rapports de force dans l'espace.
02:02 Donc ça peut être de la géopolitique dans une ville, dans une rue, ou bien à l'échelle
02:07 des pays, des continents comme la guerre en Ukraine ou la guerre en Israël par exemple.
02:10 Et dans la dimension géopolitique, la dimension géographique est évidemment fondamentale
02:15 et notamment l'étude des terroirs, l'étude des territoires, l'étude des frontières.
02:20 Il y a des frontières nationales, il y a des frontières locales qui sont très intéressantes
02:24 à étudier.
02:25 Certaines se sont formées il y a longtemps et elles sont encore en vigueur aujourd'hui.
02:28 Puis il y a la dimension historique et en géopolitique il faut aussi, et c'est ce
02:32 que je fais dans l'ouvrage, aborder d'autres disciplines, l'économie, la criminologie,
02:37 c'est un sujet très très important.
02:39 - On va en parler d'ailleurs.
02:40 - Parce que sinon il y a beaucoup de choses qui nous échappent aussi.
02:42 - C'est un peu la boîte noire de la mondialisation.
02:43 - C'est ça, la face cachée, la face sombre.
02:45 Et la géopolitique n'est pas une discipline, c'est une méthode d'analyse.
02:50 Donc on prend plusieurs disciplines et avec ça on essaye de comprendre comment s'effectuent
02:54 les rapports de force.
02:55 - Et le terme clé c'est l'espace.
02:56 Mais vous disiez que la géopolitique a de plus en plus de succès, c'est vrai, elle
03:00 a même fait son entrée au bac, c'est une discipline qu'on enseigne maintenant au lycée.
03:05 Mais j'ai l'impression, pour me pencher un peu sur les livres de mes enfants, que c'est
03:10 une géopolitique un peu sans frontières.
03:13 Or vous, vous réhabilitez dans ce livre, et vous avez 100 fois raison de le faire,
03:18 la notion de frontières.
03:20 Là aujourd'hui on a l'impression que c'est des flux de marchandises, de containers, etc.
03:24 Les frontières, est-ce que vous êtes d'accord avec cette définition ?
03:27 Je crois que c'est peut-être Ferdinand Braudel qui disait que les frontières c'est des cicatrices
03:32 laissées par l'histoire.
03:33 Vous êtes d'accord avec ça ?
03:34 - C'est une très belle définition, elle me convient tout à fait.
03:36 Et notamment, il n'y a pas de frontières naturelles.
03:39 C'est souvent une expression qu'on emploie parce que les frontières peuvent s'appuyer
03:43 sur des reliefs naturels, sur un fleuve, sur une montagne, évidemment.
03:46 Mais les frontières sont faites par l'histoire.
03:48 Par exemple, la Loire a été une frontière à une époque, entre le royaume de France
03:52 et le royaume d'Angleterre pendant la guerre de Cent Ans.
03:54 Et Orléans était le verrou de cette frontière, avec des combats ardents autour d'Orléans.
03:58 Aujourd'hui, ce n'est plus une frontière.
04:00 On franchit allègrement la Loire, c'est une frontière régionale, climatique, mais
04:04 ce n'est plus une frontière politique.
04:05 Alors que le Rhin est une frontière politique, alors qu'à un moment donné il ne l'a plus
04:09 été, à l'époque de Bonaparte et de l'Empire, quand l'Empire allait largement au-delà
04:13 du Rhin.
04:14 Donc les frontières sont toujours des clous.
04:15 - Mais le Saint-Olonne, c'est un empire européiste aujourd'hui, fait disparaître cette frontière.
04:19 - Oui, d'ailleurs à tel point qu'à une époque, le Maroc a postulé pour entrer dans
04:22 l'Union Européenne, comme la Turquie aussi.
04:25 Et la question de la frontière, c'est la définition de l'être.
04:28 Et j'insiste là-dessus aussi dans l'ouvrage, en expliquant qu'au XXe siècle, on a gagné
04:32 la voire, notamment avec une progression matérielle très importante, qui fait que nos arrières
04:36 grands-parents rêveraient d'avoir les conditions de vie qu'on a aujourd'hui.
04:39 Et aujourd'hui, ce qu'il faut redécouvrir et regagner, c'est l'être.
04:43 C'est-à-dire qui nous sommes.
04:44 Et on ne peut pas définir qui nous sommes si on ne définit pas ce que sont les autres,
04:48 ou qui sont les autres.
04:49 Et ça c'est la frontière.
04:50 La frontière dit qui sont les autres et qui nous sommes nous.
04:52 Ça ne veut pas dire qu'on rejette les autres, ça ne veut pas dire qu'on les méprise,
04:56 ça veut dire qu'on dit que l'autre est différent de nous, n'a pas la même culture, n'a pas
04:59 la même langue, n'a pas la même histoire.
05:00 Et parce que l'autre est différent de moi, je sais qui il est, je sais qui moi je suis.
05:04 Et ça c'est la frontière.
05:05 D'où le retour du refoulé identitaire, j'imagine, on va également en parler.
05:08 J'insiste un instant, parce que sous votre plume, il y a cette idée vraiment très intéressante
05:14 que même lorsqu'on fait disparaître la frontière, et là c'est le cas à l'intérieur de l'Union
05:17 Européenne, on passe le rein et on comprend tout de suite qu'on est dans un autre pays,
05:20 c'est ça ?
05:21 On le voit, ce que j'aime beaucoup c'est la frontière entre la France et la Belgique,
05:24 par exemple.
05:25 Où la France et la Belgique.
05:26 C'est tout plat, on est sur l'autoroute, on voit juste un panneau.
05:28 On la franchit sans même s'en rendre compte.
05:30 Exactement.
05:31 On voit que les bâtiments ne sont plus les mêmes, c'est plus tout à fait le même style
05:34 architectural.
05:35 C'est vrai.
05:36 On va avoir davantage de bière et un peu moins de vin.
05:38 On voit bien qu'on a franchi quelque chose, et ça l'Union Européenne n'arrive pas,
05:42 heureusement d'ailleurs, à le supprimer.
05:43 Et vous dites que même les plaques minéralogiques, on voit qu'on est en Belgique, ce qui montre
05:46 qu'il n'y a pas tant de mélange que ça.
05:47 Non exactement.
05:48 Ça c'est très surprenant même quand on est à une frontière italienne ou espagnole.
05:51 Proche de la frontière espagnole, on a beaucoup de plaques minéralogiques françaises et
05:54 très peu espagnoles.
05:56 Et finalement, les populations vont rarement de l'autre côté de la frontière.
06:00 Elles y vont bien sûr, mais assez peu.
06:01 Ce qui montre que ces frontières, elles s'inscrivent dans la durée, elles s'inscrivent dans l'histoire
06:06 et on ne les supprime pas comme ça.
06:07 Vous rendez dans votre ouvrage un vibrant hommage à deux auteurs, qui pour moi sont
06:12 des auteurs bien sûr, Cley, Thucydide et Xénophon, respectivement auteurs de La guerre
06:17 du Pénomponaise et de l'Anabase.
06:18 Ce sont des textes écrits il y a plus de 2500 ans.
06:21 Qu'est-ce que ces textes vont nous apprendre aujourd'hui ?
06:23 Eh bien, ils nous apprennent justement qui nous sommes.
06:26 Et ça, c'est fondamental.
06:27 Thucydide et Xénophon sont des historiens, ce sont des généraux, ce sont des hommes
06:31 politiques.
06:32 Ce sont deux grecs qui ont écrit La guerre du Pénomponaise, donc la guerre entre Sparte
06:37 et Athènes.
06:38 Et ensuite, pour Xénophon, la guerre qu'il a eu à subir contre les Perses, donc il y
06:42 a très longtemps, dans une époque temporelle très différente de la nôtre.
06:46 Mais à travers leur quotidien et à travers leurs contemporains, ils ont compris quelle
06:52 était la nature de l'homme, quelle était l'essence de l'humanité.
06:55 Et quand on lit ces textes, c'est l'importance d'ailleurs de lire les classiques.
06:59 C'est que lire les classiques, ce n'est pas simplement savoir ce qui s'est passé
07:02 autrefois, c'est comprendre ce que nous sommes nous.
07:04 Quand on lit Thucydide, on lit la géopolitique actuelle, le rapport entre la terre et la
07:09 mer, le rapport entre le petit et le grand, la question du droit, le respect du droit
07:13 ou la question de la force, et donc le rapport entre le droit et la force, la guerre économique.
07:18 Il y a de la guerre économique également chez Thucydide et chez Xénophon.
07:22 Et c'est ça qui est fabuleux en se plongeant dans ces grands auteurs, c'est qu'on comprend
07:26 mieux ce que nous sommes nous.
07:28 D'abord, ils nous ont façonné.
07:29 Les siècles ont repris ces auteurs et ça a contribué aussi à forger la pensée française
07:35 et la pensée européenne.
07:37 Et c'est pour ça que c'est très important d'être...
07:39 - Mais ce n'est pas seulement parce qu'ils nous ont façonné, vous dites, parce que finalement
07:41 les problématiques qu'ils posent restent actuelles.
07:43 - Oui, parce que la nature humaine n'a pas changé.
07:45 La matière a changé, les conditions de vie ont changé.
07:48 Les empires ont changé.
07:49 Mais l'homme reste le même à l'époque des Grecs, il y a 2500 ans ou aujourd'hui.
07:53 - Alors sauf que nos dirigeants, peut-être, je n'ai pas l'impression qu'ils soient capables
07:59 d'écrire la guerre du Péloponnèse.
08:01 Je ne vois pas M. Castaner, Mme Schiappa ou M. Boyard écrire, vous voyez, comme Thucydide.
08:08 - C'est bien dommage, mais ils devraient le lire.
08:10 Et justement, ces auteurs-là, s'ils ont pu écrire ces livres, c'est qu'eux-mêmes étaient
08:13 pétris de culture classique.
08:15 On est toujours le fruit de ce que l'on a mangé, de ce que l'on a lu.
08:19 Et si on peut écrire, c'est parce qu'on est l'héritier de ces lectures que l'on a faites.
08:24 - Et là, il y a une rupture, peut-être ?
08:27 - Il y a une rupture parce qu'on a rejeté ces auteurs classiques, parce qu'ils ne sont
08:30 plus enseignés.
08:31 Ce n'est pas la faute des lycéens ni des étudiants, mais on les prive d'un trésor.
08:34 Et cet ouvrage, c'est aussi la volonté de montrer aux étudiants, notamment les miens,
08:39 parce que je suis professeur en licence, de leur montrer qu'il y a un trésor qu'ils doivent
08:42 redécouvrir.
08:43 Et quand on les en a privés, c'est à eux de s'en saisir.
08:45 C'est à eux d'aller en bibliothèque, c'est important d'y lire des livres, de se saisir
08:49 de ce trésor qui est leur héritage et de le redécouvrir, tout simplement pour former
08:55 leur pensée, pour comprendre le monde dans lequel ils vivent.
08:57 - Et est-ce que pour vous, on le sent un peu quand on vous lit, est-ce que c'est la notion
09:02 d'évoyer, je précise quand même, d'universalisme dévoyé qui fait qu'on a peut-être eu l'impression
09:09 de repenser le monde à nouveaux frais et que finalement tous les gars du monde vont se
09:13 tenir la main pour faire des start-up, tout le monde est pareil partout, donc ça ne sert
09:16 à rien de se plonger dans ces anticailleries que sont la guerre du Péloponnèse en effet.
09:22 - Exactement, on a pensé que l'homme était plat, qu'il n'avait ni relief, ni histoire,
09:28 ni culture.
09:29 - D'ailleurs, il y a un livre qui s'appelle, un best-seller des années 2000, qui s'appelle
09:31 "La Terre est plate".
09:32 - Exactement, et donc la Terre est ronde, elle est ronde, elle est même un élément
09:36 dans l'univers et l'homme n'est pas plat, l'homme ne sort pas de nulle part.
09:40 C'est Tocqueville qui disait que dans la démocratie moderne, l'homme vivait dans le présent perpétuel,
09:44 c'est-à-dire qu'on l'a coupé de son passé et on le coupe de ce fait de son futur et
09:48 il vit dans un présent perpétuel et Tocqueville dit qu'il tourne perpétuellement sur lui-même.
09:53 Et ça, ce sont malheureusement nos contemporains et ce que j'essaye de faire à travers "Conflit"
09:57 et à travers cet ouvrage, c'est d'expliquer que l'homme a un passé, que s'il veut avoir
10:02 un futur, il doit redécouvrir ce passé et c'est ça également qui donne une dimension
10:06 profonde au présent, qui permet de résoudre, je pense, la crise identitaire qui est la
10:10 nôtre.
10:11 Et non, un Chinois n'est pas un Français, n'est pas un Européen.
10:14 On peut aimer la Chine, on peut aimer la culture chinoise comme les Chinois aiment la culture
10:18 européenne, mais il y a une différence entre les deux, il y a des frontières entre les deux.
10:23 Et vous mettez en parallèle aussi l'universalisme, vous dites, voilà, qu'il a eu des effets
10:29 catastrophiques en matière d'équilibre mondial avec cette notion de sentimentalisme,
10:36 de démotivité, c'est ça ?
10:37 Oui, c'est-à-dire qu'on a pensé qu'on allait exporter ailleurs nos modes de vie
10:43 que les autres le veuillent ou non.
10:44 Et même s'ils ne le voulaient pas, on allait quand même leur exporter.
10:46 On allait faire le bien.
10:47 On allait faire le bien à travers la guerre, donc c'est la guerre en Irak en 2003, la
10:51 guerre en Libye en 2011, dont on en subit encore les conséquences au Sahel, qu'on
10:55 allait exporter la démocratie, en considérant que tout ça, c'était que des, une sorte
11:00 de petite boîte du petit chimiste illustré et qu'il suffisait de prendre la boîte et
11:04 le manuel d'utilisation et qu'on allait pouvoir faire la même chose au Sahel, en
11:09 Irak ou en Europe, faisant fi des cultures et faisant fi des histoires locales.
11:13 C'est vrai qu'exporter la démocratie à coup de bombe, ce n'est pas une idée très
11:15 riche nécessairement.
11:16 On va continuer de parler de géopolitique avec vous Jean-Baptiste Noé.
11:20 Après cette courte pause, et puis on prendra le gagnant du jeu 0826-300, 300 c'est Noël
11:25 sur Sud Radio.
11:26 C'est G.
11:27 Gonzman, je vous souhaite de joyeuses fêtes de Noël avec Sud Radio.
11:33 Une fête avec Sud Radio.
11:35 Sud Radio, parlons vrai.
11:38 Sud Radio Bercov dans tous ses états, midi 14h, Guillaume Guigaud.
11:44 13h17 sur Sud Radio, on va continuer ce face à face avec Jean-Baptiste Noé.
11:48 Mais avant, c'est le moment de vous faire gagner sur Sud Radio puisque le grand sapin
11:52 de Noël, c'est maintenant et on a quelqu'un qui nous a appelé, c'est Nathalie qui nous
11:58 appelle depuis Bourdon dans le Lot.
11:59 Bonjour Nathalie.
12:00 Bonjour.
12:01 Nathalie vous avez été tirée au sort et vous êtes chanceuse puisque Nathalie vous
12:05 gagnez un week-end pour deux personnes dans des lieux d'exception en France avec Vacances
12:11 Bleues.
12:12 Alors il y a des adresses mythiques et des destinations que vous connaissez, il y en
12:16 a 24 en France.
12:17 Il y a Biarritz, il y a Meugève en Suisse, il y a Saint-Jean-Cap-Ferrat, il y a Paris,
12:21 il y a Saint-Raphaël, des lieux exceptionnels pour des souvenirs exceptionnels.
12:25 Alors ça peut être dans un château médiéval, dans une résidence art déco, dans un ancien
12:29 palace belle époque, dans des hôtels, des clubs, des résidences, bref tout ce que vous
12:33 voulez Nathalie.
12:34 Félicitations, vous avez gagné un week-end pour deux personnes.
12:36 Oh super, je suis très contente.
12:39 Merci beaucoup.
12:40 Vous savez avec qui vous allez partir en week-end ?
12:41 Avec mon mari.
12:42 Ah bon, si vous n'avez personne, il y a du monde autour.
12:46 Il en a de la chance votre mari était là.
12:47 Si vous n'avez pas trouvé...
12:48 Je vais partir avec mon mari.
12:49 Bon, très bien.
12:50 Eh bien en tout cas on vous souhaite de vous régaler, de passer un excellent week-end
12:54 Nathalie.
12:55 Merci beaucoup.
12:56 Je vous rappelle que le Saint-Pain de Noël Sud Radio continue jusqu'au 25 décembre sur
13:00 les réseaux sociaux de Sud Radio et sur sudradio.fr.
13:02 Eh bien voilà, on va sans transition passer du jeu de Noël à la notion de puissance,
13:13 au retour des conflits, au retour de la guerre.
13:16 C'est peut-être moins marrant, mais vous dites qu'on n'échappe pas à cette espèce
13:22 de pesanteur des conflits, que ceux qui pensent qu'on s'est débarrassé de la guerre ne
13:27 rendent pas un grand service à l'humanité.
13:29 Oui, en fait on a pensé que parce que nous on voulait la paix et qu'on ne voulait pas
13:33 attaquer les autres, les autres voulaient également la paix, ils ne voulaient pas nous
13:36 attaquer.
13:37 Et on a cru, c'était une erreur de jugement faite depuis une vingtaine d'années, que
13:41 l'Orympe étant pacifiste, ailleurs dans le monde les populations ou les pays étaient
13:46 également pacifistes.
13:47 Grave erreur.
13:48 Et j'en veux pour preuve, lorsque il y a eu l'invasion de l'Ukraine en février 2022,
13:52 beaucoup ont dit "c'est le retour de la guerre en Europe".
13:55 Mais la guerre en Europe n'a jamais disparu.
13:57 Avec ce que c'était vie.
13:58 Il y a eu la guerre dans les Baltois, guerre terrible, et on est bien en Europe.
14:02 Il y a eu la guerre également en Irlande, entre l'Irlande et le Royaume-Uni.
14:05 Le Royaume-Uni a utilisé l'armée pour combattre la rébellion irlandaise, ça a été aussi
14:10 une guerre très dure.
14:11 Et puis il y a eu la guerre sur les marges de l'Europe, notamment au Maghreb ou en Afrique
14:15 du Nord.
14:16 Il y avait la guerre, mais on voulait faire comme si celle-ci n'existait pas.
14:19 Et là, on a semblé redécouvrir l'existence de la guerre, alors que celle-ci est omniprésente.
14:24 Heureusement en France, on a une armée qui tient encore la route et qui est digne de
14:27 ce nom, mais on ne voit pas beaucoup de pays européens qui ont complètement dissous leur
14:32 armée et qui aujourd'hui se retrouvent très démunis, notamment par rapport aux nouvelles
14:35 menaces.
14:36 Mais peut-être un premier point désaccord, vous chargez un peu la mule sur l'universalisme,
14:42 les droits de l'homme, et donc on a déclenché des guerres.
14:44 Ce n'est pas faux en Irak, ce n'est pas faux en Libye, ce n'est pas faux même en aggravant
14:48 le tableau en Syrie et en Afghanistan, où nous n'avons pas l'Afghanistan, que l'Occident
14:54 droit de l'hommiste a fait la guerre pour imposer les droits de l'homme.
14:57 Ce n'est pas faux, mais ces guerres-là sont quand même sans commune mesure avec des conflits
15:01 terribles.
15:02 Donc ce n'est pas que l'universalisme qui déclenche la guerre.
15:04 Par exemple, la guerre du Tigré, on en parle très peu.
15:07 C'est une guerre qui a fait quoi ? Un demi-million de morts peut-être ?
15:09 Oui, on doit être dans ces eaux-là.
15:10 Il y a la guerre au Yémen, 350 000 morts.
15:13 Le NOU dit que c'est la plus grande catastrophe humanitaire du XXe siècle, enfin du XXIe
15:17 siècle.
15:18 Donc là, aucun rapport avec l'universalisme des droits de l'homme.
15:19 Tout à fait.
15:20 Là, je me suis centré sur l'Europe et donc sur les guerres menées par l'Europe.
15:24 Mais effectivement, il y a beaucoup d'autres guerres ailleurs qui sont de nature différente.
15:28 Ça peut être des guerres ethniques, donc affrontements entre différents peuples, par
15:31 exemple la guerre au Tigré ou la guerre au Yémen, ou alors des guerres pour contrôler
15:36 un territoire voisin, comme on a actuellement les dangers entre le Venezuela et le Guyana
15:41 en Amérique latine, où le Venezuela veut envahir son voisin pour récupérer ses puits
15:44 de pétrole.
15:45 C'est à chaque fois ce que les Grecs appelaient l'hubris, la démesure.
15:49 Je veux contrôler mon voisin, je suis plus fort que lui, et donc je vais déclencher
15:53 une guerre pour celui-là.
15:54 Comme d'ailleurs la guerre en Ukraine, ce n'est pas du tout une guerre d'universalisme.
15:57 Vladimir Poutine n'a pas la provocation d'apporter la démocratie en Ukraine, il
16:01 veut simplement récupérer un territoire et renverser un gouvernement qu'il estime
16:05 contraire aux intérêts de la Russie.
16:07 Est-ce que la mondialisation, pour vous, le terme d'ailleurs n'était pas très
16:11 diffusé avant 1991, 1991 c'est aussi la première guerre en Irak, est-ce que la mondialisation
16:18 c'est l'hubris des États-Unis d'Amérique comme hégémonie mondiale ?
16:20 Alors c'est une hubris, c'est une hégémonie de fait, c'est également l'usage de certains
16:26 moyens techniques, non pas à des fins universelles pour l'ensemble des pays, mais à des fins
16:32 personnelles.
16:33 Par exemple la question du dollar, le dollar est utilisé partout dans le monde pour les
16:37 paiements et les États-Unis ont transformé l'usage du dollar en arme, puisque faire
16:41 usage du dollar c'est se mettre sous le droit américain et donc c'est potentiellement
16:45 avoir de très lourdes sanctions.
16:46 La Société Générale en a fait les frais, mais Alstom également, qui a été démantelé
16:51 en partie à cause de ça.
16:52 Un moyen de raquette en fait.
16:53 Exactement, un moyen de raquette où on met un pistolet sur la tempe du plus faible en
16:58 lui disant "maintenant il faut payer sinon j'appuie sur la gâchette".
17:00 Est-ce que c'est ça qui se passe pour vous en Ukraine, une volonté de se désoccidentaliser,
17:06 de se démondialiser, de se désaméricaniser ? Est-ce que c'est ça que fait Poutine en
17:10 déclenchant sa guerre en Ukraine ?
17:12 Alors je vois qu'il y a plusieurs causes à la guerre en Ukraine.
17:15 Il y a la question de la peur de l'OTAN et des États-Unis et de la volonté de se distinguer
17:20 et de créer un fossé entre la Russie et l'Occident.
17:23 D'ailleurs on voit dans ses discours qu'il attaque régulièrement l'Occident.
17:26 Mais il y a aussi une idée très ancienne de retrouver un empire russe puisque l'Ukraine
17:31 a été à un moment donné territoire russe.
17:34 Pas toute l'Ukraine, mais au moins la partie est de l'Ukraine aujourd'hui.
17:40 Donc l'idée de récupérer, de faire une forme de grande Russie.
17:44 Donc il y a un mélange à la fois de passé et d'éléments contemporains par rapport
17:50 aux États-Unis.
17:51 Vous mentionnez aussi d'autres théories classiques en géopolitique et notamment celle
17:57 de Mackinder.
17:58 Peut-être que vous pouvez, avec votre talent d'enseignant, nous expliquer très rapidement
18:01 ce dont il s'agit et si pour vous la problématique de la guerre en Ukraine illustre la validité
18:06 de la théorie de Mackinder.
18:07 Oui, alors Mackinder c'est l'école anglo-saxonne de géopolitique, donc les Anglais et les
18:12 Américains.
18:13 Alors il y a plusieurs auteurs, mais enfin ils aboutissent tous plus ou moins à la même
18:15 idée qu'ils ont affinée.
18:16 C'est l'idée de dire qu'il y a une terre centrale, la terre du milieu.
18:20 On est un peu comme dans Tolkien, il y a cette terre du milieu, le baricentre du monde,
18:25 qui est tenue par la Russie, la Chine et l'Allemagne.
18:28 Et il faut empêcher une union de ces trois pays puisque dans la pensée de Mackinder,
18:33 celui qui tient la terre du milieu tient le monde.
18:35 Et donc on a ensuite des puissances maritimes qui encerclent la terre du milieu par notamment
18:41 des alliances.
18:42 C'est la Grande Bretagne, les États-Unis, le Japon.
18:43 D'ailleurs c'est ce qu'on fait les États-Unis pendant la guerre froide, ce qu'on appelait
18:47 l'endigment, le containment.
18:49 Donc on fait des alliances au temps, au Taz en Asie, Pacte de Bagdad au Moyen-Orient,
18:54 pour contenir la puissance territoriale centrale.
18:58 Pour les ceinturer, l'empêcher de progresser, l'empêcher de prendre le contrôle du monde.
19:04 Alors ça fonctionne sur le papier, je suis un peu plus dubitatif dans la réalité.
19:08 D'abord parce que l'alliance entre l'Allemagne et la Russie n'a jamais vraiment bien marché.
19:12 D'ailleurs Hitler a fait la guerre à Staline.
19:13 L'alliance entre la Russie et la Chine ça a jamais vraiment...
19:16 Encore pire.
19:17 Pardon ?
19:18 Encore pire que ça, puisqu'on a eu une guerre entre l'URSS et la Chine.
19:22 Et ce que l'on voit c'est que finalement la nation l'emporte sur l'Empire.
19:26 Les Chinois se sont regroupés en tant que nation chinoise et ont attaqué l'Union soviétique.
19:31 Donc la nation chinoise l'a emportée sur l'idéologie communiste.
19:35 Et on voit aussi que l'alliance des puissances maritimes, ça marche pas vraiment non plus.
19:42 Les pays arabes aujourd'hui en plus prennent leur indépendance des États-Unis, notamment
19:46 en faisant des alliances avec la Chine ou avec l'Iran.
19:49 Pareil pour les pays d'Asie.
19:51 Donc c'est un schéma qui pouvait avoir une pertinence au début du XXe siècle, qui est
19:55 toujours intéressant à étudier mais qu'il faut actualiser.
19:57 Mais pourtant ces opérations de sabotage de Nord Stream, le canal de gaz entre la Russie
20:06 et l'Allemagne, ça ressemble quand même à cette volonté d'empêcher la terre du
20:11 milieu de s'unir, non ?
20:12 C'est exactement quand les États-Unis, probablement les États-Unis, ou au moins
20:15 leur proxy ukrainien ont coupé un peu le zizi gazier entre l'Allemagne et la Russie.
20:20 C'était ça, non ?
20:21 Oui, alors là ça rejoint aussi une autre problématique, celle de l'énergie.
20:24 Raymond Haron disait que l'énergie était le sang de la géopolitique.
20:27 Un pays ne peut pas vivre sans énergie.
20:29 Alors c'est l'énergie gaz, pétrole, mais également l'énergie alimentaire, puisque
20:33 l'alimentation c'est de l'énergie.
20:35 Et effectivement en coupant Nord Stream, on prive l'Allemagne de l'arrivée du gaz,
20:40 donc on la prive d'énergie.
20:41 A partir de là, l'industrie allemande ne peut plus fonctionner et les Allemands sont
20:44 coupés de la Russie et donc doivent se mettre davantage dans le giron américain.
20:49 Donc c'est à la fois couper l'accès à l'énergie et empêcher effectivement une
20:53 alliance énergétique à travers le gaz entre Berlin et Moscou.
20:57 Affaiblir la Russie et réactiver une dépendance de l'Allemagne à l'égard des États-Unis.
21:00 Coup double.
21:01 Merci, on vous revient dans un instant.
21:03 Sud Radio.
21:04 Sud Radio.
21:05 Parlons vrai.
21:06 Sud Radio.
21:07 Parlons vrai.
21:08 Parlons vrai.
21:09 Parlons vrai.
21:10 Sud Radio Berkhoff dans tous ses états, midi 14h.
21:15 Guillaume Bigot.
21:16 Alors ce qui est formidable quand on a un spécialiste géopolitique comme vous, Jean-Baptiste
21:21 Noé, rédacteur en chef de la revue Conflit, auteur de "Déclin d'un monde", c'est
21:26 qu'on peut justement faire le tour du monde en restant autour d'un plateau de radio.
21:31 Nous étions en Ukraine.
21:33 Est-ce que pour vous Vladimir Poutine est en train de gagner son pari quand même très
21:37 audacieux en agressant l'Ukraine ? Il est en train de gagner ou pas ?
21:43 Alors ça dépend sur quel aspect on regarde.
21:45 Il a réussi à envahir près de 20% de l'Ukraine et je ne vois pas aujourd'hui comment on
21:50 pourra le chasser des territoires contrôlés.
21:53 L'armée ukrainienne n'a pas les moyens, j'aurais dit technique, de reprendre les territoires
21:57 perdus.
21:58 Donc d'un point de vue territorial, oui, il a gagné.
22:01 Il reviendra d'une manière ou d'une autre dans le giro mondial parce qu'on ne peut
22:05 pas se priver de la Russie vu son poids.
22:08 Trop de matières premières.
22:09 Immense pays, d'un point de vue géographique.
22:13 De toute façon, il faudra bien trouver un moyen de remettre la Russie dans le concert
22:16 des nations.
22:17 En revanche, il y a deux points qui me paraissent ennuyeux pour la suite de la Russie.
22:21 D'abord ce sont les pertes démographiques.
22:23 La Russie est un pays qui a de graves problèmes démographiques avec une population qui vieillit
22:28 et qui est en mauvaise santé.
22:30 Or, dans une guerre, ce sont les plus jeunes qui meurent.
22:32 Donc là, ça va lourdement creuser les classes d'âge démographiques.
22:36 Il y a quand même beaucoup de jeunes hommes qui sont décédés ou qui sont gravement
22:39 blessés.
22:40 Alors vous objecterez à ce que le problème soit tout aussi grave en Ukraine ?
22:43 Tout à fait.
22:44 Bien sûr.
22:45 Et l'Ukraine aura aussi beaucoup de mal à se remettre de ce conflit.
22:47 C'est indéniable.
22:48 Les pertes humaines, la reconstruction, les problèmes de corruption, les problèmes
22:52 moraux qui vont se poser, les dissensions politiques qui vont surgir dès que la guerre
22:57 sera terminée, ça va être très compliqué pour les Ukrainiens et il faudra les soutenir
23:01 pour la reconstruction.
23:02 Mais pour la Russie, le problème démographique sera très important.
23:06 Et puis, dans le bras de fer entre la Russie et la Chine, pour l'instant c'est la Chine
23:10 qui est en train de gagner parce que la Chine est une plus grande puissance démographique.
23:14 La Russie a concentré ses forces sur l'Ukraine et est en train d'abandonner l'autre partie
23:20 qui est la Russie asiatique, notamment Vladivostok, la Sibérie, où là on a de plus en plus
23:25 des populations chinoises qui s'installent.
23:27 C'est un danger pour la Russie.
23:29 Danger effectivement que la Russie récupère l'Ukraine mais voit la Chine lui reprendre
23:34 d'une part ou d'une autre sa partie asiatique, Vladivostok et la Sibérie.
23:38 Et donc perdre d'un côté ce que la Russie a gagné de l'autre.
23:41 Récupère le Tchernosium, des terres noires, fertiles de l'Ukraine, mais elle perdrait
23:45 les terres rares de la Sibérie orientale.
23:47 Exactement.
23:48 Justement, on se déplace de presque 7000 kilomètres allant de l'autre côté du monde
23:57 en mer de Chine.
23:58 Pour vous, une guerre peut éclater à Taïwan ou pas ? Une guerre chaude j'entends.
24:02 Alors c'est le risque.
24:04 On est dans Mackinder là aussi encore ?
24:07 Oui tout à fait.
24:08 Alors, nul ne peut le prévoir parce qu'il y a toujours un côté imprévisible.
24:12 Les Chinois veulent annexer Taïwan mais veulent le faire sans déclencher une opération militaire.
24:18 Mais ils se sont quand même fixés 2030 qui est le centenaire du Parti Communiste Chinois
24:25 et après 2048 qui est le centenaire de la République Populaire de Chine pour dire qu'ils
24:29 ont réunifié la Chine en annexant Taïwan.
24:31 Ils veulent le faire la chinoise en fait, c'est-à-dire comme le jeu de go, le confus
24:35 sud, je veux gagner sans livrer bataille.
24:39 Exactement, sans tirer puisque la bataille est psychologique.
24:43 J'étouffe l'adversaire, il est tellement étouffé que je récupère, comme d'ailleurs
24:47 ils ont récupéré Hong Kong.
24:49 Par exemple, une très bonne manière de faire c'est d'interdire à une entreprise qui
24:54 fait du commerce avec Taïwan de lui interdire le marché chinois.
24:57 Alors là c'est vite vu entre quelques millions d'habitants et un milliard d'habitants
25:02 de l'autre, on préfère la Chine évidemment et c'est pour ça que Taïwan a de plus en
25:05 plus de mal à s'approvisionner.
25:06 Donc c'est une manière de l'étouffer.
25:09 Mais Hong Kong il y avait un contrat et le contrat prévoyait une date et à partir d'une
25:12 certaine date, Hong Kong a été rétrocéder à la Chine.
25:15 Là c'est pas le cas avec Taïwan.
25:16 Non, ça c'est pas le cas, sauf que le contrat avec Hong Kong prévoyait que Hong Kong conserve
25:20 une autonomie politique.
25:21 Ça, ça a disparu.
25:22 Et là les Hongkongais se sont fait complètement ré-annexer.
25:25 Avant il y avait un pays mais deux systèmes, chinois, continental, Hong Kong.
25:29 Là on a un pays et un seul système.
25:31 Et un pays, deux systèmes c'est aussi normalement ce qui doit s'appliquer à Taïwan ?
25:34 Alors s'il y a annexion, mais pour l'instant on est sur deux schémas complètement différents
25:39 puisque ce sont deux pays indépendants.
25:41 Mais ce que l'on voit en revanche, c'est assez nouveau côté Taïwan, c'est la montée
25:45 d'un vrai nationalisme.
25:46 Il y avait encore il y a 10 ou 15 ans des Taïwanais qui n'étaient pas contre une unification,
25:51 qui n'étaient pas opposés à une intégration dans la Chine.
25:53 Aujourd'hui c'est de moins en moins le cas, notamment chez les plus jeunes.
25:56 C'est-à-dire que plus la Chine a montré des velléités à l'égard de Taïwan, plus
25:59 ça a créé un sentiment identitaire national côté Taïwanais.
26:03 Mais chaque pays finalement, ou chaque culture, ou chaque civilisation revient à ses fondamentaux
26:08 et peut difficilement tourner le dos, c'est ce que vous disiez en faisant l'éloge des
26:12 frontières à ce qu'il est, où est-ce qu'elle est.
26:15 Là, est-ce que l'Occident n'est pas en train de laisser tomber des Chinois, de vrais Chinois,
26:21 parce que les Taïwanais sont des vrais Chinois, même s'il y a une partie un peu insulaire,
26:24 indigène dans cette île, c'est aussi des Chinois du continent.
26:27 Est-ce que l'Occident n'est pas en train de laisser tomber son modèle démocratique
26:32 en laissant tomber Taïwan ?
26:33 Ça c'est tout le problème de Taïwan, parce qu'effectivement les Taïwanais sont libres
26:40 et indépendants.
26:41 Ils ont été rarement intégrés dans la Chine continentale, c'est l'histoire complexe de
26:45 Taïwan, mais ils ont été japonais, ils ont été également hollandais, portugais,
26:49 donc ils ont une tradition, une histoire qui n'est pas du tout linéaire.
26:54 Et effectivement, eux font le choix de la démocratie avec un pluralisme politique,
26:59 et la question c'est peut-on les abandonner sous prétexte que la Chine est beaucoup plus
27:03 grosse.
27:04 D'ailleurs, Joe Biden a dit qu'il considérait Taïwan comme un autre état américain, et
27:09 que si la Chine attaquait Taïwan, il défendrait Taïwan comme il défendrait l'état de Floride,
27:15 de l'Arizona ou de la Californie.
27:17 La question c'est, ça ce sont les mots, mais est-ce qu'on est prêt véritablement, et là
27:22 c'est une question qui est posée à l'ensemble des Européens, est-ce qu'on est prêt à
27:25 soutenir un effort de guerre, avec ce que ça suppose de contraintes économiques, de
27:30 sacrifices et de morts, pour défendre Taïwan ?
27:33 Les Taïwanais sont prêts à mourir pour leur indépendance, mais est-ce que les Français
27:37 sont prêts à mourir pour Taïwan ?
27:39 C'est-à-dire à mourir pour Joe Biden ?
27:41 Pour Joe Biden ou pour la démocratie taïwanaise, pour l'indépendance de Taïwan ?
27:45 Est-ce que des jeunes Français sont prêts à aller combattre à Taïwan, comme des Français
27:49 ont combattu en Corée pour l'indépendance de la Corée, comme on a combattu en Indochine,
27:53 comme on a combattu pendant la guerre d'Algérie, autre guerre, autre cas, mais est-ce qu'aujourd'hui
27:58 on est prêt à faire le sacrifice du sang pour des pays qui sont loin et auxquels on
28:03 n'a pas de lien direct ?
28:04 Oui, enfin là, dans les guerres de décolonisation, la problématique n'était pas tout à fait
28:10 défendre la démocratie, mais même si ça pouvait s'y apparenter, puisqu'on était
28:14 dans le cadre de la guerre froide, j'entends ce que vous dites.
28:16 Pour vous, la dissuasion nucléaire va fonctionner ou pas ? Parce qu'il y a quand même une
28:21 énorme différence entre la problématique ukrainienne et la problématique taïwanaise.
28:26 Il pourrait y avoir deux puissances nucléaires, les États-Unis d'Amérique d'un côté,
28:32 qui sécurisent Taïwan, et de l'autre, la Chine, autre puissance nucléaire qui serait
28:36 aux prises directes.
28:37 Tout à fait, ça c'est le grand enjeu.
28:39 Le nucléaire fait peur, mais il a aussi une fonction de stabilisation et de pacification.
28:44 Et d'ailleurs, on le voit, la guerre en Ukraine, c'est une guerre nucléaire, puisque si on
28:48 n'a pas attaqué directement la Russie, si on n'est pas intervenu en Russie, c'est
28:51 parce que c'est une puissance nucléaire.
28:53 Et l'Ukraine a renoncé à son armement nucléaire en 1991.
28:57 Si elle avait gardé l'armement nucléaire, il est évident que jamais la Russie ne l'aurait
29:01 envahi.
29:02 Donc là, on voit l'intérêt du nucléaire qui est un intérêt de dissuasion.
29:06 Et il est probable que la Chine n'attaque pas directement Taïwan pour ne pas se mettre
29:12 sous le coup du feu nucléaire.
29:13 Mais la question est toujours de savoir si les États-Unis sont prêts aussi à monter
29:18 au feu nucléaire.
29:19 La guerre nucléaire, quand on est dans la dissuasion, il y a beaucoup de bras de fer,
29:24 de rapports de force, de non-dis...
29:25 Et d'ambiguïté.
29:26 D'ambiguïté, voilà.
29:27 Il faut toujours laisser l'ambiguïté, envoyer quelques avions, dire qu'on a des sous-marins
29:31 nucléaires qui sont prêts à intervenir.
29:33 Il n'y a rien de plus inquiétant que le mystère.
29:34 Exactement.
29:35 Et la question, c'est ce qu'à un moment donné, le voile du mystère se déchirera
29:39 pour monter avec des armes nucléaires.
29:41 Mais là, il y a, je disais, une sécurisation par la 7e flotte des États-Unis de la mer
29:45 de Chine.
29:46 Il y a des accords de défense entre Taïwan et les États-Unis.
29:50 Mais il n'y a pas de, normalement, ou alors, je me trompe, de protection nucléaire, de
29:55 garantie nucléaire qui est offerte par les États-Unis.
29:58 Non.
29:59 Quand Joe Biden dit qu'il considère Taïwan comme un État américain, ça veut quand
30:02 même, ça voulait dire ce que ça voulait dire.
30:03 Et tout le monde a compris que de la manière que la protection nucléaire s'applique à
30:08 la Floride, ça s'appliquait aussi à Taïwan.
30:10 D'accord.
30:11 Donc, en fait, pour vous, le plus probable, c'est tout de même que la Chine soit dissuadée
30:15 d'y aller.
30:16 Exactement.
30:17 Et puis, l'autre enjeu pour la Chine, c'est, sont-ils prêts aussi à perdre leur confort
30:21 de vie ?
30:22 C'est-à-dire que pour l'instant, Xi Jinping est très virulent sur Taïwan.
30:24 Il n'est pas éternel, Xi Jinping.
30:26 Mais dans 5 ans ou dans 10 ans, il y aura quelqu'un d'autre.
30:29 Et une guerre a faibliré aussi la Chine, d'autant que leur démographie est vieillissante
30:34 et déclinante.
30:35 Moins d'un enfant par femme.
30:38 C'est un des records à la baisse dans le monde entier.
30:41 Le vieillissement de la Chine est majeur.
30:43 Hier, je discutais avec des personnes très introduites en Chine, chinoises elles-mêmes,
30:49 qui expliquaient que par exemple dans le port de Shenzhen, une grande partie du port est
30:52 entièrement automatisé.
30:54 Donc, le manque de main-d'oeuvre pour faire le travail de docker, ils ont automatisé.
30:57 Ce sont maintenant des robots qui le font, on ne peut pas avoir recours à l'immigration.
31:00 Donc, ils mettent des robots à la place pour pallier le manque de main-d'oeuvre.
31:03 Il est intéressant qu'ils aillent vite dans les robots parce que les EHPAD en Chine, ça
31:06 ne va pas être très beau à voir.
31:07 C'est-à-dire qu'il va y avoir, bon, sous-modo, un Chinois qui va pousser des chaises roulantes
31:10 de deux et bientôt de trois Chinois.
31:12 C'est ça.
31:13 Super.
31:14 On va revenir un peu du côté du Proche-Orient.
31:18 Là, vous comprenez la rationalité de ce qui s'est passé le 7 octobre.
31:23 C'est-à-dire, bon, je pense que vous êtes d'accord avec ce raisonnement, on dit que
31:26 l'Iran est derrière ses proxys, d'abord le Hamas, ensuite les outils qui sont en train
31:32 de sévir en mer rouge et le Hezbollah.
31:35 Vous comprenez la rationalité de l'Iran en poussant comme ça le Hamas à la faute face
31:40 à Israël ?
31:41 Il n'y a pas vraiment de rationalité dans ce conflit.
31:42 Il y a des aspects rationnels et puis il y a beaucoup d'émotions, il y a beaucoup de
31:45 sentimentales, il y a beaucoup de non-dits dans cette guerre au Proche-Orient.
31:50 C'est ce qui rend d'ailleurs l'analyse très compliquée.
31:52 Par exemple, quels non-dits ?
31:53 Par exemple, la question des deux États.
31:57 Tous les chefs d'État disent qu'il faut une solution à deux États.
32:01 Le Hamas ne veut pas d'une solution à deux États.
32:03 Il explique bien que son objectif, c'est l'éradication d'Israël.
32:06 Donc, il n'y a pas de négociation possible avec un adversaire qui veut vous éradiquer.
32:11 Et beaucoup de pays arabes ne veulent pas non plus un État palestinien.
32:15 La Jordanie et l'Égypte ont toujours fait tout ce qu'il fallait pour faire capoter
32:19 un État palestinien.
32:20 C'est un petit peu ce qu'on met en avant comme solution miracle en disant que deux
32:24 États et la paix soient résolues.
32:27 Il n'est pas certain que tous les Israéliens soient d'accord pour deux États.
32:30 Exactement.
32:31 C'est une manière de trouver une solution sans réellement régler le problème.
32:34 Pour vous, Israël va justement régler le problème sur le plan au moins militaire ?
32:39 Malheureusement, je ne pense pas qu'il y ait une fin possible à ce conflit.
32:43 Ils interviennent très durement à Gaza et ils essayent d'éradiquer le Hamas.
32:50 Mais le Hamas n'est pas éradicable parce que vous avez une partie qui est à Gaza,
32:54 une partie qui est au Qatar, d'autres, des troupes qui s'entraînent au Soudan.
32:57 La population palestinienne est potentiellement facilement enrôlable dans le Hamas.
33:02 Donc, même s'ils arrivent à détruire les principaux chefs, peut-être qu'un autre
33:06 mouvement apparaîtra à côté du Hamas.
33:08 Après tout, le Hamas est né aussi des affrontements qu'il y avait au Proche-Orient.
33:13 Et en trouvant certains partis palestiniens trop mous.
33:16 Donc, la guerre génère ses propres radicalités.
33:20 Ce que le Hamas a fait le 7 octobre, ça laisse penser que l'État islamique, c'est une
33:25 bande de bodjkout.
33:26 Oui, tout à fait.
33:27 Et s'il y a pire que le Hamas demain, on se demande à quoi ça va ressembler.
33:30 C'est tout le danger.
33:32 On est dans une guerre sans fin.
33:33 On ne voit pas de solution.
33:36 Les Israéliens n'en ont pas non plus.
33:37 Ils sont intervenus.
33:38 Il fallait qu'ils interviennent.
33:39 Ils ne pouvaient pas rester sans rien faire après cette attaque du 7 octobre.
33:42 Mais aujourd'hui, on ne voit pas ni de solution politique, ni de solution militaire à cette
33:46 guerre.
33:47 Très bien, merci.
33:48 On vous revient tout de suite.
33:49 On va reparler de la guerre.
33:50 On marque une courte pause.
33:51 Et là, cette fois-ci, c'est vous qui aurez la parole au 0826 300 302, tout de suite sur
33:56 Sud Radio.
33:57 Sud Radio.
33:58 Parlons vrai.
33:59 Sud Radio.
34:00 Parlons vrai.
34:01 Sud Radio.
34:02 Parlons vrai.
34:03 Parlons vrai.
34:04 Parlons vrai.
34:05 Sud Radio Berkhoff dans tous ses états, midi 14h.
34:11 Guillaume Bigot.
34:13 Bien, nous étions au Proche-Orient avec vous, Jean-Baptiste Noé.
34:19 Et je voulais vous demander, pour vous, il faut relier les points entre tensions à Taïwan,
34:25 guerre ouverte en Ukraine, redéclenchement du conflit au Proche-Orient.
34:29 Ça bouge aussi, je disais, en Mer Rouge, en Afrique, où la Russie et la Chine avancent
34:35 leur pion.
34:36 Pour vous, il y a une espèce de troisième guerre mondiale qui ne dit pas son nom, qui
34:39 a démarré.
34:40 Oui, c'est un peu une troisième guerre mondiale par morceau, comme dit le pape François,
34:43 c'est une expression qui est assez juste.
34:44 Et surtout, c'est l'idée chez des grandes puissances comme la Chine, la Russie ou l'Iran,
34:49 que l'Occident étant affaibli, il faut en profiter pour y aller.
34:53 C'est le moment ou jamais.
34:54 C'est le moment ou jamais.
34:55 Et quitte à porter le coup de grâce aussi à des Européens qui ont voulu sortir de
34:59 l'histoire.
35:00 Et c'est vrai que l'affaiblissement de l'Europe contribue, ce n'est pas la seule
35:04 cause, mais contribue à créer des tensions, à permettre des tensions au niveau mondial.
35:08 Alors c'est Hubert Weedring qui a cette expression formidable.
35:11 Il dit que l'Union Européenne, c'est un peu un club d'herbivores à l'ère de
35:15 Jurassic Park.
35:16 Pour vous, c'est ça aussi l'Union Européenne ? C'est un château de cartes, un château
35:22 de sable géopolitique ?
35:23 C'est plutôt un écran de fumée, ça n'existe pas au niveau géopolitique.
35:26 D'ailleurs, on le voit sur la guerre en Ukraine, c'est l'Allemagne ou la Russie,
35:30 ou pardon, l'Allemagne ou la France qui tentent de résoudre les choses, ce n'est pas du
35:32 tout l'Union Européenne.
35:33 Il y a un représentant de l'Union Européenne pour les affaires internationales, personne
35:37 ne connaît ni son nom ni son visage, donc ça n'a aucune consistance géopolitique.
35:41 On nous appelle au 0826-300-300 puisque nous avons Mourad qui nous appelle depuis Lille.
35:45 Bonjour Mourad.
35:46 Bonjour Mourad.
35:47 Oui, bonjour.
35:48 On vous écoute.
35:49 Oui, je vous remercie de l'éclairage que vous apportez sur la situation qui prévaut
35:53 sur le plan international et je voudrais aujourd'hui exprimer comme simple citoyen
35:58 ma colère, mon écœurement, ma frustration de voir que les droits de l'homme ne sont
36:03 pas respectés en vertu de l'attitude sur laquelle on veut intervenir.
36:09 Je m'explique.
36:10 C'est qu'aujourd'hui, tout est entendable alors que ça devient, excusez-moi l'expression,
36:15 ça devient écœurant.
36:16 J'entends sur des chaînes françaises, alors que je n'aimerais pas, parce que ce serait
36:21 leur donner trop de crédit, par des journalistes qui pour moi n'en sont pas, faire des comparatifs
36:27 entre un mort palestinien, un mort israélien, alors qu'un mort reste un mort, une victime
36:32 est une victime et que lorsqu'on condamne du terrorisme, n'allons pas jusqu'à justifier
36:38 ou alors hiérarchiser la mort de tel civile par rapport à tel autre.
36:41 Quand on entend sur une chaîne, il n'y a aucune condamnation, ni médiatique, ni judiciaire.
36:48 Aujourd'hui, les membres de l'NSI, je ne suis pas membre de l'NSI, je prends cet exemple-là,
36:52 sont condamnés pour des propos.
36:54 Eh bien, on a des journalistes qui disent encore pire, en l'occurrence, contre moi, une journaliste
36:59 qui pour moi n'en est pas et qui ose dire qu'un mort un civile palestinien ou un autre
37:04 en palestinien, s'il est mort, c'est la suite d'un bombardement.
37:06 Non, je crois qu'on a bien entendu votre remarque, vous dites qu'il y a deux poids,
37:09 deux mesures, que finalement un mort ne vaut pas un mort, etc.
37:12 Mais on va laisser notre invité vous répondre.
37:15 Oui, mais la guerre est quelque chose de terrible et ça, on le redécouvre, on l'avait peut-être
37:19 oublié, mais que ce soit à Gaza, en Israël ou en Ukraine, on avait oublié à quel point
37:25 la guerre est quelque chose d'horrible et je dirais, j'ai une revue qui s'appelle
37:27 "Les conflits", mais je n'aime pas aller à la guerre, j'analyse les conflits, mais
37:31 évidemment, on préfère tous une situation de paix où les gens peuvent vivre normalement.
37:35 Et vous avez raison de souligner que quel que soit l'endroit d'où vient ou doit être
37:39 tirée la requête, le civil qui la prend, c'est un drame pour lui.
37:43 Et sur la question des droits de l'homme, le problème, c'est que soit les gens appliquent
37:48 librement les droits de l'homme, c'est-à-dire le respect des populations, s'ils ne le font
37:52 pas, on peut avoir un bâton pour les obliger à les respecter, mais s'ils ne respectent
37:59 pas les droits de l'homme et qu'on n'a pas les moyens militaires ou autres, par la
38:03 force de leur faire respecter, ils font un peu ce qu'ils veulent.
38:06 Il y a une sorte de libre volonté des droits de l'homme, on ne peut pas imposer à un
38:11 pays de le respecter.
38:13 - Oui, c'est la jungle.
38:14 Là, Israël, évidemment, ne respecte pas le droit de la guerre, bombarde à tout va,
38:17 l'Arabie saoudite a écrasé sous les bombes les Yémenites, mais bon, c'est la loi de
38:24 la guerre.
38:25 - Oui, c'est la loi de la guerre.
38:26 Il y a une loi de la guerre et que la France respecte du mieux qu'elle peut quand elle
38:29 intervient, qui est...
38:30 - Enfin, la loi, entre guillemets, c'est précisément pas le droit international.
38:33 - Non, non, non, pas du tout le droit international.
38:35 On est dans des personnes qui font usage de la violence, de la violence pour une puissance
38:41 démesurée.
38:42 Par exemple, quand l'Arabie saoudite a fait tirer sur des migrants qui voulaient franchir
38:45 la frontière et qui en a tué apparemment plusieurs dizaines, l'Union Européenne, enfin
38:50 les pides de l'Union Européenne ne font pas ça quand il s'agit de la frontière de la
38:52 Méditerranée ou de la frontière avec la Hongrie.
38:54 - Mais c'est vrai que chacun a sa sensibilité, on aime bien se déchaîner sur sa cible favorite,
38:59 mais j'ai l'impression qu'à l'égard du respect ou du non-respect des droits de l'homme, quasiment
39:03 tous les pays du monde et toutes les puissances du monde sont à égalité, c'est-à-dire
39:07 qu'elles piétinent allègrement les droits de l'homme.
39:09 - Oui, on condamne, on peut apporter des condamnations verbales, mais ça ne règle pas le problème
39:14 et ça n'apporte pas une situation de paix.
39:17 En fait, si on fait des condamnations verbales, c'est qu'on n'a pas vraiment les moyens d'imposer
39:21 ces droits de l'homme à des pays qui ne veulent pas les respecter.
39:24 - Moi, je voulais revenir peut-être un instant, on était sur l'Europe, il y a cette formule
39:31 "la politique d'un état est dans sa géographie", si on revient maintenant dans le pays qui
39:36 nous intéresse le plus, c'est-à-dire la France, quelle devrait être la géopolitique de la
39:41 France, quelle devrait être la politique étrangère, la politique de puissance de la
39:44 France ?
39:45 - D'abord, une politique de puissance au niveau étranger, ça commence déjà par une politique
39:49 de puissance au niveau intérieur, c'est l'ordre à l'intérieur et la puissance à l'extérieur.
39:53 Donc c'est difficile d'être un pays, une puissance importante au niveau international
39:58 quand on n'est pas maître chez soi, quand on ne contrôle pas son territoire pour des
40:02 problèmes de sécurité ou d'insécurité important, quand on a une économie qui est
40:06 un peu à plat, quand on a un sur-endettement, la dette, une partie de la dette est possédée
40:10 par l'étranger.
40:11 Donc la dette, c'est la servitude à l'égard de l'étranger.
40:14 Et donc ça commence par là.
40:16 - Vous connaissez beaucoup d'états qui remboursent rebut sur longue leur dette, à part la Roumanie
40:19 qui a ruiné son pays ?
40:20 - Non mais je connais beaucoup qui ont fait faillite, comme le Mexique, l'Argentine, parce
40:24 que la dette est trop importante.
40:25 - Ils n'en sont pas morts.
40:26 - Non mais pour la population c'est douloureux, quand vous avez votre compte en banque qui
40:30 est bloqué, votre argent qui disparaît, c'est assez douloureux.
40:32 Et d'ailleurs, c'est un autre sujet mais...
40:34 - Est-ce que là aussi, pardon de vous couper, mais c'est un point me semble-t-il important,
40:37 est-ce qu'il n'y a pas une différence de traitement entre, disons, des débiteurs qui
40:42 mesurent 2 mètres de haut, qui sont bodybuildés et qui peuvent vous casser la gueule, et des
40:46 débiteurs qui sont des petits débiteurs ?
40:47 Parce que là vous dites finalement, un pays qui a énormément d'endettements, c'est un
40:52 pays faible.
40:53 Pardon mais il faut avoir aucune dette pour avoir une grosse armée.
40:58 Mais la plus grosse armée du monde, c'est les Etats-Unis, l'endettement des Etats-Unis
41:01 c'est 117% du PIB.
41:02 - Oui, ils jouent là-dessus en disant "nous, nous sommes les plus forts donc nous n'avons
41:05 pas besoin de rembourser".
41:06 - C'est pas vrai ?
41:07 - C'est pas complètement faux mais les Etats-Unis sont aussi affaiblis au niveau économique
41:12 et si je reprends le cas français, par exemple sur les salaires, on est à peu près à 50%
41:17 de prélèvements de charges diverses et variées sur les salaires, ça sert aussi à rembourser
41:23 une partie de la dette.
41:24 Un des premiers postes de dépense de l'Etat, c'est le remboursement de la dette.
41:26 Donc si on avait moins de dette à rembourser, on pourrait avoir moins d'impôts sur les
41:30 salaires et donc un pouvoir d'achat plus développé.
41:33 Donc ça finit quand même par nuire à la fois aux personnes, aux entreprises et à
41:37 l'économie en général.
41:38 - Et ça pour vous, c'est pas le carcan de l'Union Européenne, en tout cas du système
41:43 de l'euro qui fait qu'on ne peut pas dévaluer la monnaie, qui fait qu'on ne peut pas d'ailleurs
41:49 refinancer nous-mêmes notre propre dette, ce que font beaucoup de pays ?
41:52 - Alors l'euro s'ajoute à ça.
41:53 Il y a des problèmes intérieurs qui sont dus à des mauvaises politiques françaises
41:57 suivies depuis plusieurs décennies et en plus, il y a la question de l'euro.
42:01 Mais souvent, on a tendance à rejeter sur l'Union Européenne à tous les responsabilités
42:04 françaises.
42:05 Chacun a ses responsabilités.
42:07 - C'est vrai.
42:08 Mais en général, quand vous êtes endetté, c'est que vous êtes moins riche que les autres
42:12 pays relativement.
42:13 Vous vous appauvrissez effectivement.
42:14 C'est-à-dire que votre pouvoir d'achat à l'égard de l'extérieur devrait se dégrader.
42:17 Et là, avec l'euro, c'est bloqué ce système.
42:19 - C'est bloqué.
42:20 Ceci dit, quand vous dévaluez une monnaie, vous ruinez une partie, vous diminuez le pouvoir
42:25 d'achat des personnes qui possèdent cette monnaie puisque la valeur baisse.
42:30 Donc, ce n'est pas bon non plus pour la population.
42:32 Ça peut être bon pour les exportations et les importations, mais ça finit quand même
42:34 par peser sur les populations.
42:35 Alors, pour revenir à votre question initiale sur la puissance extérieure, d'abord la puissance
42:40 intérieure.
42:41 Ça, c'est fondamental.
42:42 - Entendu.
42:43 - Et ensuite, il y a pour moi un continent qui n'est pas assez regardé côté français
42:48 et c'est bien dommage.
42:49 C'est le continent asiatique, qui est très vaste.
42:52 Mais on oublie que la France est une puissance mondiale et que la France a des territoires
42:56 dans le canal du Mozambique, a des territoires en Polynésie française.
42:58 - Vous dites l'océan indien, c'est un océan français.
43:00 - Oui, tout à fait.
43:01 C'est français du Mozambique jusqu'à l'Australie en Polynésie.
43:06 C'est l'océan indien dans sa version très étendue.
43:09 Et aujourd'hui, la France a une sorte de glaucome géopolitique.
43:14 C'est-à-dire qu'on regarde un petit peu du côté de l'Allemagne en oubliant d'ailleurs
43:17 l'Italie et l'Espagne, qui sont des pays très importants.
43:19 On regarde un petit peu le Sahel en oubliant le reste de l'Afrique.
43:22 Les entreprises françaises font davantage de commerce avec la Belgique qu'avec l'ensemble
43:25 du continent africain.
43:26 La Belgique est quand même un pays très important pour l'économie française.
43:30 - Et est-ce que vous diriez finalement que si on voit avec le regard, l'œil de l'historien
43:34 et en plus de l'historien spécialiste de l'économie et de la géopolitique, lorsque
43:37 la France est puissante au cours des siècles, c'est qu'elle est une puissance justement
43:42 maritime et mondiale.
43:43 Et lorsqu'elle se recroqueville, elle n'est qu'européenne.
43:45 - Oui, ça a toujours été la vocation de la France d'être une puissance mondiale.
43:48 D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle on a aussi des territoires éparpillés comme
43:52 ça sur les océans.
43:53 Ce qui veut dire avoir une marine qui puisse surveiller et tenir ces territoires.
43:56 Si demain, par exemple, Madagascar va récupérer des îles dans le canal du Mozambique, si
44:01 demain l'armée malgache financée par la Chine récupère ces îles, sachant que ces
44:05 îles sont des vies.
44:06 - Ça peut être l'armée malgache.
44:07 - Est-ce que la France est capable, sous la volonté, on a aujourd'hui la capacité
44:12 technique, mais est-ce qu'on aurait la volonté politique de récupérer ces îles comme l'Angleterre
44:15 a eu la volonté politique de récupérer les Malouines lorsqu'elles ont été envahies
44:18 par l'Argentine ? J'en suis pas convaincu.
44:20 On parlait du Guyana tout à l'heure, le Guyana c'est à peu près 300-400 km de la frontière
44:24 de la Guyane française.
44:25 Donc c'est dans la banlieue de la France.
44:27 - Et on a une immense frontière en Amérique latine, vous avez raison.
44:30 Est-ce que ça veut dire pour vous qu'il faut sortir de cette logique un peu européenne
44:36 continentale, ça on l'entend, mais aussi d'une logique de solidarité occidentale ?
44:41 Est-ce qu'il faut que la France trouve sa propre voie ?
44:44 - La France est dans l'Occident, évidemment on fait toujours en coopération avec les
44:47 autres pays.
44:48 Quand on fait une intervention militaire, une opération extérieure, c'est toujours
44:51 en coopération avec les autres armées européennes.
44:53 Il n'empêche que dans une destinée commune de civilisation et quand même de pensée
45:01 continue, chaque pays joue après sa propre partition.
45:04 Par exemple la question de la défense européenne c'est une fumisterie.
45:08 L'Allemagne regarde ses propres intérêts et ne se préoccupe pas trop de l'industrie
45:12 française.
45:13 La France voit à la fois une puissance occidentale et européenne et fait du partenariat quand
45:17 il le faut avec ses voisins et en même temps qu'elle joue ses intérêts à l'échelle
45:21 mondiale.
45:22 - Merci pour ce tour du monde passionnant Jean-Baptiste Noé.
45:24 Je rappelle que vous êtes l'auteur du "Le déclin d'un monde, géopolitique des affrontements
45:28 et des rivalités en 2023" aux éditions de l'Artilleur.
45:32 - Merci à vous d'avoir été avec nous Jean-Baptiste Noé.
45:34 Merci à Quentin d'avoir réalisé l'émission et avec Emmanuel Galasso au standard.
45:39 Merci Guillaume d'avoir partagé ces deux jours avec vous.
45:41 - Merci à toute l'équipe.
45:42 - On se retrouve demain, ce sera Alexis Poulin qui sera aux commandes de midi à 14h.
45:46 Tout de suite c'est Brigitte Léa et sur Sud Radio.
45:48 C'est Céline Alonso, je vous souhaite de joyeuses fêtes avec Sud Radio.
45:54 Bonne fête avec Sud Radio.
45:57 Sud Radio, parlons vrai.

Recommandations