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  • 22/10/2023
Comment a évolué la société israélienne depuis une semaine ? Est-il encore possible de parler de paix aujourd'hui ? Quelle est la situation en Cisjordanie ? ou encore, Marwan Barghouti peut-il
apparaitre comme un recours ? Nous avons interrogé Benjamin König, notre envoyé spécial à Jérusalem où depuis le mont des Oliviers, il témoigne de la situation explosive sur le territoire.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:13 Nous sommes d'abord arrivés à Tel Aviv.
00:14 La situation que nous avons trouvée, c'est d'abord un énorme traumatisme
00:17 après les massacres du 7 octobre commis par le Hamas,
00:21 d'autant que c'est une ville assez multiculturelle, de gauche,
00:24 on dit souvent que c'était un état dans l'état.
00:27 Ce traumatisme était très violent,
00:28 beaucoup de gens, la plupart des familles avaient perdu un proche,
00:32 les gens étaient encore sous le choc,
00:33 beaucoup de gens ne voulaient pas parler, étaient vraiment dans la difficulté.
00:37 Ce que nous avons constaté depuis comme évolution,
00:40 c'est d'abord que le choc a vite laissé place à un sentiment de colère,
00:44 parfois de haine, parfois un désir de revanche
00:47 qui nous a été raconté par plusieurs personnes.
00:50 Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de tenir une voix différente
00:56 et c'est aussi quelque chose qui nous a marqué,
00:58 y compris de la part de militants pacifistes ou de militants de gauche.
01:01 Ce choc a été décuplé par deux choses,
01:04 d'abord les images, les images des massacres,
01:08 les images des otages aussi, ça c'est quelque chose de nouveau.
01:11 Pendant très longtemps, les Israéliens n'ont eu aucune nouvelle de leur gouvernement
01:15 sur le nombre des otages, sur leur identité,
01:18 il fallait qu'ils se débrouillent par eux-mêmes.
01:20 Donc cette colère était dirigée évidemment contre le Hamas, contre les massacres,
01:25 mais elle était dirigée aussi contre le gouvernement qui n'a pas été capable de les protéger
01:29 en délaissant tout le sud du pays,
01:31 le sud du pays qui est peuplé de citoyens socialement défavorisés,
01:38 de gens de gauche dans les kiboutes,
01:41 ou de Bédouins aussi, puisqu'il y a plusieurs Bédouins qui sont morts dans les massacres du 7 octobre.
01:47 Ce qu'on sent dans la société israélienne,
01:49 c'est vraiment une préparation à un conflit, à une guerre longue,
01:54 une adhésion forte, un désir de revanche,
01:56 mais aussi de plus en plus cette idée que c'est l'occupation et la colonisation
02:02 qui est la cause de la situation actuelle.
02:05 Un petit mot enfin sur les citoyens arabes, les Palestiniens d'Israël,
02:09 qui composent environ 20% de la population,
02:12 et pour eux c'est extrêmement difficile puisqu'ils sont pris entre deux feux.
02:21 C'est extrêmement difficile évidemment dans le contexte actuel.
02:24 Nous avons rencontré beaucoup de militants de la paix,
02:26 des militants de Gouv Shalom, qui est une association pour la paix maintenant,
02:30 des militants de Standing Together,
02:33 qui est une association qui rassemble juifs et arabes pour l'égalité, la justice.
02:38 Mais aujourd'hui, eux-mêmes éprouvent des difficultés, les débats sont très vifs,
02:42 y compris au sein des associations pacifistes.
02:44 Nous avons rencontré aussi des militants communistes ici à Jérusalem,
02:48 qui préfèrent ne pas dire leur nom.
02:49 Donc vous imaginez à quel point c'est difficile, y compris pour eux,
02:52 alors qu'ils ont des responsabilités politiques.
02:55 Mais c'est extrêmement difficile parce qu'on est très vite taxés d'être un traître
03:00 et de soutenir le ramasse évidemment.
03:02 La répression est très forte, elle vient des autorités principalement,
03:05 elle vient de la police, il y avait des manifestations un peu partout dans le pays,
03:10 il y en avait chaque semaine dans le quartier de Cherchara,
03:12 qui maintenant sont annulées.
03:14 La dernière avait été violemment réprimée par la police.
03:17 Sortir aujourd'hui, brandir un drapeau palestinien dans la rue
03:20 peut vous conduire en prison.
03:23 Donc voilà, la situation fait qu'aujourd'hui, les militants de la paix,
03:27 parler de paix est inaudible dans l'ensemble de la société israélienne.
03:31 À Haïfa, il y a deux jours, une manifestation s'est tenue pour la paix et l'égalité.
03:36 Elle a été violemment réprimée par la police.
03:38 Plusieurs militants, six, ont été arrêtés et ont terminé en garde à vue.
03:43 Et le chef de la police israélienne a décrété que s'il voulait soutenir
03:46 la paix et Gaza, il n'avait qu'à prendre un bus pour y aller.
03:49 Évidemment, dans ces conditions, c'est ce qu'on pourrait appeler une union sacrée,
03:53 qui fait que c'est extrêmement difficile d'avoir tout discours de paix.
03:57 Cela dit, ces militants ne baissent pas les bras.
04:00 Il y a plusieurs points d'appui.
04:02 Premier point d'appui, c'est justement la question des otages,
04:04 puisque les familles des victimes et les familles des otages demandent elles-mêmes
04:07 que l'armée n'intervienne pas à Gaza, que les otages soient libérés
04:11 et que le gouvernement négocie pour la libération de ces otages.
04:14 Il y a également de l'espoir pour la suite.
04:16 Beaucoup pensent qu'après cette période de guerre, très vite,
04:20 les comptes seront faits, notamment envers Netanyahou et son gouvernement d'extrême droite,
04:24 qui, pour beaucoup, est responsable de cette situation,
04:27 et qui n'a rien fait à la fois pour les protéger,
04:30 mais qui en plus les a conduits dans cette situation-là aujourd'hui.
04:33 Pour beaucoup d'interlocuteurs auxquels nous avons parlé,
04:35 aujourd'hui, Benyamin Netanyahou est responsable de cette situation,
04:38 à la fois politiquement, militairement aussi, pour ne pas avoir su protéger la population,
04:43 et il est sûr que la population israélienne lui demandera des comptes.
04:48 Alors la première chose à propos des contacts entre les Gazaouis et le reste des Palestiniens,
04:57 c'est extrêmement difficile.
04:59 On le sait, la situation à Gaza est terrible,
05:02 il n'y a pas d'eau, d'électricité, de nourriture dans beaucoup d'endroits.
05:05 Nous avons rencontré par exemple le secrétaire du syndicat des journalistes palestiniens,
05:09 qui tente par tous les moyens de joindre les journalistes Gazaouis,
05:14 c'est très difficile évidemment de pouvoir les joindre, pour les familles encore plus.
05:18 Le seul moyen de le faire, c'est par le téléphone portable, évidemment.
05:21 Cela dépend du réseau et de la fourniture en électricité, on sait que c'est le problème.
05:26 Il faut savoir aussi que l'inverse, c'est que les Gazaouis ne peuvent s'informer de la situation,
05:31 seulement par leur famille, par leurs proches, qui sont en dehors de Gaza.
05:35 Mais aujourd'hui, le contact est toujours très difficile.
05:39 Sur la situation en Cisjordanie, elle est évidemment très inquiétante.
05:43 Depuis le 7 octobre, tous les regards sont tournés vers Gaza,
05:46 mais il y a eu déjà 77 morts, 77 palestiniens qui ont été tués par l'armée ou les colons.
05:53 Il y a un déchaînement de violence de l'armée israélienne et des colons,
05:56 qui profitent de cette situation-là pour détruire des maisons, pour poursuivre la colonisation
06:01 et pour réprimer encore plus toute contestation des palestiniens.
06:05 Nous avons par exemple rencontré, mardi, en partant en Cisjordanie, au sein d'une association,
06:11 un enfant, un adolescent de 14 ans, Ismail, qui a perdu deux de ses amis,
06:15 tué l'avant-veille par l'armée israélienne.
06:18 Donc évidemment, il était pris en charge par une psychologue,
06:20 mais voilà la réalité aujourd'hui en Cisjordanie, c'est que ce sont des gamins,
06:24 des jeunes hommes qui sont abattus à la moindre manifestation.
06:28 Une dernière chose sur cette violence des colons,
06:30 elle est décuplée par le fait que Hitmar Benvir, le ministre d'extrême droite de la Sécurité Nationale,
06:35 leur a distribué plus de 10 000 armes, déjà des fusils automatiques.
06:39 Plusieurs contacts nous ont informé que dans la vallée du Jourdain,
06:42 les colons ont poursuivé les destructions des maisons palestiniennes
06:46 et profité de la situation pour poursuivre la colonisation dans plusieurs villages.
06:50 Alors en effet, Marwan Barghouti, de par son histoire,
06:58 et ses positions politiques, est toujours un recours politique,
07:02 est toujours extrêmement respecté, mais il est en prison depuis maintenant plus de 20 ans,
07:06 emprisonné par Israël pour des crimes qu'il conteste.
07:09 Mardi soir, après l'attaque sur l'hôpital à Gaza,
07:12 de manifestations violentes ont eu lieu dans toute la Cisjordanie, notamment à Ramallah.
07:17 Elles sont parties d'abord de Djenine.
07:18 Très rapidement, elles ont tourné à une contestation,
07:20 non seulement évidemment des crimes de l'armée israélienne à Gaza,
07:23 mais aussi de l'autorité palestinienne,
07:25 qui est accusée d'être corrompue et d'être une traître aux Palestiniens,
07:28 puisque c'est elle qui fait ce qu'on appelle le sale boulot.
07:31 L'armée israélienne lui délègue la gestion des territoires palestiniens de Cisjordanie.
07:35 Mardi soir, à Djenine, les manifestations ont dégénéré en affrontement,
07:39 et une balle a touché une adolescente qui est morte de suite de ses blessures,
07:44 donc tuée par la police palestinienne.
07:46 C'est cela qui a conduit ensuite à des manifestations très importantes
07:51 contre l'autorité palestinienne.
07:53 Notamment à Ramallah, où plusieurs personnes ont appelé à marcher sur la Moukata,
07:58 le palais présidentiel où réside Mahmoud Abbas,
08:01 et remettent en cause très fortement le pouvoir de l'autorité palestinienne.
08:05 Dans ce contexte, Marwane Barghouti pourrait être un recours.
08:09 Il y a un vide politique aujourd'hui,
08:11 qui voudrait remplir le Hamas,
08:13 qui est assez peu implanté quand même en Cisjordanie,
08:16 mais qui remplit aussi d'autres groupes armés.
08:18 Le problème, c'est qu'évidemment, Israël ne veut pas d'une guerre.
08:21 Le problème, c'est qu'évidemment, Israël ne veut pas d'une solution politique.
08:24 Elle ne veut pas libérer Marwane Barghouti,
08:26 parce qu'il pourrait justement fédérer les palestiniens,
08:29 en tout cas une bonne partie,
08:31 pour trouver une solution politique viable,
08:33 c'est-à-dire une solution politique à deux États.
08:35 [Musique]

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