Interview de Frédéric MARTEL, auteur et journaliste (émission Soft Power sur France Culture) (18 juillet 2014)
  • il y a 9 ans
Dans un livre intitulé " Smart " (terme que l'on pourrait traduire par " agile ", " malin " et qui correspond à la 3ème phase du web - celle du smartphone, des smart grids, du smart car - , celle où les acteurs sont aussi des producteurs de contenus et utilisent les nouvelles technologies pour " changer la vie, changer le monde, changer les usages "), Frédéric Martel se livre à une enquête sur " les internets dans le monde ". Pourquoi les internets et non pas internet ?

L'auteur, qui s'est rendu pour les besoins de son enquête dans une cinquantaine de pays et a mené des milliers d'entretiens en face à face, défend une thèse totalement contre-intuitive : " internet n'abolit pas les limites géographiques, ne dissout pas les identités culturelles, mais les consacre ". Pour lui, si les plates-formes restent globales et si les outils sont internationaux, les contenus, eux, restent en effet " extrêmement locaux, territorialisés, fragmentés ". " L'information, les contenus restent liés à des frontière symboliques, la langue, la culture, … ".

- La Silicon Valley ?
" C'est moins un endroit, un lieu géographique, qu'un état d'esprit ". " La Silicon Valley est extrêmement singulière, et donc peu réplicable ".

- La Chine ?
" Le seul pays au monde capable de bâtir un internet national offensif ", à la fois par patriotisme, et pour permettre la censure. Il s'agit d'un internet " avisé expansionniste, lié à la volonté très grande des chinois de créer, non pas leur propre internet, mais un 2ème internet concurrent de celui de la Silicon Valley ".

- L'affaire Snowden ?
" Pour la plupart des acteurs interrogés sur les cinq continents, c'est un tournant majeur. Il y avait un internet avant Snowden, il y a un internet après Snowden ". " Ce qu'il faut, ce n'est pas affaiblir l'ICANN, mais la moderniser et surtout couper le cordon ombilical avec les américains ".

- Et la France, quels sont ses atouts, ses points faibles ?
" Pour une part nous sommes puissants - tant la France que l'Union européenne - et nous avons la capacité d'exister en vidéo en streaming, dans le streaming musical ; on est aussi très bons sur les applications, dans les moteurs de recherche verticaux, dans les contenus en général. Et, dans le même temps, nous sommes parfois affaiblis par la difficulté de garder nos champions nationaux et européens ". " Je fais confiance à l'écosystème français. J'espère qu'Orange, Free et les autres sauront non seulement être des géants du numérique, mais seront suffisamment ouverts et malins pour agréger autour d'eux, dans une forme de cluster, les start up qui formeront l'internet de demain "

Entretien en face à face.