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  • il y a 1 jour
Avec "Les princes de la nuit", tome 2 des fantômes de Versailles, le romancier Jacques Forgeas poursuit avec succès sa fresque romanesque.
Nous sommes à Paris, en septembre 1677. La capitale du Roi-Soleil devient le théâtre d’une violence inouïe. Des sorcières violées et crucifiées, des médecins étouffés, retrouvés la tête en bas. Chargés de l’enquête, les inspecteurs Laruche et Torsac plongent dans les bas-fonds du royaume. Sous l’autorité de Delamare, bras droit de La Reynie, la police secrète de Louis XIV traque le mal.
Le roman mêle enquêtes criminelles, précision historique et atmosphère surnaturelle. Paris apparaît comme un théâtre d’ombre et de lumière, entre science et magie. Les devineresses, guérisseuses et réseaux occultes révèlent un monde interdit. La violence des crimes met à nu les privilèges et les corruptions de l’époque, peut-être en résonance avec les tensions de la nôtre.
Jacques Forgeas, qui fut scénariste pour Lorànt Deutsch ou Jean-Jacques Beineix, réussit une plongée réaliste dans la mécanique du pouvoir et de la peur. L’auteur présente pour TVL ce roman policier, où la quête de vérité affronte les pires pulsions humaines.
Transcription
00:00TVL continue, à vous de décider.
00:03La nomenclatura vacille, les fromages de la République s'étalent partout au grand jour.
00:07Et quand le pouvoir doute, il se rédit.
00:09Quand il ne parvient plus à convaincre, il menace.
00:12Quand il perd sa légitimité, il devient dangereux.
00:15Alors, l'urgence est là.
00:17Faire taire les voies libres avant 2027, telle est la tentation autoritaire du pouvoir.
00:21Et TVLiberté est dans leur ligne de mire parce qu'elle refuse le discours officiel
00:25et l'uniformisation de l'information.
00:28Face au contrôle médiatique et au contrôle social, TVLiberté est un rempart.
00:33Une information non conforme, l'antithèse d'une presse courroie de transmission de la propagande du système.
00:39On ne se vend pas, on ne se tait pas.
00:41Mais pour tenir, nous avons besoin de vous.
00:44Pour TVL, ces prochains jours sont cruciaux.
00:47Aidez-nous.
00:58Paris n'est plus qu'un théâtre d'ombre et de lumière où la magie côtoie la science et les pires pulsions criminelles.
01:10Avec Les princes de la nuit, Les fantômes de Versailles, Jacques Forjas poursuit sa fresque du XVIIe siècle
01:15en révélant la violence et les secrets du royaume de Louis XIV.
01:19Un second tome, le premier, le voici, c'était Les fantômes de Versailles.
01:22Mais c'est Les princes de la nuit dont nous allons parler avec l'auteur
01:25puisque j'ai le plaisir de recevoir l'écrivain et scénariste Jacques Forjas.
01:28Bonjour.
01:29Bonjour, merci.
01:30J'ai dit que vous étiez écrivain mais aussi scénariste de cinéma et de télévision
01:34avec Laurent Deutsch, avec Jean-Jacques Benex et bien d'autres.
01:37Quelle est la vraie valeur ajoutée du scénariste quand il rédige et écrit un roman historique ?
01:43Alors, il y a plusieurs réponses que je peux vous donner.
01:46La première, c'est que quand on passe à l'écriture, on est dans un autre temps.
01:52Au cinéma, on est dans une vitesse, il faut aller vite.
01:57Les images ne sont pas fixes, elles sont en mouvement.
02:00Donc, il faut essayer de retrouver dans l'écriture cette même vitesse,
02:05ces descriptions rapides, précises, mais où on ne perd pas, entre guillemets,
02:10du temps dans de longues explications ou des digressions.
02:13Donc, ça va beaucoup plus vite.
02:15Et moi, ça m'a beaucoup aidé parce que j'ai essayé d'apporter du rythme.
02:19Justement, un rythme qui vient du cinéma en faisant parfois des ellipses,
02:23en faisant parfois des scènes qui se rencontrent et qui se choquent entre elles,
02:28ce qui donne, si vous voulez, une certaine impatience au lecteur
02:30pour voir comment les choses vont arriver.
02:33Alors, vous avez situé Les Princes de la Nuit dans le Paris de 1677
02:38où clergé et noblesse se croisent et se croient au-dessus des lois,
02:42surtout, pourquoi le choix de cette époque ?
02:46Un mot, 1677, pour moi, si j'avais à résumer en un mot,
02:49c'est l'absolutisme de Louis XIV, mais aussi la guerre en Europe
02:52et le contrôle des individus.
02:54Bien sûr.
02:55Alors, pourquoi le XVIIe siècle ?
02:58Parce que je trouve que c'est un siècle passionnant.
03:01C'est le siècle qui va allumer toutes les mèches des siècles
03:04qui vont venir plus tard.
03:05Sur le plan, par exemple, des religions, c'est très important
03:09parce qu'il y a quand même la révocation de l'île de Nantes.
03:12C'est tout de même l'affrontement permanent entre les jésuites et les gens cynistes.
03:16Ce n'est pas rien, cette affaire de Port-Royal.
03:19Il y aura le quiétisme qui sera favorisé par Fenelon.
03:23Donc, je suis là dans un nœud très important,
03:27tout en sachant que ce clergé-là joue un rôle essentiel dans la société
03:32et joue un rôle essentiel auprès du roi.
03:37Le roi choisira les jésuites à la place des gens cynistes
03:39et ils vont l'accompagner dans toutes ses décisions de société et de politique.
03:45Ça, c'est le premier point.
03:46Et puis, ce qui m'intéressait aussi, c'est que sur le plan de la culture,
03:51tout le monde le connaît ce XVIIe siècle.
03:53Parce que tout le monde connaît Molière,
03:55parce que tout le monde connaît Corneille, Racine, Retrou.
03:58Enfin, on a le sentiment que tout le monde est là.
04:01Et puis après, il y a forcément La Fontaine qui arrive.
04:05Il y a Pascal qui pose des questions essentielles sur l'existentiel.
04:11Alors, ce XVIIe siècle, il est très riche.
04:13Et pour quelqu'un qui veut s'en emparer et trouver des intrigues,
04:17alors là, c'est formidable.
04:19– Je vais vous extraire du XVIIe siècle pour quelques instants,
04:22parce que j'ai dit, ben voilà, une forme d'absolutisme.
04:25On a le roi soleil, on a la guerre en Europe, on a le contrôle des individus.
04:29Alors, la question que je me pose, ou que les lecteurs peuvent se poser d'ailleurs,
04:31est-ce que ces dynamiques que l'on voit dans le livre,
04:34celles des privilèges, celles de la corruption,
04:37est-ce qu'elles ont véritablement disparu
04:38ou ces dynamiques ne résoutent-elles pas finalement dans notre époque,
04:42avec les tensions de notre époque, Jupiter d'un côté et le roi soleil de l'autre ?
04:47– Alors, je vais vous répondre d'une manière globale par rapport à ça.
04:51Moi, le roman policier historique, il m'intéresse,
04:54à condition qu'il ait un effet miroir avec aujourd'hui.
04:58Sinon, c'est une œuvre d'antiquaire.
05:01Moi, ça ne m'intéresse pas beaucoup.
05:03J'aime bien quand les lecteurs disent,
05:04eh ben, tu vois, c'est comme aujourd'hui.
05:06Ou en définitive, pas grand-chose a changé.
05:09Et moi, c'est ça qui m'a beaucoup intéressé.
05:11C'est les effets miroirs.
05:12Par exemple, vous dites la centralisation.
05:15Ça va être un des thèmes qui accompagne cette série.
05:18C'est-à-dire que le roi et Colbert s'aperçoivent que Paris est une ville,
05:24vraiment, on ne peut pas circuler dans Paris tellement c'est dangereux.
05:28Ils s'aperçoivent que c'est bien sûr la ville la plus peuplée d'Europe.
05:31Il y a 600 000 habitants.
05:32Il y a 50 000 mendiants dans les rues.
05:35Avec des hordes d'enfants qui n'ont pas de parents, qui sont abandonnés.
05:39Alors, il faut régler la police.
05:41Et comment peut-on régler la police quand chaque quartier a la sienne ?
05:44Quand chaque province a la sienne ?
05:46Et où les jugements des uns ne sont pas les jugements des autres ?
05:49Donc, Colbert et le roi disent, bon, ben, maintenant, il faut travailler.
05:54Il faut faire une police unique et transparente.
05:58Voilà.
05:58Et c'est ça qu'on retrouve dans le sujet.
05:59– Parce qu'on retrouve déjà la guerre des polices.
06:00– Absolument.
06:01Ça sera la guerre des polices parce que certains disent,
06:03la police ne va pas assez vite, la justice ne va pas assez vite.
06:07Donc, nous, on va leur régler leur compte à cela.
06:09Surtout qu'à l'intérieur du royaume, il y a des gens qui conspirent encore,
06:14il y a des gens qui sont fidèles à la fronde
06:16et qui n'obéissent pas au roi tout de suite.
06:21– Alors, autour du ministre Colbert,
06:23évoqué à l'instant du lieutenant général de la police Larénie,
06:27évoluent deux héros du l'ouvrage, les inspecteurs Laruche et Torsac.
06:32On apprend dans le livre que ce sont des grands amateurs de canards
06:35sur un lit de navet. Je me souviens que c'est peut-être un peu insuffisant
06:38pour les qualifier, pour que les téléspectateurs saisissent
06:43quelle était la personnalité.
06:45Qu'est-ce qu'ils construisaient, ce duo, pour qu'il soit tout simplement crédible ?
06:49– Oui, oui.
06:50C'est-à-dire que dans le premier livre, j'ai assez insisté sur leur personnalité
06:54et je me suis dit, ceux qui auront lu le premier,
06:56ne voulons peut-être pas relire encore des pages.
06:58Ce qui m'a intéressé chez eux, c'est d'abord comment, sous Louis XIV,
07:03ont recruté les policiers.
07:05Alors, l'idée qu'ils ont eue avec le lieutenant général Larénie,
07:09c'est celui qui va occuper ce poste pour la première fois.
07:12– Ce n'est pas un personnage fictif, soyez bien clair,
07:14ce n'est pas un personnage fictif.
07:15– Il est au Châtelet, parce que ça va être là le grand hôtel de police,
07:20on va dire.
07:21C'est un homme qui a fait son droit à Limoges,
07:23qui va rester un an au tribunal d'Angoulême pour finir à Bordeaux,
07:26et c'est là où Colbert le repère,
07:29parce qu'il est spécialiste des affaires maritimes.
07:32Et comme Colbert avait une passion pour la marine,
07:34et cette passion venait de Richelieu,
07:36il a dit, oh celui-là, il est bon, je le prends avec moi.
07:39Il l'a pris, et puis quand le roi a dit,
07:41la sécurité dans Paris, il faudra l'éclairer partout,
07:44il faudra des éclairages, etc.
07:45Est-ce que vous avez un homme à poigne qui peut me prendre ça ?
07:49Et hop, il pense à Larénie, Larénie arrive,
07:51premier mandat de Larénie, occupez-vous de la Cour des miracles,
07:54j'en veux plus.
07:55Donc, gros travail de Larénie,
07:58qui réussit à faire ce travail.
07:59Et à partir de ce moment-là,
08:01il faut essayer de créer des commissaires et des inspecteurs.
08:05Alors, les commissaires, on achète sa charge,
08:08mais ce sont des gens, la plupart du temps, qui sont brillants.
08:11Et pour les inspecteurs, on recrue des,
08:14on peut dire, des sous-officiers de l'armée.
08:17Parce qu'ils ont une rigueur,
08:19ils ont un entraînement qui dure quelques mois,
08:22et après, on les projette sur les terrains.
08:25Et ça marche très bien.
08:27– Laruche et Torsac,
08:28qu'est-ce qui fait qu'ils sont attachants, singuliers,
08:32tout en évoluant dans un univers particulièrement sombre,
08:35vous l'avez dit, violent ?
08:36– Violent, c'est-à-dire que ce sont,
08:39je ne vais pas dire que c'est les Dupont-Dupont,
08:40mais ce sont deux inspecteurs
08:42qui ont des visions un peu différentes de la société.
08:45– Il a beaucoup de vie ?
08:46– Oui.
08:47Alors, Torsac, lui, son copain, lui, sans arrêt,
08:49t'aurais pu être un curé.
08:51Il dit, oui, c'est vrai, j'aurais pu…
08:52Vous avez vu, quand il y a une victime,
08:54il fait une prière devant cette victime.
08:56Parce qu'il a beaucoup de miséricorde pour eux,
09:01et puis il voit des atrocités comme ça toute la journée,
09:03et il répond à son copain quand il lui dit,
09:05t'aurais pu être un prêtre, il lui dit,
09:07oui, c'est vrai, j'aurais pu,
09:08mais j'ai préféré être en première ligne avec le mal
09:12pour être tout de suite au secours de ceux
09:16qui sont dans la misère
09:18ou qui ont été broyés par le destin.
09:21Alors, il y en a un qui est passionné de théâtre,
09:23c'est La Ruche,
09:23il appartient à ce qu'on pourrait appeler
09:25la police des théâtres,
09:26parce qu'on volait beaucoup dans les théâtres.
09:28Les gens étaient debout, voyaient les spectacles,
09:30et pendant ce temps-là, il y avait des malandrins
09:32qui coupaient les bourses.
09:33Les gens étaient tellement enthousiasmés
09:35ou riaient tellement qu'on leur venait l'argent.
09:37Alors, il y avait des inspecteurs
09:39qui étaient dans les théâtres
09:40et qui essayaient de surprendre ces gens-là.
09:42Et puis, Torsac, lui aussi,
09:43j'en ai parlé tout à l'heure,
09:45sa femme est morte.
09:46Et puis, comme s'il est profondément religieux,
09:49il ne le dit pas.
09:51Et il lui parle tous les soirs
09:53quand il rentre de son travail,
09:54il lui raconte parfois ses enquêtes.
09:56Et puis, il ne dit jamais qu'elle est morte,
09:59il dit simplement qu'elle a changé d'existence.
10:01Ce qui permet toujours d'avoir un dialogue avec elle.
10:04– Alors, on parle d'atrocité.
10:05Venons-en à cet univers particulièrement sombre
10:08et violent que je décrivais,
10:09que vous décriviez aussi, bien évidemment.
10:11Dans cet ouvrage, le roman débute le vendredi 10 septembre 1677.
10:16C'est très précis.
10:17Par le viol, le meurtre d'une femme,
10:20une sorcière, dit-on, Athéna.
10:22Et le crime est profondément atroce.
10:24– Oui.
10:25Alors, les sorcières, ça m'a intéressé
10:27parce que j'avais des idées préconçues.
10:30Et quand j'ai fait des recherches, quand même,
10:32sur tous les thèmes qui sont abordés dans le livre,
10:34je me suis aperçu que les sorcières,
10:37on pouvait les diviser en deux.
10:40Il y avait d'un côté des sorcières noires,
10:42maléfiques, appartenant à Satan,
10:44et qui étaient là pour faire des poisons
10:47ou participer à des sabbats.
10:49Et la plupart du temps,
10:51elles étaient orientées par des femmes de Versailles.
10:56Pourquoi ?
10:56Parce que les gens, on avait un peu,
10:59enfin, une certaine question d'origine,
11:00on avait assez de Versailles.
11:02La beauté, c'était tous les jours la même chose,
11:05feu d'artifice, on jouait aux jeux trois fois par semaine, etc.
11:10Alors, il y en a qui ont voulu aller plus loin
11:12et qui vont annoncer d'une certaine manière
11:16le marquis de Sade au XVIIIe siècle.
11:18Donc, elles sont là-dedans.
11:20Et puis, à côté, il y a des sorcières blanches
11:23qui, alors, elles, ont une façon de vivre
11:27qui est plutôt très positive.
11:29À l'époque, elles participaient aux accouchements, par exemple.
11:33C'est elles qui travaillaient sur les plantes médicinales.
11:39Et puis, elles avaient une grande tendresse pour les enfants.
11:41Ceux qui étaient dans les rues,
11:42quand elles pouvaient s'occuper d'eux, elles le faisaient.
11:45Elles s'occupaient aussi beaucoup des aliments.
11:46Parce que ça, c'est un des mystères que j'ai voulu essayer de développer
11:51par l'Église souterraine.
11:52C'est que je me suis aperçu que, parmi elles,
11:55il y avait beaucoup de ces sorcières blanches
11:57qui ne comprenaient pas pourquoi les animaux avaient été abandonnés
12:00par l'Église alors qu'elle est omniprésente
12:02depuis Bethléem, même avant avec l'arche de Noé,
12:06que certains saints sont sans arrêt.
12:09On peut dire, par exemple, Saint-Roch et son chien.
12:11On peut dire beaucoup comme ça.
12:14Et pourquoi les animaux ont-ils été exclus ?
12:16On ne les voit pas assez dans les églises.
12:19On n'en parle pas assez.
12:20Quand on fait une homélie, il faudrait le faire.
12:23D'ailleurs, vous vous souvenez qu'à Paris,
12:24il y avait une église qui s'appelait l'Église Saint-Trita.
12:26Saint-Trita, Paris dans le 15e.
12:28Voilà.
12:28Et j'ai repris ce thème-là.
12:30Et c'est très porteur à cette époque-là.
12:32Alors, dans votre Paris qui pullule d'alchimistes,
12:35de voyants, de mages et autres démons, d'ailleurs,
12:38coïniste difficilement.
12:39Vous avez dit, dans ces deux types de personnages,
12:41sorcières blanches, sorcières noires,
12:42c'est un distinguo qui n'existe pas, honnêtement,
12:44historiquement, en XVIIIe siècle.
12:45Non.
12:46C'est vrai, on parle de magie blanche,
12:47magie bienfaitrice, magie noire.
12:49Magie noire, oui.
12:50Donc, est-ce qu'on peut considérer que c'est l'extension
12:52de ces deux notions ?
12:54Oui.
12:55Bien sûr que c'est une extension.
12:57Et puis, en même temps, je voudrais rappeler quelque chose
12:59sur les sorcières blanches.
13:01C'est que les gens, quand ils étaient malades, à l'époque,
13:03n'avaient pas d'argent pour avoir accès à la médecine.
13:06La plupart des gens qui avaient un médecin,
13:08c'était des gens d'une haute condition
13:09et qui pouvaient payer, etc.
13:11Dieu sait si Molière en a parlé dans ces pièces de théâtre.
13:14Et les autres, évidemment, ils avaient affaire aux sorcières
13:17pour essayer d'avoir comme un rebouteux.
13:20Apôtre du bien, ces sorcières blanches.
13:23Et donc, tout surnaturel qui, bien évidemment,
13:24en robe, votre roman.
13:26C'est une notion essentielle.
13:28Mais il n'y a pas que cela.
13:28Parce qu'au-delà, donc, on a bien vu qu'il y a une intrigue policière.
13:31On voit bien qu'il y a une notion de surnaturel.
13:34Il y a aussi une intrigue scientifique autour de l'assassinat,
13:37concomitamment à ces femmes, de manière atroce.
13:41Eh bien, de manière tout aussi atroce,
13:43de médecins et de médecins particuliers
13:46qui considèrent que l'âme n'existe pas.
13:49Un développement qui vous permet une critique sociale,
13:51mais surtout aussi religieuse du roman, non ?
13:54– Oui.
13:55Alors, pour moi, ce n'est pas une critique religieuse.
13:57C'est un transport dans ce temps-là
14:01pour bien connaître les opinions, par exemple, des médecins.
14:05Il y avait des médecins qui étaient profondément croyants
14:07et qui avaient réglé depuis bien longtemps le problème de l'homme.
14:10Mais il y avait d'autres qui avaient une vision beaucoup plus matérialiste
14:13et qui pensaient que l'homme, c'était un organe.
14:16– Et là, ce sont des médecins d'élite.
14:17– Et oui, et pourtant, oui.
14:19Mais en même temps, qu'est-ce qu'ils veulent ?
14:20Ils veulent essayer de se détacher de l'influence de l'Église
14:23pour que la médecine joue son propre rôle.
14:25Ils croient au progrès.
14:28Alors, après, on pourra dire ce que l'on voudra sur le progrès.
14:31Mais par exemple, ils sont fascinés par les recherches anglaises
14:33sur comment circule le sang.
14:35– Bien sûr.
14:36– Et ça, ça les fascine.
14:39– Le microscope.
14:40– Bien sûr.
14:40– Alors, Colbert, lui, vous savez,
14:43Colbert, c'est un personnage extraordinaire par rapport à ça.
14:46C'est qu'il disait toujours au roi, oui, Sire, vous faites la guerre.
14:49Mais c'était toujours une guerre militaire.
14:51Moi, je fais une guerre, c'est la guerre commerciale.
14:54Et ma guerre à moi, elle ne s'arrête jamais.
14:57Il me faut les meilleurs dans tous les domaines.
14:59Donc, il va chercher des médecins en Angleterre.
15:02Il va chercher des médecins qui travaillent aussi,
15:04qui travaillent sur le microscope.
15:06Il va les chercher en Hollande.
15:08Vous vous souvenez, par exemple, pour la galerie des glaces à Versailles,
15:10il a fallu qu'il aille chercher des Vénitiens.
15:12C'est-à-dire qu'en tout domaine, il cherche les élites
15:15pour développer derrière et articuler un commerce et une industrie.
15:19C'est ça qui m'intéressait.
15:21C'était de faire voir les médecins qui étaient un petit peu bombardés
15:24de l'extérieur par des découvertes très en amont.
15:26Une église où il y en a une qui dit, pour toute façon,
15:30pour l'aide de l'homme, ils peuvent toujours chercher.
15:32Ce n'est pas de cette manière-là qu'ils vont la découvrir.
15:34D'ailleurs, c'est dit dans le livre.
15:36Parce que parfois, il y a un policier qui dit,
15:39mais moi, je n'y crois pas tellement en l'âme.
15:41Il dit, oui, mais tu as un comportement dans la vie.
15:45Et avec les plus pauvres et les plus nécessiteux
15:48qui me permettent de dire que tu en as une.
15:50– Mais sans se dévoiler les intriques du roman,
15:53parce que bien évidemment, je ne vais pas chercher à savoir
15:55qui tue ces femmes, qui tue ces médecins et pourquoi.
15:59Ça, il faut lire le roman, mais il y a une explication d'ailleurs remarquable pour ça.
16:04Il y a quand même, je trouve, une charge clairement critique
16:06sur au moins le cléricalisme, si ce n'est pas sur la religion en tant que telle.
16:11En tout cas, du Bedeau jusqu'à Beausouais,
16:14le clergé apparaît comme une force souvent agressive,
16:17manipulatrice, parfois meurtrière.
16:19– Oui, souvent.
16:20Dans ce livre-là, il y a des interventions qui sont faites par des gens
16:23qui, si vous voulez, en particulier le prêtre principal.
16:29Bon, je ne veux pas trop en dire, ni sur son nom, ni voilà.
16:32– C'est votre choix, ce n'est pas bien.
16:34– Il est un peu écoeuré par la situation qu'il voit autour de lui.
16:37C'est-à-dire qu'il a l'impression que tout le monde abandonne un peu l'Église.
16:45Les gens croient de moins en moins,
16:46ont de moins en moins de considérations pour ce qui est en place,
16:53pour le Christ, etc.
16:54Alors, il est en train de faire un constat qui dit,
16:57bon, écoutez, puisque vous ne répondez à rien,
17:00puisque vous n'obéissez à rien,
17:02que vous n'allez pas à l'Église.
17:04Eh bien, moi, je vais vous annoncer quelque chose.
17:07On va aller jusqu'au bout de l'écœurement
17:08et on va voir jusqu'où vous êtes capables d'aller.
17:11Parce que lui, il y croit fortement,
17:13mais il ne croit plus en un travail pédagogique,
17:16auprès de ces gens-là.
17:17– Enfin, en 1777, dans la réalité,
17:19il y a des gens comme Jean-Eude,
17:21qui va devenir un saint,
17:22qui est l'exemple même de la compassion.
17:25Incarné, donc, tout n'est pas mort, non ?
17:28– Mais loin de là, mais j'ajoute
17:30qu'il y en a qui, dans le livre,
17:32ne sont pas officiellement reconnus comme saint,
17:35mais qui pourraient l'être.
17:37– Il y a dans le roman un réalisme aussi,
17:39et surtout, et ça, il faut le dire,
17:41une grande précision historique.
17:42Ceux qui adorent l'histoire seront ravis
17:44que dans ce roman, on retrouve des choses très importantes,
17:47parce qu'il y a vraiment des détails minutieux
17:48sur les lieux, les personnalités, sur la ville,
17:52ces personnalités qui ont véritablement existé.
17:54En quoi ces détails sont importants pour vous ?
17:56On voit aujourd'hui des séries,
17:58je pense à Bridgerton, The Grit, Versailles,
18:01qui ne tiennent plus compte de la réalité historique,
18:04mais inventent une autre réalité.
18:06– Parce que c'est un roman historique.
18:08Donc, il y a des gens qui aiment l'histoire.
18:12Et on ne peut pas les tromper sur l'histoire,
18:15pour d'abord une raison de qualité par rapport à moi,
18:19mais deuxièmement, parce qu'ils sont friands
18:21de ces détails-là.
18:21Et je dois répondre à l'imaginaire du polar,
18:26mais à la crédibilité de l'histoire.
18:29Et la difficulté, quand on écrit un livre comme ça,
18:31c'est de trouver le bon équilibre.
18:33C'est-à-dire pas 80% d'histoire et 20% de polar,
18:36mais un espèce de rapport de 55.
18:38– Dans l'esprit de Jacques Forges,
18:40qu'est-ce qui prévaut ?
18:41Est-ce que c'est l'histoire ?
18:43Est-ce que c'est l'intrigue policière ?
18:46Est-ce que c'est la réflexion scientifique ?
18:47Est-ce que c'est la réflexion philosophique ?
18:49Parce que Racine, Molière, Bossuet, La Fontaine,
18:52elles sont là, elles sont présentes dans l'ouvrage
18:54et traversent cet ouvrage.
18:56Qu'est-ce qui plaît le plus à Jacques Forges ?
18:58– Évidemment, quand on a la chance de se promener à Versailles
19:03et puis de lire les textes de l'époque,
19:06on a tous lu La Fontaine, on a tous vu Molière,
19:09on s'aperçoit que ce sont des génies considérables
19:11et que ces gens-là, souvent le soir,
19:13se réunissaient autour de la même table.
19:15Donc, on imagine tout ça
19:17et moi, c'est ça qui m'intéresse le plus.
19:19Et puis, approchait le roi,
19:21Molière quand même, était noble
19:23et il a assisté, lui,
19:25alors que Colbert, jamais au lever du roi.
19:29Donc, tous ces gens-là, si vous voulez,
19:30m'ont fasciné
19:31et ils alimentent mon livre.
19:34Et ils lui apportent une crédibilité
19:36qui est très importante.
19:37Et puis, il y a aussi quelque chose qui est important,
19:39c'est que c'est des clins d'œil
19:40parce qu'on les a tous étudiés à l'école.
19:42On se dit, ah oui, Molière ou Racine,
19:45voilà, et ça, c'est important.
19:45– Je contourne la question,
19:47je vous la repose de manière différente.
19:48Qu'est-ce qui fait le succès du livre ?
19:50Parce que, par exemple, le premier volume,
19:52Les Fantômes de Versailles,
19:53il est sorti en livre de poche
19:54avant l'apparution du deuxième volume.
19:59Ça veut dire que le succès, il est là.
20:00Alors, ce succès, il est dû à quoi ?
20:03À la citation de Molière ?
20:05À la sorcière qu'on assassine ?
20:06– Il est dû, j'en sais rien,
20:08il faut rester très modeste par rapport à ça.
20:10– Vous avez des retours de vos lecteurs.
20:12– Le retour des lecteurs,
20:13c'est qu'ils ont l'impression
20:15qu'ils revisitent une période,
20:17d'abord qu'ils aiment tous,
20:18ils ont tous été à Versailles.
20:20Quand je dédicace, par exemple, ce livre,
20:22tout le monde regarde Versailles.
20:23Et d'un seul coup, ça illumine quelque chose pour eux.
20:26C'est le cas de le dire.
20:27Et les gens, c'est la guerre de la Michers,
20:31c'est des pièces de théâtre qu'ils ont vues,
20:35et puis franchement, on ne parle que des philosophes
20:38et des écrans, mais on pourrait parler de Lully,
20:40on pourrait parler de sculpture Puget.
20:43C'est des gens extraordinaires.
20:45L'architecture de Versailles,
20:47les jardins de Versailles,
20:50il y a un concentré sur la beauté,
20:52sur l'exigence qui est extraordinaire.
20:54– Scénariste, dites-moi entre nous,
20:58vous avez mis tous les ingrédients pour que ça fonctionne, non ?
21:01– Il faut essayer, non ?
21:02Les gens sont contents.
21:03– Est-ce que vous êtes content que ça ait fonctionné ?
21:05– Oui, je suis content que ça ait fonctionné.
21:06– J'ai trouvé le bon équilibre,
21:09c'est celui que vous m'avez indiqué.
21:10– Oui, mais je n'ai pas fait de concession.
21:12Vous voyez ce que je veux dire ?
21:13Je n'ai pas voulu rajouter des scènes
21:16qui pourraient être dans l'air du temps.
21:19Je savais très bien qu'en parlant de la religion,
21:22alors que ce n'est pas forcément ce que moi je pense,
21:24mais que j'allais choquer des gens.
21:26Mais il faut peut-être savoir que ceux qui étaient
21:27les plus durs avec les fidèles
21:29étaient peut-être ceux qui étaient le plus proche du Christ.
21:33Enfin, parce qu'eux, ils étaient absolument abasourdis.
21:37Et vous savez, ils étaient abasourdis
21:38par ce qui se passait à Versailles.
21:39Ils voyaient des cardinaux
21:42qui se portaient d'une manière ignoble
21:46et ils les dénonçaient eux-mêmes.
21:48Et moi, c'est ça qui m'a intéressé.
21:49Ce que je n'aime pas, c'est l'unité.
21:51Dans l'Église, j'ai vu qu'il y avait des choses différentes.
21:54Dans la médecine, j'ai vu des choses différentes.
21:57On ne peut pas dire,
21:57« Oh, ils sont tous comme ça. »
21:58C'est faux.
22:00Ils vont tous à des vitesses différentes.
22:01Certains ont des croyances
22:05qui ne sont pas à la même hauteur peut-être.
22:07D'autres ont des révélations.
22:08Vous verrez, dans le deuxième,
22:09il rencontre entre le roi et le père Lachaise,
22:12son professeur.
22:14Et de quoi ils parlent tous les deux ?
22:15Comment ils parlent de la mort ?
22:18Comment Louis XIV s'exprime en toute liberté ?
22:21Comment il va parler du fait
22:22que c'est un extraordinaire danseur ?
22:25Mais qu'il cède.
22:27Et il jouait beaucoup de la mandoline.
22:29Il adorait cet instrument de musique
22:30qui n'était pas très aristocratique.
22:32À l'époque, tout le monde préférait
22:34le clavecin ou le violon.
22:35Ballon, lui, il aimait la mandoline.
22:37Il explique comment il a été obligé d'arrêter
22:39parce que son statut
22:40lui a fait perdre ses passions.
22:42Et il en parle avec son confesseur.
22:44Et ce dont ils parlent tous les deux,
22:45c'est extraordinaire.
22:47Le roman, il se lit comme d'une traite.
22:50C'est mon cas.
22:51En l'occurrence, c'est pour ça que je le dis.
22:52Grâce à de nombreux rebondissements.
22:54Je reviens à ça.
22:56Ce sera ma dernière question, Jacques Forges.
22:58Ça dépend quand même d'une société
22:59où la surveillance...
23:01Il y a des policiers, des mouches,
23:02vous me direz ce que c'est.
23:03Où la surveillance est omniprésentée.
23:05Donc, je vous l'ai dit,
23:06très centralisée, très hiérarchisée.
23:08Le roi est toujours l'autorité finale.
23:10On le voit dans l'ouvrage.
23:11Le parallèle est-il possible
23:12avec la société contemporaine ?
23:14On ne parle plus de mouches,
23:15mais on parle de drones.
23:16– Oui, c'est exactement ça.
23:18Les mouches, à l'époque,
23:19c'était des mouchards.
23:20C'était des gens qui travaillaient
23:22pour la police
23:22et qui faisaient du repérage
23:24dans des lieux
23:24où les gens se rencontraient.
23:26Et puis, ils faisaient un travail
23:27de dénonciation.
23:29Donc, on remplissait des fiches
23:30sur certaines personnes
23:31pour savoir où elles allaient,
23:32qui elles rencontraient,
23:34quelles étaient leurs idées.
23:35Donc, c'était un travail.
23:37Mais si vous savez,
23:38à l'époque,
23:39je ne vais pas dire
23:40qu'il fallait être comme ça,
23:42mais on ne pouvait pas faire autrement.
23:44Parce que la France,
23:45elle a toujours été en guerre.
23:47Il y avait des infiltrés
23:48qui étaient en France
23:49et qui faisaient un travail
23:51contre le royaume.
23:52Le roi faisait très attention
23:54à la noblesse
23:55parce que la fronde
23:56lui avait laissé
23:57de très mauvais souvenirs
23:58quand il était enfant.
24:00Il se méfiait de son frère
24:01qui avait des relations
24:02qui n'étaient pas du tout
24:04les relations que lui souhaitait.
24:06Et puis, il sent bien
24:08que le royaume devient un État.
24:12Ça bouge.
24:13Qu'il y a une classe sociale
24:14qui commence à arriver,
24:15c'est les bourgeois.
24:16Et il les aime, les bourgeois.
24:18Il les fait travailler avec lui
24:19parce que quelqu'un comme Colbert,
24:20il est 16 heures par jour
24:22à son bureau.
24:23Il travaille sans arrêt.
24:25Et il s'aperçoit
24:25que cette société
24:26besogneuse de bourgeois,
24:28c'est elle qui a de l'argent.
24:29C'est elle qui crée des banques.
24:31C'est elle qui va faire démarrer
24:32et l'industrie
24:33et le commerce.
24:34Et les autres
24:35qui passent leur tendance.
24:36C'est lui qui a voulu
24:37qu'ils soient sous son regard
24:38en étant tous à Versailles.
24:40Mais il n'a pas d'admiration pour eux.
24:43Voyage dans ce théâtre
24:44d'ombre et de lumière
24:45où la magie côtoie
24:46la science
24:47et la quête de vérité.
24:48Les pires pulsions criminelles,
24:50je le disais en exergue
24:51et je le dis en conclusion.
24:54Merci beaucoup.
24:55On va découvrir
24:55qui sont ces princes de la nuit.
24:58Moi, j'ai déjà un prénom,
25:00Adrien,
25:01colecteur de Dévinet.
25:03Vous allez sur le site tvl.fr.
25:05Bien évidemment,
25:06c'est un ouvrage
25:06de Jacques Forjas
25:07publié chez Albain Michel.
25:09Il est en vente
25:09sur le site tvl.fr.
25:11Vous allez dans la boutique de TVL.
25:13Vous connaissez le chemin.
25:13Sous-titrage Société Radio-Canada
25:15Sous-titrage Société Radio-Canada
25:15Sous-titrage Société Radio-Canada
25:16Sous-titrage Société Radio-Canada
25:17Sous-titrage Société Radio-Canada
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