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  • 05/06/2023

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00:00 *Générique*
00:07 Les liaisons dangereuses entre le Rassemblement National et la Russie sont au cœur d'un récent rapport de l'Assemblée Nationale.
00:13 En cause des financements douteux, un tropisme non dissimulé pour la Russie au sein du parti de Marine Le Pen.
00:21 Alors, le Rassemblement National est-il vraiment le cheval de Troie de Poutine ?
00:25 Plus globalement, quels sont les leviers que les puissances étrangères, de la Russie à la Chine en passant par le Qatar,
00:33 peuvent actionner pour tenter d'influer sur les politiques menées en France, mais aussi en Europe ?
00:39 Bonjour Isabelle Lasser.
00:40 Bonjour Guillaume.
00:41 Vous êtes journaliste, correspondante diplomatique au Figaro. On vous doit notamment "Macron-Poutine, les liaisons dangereuses".
00:48 C'est un livre que vous avez publié aux éditions de l'Observatoire.
00:52 Ce rapport, donc, publié par l'Assemblée Nationale, vous est-il surprise ?
00:59 Non, pas vraiment, parce que ça fait des années qu'on parle de ces liens qui unissent ou ont uni Marine Le Pen à Vladimir Poutine au régime russe.
01:09 Cet emprunt de 2014, contracté auprès d'une banque russe, est connu depuis très très longtemps.
01:17 Et par ailleurs, la présidente du Front National à l'époque, et aujourd'hui du Rassemblement National,
01:24 a multiplié avant l'invasion russe en Ukraine les petites phrases qui prouvaient son admiration vis-à-vis de Poutine
01:33 et une espèce de connivence vis-à-vis du régime.
01:38 Elle a salué à plusieurs reprises les intérêts communs qui unissaient la France et la Russie au niveau civilisationnel et au niveau stratégique.
01:49 Elle a dit une fois qu'elle admirait Vladimir Poutine.
01:53 Elle considérait que la Crimée était russe et non pas ukrainienne.
01:59 Et elle n'a jamais protesté contre l'intervention extrêmement violente de la Russie en Syrie, qui a donné lieu à des crimes dénoncés par l'ONU et par les Occidentaux.
02:14 Donc tout ça, en fait, n'est pas nouveau.
02:16 Mais alors tout ça peut relever, par exemple, d'une affinité idéologique indépendante de tout rapport financier.
02:25 Et que dit ce rapport ? Alors c'est un rapport, il faut le dire, une partie a fuité dans la presse.
02:31 On n'en a pas eu copie.
02:34 Isabelle Lasserre, d'après ce que l'on sait, quels sont les points qui, aujourd'hui, peuvent faire débat ?
02:41 En fait, il y a deux parties, d'après ce que j'ai cru comprendre.
02:45 Il y a d'une part la partie financière qui concerne ce prêt en 2014, prêt qui a été rééchelonné
02:54 et dont on se demande s'il a donné lieu à des contreparties en France.
03:00 C'est-à-dire que le fait d'attribuer cet argent à Marine Le Pen, qui, je rappelle, n'avait pas pu l'obtenir en France
03:06 parce qu'il y a un plafond pour les dépenses électorales.
03:11 Est-ce que le fait qu'elle ait emprunté à Moscou a donné lieu à des concessions de sa part ?
03:19 Il est évident qu'il y a eu des facilités ensuite, après le prêt.
03:23 C'est vrai qu'il a été rééchelonné, il n'est pas encore remboursé.
03:26 Par contre, sur les concessions qui auraient été demandées à Marine Le Pen,
03:30 visiblement, il n'y a aucune preuve.
03:33 C'est-à-dire qu'on n'en sait rien et c'est absolument improuvable.
03:37 Et aujourd'hui, je pense qu'on ne peut pas le prouver.
03:41 Donc ça, c'est le côté financier et concret.
03:44 Ensuite, il y a toute une ambiance politique qui est que c'est vrai que le Front National
03:50 et aujourd'hui le Rassemblement National ont constamment manifesté une connivence
03:55 et une amitié vis-à-vis d'un régime criminel, en fait.
03:59 Ce que Marine Le Pen dit, elle explique que si on l'accuse d'avoir des accointances avec Vladimir Poutine
04:08 parce qu'elle a bénéficié d'un prêt russe,
04:10 eh bien tous ceux qui ont bénéficié d'un prêt français pourraient avoir une accointance avec Emmanuel Macron, par exemple.
04:17 Oui, sauf que là, Emmanuel Macron n'a pas envahi l'Italie,
04:23 il n'a pas commis des crimes de guerre chez ses voisins.
04:28 Donc vous voyez, il y a un problème quand même considérable.
04:32 C'est-à-dire qu'on ne peut pas établir ce genre de parallèle.
04:35 Moi, je pensais que vous alliez me parler de la gouvernance des banques françaises.
04:39 Parce que Vladimir Poutine peut avoir un contrôle des banques russes différent de celui que le gouvernement français exerce sur les banques françaises.
04:47 Par ailleurs, c'est-à-dire que c'est la différence entre une démocratie et un régime ultra-autoritaire glissant doucement vers une dictature.
04:58 Donc les deux champs sont absolument impossibles à comparer.
05:04 Par contre, le plus intéressant dans cette histoire, c'est qu'on voit la manière dont Vladimir Poutine,
05:11 profitant de l'ouverture des démocraties, des failles des démocraties, utilise des courants politiques.
05:18 Mais là, c'est la droite radicale ou l'extrême droite.
05:23 Mais on aurait pu dire à un moment aussi la même chose de l'extrême gauche et d'une partie de la droite.
05:31 C'est-à-dire qu'il y a un terrain propice en France, et particulièrement en France et en Allemagne,
05:37 beaucoup plus que dans les autres pays européens, il y a un terrain propice à une connivence avec la Russie.
05:46 Et Vladimir Poutine a utilisé le Front National pour diffuser son influence en France.
05:54 Et c'est ça son but.
05:55 Alors expliquez-moi ça, parce que ce n'est pas si évident que cela, Isabelle Lasserre,
05:59 puisque pendant de longues années, l'extrême droite a été extrêmement hostile à la Russie,
06:05 plus précisément à l'Union soviétique.
06:07 Il y avait des réseaux tels que le réseau Gladio,
06:10 qui étaient historiquement dirigés contre l'Union soviétique et le communisme.
06:16 D'où vient cette conversion, si on vous suit, de l'extrême droite ou d'une partie d'entre elles,
06:21 à des connivences avec la Russie ?
06:24 Parce que pour l'extrême droite française aujourd'hui,
06:26 il n'y a plus rien de communiste dans le régime de Vladimir Poutine,
06:29 alors qu'en fait c'est à moitié vrai, puisqu'on réhabilite Staline aujourd'hui.
06:34 Donc il y a bien des restes de cette volonté de reconstituer un empire
06:40 qui fut tellement longtemps soviétique qu'on en voit encore les traces.
06:45 Mais surtout, le Rassemblement national, comme d'autres partis de droite radicale en France,
06:55 est sensible aux discours politiques, moraux, culturels de Vladimir Poutine.
07:02 C'est-à-dire que Vladimir Poutine se présente face à ses partis politiques
07:06 comme le défenseur d'une chrétienté qui est bafouée en France, qui n'existe plus en France.
07:14 Le défenseur des valeurs morales qui n'existent plus dans les pays occidentaux,
07:20 puisque pour lui ces pays occidentaux sont devenus des pays complètement décadents,
07:25 peuplés uniquement d'homosexuels, de transgenres,
07:30 avec une immigration absolument incontrôlée et incontrôlable.
07:34 Et lui présente la Russie comme en fait la garante de ces valeurs
07:39 qui sont en partie des valeurs de la droite radicale.
07:45 Là où ils se font complètement avoir, le Rassemblement national,
07:51 c'est que la Russie de Vladimir Poutine est tout sauf ça.
07:54 C'est-à-dire ?
07:55 C'est-à-dire que par exemple, la droite radicale est extrêmement sensible
08:03 au fait que, à la GPA par exemple, la gestation pour autrui,
08:09 mais en Russie il y a des usines à GPA, puisque la GPA y est légale,
08:14 ces usines tournent à plein régime et pour des raisons financières.
08:18 Quand on compare la soi-disant décadence des familles françaises
08:23 avec celle des familles russes, il y a de quoi s'interroger.
08:26 Le taux de divorce est absolument incroyable,
08:29 le nombre dans les provinces en général, après 30 ans,
08:33 les femmes sont seules, elles s'occupent seules de leurs enfants,
08:36 elles n'ont pas d'aide sociale, elles ont été parfois maltraitées
08:41 par des maris alcooliques.
08:43 Enfin, l'état de la famille en Russie est absolument catastrophique.
08:49 Il y a plein de raisons pour ça.
08:50 Mais Vladimir Poutine projette une image de la Russie
08:55 pour, en fait, par ses canaux politiques,
09:00 diffuser son influence politique et culturelle en France,
09:03 une image qui est complètement erronée.
09:05 En dehors du Rassemblement National, y a-t-il, la Russie,
09:09 entretient-elle des liaisons dangereuses avec d'autres partis politiques français ?
09:14 J'utilise le titre de votre ouvrage, Isabelle Lasserre, Macron-Poutine,
09:20 "Les liaisons dangereuses", vous l'avez publié aux éditions de l'Observatoire.
09:24 Alors, c'est-à-dire qu'on est quand même le seul pays d'Europe, je pense,
09:28 qui, à la dernière élection présidentielle, avait trois partis politiques
09:33 qui manifestaient à minima une compréhension et une légère amitié
09:40 vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine.
09:43 Donc, il y avait le Rassemblement National, la France Insoumise
09:47 et une partie de la droite.
09:49 Enfin, on se souvient de François Fillon, en fait.
09:54 La France Insoumise, c'est-à-dire ?
09:56 Y a toujours eu une complaisance de la France Insoumise vis-à-vis de la Russie.
10:01 C'est un secret pour personne.
10:04 Mais alors, la France Insoumise se défend de complaisance
10:08 en disant que sa vision de la politique étrangère, c'est tout simplement
10:12 d'être parmi les non-alignés et que la France n'a pas de raison
10:17 d'avoir une position atlantiste.
10:19 Les intérêts de la France, y compris vis-à-vis de l'Ukraine,
10:22 ne sont pas les mêmes que les intérêts des États-Unis.
10:25 C'est d'ailleurs un discours qui a été en partie repris
10:27 par le président de la République, Isabelle Lasser.
10:30 Ce discours actuel, effectivement, il ne pose pas forcément de problème.
10:34 Mais il suffit de reprendre les déclarations de Jean-Luc Mélenchon
10:39 pour savoir que ce n'était pas du tout une position de neutralité.
10:43 Et quand on dit à plusieurs reprises, comme il l'a dit, je crois,
10:48 "Poutine va régler le problème en Syrie",
10:52 l'intervention militaire extrêmement violente de la Russie en 2015,
10:57 Jean-Luc Mélenchon disait "Poutine va régler le problème,
11:00 il va se débarrasser de Daesh".
11:04 Quand on met en cause, comme il l'a fait, l'appartenance de la Crimée à l'Ukraine,
11:10 alors que tous les textes internationaux reconnaissent que la Crimée,
11:14 aujourd'hui, est ukrainienne, et que la Russie, elle-même, l'a reconnue,
11:19 ce n'est pas une preuve de neutralité, c'est une prise de position
11:22 aux côtés de la Russie et de Vladimir Poutine.
11:24 Et sur le bilan de la Russie et de la présence russe en Syrie ?
11:28 Oui, c'est exactement ça.
11:31 Si vous deviez nous expliquer en quelques mots,
11:33 quel est ce bilan, aujourd'hui, des années après le début de ce conflit sanglant, Isabelle Lasser ?
11:39 En fait, le bilan de ce conflit sanglant,
11:43 hormis les bombardements qui ont provoqué des dégâts terribles en Syrie,
11:50 c'est que Vladimir Poutine a sauvé le régime de Bachar Al-Assad,
11:55 Bachar Al-Assad qui est quand même considéré comme l'un des bouchés de ce siècle,
12:02 puisqu'il a commis contre son peuple des attaques chimiques, des tortures, des assassinats,
12:08 qui sont quand même très très bien placés sur la liste des crimes de guerre.
12:14 Alors après, politiquement, on peut considérer que Bachar Al-Assad étant le plus fort,
12:18 ayant été défendu par la Russie, certains le font,
12:21 eh bien il faut aujourd'hui renouer le dialogue avec lui et le soutenir,
12:24 c'est un autre débat.
12:26 Mais Vladimir Poutine a soutenu un criminel de guerre,
12:29 qui sans en fait son aide, serait peut-être tombé,
12:33 du moins les dirigeants français de l'époque le pensent-ils.
12:38 Certains dirigeants, certains hommes politiques,
12:41 en dehors d'ailleurs du Rassemblement National et de la France Insoumise, le pensaient,
12:47 certains d'ailleurs sont passés des Républicains,
12:49 puisque je pensais à eux au Rassemblement National,
12:51 Thierry Mariani défendait plutôt la politique menée par les Russes auprès de Bachar Al-Assad en Syrie.
12:59 Thierry Mariani est l'une des principales courroies de transmission de l'influence russe en France.
13:07 On le voit toujours se promener dans les territoires conquis par les Russes,
13:12 comme on le voyait se promener à l'époque et parader à Damas auprès de Bachar Al-Assad.
13:18 Donc c'est la principale courroie de transmission de l'influence russe en France.
13:23 - Comment expliquer là aussi ces affinités, a priori, des Républicains ?
13:29 Là, il n'y a pas véritablement de tradition pro-russe,
13:34 au temps de l'Union Soviétique c'était évidemment encore plus accusé.
13:39 Comment ces personnages ont-ils pu acquérir une certaine proximité ?
13:45 - Alors, il y a l'argent.
13:49 - C'est-à-dire ?
13:51 - L'argent, quand on accepte, comme François Fillon l'a fait,
13:57 de participer au conseil d'administration de deux grandes entreprises russes contrôlées par l'État,
14:04 ce sont des activités rémunérées.
14:06 C'était la même chose que le chancelier allemand Gerhard Schroder,
14:10 qui après avoir été chancelier, s'est vendu aux grandes entreprises d'État russe.
14:18 D'ailleurs, ça pose un énorme problème dans nos démocraties occidentales.
14:22 Peut-on aller travailler pour une puissance dont certains estiment que c'est une puissance partenaire ?
14:29 Mais comme Vladimir Poutine considère qu'il est en guerre contre nous,
14:32 on peut se poser la question.
14:33 Quand on a été chancelier ou ministre ?
14:37 - Alors, depuis lors, il a décidé de cesser.
14:39 - Oui, alors, Gerhard Schroder l'a fait vraiment au bout de très longtemps
14:44 et sous la pression extrême du gouvernement allemand.
14:47 Oui, mais en attendant, François Fillon comme Gerhard Schroder ont été des dirigeants français
14:54 qui sont allés en Russie avec tout leur carnet d'adresses,
14:57 leur réseau et leur capacité de facilitateur et de rapprochement de ces deux pays.
15:05 Donc c'est quelque chose qui est absolument extrêmement problématique.
15:08 Mais au-delà de ça, je pense que la principale raison, c'est le sentiment anti-américain
15:14 qui prévaut en France dans de nombreux partis politiques
15:17 et qui fait en fait, qui creuse un sillon et un chemin
15:24 vers cette relation spéciale entre la Russie et la France.
15:28 - Mais alors, ceux qui défendent Gerhard Schroder et François Fillon,
15:33 ceux qui estiment qu'après tout un ancien Premier ministre a le droit de vendre des rillettes sur la place rouge
15:40 comme l'a dit François Fillon, estiment ne pas voir de traces dans la politique française
15:46 de la moindre sympathie ou de la moindre clémence à l'égard du régime de Vladimir Poutine.
15:51 Isabelle Lasserre, est-ce que l'on peut voir en Allemagne ou en France des sympathies coupables,
15:57 je veux dire des sympathies concrètes des politiques menées
16:00 qui pourraient laisser penser justement qu'il y a eu, et bien,
16:06 une clémence beaucoup trop grande vis-à-vis de Moscou ?
16:09 - Oui, enfin en Allemagne, c'est absolument évident.
16:14 Quand on voit l'extrême dépendance au niveau de l'énergie qui a subsisté entre l'Allemagne et la Russie,
16:22 on peut se poser des questions.
16:25 Quand on voit les réticences avec lesquelles le gouvernement allemand, au début,
16:30 a accepté d'armer l'armée ukrainienne,
16:34 ce n'est pas à 100% lié aux réticences de l'Allemagne à transformer son armée
16:42 et à la faire passer vers une armée plus dynamique.
16:46 Non, c'est aussi parce qu'il y a des liens extrêmement forts, économiques,
16:51 entre l'Allemagne et la Russie.
16:54 La relation entre la Russie et l'Allemagne est différente,
16:58 est très différente de la relation entre la Russie et la France.
17:01 L'Allemagne, c'est à 90% des relations, vraiment, une dépendance absolument économique.
17:08 Les relations qui unissent la France et la Russie sont plus d'ordre politique, culturel,
17:15 et découlent beaucoup plus de l'anti-américanisme
17:18 qui nous fait nous rapprocher régulièrement d'autres grandes puissances,
17:24 fustelles, autocrates ou dictatoriales.
17:28 Isabelle Lasser, journaliste au Figaro, on vous doit Macron-Poutine,
17:32 les liaisons dangereuses aux éditions de l'Observatoire.
17:34 On se retrouve dans quelques minutes pour évoquer les autres pays
17:38 qui exerceraient des influences sur notre monde politique,
17:43 par exemple la Chine, la Turquie, le Qatar, les Etats-Unis, Israël.
17:49 Nous serons également en compagnie de Frédéric Ancel.
17:52 Il a notamment publié « Petites leçons de diplomatie, ruses et stratagèmes
17:57 des grandes semondes à l'usage de tous ».
17:59 C'est aux éditions, autrement il est 8h sur France Culture.
18:02 *7h-9h, les matins de France Culture, Guillaume Erner*
18:09 Ingérence étrangère, le monde politique français est-il sous influence ?
18:13 Nous sommes en compagnie de la journaliste au Figaro, Isabelle Lasser.
18:16 Vous avez publié Macron-Poutine, les liaisons dangereuses aux éditions de l'Observatoire.
18:20 Et nous recevons Frédéric Ancel. Bonjour.
18:23 Frédéric Ancel, vous êtes docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences Po Paris.
18:29 On vous doit notamment « Petites leçons de diplomatie, ruses et stratagèmes des grandes semondes à l'usage de tous ».
18:35 C'est aux éditions, autrement.
18:37 Frédéric Ancel, la question des ingérences étrangères,
18:41 en dehors de toute preuve matérielle chez les uns et chez les autres,
18:46 n'est-elle pas aussi dépendante d'une autre question
18:52 qui est celle des affinités idéologiques qui peuvent exister entre un parti et un pays ?
18:59 On parlait de la Russie, on pourrait parler de la Chine aussi,
19:02 ou bien du Qatar, ou bien des États-Unis, ou bien d'Israël.
19:06 Bref, tout cela, ça existe.
19:08 Non seulement ça existe, mais je pense que tout le monde veut influencer tout le monde.
19:11 Et c'est vrai notamment pour les États.
19:13 Chaque État considère qu'il est dans son droit, je veux dire chaque régime politique,
19:19 chaque président à la destinée d'un État considère que pour parvenir à ses objectifs,
19:23 il faut employer un certain nombre de stratégies.
19:25 Alors c'est l'économie, c'est parfois la guerre malheureusement,
19:28 c'est ce qu'on appelle le soft power, et là on touche effectivement à la capacité d'influence.
19:33 Et l'influence passe par la culture, elle passe aussi par éventuellement l'achat
19:38 de personnalités politiques, associatives, médiatiques d'un pays
19:43 dont on souhaite que sa classe politique ou son opinion vous soit favorable.
19:47 Donc je dirais que c'est quelque chose d'abord qui n'est absolument pas nouveau,
19:50 on peut remonter à la haute antiquité, les grandes puissances de l'époque
19:53 voulaient influencer très concrètement les autres puissances.
19:57 Aujourd'hui, ça a pris je pense un tour plus important avec l'expression massive
20:03 et multiple des opinions publiques.
20:05 Même si je suis très réservé sur cette réalité des opinions publiques,
20:10 je suis de ceux qui pensent qu'à la fin des fins, le hard power,
20:13 c'est-à-dire ce que les États peuvent mettre sur la table en termes économiques, stratégiques, voire militaires,
20:18 pèse finalement en général davantage que les opinions publiques.
20:21 Si on prend par exemple le rapport à la Russie,
20:24 le rapport à la Russie, il est évidemment problématique dans le contexte de la guerre en Ukraine.
20:29 Il y a eu donc cette question du travail parlementaire fait pour documenter cela,
20:37 notamment avec le Rassemblement national.
20:39 Frédéric Ancel, il est également possible d'être par exemple partisan d'une France non alignée
20:45 qui n'aurait pas les mêmes intérêts que les États-Unis
20:49 et qui dans le contexte de ce conflit ukrainien serait sur une position plus attentiste,
20:58 moins considérée comme aidant pour l'Ukraine.
21:03 Allons plus loin, on a parfaitement le droit en respectant la loi d'être favorable aux États-Unis,
21:08 à la Russie, au Népal, à la Bolivie ou que sais-je encore.
21:11 Donc ça, ce n'est pas un problème.
21:13 Je vous dirais presque que ce serait un problème qu'on n'ait aucune conviction en matière de proximité
21:18 en termes de politique étrangère évidemment.
21:21 Après, la question est la suivante.
21:23 Est-ce que oui ou non, il est positif de soutenir un État qui manifestement viole le droit international ?
21:32 C'est une vraie question, mais vous savez que la loi républicaine ne vous empêche pas de soutenir un État
21:37 même s'il ne respecte pas le droit international.
21:40 Est-ce que par ailleurs c'est positif, et là on touche les limites de la loi, de la légalité,
21:47 d'accepter des prêts-bandes ou des prêts de l'argent, du soutien direct d'un certain nombre de pays étrangers ?
21:58 Et là se pose doublement la question.
22:00 D'abord, de savoir si oui ou non, lorsqu'on est élu au sein de la République française, ce droit-là existe.
22:07 Et puis l'autre question consiste à savoir si on est encore légitime
22:12 lorsqu'on soutient très concrètement des régimes politiques qui sont assassins.
22:18 Mais alors, si on reprend toujours cette question des liens avec la Russie pour l'ERN,
22:25 en l'occurrence Frédéric Ancel, est-ce qu'on ne pourrait pas dire aussi qu'il y a des liens atlantistes ?
22:29 C'est-à-dire qu'on voit bien aujourd'hui l'implication des États-Unis dans la guerre en Ukraine.
22:35 Est-ce qu'il ne serait pas possible de dire que cette position atlantiste, finalement,
22:39 elle peut être aussi questionnée que la position russophile ?
22:43 Ah mais la position atlantiste, moi je crois que ce ne sont pas les positions idéologiques qui sont questionnées.
22:47 On peut les questionner dans le cadre d'un débat tout à fait réel.
22:49 Ce qu'on questionne, c'est les causes de ces affinités.
22:52 Après, moi je dirais que c'est la manière de faire, encore une fois, lorsqu'on accepte, lorsqu'on sollicite à fortiori
22:59 un prêt de la part d'un régime qui pour le coup n'est pas démocratique, qui est même autoritaire.
23:05 Là je crois que vous faites référence à la Russie pour le prêt du RSE.
23:10 Là, effectivement, je pense qu'on est sur une problématique qui est différente.
23:14 On dépasse le simple débat citoyen et républicain.
23:17 Mais effectivement, les positions idéologiques, d'ailleurs, sont parfaitement connues aux extrêmes.
23:21 Pas seulement, d'ailleurs, aux RN, mais aux extrêmes en France,
23:25 qui est un pays dont je me permets de rappeler qu'il est par ailleurs très romantique vis-à-vis de la Russie.
23:29 Une espèce de romantisme qui n'est pas un terme performativement positif.
23:33 On peut être romantique et fasciste au dernier degré.
23:36 Donc, qui concerne à la fois l'extrême droite et l'extrême gauche.
23:39 Maintenant, vous avez effectivement des parties ou des personnalités politiques qui ont toujours été très favorables aux États-Unis.
23:45 Et d'ailleurs, la question du financement de ces personnalités ou de ces parties se posait dès les années 50, 60, 70.
23:51 D'ailleurs, il ne s'agit pas d'un prêt, mais de deux prêts.
23:54 Le premier pour l'ancien micro-parti de Jean-Marie Le Pen,
23:59 qui là était, comment dirais-je, un prêt très exotique,
24:03 avec un établissement en Chypriote alimenté, si l'on en croit Mediapart,
24:08 par des fonds russes reliés à un ancien agent des services secrets soviétiques.
24:13 Et puis, un autre prêt, cette fois-ci au Rassemblement national,
24:18 avec une banque russe située en Tchéquie.
24:23 On a là, effectivement, un mélange des genres possibles.
24:27 Isabelle Lassère, une réaction ?
24:29 Oui, mais alors, en fait, il y a une chose dont on n'a pas parlé.
24:32 C'est qu'évidemment, toutes les opinions sont entendables.
24:36 Je veux dire, tout le monde pense ce qu'il veut.
24:39 Le problème, c'est qu'aujourd'hui, c'est devenu plus compliqué,
24:42 parce qu'on a affaire quand même à des pays qui sont soit des régimes autoritaires,
24:46 soit des dictatures, qui sont en train de constituer un bloc,
24:50 entre elles, un bloc de dictature, et qui se définissent,
24:54 soit comme en guerre avec les démocraties occidentales,
24:58 soit, à minima, en confrontation.
25:02 Donc, c'est vrai que c'est assez compliqué, dans ce monde,
25:06 à la fois très instable et très mouvant.
25:10 Comment on réagit à ce bloc de dictature ou de régime autoritaire,
25:15 qui s'oppose complètement à nous ?
25:17 Vous voyez, c'est-à-dire que, en fait, quand on se met à soutenir,
25:21 plus que de raison, ces pays, jusqu'à quel point, en fait,
25:26 on oublie de défendre la démocratie, on choisit un autre régime politique,
25:31 qui n'est pas celui qui est censé être le nôtre.
25:35 Et c'est là-dessus que Vladimir Poutine joue d'ailleurs extrêmement bien,
25:40 quand il essaye de prendre comme courroie de transmission
25:44 les partis politiques d'extrême droite ou d'extrême gauche,
25:48 dans lesquels on discerne et on reconnaît,
25:52 parfois, une méfiance vis-à-vis de la démocratie.
25:58 Donc, c'est très problématique, parce qu'en fait, ça porte
26:02 un germe d'instabilité au cœur de nos démocraties.
26:07 On a Frédéric Ancel.
26:09 Oui, c'est très juste. J'ajouterais d'ailleurs des États qui,
26:12 comme le Qatar, poseront peut-être, en tout cas, ont posé de véritables problèmes.
26:16 D'abord, parce que le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas une démocratie,
26:19 y compris sur le plan social. Et d'autre part, parce que le Qatar,
26:22 ces dernières années, ces dernières décennies, a démontré une volonté,
26:26 et c'est bien son droit, pour le coup, une volonté d'influencer
26:30 les démocraties occidentales, pas seulement, mais notamment,
26:34 via le fameux soft power. Donc, effectivement, on a ce bloc,
26:38 auquel j'ajouterais la Turquie, parce que la Turquie, la Russie
26:42 et la Chine, aujourd'hui, sont les trois puissances révisionnistes,
26:45 qui souhaitent réviser des traités ou des réalités géopolitiques.
26:48 Avec l'Iran.
26:49 Avec, bien évidemment, l'Iran, qui souhaite, effectivement,
26:52 revenir sur ces réalités-là, y compris en marchant sur les frontières
26:56 des petits camarades.
26:57 - Le soft power, pour ces pays-là, comment le décrire, Frédéric Ancel ?
27:02 - Alors, ça peut passer par les fameux instituts confucius chinois.
27:06 - Qu'est-ce que c'est un institut confucius ?
27:08 - Alors, en fait, c'est un institut culturel, censé sensibiliser
27:11 à la culture chinoise, et qui sensibilise, en réalité,
27:13 au parti communiste chinois, aujourd'hui, au pouvoir.
27:16 Qui ne promeut pas la culture de la Chine ancienne,
27:18 c'est le moins qu'on puisse dire.
27:20 Ça peut passer, pour ce qui concerne la Russie, justement,
27:23 par les arts, que d'ailleurs, promeut assez peu, finalement,
27:26 Vladimir Poutine, dans sa propagande, qui est beaucoup plus brutale.
27:29 Mais ça a pu passer par les arts, et on sait que les arts,
27:33 en Russie, ont été, pour le coup, et demeurent,
27:36 extraordinairement importants et précieux.
27:38 Et je pense, d'ailleurs, entre parenthèses, qu'il ne faut surtout pas
27:40 les boycotter et confondre la culture russe avec la politique de Poutine.
27:46 Ça peut passer par des mosquées.
27:48 Prenez le cas de la Turquie, bien évidemment, avec ce réseau
27:51 de mosquées turcophiles et assez largement, d'ailleurs, turcophones.
27:55 En tout cas, un certain nombre d'imams sont turcophones
27:58 et soutiennent à fond la politique de M. Erdogan.
28:02 Ça peut passer, bien évidemment, par l'Algérie, etc.
28:04 Donc, on est... Vous voyez, il y a plusieurs différentes formes d'influence.
28:08 Mais, encore une fois, je ne vais pas insister,
28:10 tout le monde cherche à influencer tout le monde.
28:12 - Sur la Turquie, Isabelle Lasserre, est-ce que vous voyez
28:15 des traces d'influence turque dans la politique française ?
28:19 - Ah ben oui, clairement, pendant les campagnes électorales.
28:23 On se souvient qu'Erdogan s'était déplacé à Strasbourg
28:29 pendant une de ses campagnes électorales.
28:31 - Mais là, c'était pour la diaspora turque.
28:33 - Oui, enfin, il y a les deux côtés, en fait.
28:35 Il y a Erdogan qui vient, en fait, auprès de la diaspora turque,
28:41 qui, je crois, si mes souvenirs sont bons, concerne 800 000 personnes en France.
28:46 - Qui ont voté à 65% pour Erdogan.
28:49 - Voilà, donc on vient mobiliser la diaspora turque.
28:52 C'est quand même le président d'un pays partenaire,
28:57 mais avec lequel on a quand même régulièrement des confrontations,
29:02 qui vient faire campagne sur le sol français.
29:04 Enfin, imaginez, une seconde, Emmanuel Macron aller dans un pays...
29:10 - Mais il l'a fait ! Il est allé à Londres, par exemple, pour...
29:14 - Non, mais pas dans cette manière-là.
29:17 - Il a fait campagne à l'étranger.
29:18 - Oui, on fait campagne à l'étranger auprès des pouvoirs politiques, etc.
29:21 Mais on n'essaie pas d'allumer une diaspora.
29:24 En plus, là, c'est l'influence religieuse, c'est les frères musulmans.
29:31 C'est-à-dire qu'il y a vraiment eu une intrusion.
29:34 Il y avait aussi... Par exemple, Erdogan avait essayé de convaincre les turcos allemands
29:48 de voter contre Angela Merkel.
29:51 Donc l'influence politique de la Turquie se joue aussi dans ce sens-là.
29:57 C'est-à-dire en convainquant les doubles nationaux
29:59 de choisir un parti politique plutôt qu'un autre.
30:02 C'est quand même assez problématique.
30:04 Emmanuel Macron, aux dernières élections, avait redouté des intrusions de la Turquie
30:12 dans la campagne électorale.
30:14 Je crois qu'elles n'ont pas eu lieu, mais il y a quand même un terrain.
30:18 - Bon, mais si on prend, par exemple, ce qu'on appelle la réale politique,
30:21 peut-être d'ailleurs quelques mots, Frédéric Ancel, pour nous dire en quoi ça consiste,
30:25 il peut aussi être de bon alloi pour ceux qui défendent ce type de position en géopolitique
30:32 de soutenir des puissances comme la Russie, la Chine, la Turquie ?
30:36 - Alors d'abord, la réale politique, pour moi, c'est du cynisme
30:39 qui se cache sous les atours valorisants de la géopolitique.
30:42 En géopolitique, reconnaître et étudier les réalités, c'est le béaba.
30:46 Sauf que la première des réalités, c'est de savoir que la réalité, ça change.
30:49 Et la réale politique, en général, correspond à mes yeux plutôt à une fascination
30:54 pour la brutalité telle qu'elle existe à un moment M.
30:57 Donc je n'en suis pas du tout un adepte, je suis un géopolitologue humaniste.
31:00 Maintenant, sur votre question sur les influences, on est, je crois, sur...
31:10 Il y a deux possibilités. La première, et comme l'a rappelé Isabelle Lasserre,
31:13 consiste pour un monsieur Erdogan à aller en Allemagne il y a quelques années
31:17 dire très concrètement aux citoyens turcs installés en Allemagne,
31:23 je le cite, mot pour mot, l'assimilation au pays d'accueil est un crime.
31:28 Fin de citation, vous vous rendez compte de ce que ça veut dire ?
31:30 Donc là, évidemment, on a la volonté d'empêcher des gens qu'on considère
31:36 comme de simples courroies de transmission idéologiques de s'assimiler.
31:40 C'est vrai d'ailleurs, entre parenthèses, sur le plan cultuel, culturel et religieux,
31:43 ce qui pose évidemment des problèmes, notamment, pour le coup, dans un pays laïc comme la France.
31:47 Après, vous avez une deuxième façon de vous ingérer, mais qui effectivement me paraît
31:51 plus douce et beaucoup plus légitime. Vous avez parfaitement le droit
31:55 d'aller vous présenter dans un pays tiers, surtout si c'est une démocratie,
32:00 en vantant vos propres mérites, vous en tant que candidat à telle élection.
32:05 Puis après, chacun fait bien ce qu'il veut.
32:07 Donc, je pense qu'il y a deux possibilités d'exercer de l'influence.
32:12 La première, elle est à la limite de la légalité, parfois elle la franchit.
32:16 Elle consiste à s'ingérer très concrètement et à tenter de tordre le bras
32:20 à une partie de l'opinion d'un pays tiers en sa propre faveur.
32:24 L'autre, on est vraiment dans quelque chose de beaucoup plus banal.
32:28 - Et il y a aussi des lobbies qui sont des lobbies beaucoup plus organisées.
32:31 Par exemple, le lobby pro-israélien aux États-Unis est organisé.
32:35 On a accusé certains députés français d'être très proches du Likoud en Israël.
32:44 Donc, le parti de droite de Benjamin Netanyahou, je pense par exemple, la meilleure habibe.
32:48 Il y a là aussi, Frédéric Ancel, des questions à se poser.
32:52 - Oui, alors aux États-Unis, comme vous le savez, le système d'influence est radicalement inverse.
32:59 Le simple terme de lobby en France frôle la grossièreté.
33:03 On sert ça comme un gros mot.
33:04 Aux États-Unis, vous n'êtes pas lobbyiste, vous n'avez rien compris.
33:07 C'est-à-dire que là-bas, l'influencement, en quelque sorte, relève d'une véritable politique
33:12 qui d'ailleurs est encouragée par les pouvoirs publics, qui est encouragée par des grandes fondations.
33:16 On s'adosse à des grandes entreprises et puis on défend qui les cigarettes, qui les armes,
33:20 qui les bébés phoques, qui les Israéliens ou qui les Palestiniens.
33:23 Donc, de ce point de vue-là, aux États-Unis, ça pose beaucoup moins de problèmes.
33:26 En France, oui, bien sûr.
33:27 En France, on considère encore, à mon avis, à juste titre, qu'il faut être extrêmement prudent
33:33 lorsqu'on défend des convictions.
33:35 Encore une fois, on peut défendre des convictions en matière d'affaires étrangères,
33:38 mais on ne peut pas risquer de prêter le... Il ne faudrait pas prêter le flanc à la fameuse accusation de double allégeance.
33:47 Et c'est la raison pour laquelle je pense qu'effectivement, les pouvoirs publics ont raison d'être extrêmement vigilants
33:53 quant aux flux, notamment aux flux d'argent, puisque les flux d'information, encore une fois,
33:58 tout le monde s'informe auprès de tout le monde, mais des flux d'argent dont ont pu bénéficier des groupes politiques,
34:05 dont je rappelle, encore une fois, que l'extrême droite et l'extrême gauche, qui sont en général fascinés par la brutalité,
34:11 c'est l'une de leurs caractéristiques communes d'ailleurs, sont adeptes de soutien étranger de la part de dictature.
34:19 Mais là aussi, elles ne le prendraient pas comme tel.
34:21 On en parlait il y a quelques minutes avec Isabelle Lasser sur la question, par exemple, de l'intervention russe en Syrie.
34:29 Eh bien, il y avait chez les tenants de la réale politique, même si vous, Frédéric Ancel, êtes hostile à cette position-là en relation internationale,
34:39 il y avait l'idée que Bachar Al-Assad était aujourd'hui le seul dirigeant capable, tant bien que mal, de gouverner la Syrie,
34:47 qu'il fallait l'aider et que finalement, toute prolongation de la guerre signifierait plus de morts encore.
34:55 Là, on est dans le débat citoyen. Je ne suis pas certain qu'Assad se soit réellement ingéré ou ait tenté réellement de s'ingérer
35:05 au sein de l'opinion française ou des pouvoirs politiques français dont il se fiche.
35:09 La proximité de certains politiques français avec Assad.
35:12 Mais de leur part, ça, vous avez raison. Mais est-ce que c'est Assad qui les a sollicités ?
35:16 Je ne suis pas certain qu'Assad avait franchement besoin de soutien en France pendant la guerre civile,
35:22 la guerre qu'il a d'ailleurs menée de manière extraordinairement cruelle contre sa propre population,
35:26 que pour des raisons idéologiques et peut-être financières, je ne sais pas.
35:30 Mais idéologiques, ça, je le sais, c'est certain.
35:32 Des personnalités, là encore, pour l'essentiel, d'extrême droite et d'extrême gauche,
35:36 et soutenues l'un des régimes les plus criminels du début du XXIe siècle, ça, c'est évident.
35:41 Et la Chine ? Puisque vous parliez des centres confucius.
35:45 Et pour ça, les centres confucius, on est dans le domaine du culturel, même si on peut discuter du contenu de ces programmes culturels.
35:54 Oui, c'est pour ça que je disais, on peut discuter du contenu de ce qui est aujourd'hui présenté comme étant de la culture.
36:01 Mais enfin, Isabelle Lasserre, on est dans le domaine de la liberté d'opinion, d'expression. Vous n'êtes pas d'accord ?
36:09 Oui, jusqu'à un certain point. Parce que quand le Parti communiste chinois installe des commissariats clandestins dans les pays occidentaux,
36:20 comme il le fait de plus en plus souvent, pour contrôler la diaspora...
36:24 Il faut rappeler qu'il y a eu récemment, aux Etats-Unis, une découverte dans la matière.
36:29 Oui, il y a des commissariats. La dernière découverte, c'était un commissariat clandestin au cœur de New York.
36:35 Donc en fait, ces commissariats, leur but est de contrôler une partie de la diaspora chinoise, et notamment les opposants.
36:44 Le problème, c'est qu'on est dans des pays occidentaux où de plus en plus de Chinois ont des doubles nationalités.
36:54 Un Chinois qui naît en France, il est Chinois et Français.
36:58 Donc vous voyez la complexité et le mélange que cette influence politique fait poser en France.
37:06 Ça devient compliqué. Il ne s'agit pas que de contrôler des opposants politiques en France,
37:17 ce qui déjà pose un problème parce qu'on est sur le territoire français,
37:21 mais en plus, il y a une espèce d'ambiguïté sur la nationalité de toute la communauté chinoise
37:28 qui est soumise à l'influence non pas seulement de ces commissariats,
37:32 mais également de tous les services diplomatiques chinois en Europe.
37:38 On a vu d'ailleurs récemment et à plusieurs reprises les propos extrêmement violents de l'ambassadeur chinois en France, Lu Shai,
37:47 qui d'ailleurs s'en est pris de manière très violente à un chercheur français, Antoine Mondaz,
37:56 qui, ce type de propos et d'insultes, fait basculer l'influence chinoise dans une vraie politique.
38:06 Et là encore, on parle d'un pays, la Chine, qui avec la Russie, s'est alliée et revendique ouvertement
38:14 sa volonté d'affaiblir la démocratie et de complètement changer l'ordre international
38:21 pour remplacer la démocratie par un ordre autoritaire qui véhicule des valeurs différentes.
38:29 Donc effectivement, on a un problème parce qu'on a l'impression que nos pays deviennent des gruyères,
38:33 des passoires à l'influence de pays qui soit nous veulent du mal,
38:39 qui soit développent des valeurs politiques qui ne sont pas les nôtres,
38:43 qui sont peut-être celles d'une partie de l'extrême gauche ou de l'extrême droite,
38:47 mais qui ne sont pas la majorité des populations et des institutions européennes.
38:53 Frédéric Ancel.
38:54 Je pense que là, on touche à quelque chose de fondamental.
38:57 C'est le clivage, non pas seulement en termes d'intérêt, en termes de politique menée par tel ou tel Etat à un moment M,
39:04 mais un clivage idéologique, voire philosophique profond.
39:07 Les démocraties face aux Etats autoritaires et a fortiori aux dictatures.
39:11 Parce que lorsque nos amis allemands, danois, tout à l'heure, je citais les boliviens, pourquoi pas,
39:18 ou d'autres démocrates de pays plus ou moins démocratiques.
39:22 Je ne sais pas le Venezuela, je crois que ça a été évoqué.
39:26 Oui, mais lorsque des Etats démocratiques tentent d'influencer l'opinion française ou M. Macron,
39:33 parce qu'en ce moment, il est président de la République.
39:35 Franchement, encore une fois, on est dans une très grande banalité.
39:38 Et pourquoi pas ?
39:39 Et si on considère qu'ils vont un peu trop loin, on leur dit gentiment et tout ça se tasse.
39:43 Lorsqu'on a affaire à une volonté, un volontarisme idéologique, philosophique, lourd,
39:49 notamment mené aujourd'hui effectivement par la Chine, par la Russie, par la Turquie et d'autres Etats de ce type,
39:55 consistant à inverser, renverser les valeurs fondamentales, et notamment celles sur lesquelles vivent les démocraties.
40:04 Là, je pense qu'il faut s'inquiéter et qu'il faut surtout réagir.
40:08 Un mot de conclusion, Isabelle Lasserre.
40:10 Il y a eu donc ce rapport, alors ce rapport est évidemment contesté par le Rassemblement National.
40:16 Il y aura d'autres développements à cet égard.
40:20 Est-ce que ça pourrait avoir une incidence sur les partis politiques qui feraient plus attention à l'avenir ?
40:27 Oui, je pense que ça va en fait reposer au cœur du débat la question suivante.
40:33 Est-ce qu'un élu de la République, est-ce que quelqu'un qui a été ministre ou chancelier comme en Allemagne,
40:39 doit vraiment avoir le droit de recevoir des rémunérations financières de pays qui considèrent être en guerre avec la France ?
40:49 Un mot de conclusion, Frédéric Ancel.
40:51 Oui, c'est très juste. Je pense que la démocratie est, comme le disait Churchill, le plus mauvais des systèmes à l'exception de tous les autres.
40:59 Il faut absolument faire vivre nos défenses.
41:03 Nous ne pouvons pas céder face aux États qui tentent de s'ingérer et qui sont des États non démocratiques.
41:08 Vos petites leçons de diplomatie, Frédéric Ancel.
41:11 Rues et stratagèmes des grandes, ce monde à l'usage de tous, sont publiées aux éditions Autrement Isabelle Lasserre.
41:17 On retrouve votre Macron-Poutine, les liaisons dangereuses aux éditions de l'Observatoire.
41:22 Dans quelques secondes, le point sur l'actualité.

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