00:00Là, c'est quand j'ai donné naissance à Mohamed, et quand je cherchais Heba.
00:16Elle n'était plus avec moi déjà, je n'avais aucune idée où elle se trouvait.
00:21Soukaina El-Jbawi a vécu ce que tous parents redoutent, l'enlèvement de son enfant.
00:27Accusée d'appartenir au groupe Etat islamique, elle est arrêtée par les forces de sécurité du régime de Bachar al-Assad en 2018.
00:37Ce jour-là, la police a encerclé la maison. Ils m'ont arrêtée. J'étais enceinte de quelques mois de mon fils.
00:45Ils m'ont embarquée avec Heba. Elle n'avait même pas encore deux ans.
00:50En prison, au bout d'un certain temps, peut-être une vingtaine de jours, des gardes sont venus toquer à la porte de la cellule.
00:58Ils ont dit aux femmes, préparez les enfants. On n'a pas compris, on a pensé qu'ils venaient les chercher pour leur faire voir un peu la lumière, ou les autoriser à jouer dehors.
01:06Mais une détenue emprisonnée depuis longtemps nous a dit que c'était le moment où ils confisquaient nos enfants.
01:11Elle se souvient des pleurs des mères et des menaces des gardes si elle se rebellait.
01:15Sa fille lui est arrachée. Pendant plus de sept mois, elle ignore tout du sort de Heba.
01:22Mais elle a de la chance. Après sa libération, elle parvient à retrouver la trace de son enfant dans un orphelinat après de longs mois d'enquête.
01:30En mai dernier, les nouvelles autorités syriennes ont fondé un comité dédié à la recherche de ces enfants confisqués.
01:42Beaucoup de cas similaires ont eu lieu entre 2013 et 2018.
01:49A l'époque, les services de sécurité arrêtaient des familles entières, des vieillards, des femmes et même des enfants.
02:02Peu importe qui se trouvait à proximité de leur cible.
02:05Ils séparaient les hommes des femmes et des enfants et envoyaient ensuite les plus jeunes dans des orphelinats.
02:11Les services de sécurité locaux envoyaient les dossiers au ministère des Affaires Sociales qui se coordonnaient avec les orphelinats.
02:25Le gouvernement s'assurait auprès du ministère des Affaires Sociales que leurs dossiers ainsi que leurs identités restent confidentiels.
02:36Cela constitue un crime.
02:37C'est l'une des pratiques les plus sordides du régime de Bachar al-Assad.
02:44Pendant plus d'une décennie, des enfants ont été retirés à leurs parents et cachés dans les orphelinats du pays.
02:51Leur identité dissimulée, leur nom modifié.
02:55Tout a été fait pour qu'ils soient difficiles à retrouver par leur famille.
02:59Ils se sont ensuite volatilisés.
03:02La Han al-Hayat a accueilli la plupart de ses enfants.
03:04L'établissement était classé en zone militaire et interdit d'accès jusqu'à la fin 2024.
03:12Les services de sécurité sont venus récupérer l'enfant.
03:17Il a été placé sous notre responsabilité.
03:20Dans ce classeur, les quelques rares documents retrouvés par le nouveau directeur prouvant le passage de certains enfants dans l'établissement.
03:30À la Libération, beaucoup de gens se sont pressés ici pour nous demander si nous avions leur enfant.
03:40Nous avons tout de suite beaucoup travaillé pour leur donner des réponses.
03:43Mais nous n'avons pas le nombre exact d'enfants qui est passé par cet orphelinat.
03:49Notre équipe a beaucoup interrogé les assistantes maternelles qui travaillaient ici pour avoir des réponses.
03:54Car la plupart des documents et des photos ont disparu.
04:02Trois orphelinats sont sous le feu des critiques, dont celui de la célèbre organisation internationale SOS Village d'Enfants.
04:09Une ancienne employée assure qu'elle n'avait pas le choix que de suivre les instructions des autorités.
04:14C'était triste. Ils arrivaient ici tout effrayés.
04:23Combien d'enfants vous aviez ?
04:24Il y en avait beaucoup. On ne pouvait plus les compter.
04:30Et combien arrivaient par jour ?
04:32Leur nombre augmentait beaucoup. Parfois, on en recevait plus d'un par jour.
04:35Ils arrivaient dans des voitures militaires. Ils passaient quelques temps avec nous.
04:39Et ensuite, les services de sécurité les reprenaient. On n'a jamais su où ils étaient emmenés.
04:43SOS Village d'Enfants a fait savoir qu'ils avaient ouvert une enquête.
04:49Dans un communiqué, l'organisation condamne ces pratiques.
04:53Cela n'aurait jamais dû se produire.
04:55Nous reconnaissons que malgré nos meilleures intentions,
04:58certaines décisions prises au cours de cette période n'ont pas été à la hauteur des standards que nous nous fixons.
05:02Nous tirons des leçons de ces manquements et avons pris des mesures concrètes pour empêcher qu'ils ne se reproduisent.
05:08Après leur passage dans les foyers, que sont-ils devenus ?
05:10Les plus jeunes ont-ils été adoptés illégalement ?
05:14Les plus grands, envoyés à l'armée, sont-ils morts ?
05:18Depuis mai 2025, une soixantaine seulement a été retrouvée dans les centres d'accueil.
05:23Un an après la chute de Bachar al-Assad, l'ouverture des prisons et des orphelinats,
05:28l'espoir s'amenuise pour les familles.
05:31Malak Ahmed Oda cherche toujours Maher, son fils arrêté dans son école en 2012.
05:36Voilà Maher. C'était le jour de sa disparition.
05:41Je l'avais emmené au collège.
05:43On a pris des photos dans le parc car il avait des nouveaux vêtements.
05:49Maher avait 14-15 ans quand il a disparu.
05:52Je l'ai cherché partout et je n'ai pas trouvé la moindre trace de lui.
05:56A la libération, je l'ai cherché dans les prisons, dans les orphelinats,
06:05même dans des centres de détention pour jeunes.
06:07Et je n'ai rien trouvé.
06:13En tant que mère qui a déjà perdu plusieurs fils, je désespère.
06:17Mais au fond de mon cœur, quelque chose me dit que je vais bientôt le retrouver.
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