00:00 quel regard vous portez un petit peu sur le tennis français masculin ?
00:02 Est-ce que vous êtes optimiste ?
00:04 Oui, je suis optimiste et je suis quand même toujours optimiste
00:10 parce que ce serait presque faire injure à ces hommes et ces femmes
00:16 qui tout au long de l'année, dans les clubs, dans les centres de ligue,
00:19 dans nos centres nationaux, se lèvent et partent avec des jeunes garçons
00:24 ou des jeunes filles pour les faire travailler,
00:26 pour les faire répéter des gammes et faire d'eux leur propre champion
00:32 parce que tout le monde n'est pas Raphaël Nadal ou Serena Williams
00:36 et si un joueur ou une joueuse peut être 50e mondial,
00:40 de l'amener à son potentiel maximal, c'est 50e mondial,
00:43 le contrat est rempli, c'est très bien.
00:46 Après d'avoir la prétention qu'avec une politique sportive
00:49 on va faire gagner des joueurs ou des joueuses Roland Garros
00:52 si on lui le donne, c'est de la malhonnêteté une nouvelle fois
00:55 parce que ce n'est pas un programme qui fait gagner un champion.
00:58 Si on peut parler de joueuses comme Serena Williams,
01:04 comme Roger Federer ou Raphaël Nadal, ils sont nés champions.
01:07 Alors ils ont été assez intelligents pour s'entourer de gens
01:11 qui les ont accompagnés tout au long de ce parcours
01:13 mais ce n'est pas parce que le tennis espagnol a monté une académie
01:21 dans le sud de l'Espagne et que les joueurs ont fait des footings
01:25 ou ont fait du panier ou ont fait des coups droits,
01:27 des revers liftés qu'ils ont gagné Roland Garros.
01:29 Ce serait une nouvelle fois faire insulte à ce joueur extraordinaire
01:35 qui est Raphaël Nadal.
01:36 Raphaël Nadal c'est Pelé, c'est Picasso, c'est Mozart,
01:39 c'est ce genre d'individu dans son ADN qui est hors norme,
01:44 qui n'est pas comme les autres et sans le faire, ça ne se fabrique pas.
01:47 Donc je pense qu'une fédération aujourd'hui a pour rôle
01:50 d'encourager les jeunes à jouer, à les accompagner le plus longtemps
01:54 possible, probablement jusqu'à leur 18 ans, à partir du moment
01:57 où ils sont autonomes financièrement pour à ce moment-là avoir
02:02 une structure autour d'eux qui leur permette de passer le cap supplémentaire
02:06 mais ce n'est pas une fédération qui va faire un champion malheureusement.
02:11 - Et là, vous parlez de l'importance de l'entourage,
02:14 on a vu une décision forte en ce qui concerne Arthur Fils,
02:18 Serge Ibreguera, Sébastien Grosjean autour de lui, ça vous inspire quoi ?
02:22 - Tous les deux sont des garçons qui aiment profondément le tennis,
02:28 qui vont amener tout leur savoir, toute leur passion, leur expérience
02:33 à Arthur qui est une pierre précieuse aujourd'hui dont on est en train
02:38 de tailler les facettes parce que je peux vous dire que son entourage
02:44 n'ambitionne pas pour Arthur d'être juste 10e mondial,
02:50 en plus c'est un garçon qui a beaucoup de talent,
02:53 qui a des qualités physiques hors normes et quand on regarde
02:55 aujourd'hui Nadal, Federer et Djokovic, c'était probablement
02:58 les meilleurs athlètes du circuit, les plus puissants, les plus endurants,
03:02 les plus rapides, les plus tenaces, les plus forts mentalement aussi,
03:05 avec des styles de jeu totalement différents,
03:08 donc la manière dont je pense Arthur va s'entourer aujourd'hui
03:14 et va continuer de progresser, elle est très importante,
03:18 on espère, on lui souhaite qu'en cours de route il ne va pas se perdre
03:24 dans les dérives ou les excès que la vie d'un sportif professionnel
03:29 peut apporter, des fois c'est perturbant quand on est très jeune,
03:33 mais avec son équipe je pense qu'il est bien encadré
03:38 et Sébastien et Sergi connaissent bien tous les excès
03:41 et tous les faux pas à ne pas commettre,
03:44 ils vont l'accompagner et le faire progresser.
03:50 Après, pour en revenir à des considérations beaucoup plus techniques
03:55 et précises, j'ai toujours été étonné, et Dieu sait si j'ai côtoyé
04:01 des joueurs qui étaient en équipe de France pendant presque 15 ans,
04:05 des joueurs que je retrouvais en début de saison à l'Open d'Australie,
04:10 que j'allais chacaler en Australie pour voir les forces de mes joueurs
04:15 et lesquelles je pourrais sélectionner, au-delà du classement
04:18 et des résultats, de voir que certains revenaient l'année suivante
04:23 avec les mêmes lacunes et un jeu qui n'avait pas évolué.
04:26 Je me suis toujours dit que c'était embêtant,
04:29 parce que ce sont des jeunes joueurs qui ont un assez fort potentiel,
04:33 certains aspects du jeu n'ont pas progressé, parce qu'ils sont mauvais,
04:38 ils n'ont pas progressé, parce qu'ils ne les ont pas travaillés.
04:40 Et je crois que ce qui est important chez nos jeunes joueurs aujourd'hui,
04:43 que ce soit Arthur Fiss, que ce soit Van H,
04:45 ils sont plusieurs aujourd'hui avec du talent,
04:49 c'est que leurs entraîneurs respectifs ne jouent pas la carte du court terme,
04:54 à savoir, il faut qu'on joue bien l'Open d'Australie,
04:56 on est en train de construire un joueur à un jour être peut-être
05:01 numéro un mondial, ce que fait d'ailleurs Yannick Siner depuis 2-3 ans,
05:05 ce qu'a fait Alcaraz depuis plusieurs années avec Juan Carlos Ferreiro,
05:10 et c'est dans ce qu'il propose sur le terrain,
05:14 sans voir le score, sans voir les résultats,
05:16 qu'on se dit "ouh là, ça commence à ressembler à quelque chose".
05:21 Là on parle de très haut niveau, au niveau physique,
05:24 au niveau des zones de frappe, de la déduction technique,
05:27 tous les paramètres sont assez complets.
05:33 Là on touche dans l'extrême un peu partout,
05:36 parfois ils se trompent, ils ont du mal,
05:38 ils mettent la mauvaise carte au mauvais moment,
05:41 ou la bonne carte au mauvais moment,
05:43 et ça c'est l'expérience du joueur avec son entourage
05:45 qui va faire que petit à petit on fait des ajustements,
05:48 mais la base elle est déjà extraordinaire.
05:51 Arthur est un joueur remarquable déjà,
05:56 mais avec une belle marge de progression,
05:59 et je souhaite et j'espère qu'aujourd'hui,
06:02 Seb et Sergi vont vraiment l'aider à combler encore ces petites lacunes
06:08 pour pourquoi pas battre les Yannick Sinner et Nova Djokovic.
06:12 Arthur Fils gagnant un Grand Slam,
06:15 c'est tout simplement quelque chose qui doit être visé,
06:18 ça doit être la carotte du quotidien presque.
06:22 Pour lui, je n'ose pas imaginer que c'est quelque chose
06:25 qu'il a dans le coin de sa tête,
06:27 je n'ai pas le droit de l'exprimer,
06:29 parce que tous les joueurs qui l'ont fait par le passé
06:32 ont un peu mangé la feuille derrière,
06:35 donc être ambitieux c'est très bien,
06:37 pourquoi exposer publiquement son ambition,
06:40 dire que je vais être le meilleur joueur possible,
06:43 oui j'aimerais gagner les grands tournois,
06:46 certes, mais fais ton travail dans l'ombre,
06:51 bosse, améliore-toi, approche-toi des tout meilleurs,
06:55 des références, et un jour, à ce moment-là,
06:58 tu pourras gagner un tournoi du Grand Slam.
07:00 Mais c'est s'apporter une pression supplémentaire,
07:03 et je crois qu'à cet âge-là,
07:05 on n'a pas besoin de se mettre une pression sur les épaules.
07:08 Pour moi, Rafael Nadal est le parfait exemple
07:11 du joueur humble, respectueux,
07:13 qui a travaillé plus que d'autres dans l'ombre
07:16 avec son oncle à Mallorque,
07:19 et est devenu le champion qu'on connaît aujourd'hui,
07:22 et encore, il revient après une longue blessure
07:25 et je suis convaincu qu'il aborde sa préparation
07:28 avec la même rigueur et l'enthousiasme
07:30 qu'il avait quand il avait 16 ans
07:32 et qu'il a joué ses premiers tournois de ATP.