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  • il y a 5 heures
Anne Rosencher nous parle ce matin d’un breuvage de la Grèce antique dans lequel résiderait la recette de la concorde civile.

Une recette qui pourrait nous intéresser en ce moment  !

Retrouvez Anne Rosencher sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite

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Transcription
00:00Bonjour Anne Rosencher. Bonjour.
00:01Vous nous parlez ce matin d'un breuvage de la Grèce antique dans lequel résiderait la recette de la concorde civile.
00:08Une recette qui pourrait nous intéresser en ce moment.
00:11Voilà, le kikéon ou kikéon était une boisson très prisée dans la Grèce antique à base d'eau et de gruaux d'orge.
00:18L'Iliade lui ajoute même une pincée de fromage de chèvre moulu, mais là n'est pas la question.
00:23C'est une boisson assez connue des philosophes, car elle donne lieu à une sorte de masterclass de l'un des premiers penseurs grecs, Héraclite.
00:31Le voici, ce grand philosophe prié par ses concitoyens de faire une proposition pour ramener la concorde civile.
00:39Héraclite monte à la tribune, prend une coupe d'eau froide, y jette de la farine d'orge, remue le mélange avec un brin de menthe, le boit et s'en va.
00:49Voilà, 2500 ans plus tard, cette leçon silencieuse du kikéon, terme qui vient du verbe mélanger, continue d'avoir de multiples interprétations.
00:59Mais voici selon moi la plus édifiante.
01:02C'est qu'en matière de politique, il faut du débat, de l'échange, de l'interaction, de la mixture.
01:08Sinon, la société se divise en strates séparées.
01:12Même le kikéon se désagrège s'il n'est pas agité, préviennent les disciples d'Héraclite.
01:17Autrement dit, quand la politique ne prend pas en charge le dissensus, ne l'organise pas en un débat où les idées circulent librement et sincèrement,
01:27alors la société se fracture et cela ressemble à ce que nous vivons aujourd'hui.
01:31Et pourtant, Anne, on ne peut pas vraiment dire que l'époque manque de débat ?
01:35Eh bien peut-être que si.
01:36Il y a deux façons pour que le débat n'ait pas lieu ou alors en mode dégradé.
01:40La première, c'est d'interdire certaines opinions.
01:42Ça, c'est la méthode totalitaire, on va dire, c'est la méthode URSS.
01:46Et puis, il y a le fait de remplacer le débat par quelque chose qui lui ressemble,
01:51mais qui est en vérité, tient plus de l'invective, des menaces, de l'intimidation,
01:56de l'affrontement entre camps sectaires, une sorte de baltrap permanent.
02:00Quand en plus de cela, certains sujets ou thèmes du débat sont retirés du champ politique
02:05pour en faire des questions morales,
02:08où l'émotion et l'indignation règnent en maître,
02:10eh bien, vous obtenez qu'il est de plus en plus difficile d'avoir une parole franche et sincère,
02:15sans craindre la tempête ou l'excommunication.
02:18Bientôt, le débat public sera le domaine réservé des polémistes en mal de buzz
02:22et des prudents qui ne disent pas ce qu'ils pensent,
02:25mais ce qu'ils pensent pouvoir dire ou devoir dire,
02:28en gros, qu'ils ne disent rien et que plus personne n'écoute.
02:31D'ailleurs, de manière générale, les Français se détournent du débat public,
02:35non seulement en ne l'écoutant plus,
02:37mais aussi en renonçant eux-mêmes à toute conversation citoyenne.
02:41De plus en plus, ils se résignent à une société de messe basse,
02:44où l'on ne se parle plus qu'au sein de safe space familiaux ou amicaux,
02:48c'est-à-dire de bulles sécurisées.
02:50Attention, même le kikéon se désagrège quand on ne l'agite pas.
02:542500 ans après Héraclite, sa leçon silencieuse vaut toujours.
02:59Merci Anne Rosenchère, directrice déléguée de la rédaction de L'Express.
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