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00:00On va parler de toutes ces interrogations avec notre invité Thomas Sottinelle.
00:03Bonjour, vous êtes journaliste au Monde.
00:05Merci beaucoup de nous apporter des éléments de compréhension.
00:08On comprend déjà que c'est un bouleversement pour tout le secteur, cette annonce de rachat.
00:14Oui, c'est certainement l'un des plus grands tremblements de terre
00:19qui est connu Hollywood ces dernières années.
00:21Plus important encore que le rachat de la Fox par Disney, par exemple,
00:26qui avait marqué déjà un passage à un stade supérieur de la concentration.
00:32Là, c'est différent puisque ce ne sont pas deux acteurs du secteur qui se rapprochent.
00:39C'est un acteur extérieur au système des studios hollywoodiens, Netflix,
00:44qui acquiert l'un des plus prestigieux et l'un des plus importants studios de cinéma.
00:51Et ça reste un studio de cinéma puisque Warner, cette année, a connu des succès marquants
00:59avec de vrais films comme Sinners ou Une bataille après l'autre.
01:03Et on se demande ce qui va se passer puisque Netflix a toujours fait profession
01:09de ne pas considérer la salle comme un élément essentiel de la vie d'une production, d'un film.
01:17Le co-créateur d'ailleurs de Netflix a déclaré en 2014 que les gens ne s'intéressent pas aux classiques.
01:23Et là, c'est l'inverse qui se produit puisqu'ils sont capables de débourser une telle somme
01:27pour finalement acquérir, vous venez de le dire, ce prestigieux catalogue de la Warner.
01:32Alors, les gens ne s'intéressent pas aux classiques.
01:36C'est sans doute vrai.
01:37En tout cas, c'est une petite minorité de gens qui vont s'intéresser au fond de catalogue de Warner
01:42qui, par ailleurs, il faut le signaler, comprend aussi celui de la métro Goldwyn Mayer
01:48des années 30 et 40, c'est-à-dire Le magicien d'Oz, Autant en emporte le vent,
01:53qui ont été rachetés il y a déjà très longtemps.
01:55Mais les gens s'intéressent, ça dépend de ce qu'on appelle les classiques.
02:01Harry Potter, maintenant, est devenu un classique.
02:04Certains films Warner des années 80 et 90 sont devenus des classiques.
02:11Je pense aux Affranchis de Martin Scorsese, par exemple.
02:14Ça, c'est un fond de commerce.
02:17Et puis, Netflix n'a pas acheté seulement le studio de cinéma.
02:23Elle achète aussi HBO et son catalogue.
02:26Et là, c'est encore un autre secteur de Hollywood
02:30qui connaît une concentration sans précédent.
02:32La grande rivalité de ces dernières années, en matière de séries télévisées,
02:39c'était entre HBO, qui après a changé de nom, est devenu Max, HBO Max, etc.,
02:45et Netflix.
02:46Et cette rivalité, elle est réduite à néant.
02:50Elle va devenir une coordination, exactement ce qu'on a vu en matière de cinéma
02:54entre Fox et Disney.
02:56Et d'ailleurs, en général, dans ce genre d'opération,
03:00la partie qui est rachetée, qui est absorbée,
03:03dont on garantit l'identité au moment du rachat,
03:07en général, s'étiole et finit par se fondre dans la grande entité
03:12que représente l'acquéreur.
03:14Il faut rappeler qu'il y a 20 ans,
03:15Netflix n'était qu'un simple loueur de DVD.
03:18Aujourd'hui, c'est le plus grand service de streaming au monde,
03:22avec plus de 300 millions d'abonnés.
03:24Quelle est, selon vous, la stratégie que poursuit la plateforme ?
03:30Alors, la question aujourd'hui est de savoir si cette stratégie est en train de changer.
03:36C'est-à-dire, est-ce que Netflix, contrairement à tout ce qu'a toujours professé
03:42son dirigeant principal, Ted Sarandos,
03:46se dit finalement, la salle, ça peut être intéressant pour autre chose
03:50que de faire la promotion d'une production qui sera bientôt en plateforme ?
03:57Est-ce que Netflix a changé d'avis ?
03:59Rien ne l'indique pour l'instant, puisque, par exemple,
04:02le dernier épisode de Stranger Things, qui va arriver au moment du jour de l'an,
04:07sera montré en salle deux jours,
04:09puisque ce dernier épisode dure deux heures.
04:14La salle, c'est juste une vitrine, une manière d'exposer les films.
04:18Pour Netflix, jusqu'ici.
04:20Peut-être ont-ils changé d'avis.
04:22Mais l'autre hypothèse, c'est le rachat pour étouffer,
04:28pour supprimer un concurrent de tout premier rang.
04:31Un concurrent qui, non seulement, éloigne les gens de leurs salons,
04:36enfin, de leurs appareils sur lesquels ils regardent Netflix,
04:40mais qui aussi fait concurrence sur le terrain des séries,
04:45de la fiction, à Netflix, via HBO.
04:48Il est possible aussi, il n'est pas même probable,
04:53que cette opération ait pour première raison d'être
04:58la volonté de neutraliser un puissant concurrent.
05:03Les négociations ont été longues, intenses,
05:06des semaines de compétition, notamment avec Paramount, Skydance et Comcast.
05:10Dans tous les cas, ça a annoncé une concentration forte à présent à Hollywood.
05:17Oui, mais c'est vrai que les deux autres candidats,
05:20Paramount et Comcast, avaient des profils très différents.
05:25Alors, Paramount vient d'être racheté par David Edison,
05:30fils de Larry Edison, le fondateur d'Oracle,
05:33une des plus vieilles et plus riches sociétés de la tech.
05:40Et Paramount est une firme qui est en cours à la Maison-Blanche,
05:45au point d'avoir récemment annoncé qu'elle distribuerait un film
05:50dont Donald Trump souhaitait la mise en production.
05:55Mais, et par ailleurs, Comcast, qui a un studio,
06:01qui détient un studio, en l'occurrence Universal,
06:04reste un profil beaucoup plus classique de sociétés,
06:09de grandes majors hollywoodiennes.
06:13Donc, ce ne sera ni la société issue de la tech,
06:18financée par la tech, c'est-à-dire Paramount,
06:21et marquée politiquement,
06:23ni le studio classique qui continue de produire des films pour les salles,
06:30mais c'est Netflix qui est l'acteur qui,
06:35depuis qu'effectivement, comme vous le rappeliez,
06:39depuis qu'il s'est transformé de loueur de DVD
06:41en fournisseur de programmes via l'Internet,
06:48est devenu le géant qui bouleverse sans cesse
06:53et refaçonne sans cesse le paysage du cinéma.
06:56Il faut encore que les autorités financières et légales
06:58acceptent cette vente.
07:00Ça pourrait prendre 12 à 18 mois.
07:04On a entendu les réticences, les inquiétudes s'exprimer.
07:07Je vais citer l'association professionnelle
07:09qui représente des salles de cinéma aux Etats-Unis,
07:12menace sans précédent pour le secteur mondial
07:14de l'exploitation cinématographique,
07:16même son de cloche chez le syndicat des réalisateurs américains.
07:19Il faut que, pour que le secteur soit dynamique,
07:22concurrentiel, qui favorise la créativité et la compétition,
07:25ils vont exprimer leurs préoccupations auprès de Netflix.
07:28C'est vrai que tous ces développements
07:30vont avoir des conséquences, on le disait,
07:32sur les salles américaines,
07:34mais sur tout le cinéma mondial,
07:35ça ne va pas être circonscrit aux Etats-Unis.
07:39Non, bien sûr.
07:40En France, Netflix a environ 13 millions d'abonnés.
07:44C'est une puissance incontournable.
07:46C'est d'ailleurs pour ça que TF1 a récemment conclu
07:49un accord avec Netflix
07:51par lequel les productions de TF1
07:54seront exposées sur la plateforme.
07:57Et on imagine bien que Netflix,
08:01si effectivement, comme vous le rappeliez,
08:03le processus va à son terme,
08:04c'est une question, effectivement,
08:07la sénatrice Elizabeth Warren
08:10se rappelait que ça allait complètement
08:13à l'encontre de la loi antitrust,
08:15mais aujourd'hui, on sait très bien
08:16que la régulation aux Etats-Unis
08:18dépend des caprices de la présidence,
08:22et c'est vrai que Netflix n'est pas en cours à Washington.
08:25Mais si le processus va à son terme,
08:28il est bien évident que Netflix redoublera d'efforts
08:31pour défaire les réglementations européennes
08:34qui préservent les cinémas nationaux,
08:37celles qui, en France,
08:39d'une part,
08:41permettent le financement des productions nationales
08:45grâce au prélèvement de taxes
08:50sur les revenus des producteurs et diffuseurs américains,
08:56mais aussi, c'est le calendrier des médias
09:00qui prévoit qu'un film ne peut pas être mis
09:03sur une plateforme au bout de 15 jours
09:05après sa sortie en salle.
09:07Or, ces 15 jours, c'est le délai favori de Netflix.
09:11Greta Gerwig, qui réalise une suite de Narnia
09:15pour Netflix,
09:16une très, très grosse production,
09:18a bataillé bec et ongles
09:21pour obtenir que son film soit exposé
09:2315 jours dans les salles
09:24et Netflix a dû plier
09:29parce que Greta Gerwig peut se prévaloir
09:31du succès de Barbie.
09:33Mais en France,
09:34qu'est-ce qu'on va pouvoir opposer à Netflix,
09:37à sa force,
09:38surtout qu'on constate
09:39que les politiques culturelles en Europe
09:42sont mises à mal
09:44par la crise et par les mouvements politiques.
09:47Thomas Soutenia,
09:48ce sera ma dernière question.
09:49L'objectif de Netflix,
09:50c'est de divertir.
09:51On a entendu ses dirigeants déclarer
09:53« Nous pouvons offrir au public davantage
09:54de ce qu'il aime
09:55et contribuer à façonner
09:57l'avenir de la narration au XXIe siècle ».
09:59Ce qu'on retient,
10:00c'est ce mot « façonner ».
10:02C'est vrai que détenir le pouvoir
10:04de la fiction,
10:06du divertissement,
10:07c'est façonner des sociétés
10:09américaines, françaises,
10:10européennes, asiatiques, africaines.
10:13Oui, bien sûr.
10:14Et c'est vrai que le pouvoir de Netflix
10:16est immense.
10:18Pour l'instant,
10:19il faut le reconnaître,
10:20qu'il l'a utilisé
10:21avec beaucoup de modération
10:24et de finesse
10:26en s'adaptant à chaque pays.
10:29Quand on regarde Squid Game,
10:31on voit une série coréenne.
10:33Quand on regarde
10:34La Casa de Papel,
10:35qui n'était pas une création
10:37Netflix par ailleurs,
10:38mais on voit une série espagnole.
10:41Est-ce que ça va durer ?
10:42On sait aussi que Netflix
10:43veut une uniformisation
10:46depuis que, grâce à Squid Game
10:48et aussi à Lupin, par exemple,
10:51on a découvert,
10:52ses dirigeants ont découvert
10:53qu'on pouvait faire
10:54beaucoup d'argent
10:55avec des productions
10:55à l'international.
10:57On pouvait atterrir
10:58des millions de spectateurs
10:59hors du pays d'origine des séries.
11:02Donc, il y aura forcément
11:03une standardisation.
11:05Et c'est vrai que ce pouvoir
11:06est immense
11:07et qu'on ne peut pas
11:08se reposer uniquement
11:10sur des engagements
11:11très flous
11:12que prennent
11:13les dirigeants de Netflix.
11:16On ne peut pas
11:17se contenter
11:17de ces engagements
11:18pour la modération
11:20de ce pouvoir.
11:21Thomas Sotnel,
11:22merci beaucoup
11:23d'avoir répondu
11:23à nos questions,
11:24d'avoir apporté
11:25ces éléments
11:25de réflexion
11:26et de compréhension.
11:28Et donc, on attend
11:28de voir ce que va donner
11:29ce processus
11:31qui va prendre
11:32encore plusieurs mois.
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