00:00Et donc je voulais vous raconter, parce que je trouve que c'est hyper important de comprendre exactement qu'est-ce qui s'est passé mardi.
00:11De ne pas se tourner la face, de ne pas dire que l'Etat fait ce qu'il faut et les éleveurs-là, ils n'ont pas fait ce qu'il fallait.
00:23Donc j'ai écrit un petit texte, un petit compte-rendu.
00:31Suite à l'appel de la famille Lhomme, relié par la Confédération Paysanne et la Coordination Rurale, nous sommes arrivés à la ferme lundi soir vers 20h.
00:40Les gendarmes nous ont laissés gentiment passer en voiture, bien qu'ayant compris que nous allions, avec la soupe et le réchaud, manger avec une centaine d'amis.
00:51Une demi-heure plus tard, personne n'avait plus accès par le village.
00:56Il y avait beaucoup de paysans de la Coordination Rurale là, surtout les jeunes, et beaucoup d'amis, des enfants du lycée à l'école.
01:05Parce qu'ils ont deux enfants qui sont au lycée.
01:09On était quelques confédérés, dont la porte-parole du doux, Laurence Lyonnais, et son compagnon, qui nous servait des bonnes frites maison.
01:16Ambiance conviviale, mais en même temps chargée, vu les enjeux et les vaches dans les tables à quelques mètres de nous.
01:25Les autorités sont venues, demandant à Cédric Lhomme de signer l'accord de l'abattage, chose qu'il a refusée dans le calme.
01:34Céline et Cédric sont des gens extraordinaires, posés, droits dans leurs bottes, clairs dans leurs intentions.
01:42Le jour J, on se réveille les troupes vers 5h du matin.
01:48On essaye de se tenir prêts avec des tracteurs en position.
01:53Le mot d'ordre est de rester calme, pas de débordement, mais du soutien physique et moral à la famille.
02:01Malgré les consignes de bloquer les tables très tôt, les jeunes, un peu naïfs, ne se mettent pas en place.
02:08Les deux moissonneuses bateuses attendent, pensant que les forces de l'ordre débarqueraient dans le chemin principal de la ferme.
02:15Aux alentours de 7h, on voit une quinzaine de bus plein de gendarmes.
02:20Très vite, c'est le chaos.
02:22On voit que les CRS rentrent partout à pied et une partie des manifestants se sépare du groupe pour aller vers le bâtiment de l'élevage.
02:31Nous sommes en deux groupes quand deux agriculteurs essayent de repositionner les tracteurs devant la ferme très doucement.
02:41Les gendarmes sortent violemment des cabines, les plaques par terre et on apprend très vite que le plus jeune est accusé de tentative d'homicide.
02:51Ça a été après, dans l'après-midi, recalé en quelque chose de moins grave, mais je trouve que c'est très grave.
03:00Il y avait en effet un gendarme à l'arrière du tracteur qui avait largement le temps de bouger le mètre nécessaire pour laisser le paysan déplacer son tracteur dans le calme.
03:09Le but n'était que de bloquer les camions d'écarissage, pas de charger les CRS.
03:21Les camions d'épanneurs les auraient déplacés ensuite sans encombre.
03:27Un peu plus tard, il est déjà évident que cette situation divise les familles, les patelins, les humains.
03:33On entend un habitant du village, plein de colère, demander au chauffeur du camion d'épanneurs
03:40s'il dira chez son propre cousin, éleveur de vaches laitières, dans le même village la semaine prochaine
03:47pour déplacer les blocages si son troupeau doit se faire abattre.
03:52Après plusieurs heures d'attente, dans la matinée, on est rejoint par des centaines de manifestants
03:59obligés de marcher plusieurs kilomètres pour rejoindre la ferme.
04:05Il y a même un homme en fauteuil roulant.
04:08On apprend qu'il y a des GIA dans le groupe et qu'ils sont là contre le gré des cadres du syndicat.
04:17Il y a des gilets jaunes aussi.
04:18Plein de gens parlent du Covid de cette période comme déclencheurs d'une époque de répression
04:26et contrôle insensé de l'État en France.
04:29Beaucoup de colère et incompréhension.
04:34Vers 11h, on est près de 500 en deux groupes entourés de 178 gendarmes et CRS.
04:41Il y a pas mal de médias.
04:44Il est 11h30, on attend toujours la décision de la justice.
04:48Les responsables syndicaux disent que les forces de l'ordre ont décidé de nous expulser,
04:53expulser avant même l'annonce de la décision.
04:56Céline Lhomme nous rappelle que la famille ne souhaite pas de violence
05:01et que si la décision est de l'abattage du dupeau, ils souhaitent qu'il soit fait dans le calme,
05:08pour le bien-être et la dignité des animaux.
05:11On se met en place pour désobéir pacifiquement la chaîne humaine devant la porte de l'étable.
05:21Les gendarmes sont devant le bâtiment en bloc.
05:24L'ordre est donné de nous dégager.
05:26On lit dans les yeux des CRS qu'ils aiment la confrontation,
05:32y compris avec les citoyens non armés qui défendent des êtres vivants.
05:38Il y a des gens en colère.
05:40J'entends la Marseillaise.
05:42Je prends les bras de mes deux voisins.
05:45On tient une minute trente avant que le gaz lacrymogène nous éparpille.
05:49Voilà toute l'efficacité de la fonction publique.
05:56La plupart du groupe de soutien est maintenant de l'autre côté de la clôture en face des gendarmes.
06:02Quand les vétérinaires et les carissages débarquent,
06:05les manifestants jettent de la boue sur les voitures et hurlent.
06:09Pas de briques, pas de cailloux,
06:11mais les gendarmes lancent encore des bombes, poivres et lacrymogènes.
06:15Heureusement qu'il y a des flaques d'eau dans le pré pour soulager un peu sa pique.
06:21Nous revenons vers la clôture sans pouvoir accéder à la cour de la ferme.
06:26C'est le calme de nouveau.
06:29Arrivée 15h, Céline, l'éleveuse, nous annonce au fond la décision.
06:37La justice refuse le recours.
06:41Abattage total immédiat.
06:45Par une prise de parole pour remercier les manifestants et le soutien,
06:50Céline et Cédric demandent aussi le retour au calme
06:53pour que les vaches puissent partir dans la dignité.
06:57Les manifestants quittent les lieux comme promis.
07:00La famille rentre chez eux, mais ils entendent l'abattage
07:03et les enfants qui rentrent de l'école à 16h30 voir leurs vaches
07:07baînées dans un manitou, dans un camion pour l'écarissage.
07:1183 vaches tuées au nom du commerce international.
07:18Même le veau n'est dans la nuit du lundi à mardi.
07:22Quel caspillage, de la violence pour rien,
07:26quel manque d'humanité.
07:29On ne peut pas garder le silence.
07:31Là, il faut agir.
07:32Merci.