Vendredi 23 juin 2023, SMART BOURSE reçoit Christian Parisot (Président, Altair Economics) , Alexandre Taieb (Gérant-analyste, Sycomore AM) et Pierre-Alexis Dumont (Directeur de la gestion actions et convertibles, Groupama AM)
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00:09 Et c'est parti pour Planète Marché, une quarantaine de minutes pour décrypter ensemble l'actualité politique, économique et surtout financière dans Smartbourse.
00:17 Pour en parler ce soir, nous avons le plaisir d'être accompagné par Christian Parizeau. Tout d'abord, bonjour Christian Parizeau.
00:21 Bonjour.
00:22 Vous êtes président de Altaïr Economics. A vos côtés, Pierre-Alexis Dumont nous accompagne également ce soir. Bonjour Pierre-Alexis Dumont.
00:28 Bonjour Nicolas.
00:28 Vous êtes directeur de la gestion, action et convertible chez Groupama AM et nous avons le plaisir d'accueillir également Alexandre Tailleb. Bonjour Alexandre Tailleb.
00:35 Bonjour Nicolas.
00:36 Vous êtes gérant analyste chez Sycomore Asset Management. Christian Parizeau, je vous propose de commencer avec vous.
00:42 Nous avons découvert les indices PMI pour la zone euro ce matin qui montrent un recul de l'activité ou en tout cas, effectivement, une activité en berne dans la zone euro.
00:53 Comment est-ce qu'on peut interpréter ces PMI ? On lit deux types d'interprétations. L'un qui dit effectivement la politique de la BCE porte ses fruits et donc on voit dans les PMI les fruits de cette politique monétaire.
01:08 Et d'autres qui disent cela peut venir remettre en cause le discours de la BCE de la semaine dernière qui anticipait de devoir faire beaucoup plus alors que justement on voit les fruits de cette politique monétaire dans les PMI.
01:19 Je ne suis pas sûr que cela émeut beaucoup un banquier central allemand ce qui a été publié mais on peut regarder.
01:24 Ce qui est encore visible quand même c'est d'une part qu'il y a une dichotomie entre l'industrie et les services.
01:30 L'industrie souffre énormément et je dirais que c'est sans trop m'avancer qu'on peut vraiment aller vers une récession industrielle dans la zone euro.
01:38 L'Allemagne souffre énormément naturellement de par le poids de l'industrie, souffre d'autant plus.
01:44 Alors ça c'était acté, on le savait, il y a un mouvement et on a aujourd'hui une production qui baisse.
01:50 On a aussi des carnets de commandes qui sont en baisse et des nouvelles commandes qui sont en contraction donc il n'y a pas de mystère.
01:55 Il y a vraiment une orientation assez mauvaise qui est liée à la demande intérieure.
01:59 Il y a des effets de déstockage dans l'ensemble du secteur productif et il y a le fait que les ménages commencent à restreindre certains achats de biens durables à cause de l'inflation.
02:09 Donc il y a bien un effet quand même très fort de ralentissement qui est lié à l'inflation, au problème de pouvoir d'achat.
02:14 De l'autre côté on a le secteur des services.
02:16 Le secteur des services nous décrivait quelque chose d'assez positif jusqu'à présent puisqu'on était en forte croissance.
02:22 Là ça commence à ralentir mais on reste toujours en croissance dans le secteur des services et c'était très rare d'avoir un tel décalage entre le secteur manufacturier et le secteur service.
02:32 Et là on commence à voir des mentions dans l'enquête de directeurs d'achat qui nous disent qu'il y a la hausse des taux d'intérêt,
02:38 il y a beaucoup d'inquiétude sur les perspectives économiques et il y a beaucoup de prudence dans la part des clients.
02:43 Donc on commence à voir une certaine contamination finalement de la récession industrielle sur le secteur des services.
02:49 Et donc normalisation du rapport entre manufacturier et service ?
02:51 Alors attention quand même parce que ça reste quand même un écart important entre les deux.
02:55 Et puis d'autre part il y a quand même des secteurs des services qui se portent toujours très bien.
02:58 Et on le voit les ménages restreignent leurs achats alimentaires, restreignent peut-être, ils auraient dû faire leurs achats d'automobiles mais ils ont envie de partir en vacances.
03:05 Donc ce n'est pas tous les secteurs et il y a des secteurs qui vont très bien.
03:09 Et c'est ça qui nous complexifie énormément, c'est qu'on n'est pas dans un retournement de cycle classique.
03:14 C'est-à-dire qu'aujourd'hui il y a des secteurs qui sont en pleine forme et d'autres qui souffrent énormément.
03:18 Dernier point, la partie là qui pourrait faire plaisir aux banquiers centraux, la partie tension inflationniste.
03:23 Et là aussi ça ne nous aide pas énormément.
03:25 Alors globalement oui, les tensions inflationnistes sont en train de reculer mais on a deux types de logique.
03:30 On a le secteur industriel dans lequel on n'a pas de pricing power puisqu'on a une chute des carnets de commande.
03:35 Donc on baisse les prix et on commence à voir véritablement des prix de vente, sortie et usine qui sont en recul.
03:40 Donc on parle pas seulement de désinflation mais de déflation et donc il y a bien un effet baisse de la demande.
03:46 Et on a un secteur des services qui eux notent encore une très forte hausse de leurs coûts de production, essentiellement les salaires.
03:52 Et donc on voit qu'il y a une accélération des salaires et ça augmente les coûts de production.
03:55 Et du coup il y a une certaine résilience, alors même si ça ralentit un petit peu, mais il y a une résilience dans la hausse des prix.
04:01 Donc dans les services on continue de monter les prix.
04:03 Et ça c'est ça qui inquiète aujourd'hui les banquiers centraux, c'est pas l'industrie très clairement, mais c'est cette hausse continue des prix dans les services.
04:10 C'est deux mouvements finalement distincts entre secteurs manufacturier et secteur des services.
04:14 Ce qui tombe mal c'est que le secteur qui a le plus de pricing power, qui bénéficie d'une forte demande, les gens qui ont envie de partir en vacances et tout ça,
04:19 c'est pas parce que je vais vous en demander de 10% votre voyage, vous avez envie de partir, vous avez payé votre voyage.
04:23 Donc ces gens-là ils ont ce qu'on appelle du pricing power, ils ont la capacité de remonter leurs prix et ils ont leurs coûts de production qui augmentent.
04:29 C'est pas aussi par plaisir qu'ils le font.
04:31 - Donc ça s'alimente. - Donc ça s'alimente.
04:33 Donc c'est ça qui inquiète, c'est pour ça que les banquiers centraux sont aussi focalisés aujourd'hui sur les salaires.
04:38 Parce qu'il ne faut pas oublier, c'est que le secteur des services, c'est un secteur qui crée beaucoup d'emplois.
04:42 Ça peut expliquer pourquoi le taux de chômage ne remonte pas actuellement.
04:44 C'est un secteur très dense en emploi, donc ça veut dire que tant que la croissance est forte dans les services,
04:48 vous aurez des marchés du travail qui sera tendu, ça peut alimenter la hausse des salaires et c'est un secteur qui n'a pas de gain de productivité.
04:54 C'est-à-dire que, que vous oubliez ou non, dans votre restaurant, vous ne pouvez pas doubler la productivité de votre serveur.
05:02 Donc du coup, c'est un secteur qui est très sensible à la hausse des coûts salariaux.
05:05 Et donc, ce qui fait peur aujourd'hui aux banquiers centraux, c'est surtout cette inflation dans les services,
05:10 et que cette inflation dans les services autant entretienne un niveau d'inflation supérieur au 2%.
05:14 Bien sûr.
05:15 On va ralentir et on va avoir un mouvement de désinflation, mais ça autant entienne un petit peu une inflation au-dessus de leur objectif.
05:22 Mais pour autant, et on finira là-dessus sur le sujet de la zone euro, le secteur manufacturier est en contraction actuellement.
05:28 Les services, donc, est le seul des deux en expansion.
05:30 Un choc trop fort sur les services conduirait mécaniquement à un choc récessif sur le taux d'euro.
05:34 Même historiquement, on regardait l'ISM manufacturier, on regardait la partie manufacturière,
05:39 parce que souvent, la récession débute par le secteur industriel qui entraîne les services aux entreprises et qui entraîne l'ensemble de l'économie.
05:47 Mais on est encore dans quelque chose de très particulier, c'est qu'aujourd'hui, le poids des services dans la consommation des ménages n'est pas revenu à son niveau de 2019,
05:54 et donc on a un secteur des services qui a encore un effet rattrapage post-Covid, et ça entretient forcément la solidité dans ce secteur.
06:01 Mais je dirais que si on était dans une économie classique et dans un cycle classique, là, on a tout qui est là pour avoir une récession dans les prochains mois.
06:07 Mais encore une fois, on est encore dans une situation un peu plus complexe en ce moment.
06:11 Pierre-Alexis Dumont, si je comprends bien ce que nous a dit Christian Parizeau, le seul indicateur à regarder, c'est les salaires dans le secteur des services en Europe.
06:18 Si on parle de la zone euro, on parlera des Etats-Unis, mais pour un banquier central.
06:21 Oui, mais donc pour un banquier central, mais pour aussi prendre en cause les conséquences d'une future politique monétaire.
06:27 Oui, tout à fait. Non, non. Et de toute façon, vous pouvez le prendre dans la zone euro, vous pouvez le prendre en Angleterre, vous pouvez le prendre aux Etats-Unis.
06:35 Je pense que c'est vraiment pour le coup, c'est un phénomène qui est globalisé et qui doit d'ailleurs inquiéter un peu les banques centraux.
06:41 C'est-à-dire que ce n'est pas du tout lié à une zone particulière. C'est vraiment lié à des effets, en effet, Covid sans doute, des effets de rattrapage, de décalage.
06:50 Il y a eu surconsommation de biens de consommation pendant le moment Covid.
06:56 Maintenant, il y a un rattrapage des services et tout ça fait qu'on a des décalages de phase.
07:01 Et quand vous voyez une récession classique en général, vous avez l'industrie qui flanche, puis derrière, assez vite, les services qui flanchent,
07:11 et derrière, la demande qui flanche et une récession débile.
07:15 Bien sûr. Et un taux de chômage plus élevé.
07:17 Voilà. Donc, qui va entre 15 et 30 %, voire un peu plus si vous rentrez en crise. Là, on n'a pas du tout ça, en fait.
07:23 Vous avez des segments qui sont dans le dur. Vous avez sans doute vu le nombre d'avertissements sur résultats dans le secteur chimique, là, vraiment.
07:33 Bien sûr.
07:35 Et dont un qui a dit "moi, dans mon secteur, c'est le nouveau Lehman". Donc, on est vraiment sur certains segments en difficulté forte.
07:48 Mais par contre, ce qui n'a pas forcément le lien avec le contexte monétaire, pour le coup, c'est plus en lien avec les stocks de leurs clients qui sont toujours...
07:55 Enfin, en tout cas, c'est ce qu'on peut lire.
07:56 Il y a des effets de déstockage. Oui, ça, c'est clair.
07:59 Évidemment, il y a eu un... Non, mais vraiment, l'effet Covid a complètement déréglé les mécanismes.
08:07 Bien sûr.
08:07 Voilà. Vous avez eu des phénomènes de déstockage énormes avec des phénomènes de déstockage où on a maintenant même des surprises assez importantes
08:16 sur le temps de déstockage. Il y a eu tellement de stocks que dans certains secteurs, on parle de 12 à 18 mois de déstockage.
08:23 En général, ça dure 6 mois. Et de ce fait, vous avez vraiment un contexte macro et un contexte micro qui, pour l'instant, ne se parlent pas.
08:37 Ou se parlent mal.
08:38 Bien sûr.
08:38 Et si en plus, vous rajoutez l'IA là-dedans, vous avez un contexte micro qui va pour 70% des sociétés très bien.
08:51 Quand vous parlez aux sociétés, il n'y a pas de récession. Ils ne le voient pas même sur les 3 à 6 prochains mois.
08:57 Et sur le reste, c'est en difficulté. Mais ça ne se voit pas au niveau de l'indice et ça ne se voit pas au niveau des masses bénéficiaires.
09:08 Donc, on est vraiment dans un jeu d'une récession vraiment très atypique. Et là, maintenant, toute l'anticipation va être dédiée à ce que ce décalage de phase
09:18 ne va pas faire qu'on va réussir un soft lending, ce qu'on arrive assez rarement à faire, en toute honnêteté.
09:23 Mais est-ce que pour autant, là, il n'y a pas des indices qui montrent qu'on pourrait y arriver ? Alors, peut-être que c'est très optimiste,
09:29 mais on a effectivement une inflation qui montre des signes, j'allais dire essoufflements, c'est peut-être un peu fort, mais en tout cas, de ralentissement en zone euro.
09:36 - Et une croissance ? Alors, le sujet, c'est la croissance, mais en tout cas, le taux de chômage reste, lui, pour le coup, relativement bas.
09:42 - Nous, on a augmenté notre probabilité qu'on ait... On considérait que c'était un scénario très optimiste, ce soft lending, avec ce qu'on appelle un "Godiloc" scénario.
09:51 Nous, on l'a augmenté. - D'accord.
09:53 - Tout simplement parce que ce décalage de phase va faire qu'à un moment, sans doute, que le contexte récessif industriel lié au déstockage va finalement atteindre son point bas.
10:03 Et c'est sans doute peut-être dans les deux prochains trimestres. Et on n'aura pas le temps d'avoir un ralentissement assez fort du service pour faire qu'on ait une récession synchrone
10:16 avec les effets qu'on connaît classiques d'une récession sur notamment le contexte bénéficiaire des entreprises.
10:23 Et c'est une vraie question qu'il faut se poser parce que dans ce cas-là, on n'a pas ce phénomène de stagflation. On serait plutôt dans un scénario de reflation.
10:34 Et dans un scénario de reflation, il faut avoir des actions. Donc, c'est vraiment... Sincèrement, on vit une époque très très atypique avec vraiment des taux zéro,
10:47 un choc externe Covid, un choc géopolitique et tout ça fait que vous avez vraiment des fonctionnements assez traditionnels et historiques qui ne fonctionnent plus.
10:59 Et de ce fait, c'est vrai que ça se voit énormément sur les marchés. On a vraiment des phénomènes de va-et-vient assez forts.
11:09 Sur la partie action, c'est majeur. D'un mois sur l'autre, vous pouvez avoir des retournements de l'âge.
11:20 Et on va rester sans doute dans ce no man's land pendant encore 3 à 6 mois avant qu'on ait vraiment un contexte macro qui soit établi,
11:29 qui fasse "bon ben voilà, on rentre en contexte récessif donc il faut faire ça" ou finalement on va arriver à des visions de soft landing
11:37 avec finalement des taux qui vont sans doute rebaisser ou en tout cas qui vont arrêter de monter.
11:41 Et dans ce cas-là, ce ne sera pas du tout le même portefeuille et la même stratégie à adopter.
11:46 Alexandre Tailleb, toujours sur la zone euro, quand on regarde effectivement les indicateurs, les chiffres qu'on peut voir.
11:53 Alors je rappelle qu'effectivement, la BCE, la semaine dernière, a annoncé revoir à la baisse effectivement ses prévisions de croissance pour 2023.
11:59 Alors on parle de 0,1% mais bon, on les revoit à la baisse. Le scénario le plus probable aujourd'hui, c'est un soft landing ou au contraire,
12:08 un épisode de stagflation où on n'aurait pas de croissance et une inflation qui certes ralentit, mais resterait au-dessus de l'objectif de 2% ?
12:16 Alors je suis plutôt d'accord avec l'augmentation de la probabilité du scénario de soft landing pour les raisons qui ont été évoquées,
12:21 c'est-à-dire le décalage de phase avec... parce que la grande question c'est quand même, est-ce que comme historiquement ça a été le cas,
12:28 la consommation et les services vont rejoindre l'industrie ou est-ce que c'est l'inverse ? La vérité se trouve probablement un peu au milieu des deux.
12:34 Chacun va faire un pas.
12:35 Voilà, donc on voit la première étape qui est la consommation qui ralentit mais qui est toujours en phase d'expansion, on l'a dit avec les PMI des services.
12:43 Ce qui est quand même assez inquiétant, on va dire le plus inquiétant de tous ces indicateurs qui sont sortis, parce qu'il y en a beaucoup,
12:49 c'est le PMI en Allemagne, le PMI manufacturier en Allemagne qui est à 41, alors on est vraiment en zone de contraction,
12:55 sachant que l'Allemagne est censée théoriquement être la locomotive économique européenne.
12:59 - Bien sûr. - Ça fait un peu tâche, donc on sent bien le ralentissement et surtout, et c'est ce qui fait que les marchés sur les derniers jours,
13:07 les dernières semaines sont quand même en phase de légère consolidation, c'est que le discours des banques centrales n'infléchit absolument pas.
13:17 On a cru à un moment donné que ça allait s'infléchir, on a cru que Powell allait faire une pause, mais en fait c'est pour mieux les remonter après.
13:24 Et la BCE insiste sur le fait que l'inflation est encore beaucoup trop élevée.
13:28 - Oui, nous avons encore du chemin à faire, ce que vous a dit Christine Lagarde.
13:30 - Le risque, c'est finalement d'avoir des banques centrales trop au quiche avec une économie en ralentissement,
13:35 et là le marché va retourner en phase 2022 avec une baisse beaucoup plus rampante, mais sur l'ensemble de l'année.
13:42 Ça pour moi, c'est le risque majeur. Si la banque centrale prend un peu acte de ce qui va se passer après,
13:49 qu'elle arrête un peu de regarder dans le rétro, il y a quand même quelques indices qui nous montrent que, et ça a été dit,
13:54 on va rentrer dans une période de ralentissement de l'inflation qui a commencé.
13:58 Il faut quand même savoir que la composante de l'inflation et de l'inflation core principale, c'est l'immobilier, notamment aux Etats-Unis.
14:05 Là, sur l'immobilier, on voit une baisse de la demande, mais il y a une inertie tellement forte qu'avant que ça se retranscrive dans les prix, c'est un petit peu long.
14:12 Donc la pause, à mon sens, est bienvenue. J'espère qu'elle va durer plus longtemps que ce qu'est ce qu'on a vu.
14:17 - Qu'un mois ou deux. - Oui, un mois ou deux, ça serait pas mal, histoire de voir les effets quand même de la politique monétaire.
14:23 En revanche, si jamais on voit ce ralentissement de l'inflation sans récession forte, là, le marché, vous le savez, il fonctionne en dynamique.
14:32 Et à partir du moment où c'est, entre plein de guillemets, pardon, c'est pas français, moins pire qu'attendu, le marché pourra repartir sans problème.
14:40 Et pourquoi j'augmente aussi le scénario de soft lending, c'est que, alors peut-être que, effectivement, les variables historiques ne fonctionnent plus très bien,
14:46 mais vous n'avez quasiment jamais eu de récession sans, au préalable, une augmentation du taux de chômage assez sensible, dans les mois qui précèdent la récession.
14:59 Là, on n'a pas ça, on a eu ça très très peu aux Etats-Unis, c'est passé de 3,4 à 3,7. En Europe, on n'a absolument pas ça.
15:06 Donc, pour l'instant, tant que consommation, service, emploi tiennent, pour nous, le soft lending est plutôt le scénario à privilégier.
15:14 C'est un scénario qui est pricé par les marchés aujourd'hui, qui ne s'attendent... Est-ce que les marchés s'attendent encore à avoir des baisses de taux des banques centrales prochainement ?
15:23 Alors, sur le marché obligataire, c'est un peu plus pricé, puisqu'il y a encore un mois, on attendait 3 baisses de taux d'ici janvier 2024, de la part de la Banque Centrale Américaine, c'est plus du tout le cas.
15:35 Donc là, les banquiers centraux, entre guillemets, se sont fait comprendre, à la dernière...
15:39 Et puis, le marché s'est ajusté, et je pense qu'on attendait quand même, pour la plupart des investisseurs, une récession forte.
15:48 On parlait encore beaucoup de stagflation fin 2022, début 2023. On en reparle un peu aujourd'hui, mais il y a eu toute une période où on en parlait moins, et on parlait de plus en plus de Goldilocks.
15:57 Donc finalement, le marché s'est ajusté, et puis, deuxième chose, donc j'ai parlé du marché obligataire, sur le marché action, si on pense vraiment qu'il y a une récession très très forte à venir, oui, le marché action doit être beaucoup plus bas.
16:12 En revanche, s'il n'y a pas de récession, il y a énormément de positions attentistes de la part des investisseurs.
16:19 C'est juste un chiffre, il y a plus de 5 000 milliards qui dorment dans les fonds monétaires US.
16:26 Ça, ça doit se réallouer quelque part. Si à un moment donné, vous vous rendez compte qu'on est en soft lending et que le cycle repart...
16:32 - Ça pourrait repartir très vite, très fort. - Ah bah même si vous avez 1% de taux réel, vous cherchez à gagner plus, normalement.
16:36 Donc ça doit se réallouer, normalement, sur les actions.
16:40 Christian Parizeau, alors on a mentionné effectivement ce sujet de reflation, de stagflation, effectivement, est-ce que ça fait partie des scénarios, là on parle de soft lending, le scénario idéal, vous aussi vous avez remonté cette possibilité d'un soft lending, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis ?
16:55 Moi j'ai plutôt remonté la probabilité que le marché se focalise sur un scénario de stagflation. Moi c'est plus ça qui me fait un peu peur.
17:02 Parce que là, ce qui est en train d'apparaître, alors je parle à court terme, je ne dis pas que je crois à ce scénario-là.
17:08 Je dis juste qu'en ce moment, les marchés commencent à intégrer en ce moment l'idée que les banquiers centraux en font trop.
17:14 Et ça c'est quelque chose qui commence à vraiment sortir dans les débats. Ils vont nous tuer la croissance, vous n'avez qu'à regarder "Le cours du pétrole", ça vous l'illustre très bien.
17:24 Mais donc, pardon, pour bien comprendre, on a des banquiers centraux qui essayent de faire passer le message qu'ils vont continuer à monter les taux, ne serait-ce pour qu'au moins on accepte l'idée qu'on va rester dans un environnement de taux élevés,
17:34 et des marchés qui ne veulent pas croire à ce scénario, qui disent "les banquiers centraux en font trop".
17:38 Ils ne voulaient pas y croire, et je pense que là ils font tout pour nous faire comprendre qu'il faut y croire un petit peu.
17:42 Après, ils ont leur logique aussi, je ne dis pas que leur but du jeu c'est de casser complètement la croissance. Ce n'est pas ça.
17:49 C'est qu'aujourd'hui, ce qu'ils ont vraiment peur, c'est une perte de crédibilité. Et quand on regarde aujourd'hui, si vous regardez les marchés obligataires, à long terme, l'inflation à long terme, maintenant elle est à 2,5.
17:59 Elle n'est plus à 2. Donc les marchés disent, et c'est tout un débat que vous entendez aussi, sur le fait que les banques centrales ne vont pas réussir à avoir leur objectif de 2.
18:07 Par contre, écoutez-les, et vous allez voir qu'ils n'ont qu'une seule chose dans la tête, le 2. Ils ne veulent surtout pas en changer.
18:14 A chaque fois on pose la question à Mme Lagarde ou à M. Powell, est-ce que vous ne voulez pas changer votre objectif d'inflation ?
18:20 Il y a de l'inflation à long terme qui arrive, il y a plein de choses, le monde change. Non, on est à 2.
18:25 Et c'est logique, parce qu'ils changeront leur objectif d'inflation que quand ils seront revenus à 2 ou en dessous.
18:29 Sinon, ils perdraient complètement de crédibilité, et ils considèrent que s'ils perdent leur crédibilité, ça veut dire des taux réels durablement plus élevés, et c'est un vrai frein à la croissance à long terme.
18:38 Donc pour eux, pour avoir la meilleure croissance à long terme, il faut vaincre l'inflation et il faut être sous son objectif d'inflation, ou en tout cas autour du 2, et être crédible.
18:47 Donc ça c'est leur logique à eux. Donc vous pouvez leur dire "vous allez nous faire la récession, vous allez nous casser la croissance", ils vont vous dire "oui mais moi je raisonne à long terme, et je dois rester crédible à long terme, et pour ça je me moque si pendant un ou deux trimestres on a une contraction du PIB".
19:02 Donc ils sont dans cette logique-là, eux.
19:04 - Un scénario avec une croissance sur le sol européen, ou sur le sol américain, mais mettons sur le sol européen et une inflation à 2,8, mettons, et une banque centrale qui accepterait cette situation, ça n'est pas envisageable, ça n'est pas plausible.
19:17 - C'est pas envisageable, et puis... - Il faut l'intégrer.
19:19 - Voilà, les banquiers centraux sont en train de nous dire, et regardez les dernières prévisions, que ça soit du côté américain ou européen, ils nous disent qu'on sera au-dessus des 2 en 2025.
19:28 Et M. Powell nous a dit que la conséquence première, c'est qu'il maintiendrait des taux réels directeurs positifs.
19:38 Donc ça veut dire quoi ? Ça veut dire que je vais freiner la croissance au moins jusqu'en 2025.
19:42 Vous voyez que le message est fort, le marché n'a pas regardé ça, mais le message est très fort de sa part, c'est-à-dire que je vais appuyer sur le frein jusqu'en 2025.
19:49 À part si avant 2025 je retrouve votre objectif d'inflation.
19:53 Donc c'est pour ça que je dis que là on peut traverser un peu de mouvement sur cet été.
19:59 Alors juste pourquoi moi j'y crois pas, parce que c'est pas que je crois qu'ils vont changer d'avis, c'est juste que je pense qu'il y a quand même une porte ouverte pour que l'inflation ralentisse assez nettement dans les prochains mois.
20:08 Et qu'il soit rassuré et qu'il retrouve surtout plus du côté des Etats-Unis que de l'Europe.
20:13 Mais je pense qu'aux Etats-Unis, on en a parlé un petit peu, les prix de l'immobilier par exemple, aujourd'hui, les prix des loyers, si vous prenez ce qui est des offres,
20:21 les offres, vous savez dans les journaux des loyers, c'est en hausse de 2% sur un an, les prix des loyers aux Etats-Unis.
20:26 Et si vous prenez l'indice des prix calculé par le BLS, alors je rentre pas dans les détails, mais ils ont une façon de calculer ça un peu spéciale, on est à plus de 8%.
20:33 Donc ça veut dire que potentiellement dans les prochains mois, on va passer de 8 à 2.
20:37 Déjà si on a ce gros mouvement sur l'immobilier, l'immobilier maintenant c'est 60% de l'inflation, du noyau dur de l'indice des prix.
20:44 Et on passerait de 8 estimés à 2 constatés.
20:46 Alors voilà, ça va pas se faire d'un seul jour à l'an dernier, ça va pas se faire sur un mois, ça va être en tendance, parce qu'ils le lisent énormément.
20:51 Mais ça veut dire que si on arrive à ce niveau-là, vous avez en gros le mouvement de 2, on va se rapprocher des 2, sachant que la partie bien pourrait être même négative dans les prochains mois, avec l'alimentation qui se recoule.
21:02 Donc je suis pas très inquiet, mais attention, cet été, on peut s'attendre quand même que le marché soit un peu entre deux eaux et hésite.
21:10 Et là, si on a ce scénario-là, ça peut quand même pas mal bouger sur les marchés, ça peut être un peu chahuté.
21:15 Justement, Pierre-Alexis Dumont, on va parler marché un petit peu.
21:18 Donc si on regarde sur une semaine, on l'a évoqué tout à l'heure en introduction avec Alix, qu'on regarde aux Etats-Unis, qu'on regarde en Europe, qu'on regarde même en Asie, les marchés reculent.
21:28 Alors c'est l'effet banque centrale, c'est ça ? Faut regarder l'effet banque centrale ou faut se dire que finalement cette consolidation qui a été attendue après les semaines qu'on a connues, commence à pointer le bout de son nez ?
21:39 Je pense que les deux sont vrais, c'est-à-dire qu'on a eu quand même une assez forte accélération haussière liée à deux événements qui sont finalement les résultats qui étaient assez convaincants.
21:51 Et la résilience encore affichée pour le cinquième trimestre de suite des entreprises face à ce contexte.
22:00 Ça fait quand même cinq trimestres qu'on attend que les bénéfices baissent.
22:03 La cinquième surprise !
22:04 Les bénéfices ne baissent pas. Donc ça c'est un moment ou un autre, ça a eu toujours le même effet quand vous regardez sur les trimestres passés, c'est un effet de soulagement sur les marchés actions.
22:17 Ça c'est évident. Et après il y a eu, ça c'est clé, il y a eu un phénomène IA qui a été très fort notamment aux Etats-Unis, qui a emmené le marché.
22:28 Donc que ça consolide, je pense que c'est un phénomène assez naturel et plutôt assez sain.
22:34 Et puis après c'est vrai que là du coup, comme le disait Christian, on passe sur une autre dynamique.
22:40 On était plus sur des dynamiques micro et là on repasse sur des dynamiques plus macro, plus banque centrale.
22:44 Et de ce fait, et bien là, que ce soit Madame Lagarde qui a révisé à la hausse les prévisions d'inflation 23, 24, 25 ou Monsieur Powell, on n'est pas très rassurés sur la partie taux.
22:59 Donc c'est clair et aussi le dernier mouvement de la Banque Centrale de Grande-Bretagne.
23:05 Donc là-dessus, bon ça fait une séquence qui est un peu plus compliquée sur les marchés actions, notamment liés au taux.
23:14 Alors après, ce qui est compliqué en toute honnêteté, c'est que quand vous regardez les taux longs, ils sont montés.
23:23 Puis là aujourd'hui, ils baissent violemment avec le PMI. Donc ils ont perdu tout ce qu'ils ont monté.
23:29 Donc on a vraiment toujours ce phénomène un peu de flou.
23:35 C'est-à-dire qu'on est repassé nous en macro côté actions, mais finalement côté taux, ils sont un peu moins certains qu'on ait de la croissance et donc des hausses de taux à venir.
23:50 Mais je pense que c'est assez naturel. Après, sur les prochaines semaines, je suis assez d'accord qu'on risque de repasser un petit peu dans un contexte un peu plus macro
24:04 qui va faire que les marchés vont être un peu tendus, notamment sur la partie, toujours sur ces fameux deux risques, croissance et inflation.
24:14 Donc là, on navigue entre les deux. On a l'inflation qui nous a gênés. Puis là, finalement, c'est la croissance qui nous gêne aujourd'hui.
24:21 Et je pense que du coup, les marchés vont osciller sur ces craintes ou ces espoirs en croissance, inflation.
24:29 La saison des résultats qui s'ouvrira dans quelques semaines maintenant, faut-il en attendre une sixième surprise à la hausse des bénéfices des entreprises ?
24:39 Maintenant, on commence à s'habituer ?
24:41 Non, mais ça va être... Alors, il y a quand même des préannonces qui sont un peu moins positives dans certains secteurs.
24:47 Mais vraiment, vous avez des segments qui souffrent maintenant de la récession industrielle, où la macro commence à avoir un effet.
24:55 Je vous citais vraiment le secteur chimique qui est vraiment là au creux du trou.
25:03 Donc on aura sans doute plus de divergences sectorielles en termes de dynamique bénéficiaire sur le marché.
25:14 Mais sincèrement, vous allez avoir des pans entiers qui vont encore sortir de très très bons résultats.
25:20 Tout le secteur financier, il n'y a aucun problème. De toute façon, il n'y a pas de hausse de défauts, il n'y a pas de sujet.
25:28 Le secteur industriel, bien exposé, défense, bien d'équipement, exposé à l'IRA et autres, aucun problème.
25:37 Toute la partie service, aucun problème. Donc tout ça, ça fait déjà...
25:42 - Oui, bien sûr, ça fait une partie de la cote. - Une grosse partie de la cote.
25:46 - Le luxe. - La partie qu'on saute, ça tiendra, pas sur tout, mais ça tiendra.
25:50 Donc non, au final, ce n'est pas encore ce trimestre-là qu'on aura des grosses déceptions, on aura des publications qui seront encore assez solides.
25:58 Après, le marché anticipe, c'est-à-dire qu'il va beaucoup regarder ce que disent les entreprises, et il va beaucoup regarder aussi la macro.
26:07 Si la macro commence à donner des gros signes d'inquiétude, là du coup il y aura un phénomène de réajustement.
26:13 Mais nous, on n'est pas sur ce scénario-là. A priori, cette partie micro sera encore un soutien à compter de mi-juillet.
26:20 - Donc juste un mot, il ne faut pas oublier qu'on a eu quand même encore de l'inflation. - Oui.
26:24 - Il ne faut pas l'oublier. Et donc pour les résultats dans le secteur des services qui a pu monter les prix, ça ne sera pas mal, en termes de progression de chiffre d'affaires et de résultats, ça ne sera pas mal.
26:31 - Il ne faut jamais oublier que les périodes inflationnistes ne sont pas mauvaises pour les progressions de résultats.
26:36 Les résultats montent moins vite que l'inflation, mais ils montent.
26:39 - Donc pas d'inquiétude sur les bénéfices, pas d'inquiétude sur les marges non plus ?
26:42 - A priori, oui.
26:44 - S'il y a eu de l'inflation, c'est qu'on a réservé les marges.
26:46 - Oui, c'est qu'on a réussi à... - Pas pour tous les secteurs, mais...
26:48 - Pas pour tous les secteurs. - Voilà, pas pour tous les secteurs, ça c'est sûr.
26:50 - Mais non, sur les marges, globalement, il n'y aura aucun problème.
26:56 - Mais après, il ne faut pas oublier, c'est que l'inflation était essentiellement liée aux matières premières et énergétiques.
27:00 Là, ils ont une baisse de leur profit, mais ça a été à quelqu'un d'autre.
27:04 - Oui, bien sûr. - Donc, il y a des gens qui ont profité de cette baisse des coûts, mais qui ne l'ont pas totalement donné aux consommateurs.
27:10 Donc, on va voir qu'il va y avoir des effets de vastes communicants entre les secteurs de cette inflation,
27:15 puisque globalement, l'inflation a ralenti, mais beaucoup moins, finalement, qu'on pouvait l'espérer.
27:19 Et donc, il y a sûrement des vastes communicants qui vont s'opérer dans les résultats des boîtes.
27:23 C'est-à-dire que les profits qui étaient très concentrés sur les pétrolières vont pouvoir, maintenant,
27:27 être un peu plus répartis dans d'autres secteurs, via le mécanisme baisse de coût, hausse de prix des différents secteurs.
27:33 - Et bien, on pourra se demander s'il sera peut-être enfin le moment des small limit,
27:36 juste avant, Alexandre Taieb, votre analyse, votre vision un petit peu sur ces marchés,
27:42 alors, effectivement, qui temporisent cette semaine.
27:44 Donc, là, c'est beaucoup en lien avec la macro, les banques centrales.
27:47 Mais, effectivement, on a vu des marchés américains qui ont été pas mal emmenés
27:52 par cette thématique d'intelligence artificielle ces dernières semaines.
27:55 Bon, alors, la question, c'est est-ce que les 10 entreprises qui ont fait cette hausse
28:00 sont l'arbre qui cache la forêt ou c'est les premiers de cordée d'une hausse qui continuerait, quand même,
28:07 à progresser dans les prochaines semaines ?
28:09 - En fait, il y a deux univers de temps, si vous voulez, entre la thématique d'intelligence artificielle
28:15 qui va être très longue à se mettre en place et qui va prendre du temps avant qu'on voit vraiment
28:20 quelque chose de matériel dans les profits, et le fait, disons, le temps du marché
28:25 qui est d'anticiper celles qui vont profiter de l'intelligence artificielle.
28:29 En fait, quand vous regardez le mouvement sur ces 10 actions-là,
28:33 ou les quelques qui sont concernées par l'intelligence artificielle,
28:36 c'est pour 80 à 85% de l'expansion de multiples, pur.
28:40 Il n'y a pas de profit qui est augmenté lié à l'intelligence artificielle de manière très sensible.
28:45 - Oui, c'est les valeurs dont on anticipe que c'est les plus probables à profiter d'une innovation comme celle-là.
28:52 - Exactement. Après, ça va amener des gains de productivité.
28:54 Je crois beaucoup à la thématique. Je pense juste qu'effectivement, économiquement,
28:59 ça va être plus long à se mettre en place que le temps du marché.
29:02 Pour le reste, sur cette semaine, le marché qui temporise,
29:06 finalement, on se rend compte que c'est un marché qui ne sait pas vraiment où il va et il hésite,
29:12 au même titre que les banques centrales. C'est-à-dire que quand vous regardez la volatilité
29:15 sur le marché obligataire, elle est assez forte.
29:17 - Bien sûr. - Mais au final, cette semaine, les taux n'ont absolument pas bougé
29:20 alors que vous avez eu trois banques centrales qui se sont succédées entre la BO, Powell et la Banque Nationale Suisse,
29:26 avec des discours plutôt au quiche. Mais au final, derrière, on a les indicateurs économiques qui nous disent
29:31 "Ah ben en fait, non". D'ailleurs, je reviens sur le concept de crédibilité des banques centrales.
29:35 Bon, elles se sont déjà décrédibilisées par le passé.
29:39 - Mais ils ne le savent peut-être pas eux-mêmes. - Ils le savent totalement.
29:43 - Effectivement. Mais je rejoins ce qui a été dit. Je suis assez gêné, en fait,
29:48 pour la poursuite du mouvement de hausse du marché par cet objectif ancré de 2%,
29:54 que je trouve un peu surprenant. Alors, OK, il y a une question de posture, etc.
30:01 Mais je pense qu'aujourd'hui, on va plutôt avoir tendance à vivre avec une inflation plus élevée de manière durable.
30:09 On parlait de 2,5, mais ça peut être 3. C'est une inflation tout à fait vivable,
30:13 et à laquelle il va falloir s'habituer. Et je pense qu'à terme, les banques centrales
30:16 vont devoir augmenter leur objectif d'inflation pour s'adapter, justement.
30:20 Donc c'est là où peut-être à plus long terme, elles se décrédibiliseront,
30:23 parce qu'atteindre les 2, ou voir passer en dessous de 2, ça me paraît très compliqué.
30:27 Et puis sur le marché actions, oui, alors on sent bien que le contexte macroéconomique
30:32 n'est pas propice, mais dès qu'il y a la micro qui revient sur le devant de la scène,
30:37 c'est effectivement un soulagement, et le marché remonte.
30:40 Et il y a un peu de prise de profit. Il y a des marchés qui ont très bien fonctionné.
30:45 Typiquement, on parlait de l'intelligence artificielle aux Etats-Unis,
30:49 mais on peut aussi parler du Japon, qui a fait un rallye très très fort depuis le début de l'année.
30:54 On est aux alentours de 30% depuis le début de l'année.
30:56 C'est globalement ce qu'a fait le Nasdaq aussi depuis le début de l'année.
30:59 Donc c'est une très bonne performance sur le Nikkei ou sur le Topix.
31:03 Donc là aussi, il y a un peu de prise de profit, parce qu'il y avait un grand espoir
31:07 depuis le début de l'année, qui était la fameuse relance, le fameux redémarrage de la Chine,
31:11 qui peine un peu à arriver dans les faits, notamment sur la partie industrielle et construction.
31:16 Sur la consommation, ça redémarre, mais légèrement.
31:19 Et donc ça, ça a eu tendance à décevoir le marché, qui se dit "Bon bah,
31:22 même si c'était beaucoup de rachat de short, finalement, de faire 15, 20, 30% de performance,
31:28 c'est pas si mal, c'est la performance d'une année, et donc je me retire un petit peu".
31:31 - Donc je me retire de Chine et je vais au Japon, c'est ça ? C'est ce qu'il faut comprendre ?
31:35 - Il y a eu un peu de ça en début d'année. Sur le Japon spécifiquement, il y a plusieurs choses.
31:40 En fait, la dernière banque centrale vraiment accommodante est pour longtemps.
31:44 La deuxième chose, c'est que la croissance n'est pas si mauvaise que ça.
31:47 La troisième chose, c'est que la banque centrale est accommodante, mais pour des bonnes raisons.
31:50 Leur inflation est à 3%, et ça leur va très bien.
31:53 Et la quatrième raison, c'est que c'est finalement, en termes de proximité,
31:56 la zone la plus facile à jouer, si on veut jouer à un redémarrage de la Chine,
32:00 sans les risques de l'opacité de l'information en Chine.
32:04 - Bien sûr.
32:05 - Et en plus, vous rajoutez ce qu'on appelle la "smart money" qui revient un petit peu au Japon,
32:10 avec Warren Buffett qui achète des titres au Japon, avec des hedge funds comme Citadel qui se réinstallent au Japon.
32:15 Ça donne envie de retourner sur cette zone-là.
32:18 Et clairement, le TINA là-bas, il est encore 100% là, avec 0,35% de taux d'isans et 3% d'inflation.
32:26 Si on va au Japon, c'est pour les actions.
32:28 Donc c'était un bon trend. À plus court terme, je serai un peu plus prudent sur le Japon,
32:35 et même, j'allais dire, sur l'Asie en général.
32:37 Je jouerai pas la Chine directement, mais le Japon, il y a un peu de prise de profit,
32:42 donc je serai un peu plus prudent à court terme.
32:44 - Christian Parizeau, sur les marchés, alors effectivement, vous mentionniez qu'il y a peut-être des effets de vastes communicants.
32:50 Est-ce qu'on peut faire un parallèle rapide et se dire que les small limit caps pourraient enfin en profiter,
32:56 ou ce moment n'est toujours pas arrivé ?
32:58 - Non, je pense pas. Je vais décevoir.
33:02 Non, après, pour jouer ce type de marché, il faut avoir un peu d'appétit au risque.
33:06 Le problème, c'est que moi je vois des marchés actions qui n'ont aucun appétit au risque, sauf une thématique.
33:11 Et la seule thématique qui les a fait rêver, ce sont des thématiques qui sont déconnectées de la conjoncture,
33:14 sur lesquelles on a une petite visibilité.
33:16 Parce que quand vous achetez la thématique "intelligence artificielle",
33:19 vous vous mettez de côté M. Powell, vous mettez de côté la croissance,
33:23 et vous achetez un potentiel, un avenir radieux sur une technologie.
33:27 Donc vous n'achetez pas la croissance, vous n'achetez pas l'économie.
33:30 Et là, aujourd'hui, si vous enlevez en Europe le luxe, et aux Etats-Unis la thématique "intelligence artificielle",
33:37 vous avez des indices qui n'ont rien fait.
33:39 Donc ça montre que les gens n'ont pas d'appétit pour le risque.
33:42 - Oui, vous n'avez pas investi dans des pépites, vous estimez que demain ce sera les nouveaux GAFA,
33:46 vous avez investi dans les GAFA d'aujourd'hui.
33:48 Enfin, qui ne s'appellent plus GAFA, mais bon...
33:50 - Oui, vous avez... - Et vous n'avez pas forcément envie, aujourd'hui, de prendre beaucoup de risques.
33:54 Alors le jour où vous allez revenir sur des petites valeurs, c'est le jour où vous allez rejouer les cycliques,
34:00 c'est le jour où vous allez jouer une reprise de la croissance économique.
34:04 Là, aujourd'hui, on n'en est pas encore là.
34:06 D'une part, on n'a pas de visibilité sur la croissance économique, on en a tous parlé.
34:10 On peut avoir tous des scénarios, on fait des projections à court terme,
34:13 mais justement parce qu'on n'est pas dans un cycle classique, qu'on est encore très pollués par plein d'éléments,
34:17 et donc on n'a pas de visibilité. Il faut avoir de la visibilité sur les banques centrales.
34:21 Et on a vu qu'il y a eu quelques jours un petit retour sur les small caps,
34:25 mais c'était un jour où on s'était dit "ça y est, on a de la visibilité sur les banques centrales".
34:28 Sauf que derrière, il y a Powell qui nous dit, Madame Lalla qui nous dit
34:31 "les décisions seront prises réunion après réunion", c'est-à-dire qu'on ne sait rien,
34:34 on ne sait pas du tout ce qu'ils vont faire le mois prochain.
34:36 Donc quand vous n'avez aucune visibilité sur les banques centrales,
34:38 vous n'allez pas prendre du risque sur des petites valeurs.
34:41 Donc aujourd'hui, non, c'est trop tôt, c'est beaucoup trop tôt.
34:43 Il faut vraiment être dans l'idée qu'on passe ce soft landing,
34:48 on a passé la récession, et deux, qu'on a de la visibilité sur ce qu'ils vont faire les banques centrales.
34:52 Le jour où je suis certain que Powell interrompt réellement, qu'il a atteint son niveau de taux,
34:57 là je pourrais commencer à véritablement me réinstaller sur des stratégies un peu plus risquées.
35:02 Pierre-Alexis Dumont, même question sur les small emits.
35:04 On a des grandes entreprises, des grosses capitalisations
35:08 qui surprennent par leurs bénéfices trimestre après trimestre.
35:12 On peut imaginer, faire un parallèle un peu rapide,
35:15 et se dire que des entreprises plus petites ont des clients qui sont des grandes entreprises
35:20 qui surprennent trimestre après trimestre avec leurs bénéfices.
35:22 Pourquoi on n'a pas de belles histoires sur les marchés small emits ?
35:25 Ça dépend de ce que vous croyez.
35:27 Si vous croyez au meltdown, là vous ne faites pas de small emits.
35:31 Si vous croyez au melt up, vous faites des small emits.
35:33 Tout ça, derrière, c'est votre scénario macro.
35:37 Si vous avez un scénario soft landing, ça commence à être le moment de faire des small emits.
35:42 Elles ont totalement corrigé leur effet Covid.
35:48 Elles permettent aussi d'avoir de la diversification.
35:53 Et quand vous ne savez pas trop, qu'est-ce qui va fonctionner,
35:58 dans quel régime macro vous allez vous installer, c'est un avantage.
36:03 Et le troisième point qui est clé, c'est que c'est quand même des sociétés plus simples,
36:08 avec beaucoup plus de leviers sur des niches, des plans de relance.
36:15 Et ça, c'est beaucoup moins diversifié qu'une grande capitalisation boursière.
36:25 Par contre, ça a beaucoup plus de leviers, justement, en cas de réaccélération.
36:30 Donc c'est vraiment, en effet, une question de, si vous êtes en soft landing,
36:34 les investisseurs vont avoir un peu plus abattu au risque.
36:37 Et là, forcément, on va commencer à regarder ces valeurs-là.
36:41 Parce qu'en tout cas, quand vous les regardez, il y a quand même des valeurs qui sont tentantes.
36:45 Sur des visions 3-5 ans, vous vous dites, ça ira peut-être un peu plus bas.
36:51 Mais à 3-5 ans, si on est dans un scénario macro correct, ça va bien fonctionner.
36:58 Donc nous, on commence à regarder, on a assez peu de small mid,
37:02 on commence à regarder pour vraiment deux raisons.
37:04 Un, on est un peu plus positif sur le scénario économique.
37:07 Et deux, ça nous permet d'un peu mieux diversifier nos portefeuilles,
37:11 qui, c'est vrai, ont, à mon avis, un peu trop de concentration de risque
37:17 sur quelques thématiques qui ont très bien fonctionné depuis le début de l'année.
37:20 Alexandre Tailleb, pour terminer, peut-être qu'on peut élargir effectivement la question.
37:24 Qu'est-ce que vous regardez dans le contexte actuel, dans les marchés, des points de vigilance ?
37:30 Je vais revenir sur les small mid, mais c'est presque un point qu'on peut élargir à tous les marchés.
37:34 Finalement, le maître mot, et je rejoins ce qui a été dit, c'est la liquidité.
37:37 La liquidité que vous avez dans le marché va finalement driver la direction que vont prendre les small mid.
37:42 Et quand on est dans un scénario de soft lending, ce qui est mon cas en l'occurrence,
37:45 on commence effectivement à regarder assez fortement les small mid.
37:49 Ce qui est aussi intéressant, c'est que tout le monde pose la question.
37:53 Oui, c'est vrai, puisque tout le monde l'attend.
37:56 Donc déjà, ne pas sortir, pour ceux qui en ont.
37:59 Et ensuite, regarder à rentrer, que ce soit les gérants, les allocataires, les clients, les journalistes,
38:06 tout le monde se pose la question de quand est-ce que le moment des small mid.
38:09 Et quand on regarde sur l'historique court, on se rend compte que 2018 était une année de forte sous-performance des small mid,
38:16 plutôt retraite de la liquidité, avec première espèce de quantitative tightening de Powell.
38:22 2020 est une très bonne année, plutôt augmentation des liquidités.
38:25 2022, très mauvaise année, plutôt retraite de liquidité.
38:28 Donc voilà, le maître mot est là, et la visibilité sur les banques centrales, il faut l'avoir.
38:32 Ce qui serait presque l'opportunité majeure, c'est qu'il y ait quelque chose qui craque,
38:38 où les banques centrales s'arrêtent complètement d'augmenter les taux, voire les baisses.
38:41 Et là, vous repartez tout de suite.
38:42 Ou si on voit un redémarrage du cycle post soft lending, oui, s'y intéresser maintenant, me paraît intéressant.
38:47 Mais c'est valable pour une grosse partie de la cote, et pas que pour les small mid.
38:51 Ça peut l'être aussi pour les émergents, par exemple.
38:53 Mais il faut retenir que pour les small mid, tout le monde est prêt, globalement.
38:56 Sauf le marché, absolument.
38:58 Merci beaucoup Alexandre Taillef, géro-analyste chez Sycomore Asset Management.
39:01 Merci Pierre-Alexis Dumont, directeur de la gestion, action et convertible chez Groupama Asset Management.
39:06 Et merci Christian Parizeau, président de Altair Economics.
39:09 Merci à vous, et on se retrouve tout de suite dans Marché à Thème.