Martha Argerich : Concerto pour piano n°3 de Prokofiev
  • il y a 3 ans
La pianiste Martha Argerich joue, avec l'Orchestre philharmonique de Radio France placé sous la direction de Myung-Whun Chung, le 3e Concerto pour piano de Prokofiev.

1. Andante - Allegro
2. Tema con variazoni
3. Allegro ma non troppo

En 1912, Prokofiev avait choqué Saint-Pétersbourg avec un Premier Concerto pour piano et orchestre d’une énergie juvénile, entre provocation et humour, et frappé les esprits avec sa Suggestion diabolique : une page hallucinatoire, notée Allegro marcato. Martèlement, encore et toujours, la même année, dans la Toccata op. 11, qui allait plus loin encore dans l’ivresse d’un « motorisme » qui exprimait l’ère de l’industrialisation de la Russie, des machines, du chemin de fer, des usines.

Un an plus tard, le Deuxième Concerto pour piano faisait de Prokofiev « l’enfant terrible de la Russie » : contrastes plus abrupts que jamais, dissonances plus marquées, déflagrations sonores, partie de piano athlétique. La guerre éclata, 1917 mit Lénine au pouvoir. Prokofiev partit pour l’étranger au printemps 1918, pour un séjour qu’il imaginait bref mais qui dura près de dix-huit ans.

Le Troisième Concerto vit le jour en France. S’il n’a rien perdu de la virtuosité du Deuxième, avec ses traits, ses accords martelés, ses sauts du grave à l’aigu, et ses courses d’arpèges, l’ensemble est moins brutal, le lyrisme plus affleurant : ainsi à l’ouverture de l’œuvre, confiée à une clarinette piano dolce soutenue par flûtes et cordes. Une trame poétique sur laquelle se greffe un piano immédiatement brillant et véloce. Rebondissement, jeunesse, dialogue par courtes séquences avec l’orchestre, le ton est donné. L’ensemble est en trois mouvements : un Andante- Allegro, un Andantino structuré en thème et variations (cinq variations), un final de forme ABA. Les climats sont variés, les changements de tempi rapides.

La force percussive et la tonalité d’ut majeur donnent à l’œuvre une clarté qui frap-pa l’écrivain Constantin Balmont le jour où, passant par hasard des vacances non loin, à Saint Brévin-les-Pins, Prokofiev alla lui jouer son concerto. Poète symboliste admiré par le compositeur, source d’inspiration de plusieurs de ses œuvres vocales dont la sauvage incantation Sept ils sont sept, Balmont s’était exilé de Russie en France en 1920, après des mois de froid et de faim. Le Concerto n°3 lui inspira un sonnet qu’il dédia au compositeur : « Scythe invincible, frappant dans le tambourin du soleil. »

C’est le musicologue Boris Assafiev (sous son nom de plume Igor Glebov) qui à Moscou, dans la revue Sovremennaja muzyka (« Musique contemporaine », 1925, n°10), devait donner alors l’évocation la plus enthousiaste de la partition, ce, quelques jours avant la création russe : « Ardeur toujours brûlante du tempérament musical de Prokofiev (...), fraîcheur de la musique, brillance du traitement, originalité des combinaisons, inventivité de tous les rapprochements thématiques (...), tels sont les premiers éléments qui nous fascinent dans ce concerto. »
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