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00:00Autre séquence diplomatique majeure pour l'avenir de l'Ukraine, celle d'Emmanuel Macron en Chine.
00:05Un voyage sous les projecteurs et un accueil en grande pompe.
00:09Mais pour quel résultat ? Le président français achève son voyage avec un appel à l'unité entre Européens et Américains,
00:14alors que Pékin reste de son côté l'un des rares soutiens de Moscou dans la guerre en Ukraine.
00:20On écoute Emmanuel Macron.
00:22J'ai vu une volonté du président de contribuer à la stabilité, à la paix,
00:27et il a pris en compte les arguments que je citais pour les Européens d'avoir une paix robuste et durable.
00:36C'est-à -dire qu'il y a des éléments qui garantissent à l'Ukraine qu'elle ne puisse pas être soumise à de nouvelles agressions.
00:42Et donc oui, nous avons avancé.
00:43Nous avons acté que nos ministres des Affaires étrangères procéderont à un dialogue renforcé dans les prochaines semaines et les prochains mois
00:49pour aboutir Ă un document conjoint.
00:52Et quel bilan tirer de ce déplacement en Chine du chef de l'État ?
00:56On décrypte les enjeux avec vous, Marie Holzman, sinologue, présidente de Solidarité Chine.
01:03Bonjour.
01:04Globalement, si on prend un peu de recul maintenant que la visite est terminée,
01:08que retenir ? C'est un coup d'épée dans l'eau ?
01:13On ne peut jamais dire.
01:15Peut-être que ce ne sera pas un coup d'épée dans l'eau.
01:16Mais c'est vrai que le curseur semble assez bas.
01:23On ne peut pas avoir de grands espoirs.
01:25Xi Jinping a très clairement dit qu'il ne pouvait pas grand-chose sur Poutine,
01:29que Poutine menait son affaire et que lui, il voulait la paix.
01:34Mais il dit qu'il veut la paix.
01:35Il n'a pas dit que nous allons cesser de lui acheter du pétrole et ainsi d'encourager l'effort militaire.
01:42Par ailleurs, on sait que la Chine a transféré des éléments qui contribuent à l'arsenal militaire de la Russie.
01:49Et Xi Jinping l'a nié.
01:51Mais lĂ , je crois qu'il a menti.
01:53Est-ce que vous pouvez nous aider Ă comprendre la prise de parole d'Emmanuel Macron,
01:58celle de ce matin quand il a achevé sa visite en Chine ?
02:02Juste avant de partir, il disait que l'unité entre les Américains et les Européens sur la question ukrainienne est indispensable.
02:08Pourquoi dire ça depuis Chengdu en Chine ?
02:11Est-ce que c'était le bon endroit, le bon moment pour le faire ?
02:15Pourquoi pas ?
02:16Pourquoi pas ?
02:16C'est un message pour le reste du monde et pour la Chine en particulier de dire
02:21« Faites attention, si nous arrivons à faire l'unité du monde au sujet de la Russie et que vous en êtes exclu, vous ne serez pas inclus. »
02:30Mais j'ai bien peur que ce ne soit pas quelque chose qui fasse peur Ă Xi Jinping.
02:35Parce que Xi Jinping a toujours joué la désunion.
02:37Au début du développement économique chinois, le président de l'époque s'occupait toujours de courtiser une fois l'Allemagne, une fois la France, une fois l'Angleterre.
02:50Et puis il signait des contrats avec les uns, avec les autres.
02:53Et résultat, l'Europe n'a jamais été unie dans ces contrats avec la Chine.
02:58Au lieu de faire des contrats conjoints, par exemple franco-allemands, nous avons toujours fait des contrats nationaux.
03:05Et lĂ , ce voyage, c'est la mĂŞme chose.
03:09Emmanuel Macron sera en Chine tout seul, dans quelques semaines c'est le chancelier allemand, dans quelques semaines c'est le premier ministre britannique.
03:16Alors qu'aller ensemble, tous les trois en Chine, aurait été quelque chose de beaucoup plus spectaculaire.
03:23Peut-ĂŞtre pas tellement plus efficace, mais en tout cas une forme d'affirmation que la France appartient Ă l'Europe, appartient au monde.
03:33Tandis que là , on est bon juste un petit français si j'ose dire.
03:36Vous pensez que Xi Jinping a peur de l'Europe ?
03:41Il n'a pas peur, parce que jusqu'à présent, tous les présidents chinois ont réussi à semer une forme de zizanie au sein de l'Europe.
03:49Regardez aujourd'hui maintenant, certains présidents comme Orban, comme les serbes, ils sont tout à fait d'accord avec les russes et avec les chinois.
03:58On a failli construire une université 100% chinoise dans la capitale de la Hongrie, et c'est la population hongroise qui s'y opposait.
04:09Mais Orban était tout prêt à accueillir la Chine à bras ouverts.
04:13Donc c'est effectivement le président français seul qui est arrivé en Chine.
04:19Vous déplorez qu'il ne soit pas venu accompagné de ses homologues européens, ça aurait eu plus d'impact.
04:25Si je vous comprends bien, malgré tout, c'est bien tout seul qu'il est venu.
04:29Est-ce que c'est en position de faiblesse que le chef de l'État est arrivé en réalité ?
04:35Aujourd'hui, nous sommes objectivement en position de faiblesse, ne serait-ce qu'à cause de notre déficit commercial qui se monte à 46,4 milliards de dollars.
04:46C'est moins que les Allemands qui sont à 64 milliards de dollars de déficit.
04:51On peut dire qu'on est un peu moins mauvais qu'eux, mais Ă peine.
04:55Donc, oui, on est en position de demandeur.
04:59On est en train de demander aux Chinois de nous exporter un peu moins de produits, d'importer un peu plus de produits français.
05:07On n'est plus du tout en état de force.
05:11Dans le temps, les Chinois avaient besoin d'acheter nos centrales nucléaires.
05:14Et Dieu sait s'ils en ont acheté, mais toujours avec un transfert technologique.
05:19Donc, maintenant, non seulement ils n'achètent plus nos centrales nucléaires, mais en plus, ils en vendent partout à travers le monde.
05:26En Indonésie, ils ont essayé d'en vendre en Grande-Bretagne et dans tous les autres pays d'Asie.
05:32Donc là , nous avons perdu un énorme marché.
05:34MĂŞme chose avec le TGV.
05:36On a commencé à travailler avec eux.
05:38Et maintenant, ce sont eux qui font les trains les plus rapides, les plus efficaces du monde.
05:43Donc, nous n'avons plus ces gros contrats.
05:46À l'époque, on était quelque part en force à cause de notre technologie développée, etc.
05:51Et maintenant, ce sont les Chinois qui ont développé la technologie.
05:55Mais donc, c'était perdu d'avance, cette visite, si je vous comprends bien, puisque le rapport de force est totalement en défaveur de la France.
06:05On n'est pas totalement en défaveur.
06:07La France a quand même quelques attraits, ne serait-ce par exemple que pour ses universités.
06:12Vous avez bien remarqué que l'Amérique de Trump est devenue très hostile aux étrangers,
06:18et en particulier aux Chinois, qui sont presque tous accusés d'être des espions.
06:23Et donc, vous avez beaucoup d'étudiants chinois qui souhaitent venir étudier en France.
06:27Ça, c'est un atout quand même.
06:28Mais ça, ça peut peser dans la balance.
06:30C'est suffisant, c'est un levier suffisamment fort pour Emmanuel Macron pour obtenir des concessions.
06:37C'est un levier important, oui, parce que les Chinois tiennent beaucoup à l'éducation de leurs enfants.
06:42Donc, ça compte pour eux.
06:43Mais est-ce que ça va forcer Xi Jinping à faire des concessions à la France maintenant ?
06:48Ça, ça m'étonnerait.
06:50Quels sont les autres leviers dont dispose le chef de l'État pour faire face à Pékin ?
06:55Je dirais que le levier le plus important, c'est le Conseil de sécurité de l'ONU.
07:02La Chine fait partie du Conseil de sécurité, la France, la Grande-Bretagne, etc.
07:06Et donc, je crois que c'est Ă ce niveau-lĂ qu'il faut se placer.
07:10Il faut rappeler à la Chine ses responsabilités face à la sécurité dans le monde.
07:16Or, la Chine, avec la Russie, qui est aussi au sein du Conseil de sécurité de l'ONU,
07:27il pèse trop lourd maintenant.
07:29Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
07:31Est-ce qu'il faut repenser le monde, créer de nouvelles associations ?
07:35C'est ce que la Chine est en train de faire.
07:37L'accord de Shanghai, c'est ça.
07:39Xi Jinping essaye de ramener à lui tous les États qui sont un peu marginaux,
07:45comme le Brésil, l'Iran, l'Afghanistan, le Kyrgyzstan, etc.
07:50Et c'est lui qui va peut-être créer une forme d'ONU de la coopération de Shanghai
07:56qui risque de détrôner les faits et l'influence de l'ONU.
08:01En tout cas, Ă ce stade, la Chine a clairement choisi son camp,
08:05notamment sur le dossier ukrainien.
08:08Absolument, absolument.
08:10Et là où nous, nous ne pouvons pas reculer, c'est sur la déclaration des valeurs.
08:15Il faut absolument, par exemple, quand on va en Chine,
08:19de dire que nous nous étonnons qu'il n'y ait pas de syndicats indépendants en Chine.
08:24Pourquoi est-ce que les prix restent si bas en Chine ?
08:26C'est tout simplement parce que les ouvriers n'ont personne pour les représenter
08:30et qu'ils ne peuvent pas négocier leurs salaires.
08:33Non seulement ils ne peuvent pas négocier nos salaires,
08:36mais nous savons que dans d'ombreuses usines,
08:39les salaires, tenez-vous bien, n'ont pas été payés depuis 2024.
08:43Et les ouvriers ne peuvent pas se défendre.
08:46Donc on voit bien qu'il y a un déséquilibre terrible
08:49entre notre niveau, disons, de protection sociale
08:53et le niveau de protection sociale de la Chine,
08:56qui n'est pas à zéro, il est à moins 25.
08:59Dans tout ce que Paris pourrait obtenir de la Chine,
09:03est-ce qu'il ne risque pas de devenir transactionnel ?
09:06C'est du moins le mot qu'utilisent certains observateurs
09:09pour désigner cette méthode, à savoir sacrifier un dossier
09:13pour en obtenir un autre, pour obtenir quelque chose d'autre.
09:17Est-ce que le sort de TaĂŻwan, par exemple,
09:20pourrait suivre cette logique-lĂ ?
09:24Ça, ce serait quelque chose d'absolument épouvantable
09:26et de totalement immoral.
09:28Nous sommes restés totalement insensibles à l'écrasement de Hong Kong.
09:33Hong Kong, c'était un pays de système, théoriquement,
09:36jusque 2047.
09:40On est loin de 2047.
09:42La Chine a déjà écrasé les dernières valeurs démocratiques de Hong Kong
09:46et a mis en prison les personnages les plus importants,
09:50comme Jimmy Lai, Lee Shok-Kien, des journalistes, des juristes, etc.
09:57Donc maintenant, TaĂŻwan est parfaitement au courant.
10:00Ils savent qu'il n'y aura pas un pays de système
10:03et que si la Chine reprend TaĂŻwan,
10:06elle le mettra dans son système totalitaire
10:10et qu'elle perdra tous ses avantages démocratiques.
10:13Donc lâcher Taïwan, ce serait un vrai crime.
10:16Ce serait lâcher 23 millions d'habitants
10:19dans les mains d'un dictateur.
10:21En tout cas, il n'y a pas de signe aujourd'hui
10:22qui pencherait justement en faveur
10:25de voir Paris lâcher un peu de l'Est sur Taïwan.
10:28Du côté de la France, pour le moment, non.
10:31Il n'y a pas eu ce genre de signe.
10:34La Chine qui a par ailleurs dégainé une arme
10:36qui n'en finit pas d'affecter les échanges
10:39avec son nouveau système de licence qui a réduit
10:41et rendu encore plus incertaine
10:43ses livraisons de terres rares dont on parle beaucoup.
10:48Est-ce que tout cela renforce le sentiment
10:50que la Chine n'est pas un partenaire fiable aujourd'hui ?
10:53Comment est-ce qu'on peut appeler la Chine
11:00un partenaire fiable ?
11:02C'est quand même très difficile
11:03étant donné que tous nos transferts technologiques
11:07nous ont été en quelque sorte non pas volés
11:10puisqu'on les a transférés volontairement
11:12mais ont été kidnappés.
11:15Il n'y a plus eu d'échange à partir de ce moment-là .
11:17On n'aurait plus, par exemple, décidé
11:20de construire les centrales nucléaires ensemble.
11:23Mais la Chine n'a pas fait ça.
11:25Elle a pris toutes les technologies du TGV,
11:27des centrales nucléaires, de tout ce que vous voulez
11:29et elle se les est appliquées à elle-même
11:32sans avoir passé par toutes les étapes
11:35que nous avons connues.
11:36C'est-à -dire des dizaines et des dizaines d'années
11:39de recherche scientifique.
11:40Donc évidemment, on lui apporte tout sur un plateau.
11:44Elle, elle grimpe sur la montagne
11:45et nous, on reste en bas.
11:46Donc non, ce n'est pas un partenaire fiable.
11:49C'est bien évident.
11:51Enfin, pour terminer,
11:53dernière question avec vous, Marie Holzman.
11:56On le sait que dans la ligne de mire
11:57du président français également
11:59lors de cette visite en Chine,
12:01il y a la présidence du G7 l'an prochain
12:03pour laquelle Emmanuel Macron a l'ambition
12:05de poser les bases, je cite,
12:07d'un nouvel ordre mondial.
12:09Il espère rallier à cette vision Donald Trump
12:11mais aussi Xi Jinping.
12:12Est-ce que vous pensez que c'est réaliste
12:14comme projet ?
12:16C'est d'autant plus irréaliste que Xi Jinping
12:19n'a pas arrêté de dire avec Vladimir Poutine
12:23« Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère
12:25et nous avons créé un nouvel ordre mondial ».
12:28Donc il ne se cache pas.
12:30Ça, c'est un fait.
12:31Les Chinois, en fait, en général,
12:34annoncent la couleur assez ouvertement.
12:36Donc il faut les écouter.
12:37Non seulement il l'a dit,
12:39mais il l'a répété X fois.
12:42Donc imaginez qu'on va pouvoir construire
12:44un nouveau G7 avec les Chinois
12:46pour un nouvel ordre mondial.
12:48C'est une illusion totale.
12:51Marie Holzman, sinologue,
12:53merci pour votre décryptage.
12:55Merci.
12:56Merci.
12:57Merci.
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