- il y a 10 heures
Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Armées et ancien ministre des Affaires étrangères, était l'invité du Face à Face ce jeudi 27 novembre.
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00Bonjour Jean-Yves Le Drian, merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions.
00:03Vous êtes bien sûr l'ancien ministre de la Défense, ancien ministre des Affaires étrangères.
00:07Vous êtes toujours aujourd'hui l'envoyé spécial sur les questions du Liban pour Emmanuel Macron.
00:12Un monde de menaces est de plus en plus clair.
00:15La menace russe évidemment, l'annonce tout à l'heure du retour du service militaire sur une base de volontariat.
00:22L'idée donc qu'il faut à nouveau se mobiliser.
00:24Je vais vous poser la question tout de suite, est-ce qu'il faut avoir peur en fait Jean-Yves Le Drian ?
00:27Non il ne faut pas avoir peur, il faut être déterminé.
00:29Il faut montrer sa force, il faut dissuader, parce que si on a peur, on est fragile.
00:36Nous avons toutes les raisons d'être forts, à condition de mobiliser nos moyens pour cela.
00:40Donc il faut être déterminé, lucide dans l'analyse, lucide dans le fait que la menace est là.
00:46Elle n'est pas là uniquement en Ukraine, elle est là aussi à nos frontières.
00:50Elle est là aussi aux frontières de l'Europe.
00:51Il y a des ingérences, il y a sans arrêt une présence russe qui se manifeste,
00:57soit sous les mers, soit par des vols d'avions à proximité de nos côtes.
01:01Il y a l'action cyber qui est développée, il y a les actions sur informatique
01:06et les luttes menées dans le cadre de la cyber ou dans le cadre de fake news qui sont développées.
01:13Tout ça c'est une menace pour nous.
01:15Il faut donc être lucide sur la menace, être fort dans la réponse.
01:18Mais ne pas avoir peur, parce que le but mené par la Russie c'est précisément de nous fragiliser et de nous intimider.
01:26Ne nous laissons pas intimider.
01:27Ne nous laissons pas intimider, vous avez vu à la limite les phrases assez fracassantes du chef d'état-major des armées.
01:36Mais ce qui m'intéresse aussi c'est les réactions.
01:38Vous avez vu les réactions en France de la plupart des politiques qui disaient
01:43« Mais c'est terrible, il est en train d'effrayer, c'est un vache en guerre ».
01:47C'est ça qui vous inquiète aussi ?
01:49C'est qu'on ne soit pas plus déterminé ?
01:52Moi je crois qu'on est déterminé.
01:53Je ne suis pas sûr que tous les commentateurs du discours du chef d'état-major des armées aient lu le discours en entier.
01:59Parce que ce discours a une tonalité extrêmement forte pour rassurer les Français,
02:05pour montrer les efforts qu'il faut mener, pour les alerter sur la gravité de la menace.
02:10Mais assurer la gravité ne veut pas dire avoir peur.
02:13Et pour rappeler aussi que le rôle des armées c'est de nous défendre.
02:17Et lorsque l'on a souligné un des aspects de son discours,
02:20on a oublié que cette référence aux enfants de la France venait juste après une description de la jeunesse de nos armées.
02:26Et c'est la force de nos armées que d'aujourd'hui s'adapter à la nouvelle donne de la menace
02:31sur notre propre résilience, notre propre manière d'être nation.
02:36Et donc c'est cette affirmation-là qui est essentielle aujourd'hui.
02:39Vous êtes confiant ?
02:40Oui. Je suis confiant de la prise de conscience.
02:43Et je suis confiant aussi dans la solidité de nos armées.
02:45J'ai été ministre de la Défense pendant 5 ans sous le président Hollande.
02:49Et j'ai pu voir comment nos armées étaient fortes, déterminées, engagées, professionnelles.
02:57Et qu'elles étaient aujourd'hui en phase d'adaptation.
02:59Puisque les dangers et les menaces ne sont plus les mêmes que celles que nous avions à ce moment-là.
03:03La question d'un service militaire, volontaire, on en aura tous les détails tout à l'heure.
03:10Ce sera annoncé à midi par le président de la République.
03:12Ça vous paraît une bonne nouvelle ?
03:14Ça fait partie de la dissuasion.
03:17Pour être fort, il faut dissuader.
03:19Pour être fort, il faut dire, ne viens pas chez moi, je suis plus fort que toi.
03:23Et donc le fait de rétablir d'une certaine manière un service national volontaire,
03:30c'est de montrer que la nation est déterminée.
03:33Au-delà du fait qu'il faut aussi renforcer nos propres armées.
03:37Et si j'ai bien compris ce qui est annoncé,
03:41le président de la République insistera sur le côté militaire de cet engagement.
03:46Et cet engagement correspond d'ailleurs aussi à une certaine attente des Français.
03:50Quand on regarde que près de plus de deux tiers des Français souhaitent le rétablissement du service militaire obligatoire.
03:55Là, nous sommes sur le service militaire volontaire,
03:58qui permettra non seulement de renforcer nos propres forces,
04:01parce qu'il faut faire masse pour montrer notre détermination,
04:04mais qui servira aussi à faire en sorte que la réserve opérationnelle,
04:08qu'il faut aussi renforcer, sera régulièrement abondée par ces jeunes
04:15qui auront fait leur service militaire optionnel.
04:18Ça veut dire quand même que l'idée, là, c'est d'envoyer un message aux Russes
04:25en leur disant « nous n'avons pas peur ».
04:27C'est ça. C'est dire aussi « la nation française est debout,
04:30elle préserve ses propres intérêts, nous avons une armée qui est forte,
04:34et nous avons une solidarité nationale sur ces objectifs qui est tout à fait déterminée ».
04:39Il y a cette discussion qui commence à avoir le jour,
04:43qui devrait se manifester la semaine prochaine,
04:45d'un accord entre la Russie et l'Ukraine.
04:47On a quand même l'impression que ce sont les États-Unis qui mènent la danse,
04:52que les Européens sont observateurs,
04:54on tente de peser un peu.
04:57Est-ce qu'on est sorti du jeu ?
04:59Ah non, on a pesé beaucoup !
05:02Le problème, c'est que le président Trump prend des initiatives,
05:09le texte qui a été proposé, les 29 points,
05:12sont manifestement des textes venus de Russie,
05:17habillés à la mode américaine,
05:19et je trouve que la subtilité de ce premier renvoi était très forte,
05:23puisque c'est à la fois les grands objectifs que le président Poutine assigne à son action en Ukraine,
05:29et tout ça matiné un petit peu de business pour faire bien et pour le faire accepter par Trump.
05:35C'est un texte trumpopoutinien qui a été proposé.
05:38On le voit bien.
05:40Parce qu'en fait, depuis le début,
05:44Poutine a quatre objectifs.
05:45Et il n'a pas bougé du tout depuis quatre ans.
05:49Quatre objectifs, c'est démilitariser l'Ukraine,
05:52c'est occuper et s'approprier une partie du territoire ukrainien,
05:57c'est de renverser le gouvernement,
05:59et c'est de faire en sorte que l'Ukraine ne soit pas membre de l'OTAN.
06:02Les quatre objectifs sont les mêmes depuis quatre ans.
06:04C'est ce qu'il appelle, lui, les causes essentielles,
06:06les principes fondamentaux qu'il faut examiner avant tout de cesser le feu.
06:09Il ne bouge pas d'un millimètre.
06:10Il n'a pas bougé d'un millimètre à Anchorage.
06:13Il n'a pas bougé d'un millimètre lorsqu'il y a eu des initiatives diverses
06:16qui ont été prises à cet égard pour essayer de discuter.
06:20Il ne bouge pas.
06:20Mais ça veut dire que nous n'avons jamais réussi, nous aussi, à le faire bouger.
06:24Il ne bouge pas parce qu'il n'est pas pressé.
06:25S'il est ukrainien ?
06:26Parce que, quand même, ça fait quatre ans que l'Ukraine se bat.
06:30Toute seule.
06:31Avec, certes, des armements que nous leur fournissons.
06:33Mais c'est exemplaire.
06:35On aurait dû faire plus.
06:36C'est pour ça que, lorsque vous me disiez tout à l'heure,
06:37il ne faut pas avoir peur,
06:38mais pourquoi est-ce qu'on aurait peur ?
06:39Alors que l'Ukraine, là, se bat contre celle qui était réputée
06:42comme une superpuissance militaire
06:45et arrive à faire en sorte qu'en quatre ans,
06:48les Russes ont pris quoi ?
06:492% du territoire ukrainien ?
06:51Mais il ne peut pas bouger.
06:53Poutine ne bougera pas.
06:54Poutine a le temps devant lui.
06:56Et le président Trump ne l'a pas.
06:59Le président Trump veut des résultats immédiats,
07:01peu importe après les conséquences.
07:02Et Poutine n'accepte pas les prérogatives ukrainiennes.
07:07Et donc, du même coup, il ne bouge pas.
07:08Alors, que faut-il faire ?
07:10Renforcer l'Ukraine.
07:11C'est ce que nous faisons.
07:12Et j'observe, j'ai une interrogation, là, pour l'immédiateté.
07:17C'est de savoir ce qui va se passer dans les jours qui viennent.
07:20Quel plan va être proposé à Poutine ?
07:22Est-ce que c'est le plan de départ qu'il a en partie rédigé ?
07:26Je vous l'ai dit matinée d'un peu de business.
07:28Ou est-ce que c'est le plan rectifié à la demande des Européens
07:31et avec l'action de la France à Genève les jours derniers,
07:34qui est un peu contradictoire, si le moins qu'on puisse dire,
07:37avec les orientations du premier plan ?
07:39Est-ce que Poutine va l'accepter ou pas ?
07:41Moi, je n'en sais rien, mais je suis assez tenté de dire que non.
07:44Et donc, à ce moment-là, il faut continuer à soutenir l'Ukraine.
07:46La soutenir de toutes les manières.
07:49La soutenir en renforçant son armée,
07:50la soutenir en l'aidant financièrement,
07:51et la soutenir en affirmant que s'il y a un cessez-le-feu,
07:56nous sommes en mesure d'apporter des garanties de sécurité
07:59pour que ce cessez-le-feu ne soit pas un cessez-le-feu.
08:01Il faut le dire plus clairement ?
08:03Je pense que nous le disons avec force, les uns et les autres.
08:07Et le fait qu'il y ait eu cette coalition des volontaires,
08:11qui s'est réunie mardi,
08:13sous l'initiative du président Macron
08:16et du Premier ministre britannique,
08:19qui regroupe 35 pays,
08:20dit que c'est une coalition importante.
08:22Parce que ça veut dire que ces pays-là s'engagent
08:24à garantir la paix en Ukraine,
08:27si d'aventure il y avait un cessez-le-feu.
08:29Donc c'est une force nouvelle.
08:30Et la nouveauté aussi,
08:31mais j'ai du mal à apprécier ce que cela signifie pour la suite,
08:35c'est que les États-Unis ont accepté
08:37qu'il y ait une espèce de task force
08:39entre les États-Unis et la coalition des volontaires
08:43pour envisager comment les garanties de sécurité
08:46seraient apportées à l'Ukraine.
08:47Mais garantie de sécurité, ça veut dire d'abord cesser le feu.
08:49Et aujourd'hui, Poutine n'en veut pas.
08:52Jean-Yves Le Drian,
08:53lorsque l'on entend les mots du ministre de la Défense allemand,
08:57qui dit que certains des experts estiment que la Russie est prête,
09:01sera peut-être même prête dès cet été,
09:03à reconstituer l'ensemble de ses forces,
09:06et donc à pouvoir frapper,
09:08il ajoute même,
09:09certains pensent que nous avons peut-être passé
09:10notre dernier été en paix.
09:13Quel est l'intérêt de la Russie à nous taper ?
09:15Quand je dis nous, c'est l'Europe, l'OTAN.
09:17La Russie a pour objectif,
09:22Poutine a pour objectif de retrouver l'Empire russe,
09:25de retrouver l'Empire soviétique.
09:27Moi, l'image la plus forte que j'ai,
09:30c'est cette arrivée de mon ancien collègue Lavrov à Anchorage.
09:35Je ne sais pas si vous vous en souvenez.
09:37Il arrive à Anchorage, généralement, c'est un monsieur qui est bien habillé.
09:39Il arrive avec ce sweatshirt.
09:40Il arrive avec le sweat et Union soviétique.
09:44Tout est dit.
09:45Et il le fait exprès.
09:47La Russie veut retrouver l'Empire,
09:49quel que soit le moyen.
09:50Ça a commencé par la Georgie,
09:52ça continue par l'Ukraine,
09:53ça veut dire aussi l'intimidation à l'égard des Pays-Baltes,
09:56ça veut dire demain peut-être la Moldavie.
09:58Bref, il y a cette volonté-là,
10:00qui est permanente et qui...
10:03Vous n'avez pas de doute sur sa volonté ?
10:05Vous n'avez pas de doute sur sa volonté ?
10:06Absolument pas.
10:07C'est-à-dire qu'il ne faut pas douter,
10:08il ne faut pas se dire,
10:08qu'il pourrait être tenté d'eux.
10:10Non, c'est ça la réalité.
10:12Il est déterminé.
10:12C'est ça la réalité.
10:13Et la réalité, c'est aussi que la Russie est devenue
10:16un pays complètement militarisé,
10:19un pays à l'économie de guerre forte,
10:22un pays qui ne tient que par l'économie de guerre
10:23et qu'ils sont très liés.
10:26La responsabilité de Poutine,
10:28le leadership de Poutine
10:29et l'économie de guerre vont ensemble.
10:31Si l'un tombe, tout tombe
10:32et donc cela se poursuivra.
10:34D'où la nécessité de renforcer notre défense,
10:36notre sécurité
10:37et de prendre les initiatives nécessaires à cet égard,
10:39c'est ce qu'on fait, y compris le service national.
10:41Une défense européenne, à proprement parler,
10:44on n'y est toujours pas.
10:45Oui, mais on avance.
10:47La réalité, c'est que les Européens
10:49se sont rendus compte,
10:51progressivement,
10:53que la sécurité apportée par les États-Unis
10:57n'était peut-être pas automatiquement garantie.
10:59Il y a eu un moment clé dans cette affaire.
11:02C'est au mois de février 2025 de cette année,
11:07lorsque aux Nations Unies,
11:09pour la première fois,
11:11sur le constat de l'agression russe en Ukraine,
11:15les États-Unis ont voté avec la Russie,
11:18la Chine, la Corée du Nord.
11:20Là, il y a une rupture.
11:20Et cette rupture se poursuit
11:23par cette proposition
11:25de plan de paix de Trump,
11:26première mouture,
11:27pour l'instant,
11:28c'est celle qui était sur la table,
11:30qui montre comment
11:31cette complicité,
11:32cette complaisance avec la Russie
11:33était manifeste.
11:35Et donc, cette rupture-là
11:36a été forte.
11:37Et on peut se demander,
11:38les Européens peuvent se demander légitimement,
11:40et bien notre sécurité,
11:41elle dépend d'abord de nous.
11:42Et donc, il faut renforcer
11:43notre effort de défense.
11:44C'est ce que les Européens ont fait.
11:46Il faut renforcer
11:46notre interopérabilité.
11:48C'est ce que les Européens
11:49sont en train de faire.
11:50Et donc, il y a la nécessité
11:51de renforcer le pôle européen
11:55de l'OTAN.
11:56C'est ce qui est en train de se faire.
11:57C'est un peu lent,
11:58mais la prise de conscience est réelle.
11:59Il y a une question
12:00qui, dans la concomitance
12:02de l'agenda, me frappe.
12:03Aujourd'hui, il y aura
12:04une proposition LFI à l'Assemblée
12:05pour nationaliser ArcelorMittal.
12:09ArcelorMittal, c'est notre acier.
12:12À l'époque où j'ai commencé
12:14à être reporter politique,
12:15c'est aujourd'hui les 20 ans de BFM,
12:16j'avais accompagné François Hollande
12:18et il me semble même
12:19que vous y étiez à Florange.
12:20C'était déjà cette question-là.
12:23C'était déjà la question de l'acier.
12:24Ce n'est pas seulement
12:25une question d'emploi,
12:26c'est désormais une question
12:26de souveraineté.
12:28Est-ce qu'on n'est pas
12:30un peu schizophrène ?
12:31C'est-à-dire, d'un côté,
12:31on dit comme vous,
12:33on doit être,
12:34on doit renforcer notre arsenal,
12:36on doit montrer
12:37qu'on n'a pas peur,
12:38on doit leur montrer
12:39qu'on est fort,
12:41et de l'autre,
12:42effectivement,
12:43on est en train de se priver
12:44des outils de notre indépendance.
12:47C'est vrai
12:48et ce n'est pas tout à fait vrai
12:49puisque cette prise de conscience-là
12:51se traduit aussi
12:52par la volonté
12:54d'affirmer l'autonomie stratégique
12:56et la souveraineté européenne.
12:57C'est un concept nouveau.
12:59Auparavant,
12:59on ne parlait pas comme ça.
13:00Quand on parle maintenant
13:01d'un plan de réindustrialisation européenne,
13:04c'est tout à fait nouveau.
13:05Jusqu'à présent,
13:05les Européens ont vécu
13:06peut-être dans cette espèce
13:07d'atmosphère
13:10un peu paradisiaque
13:13par laquelle,
13:14finalement,
13:15le commerce allait tout régler.
13:16On a été naïf.
13:17Oui, je pense.
13:19Mais on ne l'est plus.
13:20Et je pense qu'on l'est
13:22de moins en moins
13:22ni avec les Etats-Unis
13:23ni avec la Chine.
13:25Mais en ce qui concerne
13:25les enjeux militaires
13:27strictement parlés,
13:28je pense que l'évolution
13:30est extrêmement rapide
13:31et va se conforter.
13:32Et d'une certaine manière,
13:34le président Trump
13:35nous aide à nous conforter
13:36nous-mêmes.
13:36Et c'est parce qu'il faut
13:37qu'on assume nous-mêmes
13:38notre propre sécurité.
13:40Il y a un schisme transatlantique
13:41aujourd'hui
13:42qui s'est manifesté
13:44à plusieurs reprises
13:44depuis l'arrivée de Trump.
13:46Vous parlez d'un schisme.
13:47Je parle d'un schisme.
13:48Pour vous,
13:49il y a une vraie séparation.
13:50Il y a une rupture.
13:50Je ne dis pas encore
13:52qu'il y a une inversion d'alliance,
13:53mais lorsque je vois
13:54les déclarations du Trump
13:56et le programme
13:57Trumpo-Poutinien
13:58qu'il nous est proposé
13:59sur l'Ukraine,
14:00je dis oui,
14:00il y a une rupture.
14:01Vous redoutez
14:02qu'on soit
14:03en chemin
14:05vers une alliance,
14:07une véritable alliance,
14:08non plus Europe-États-Unis,
14:10mais États-Unis-Russie.
14:11Il y a au moins une complicité.
14:12Elle s'est manifestée
14:13par un vote aux Nations Unies
14:14pour la première fois
14:15dans l'histoire.
14:16Je parlais de ce qui se passe
14:17au Parlement.
14:19Jean-Yves Le Drian,
14:20vous avez été
14:22l'un des plus expérimentés
14:23des socialistes.
14:25Maire, député,
14:26président de la région Bretagne,
14:27vous êtes l'un des premiers
14:28à vous être engagé aussi
14:30pour Emmanuel Macron.
14:31Aujourd'hui,
14:32quand vous voyez
14:33la fin de règne
14:34qui s'installe
14:36dans ce pays,
14:37comment vous jugez
14:38la fin du macronisme ?
14:40Je pense que
14:44la perspective stratégique
14:49du deuxième quinquennat
14:52n'a pas été suffisamment
14:53clarifiée par le président
14:54à ses débuts.
14:56Et ensuite,
14:57il y a eu
14:57ces atermoiements
14:58et les interrogations
15:02sur la manière
15:02de mener
15:03la réforme des retraites.
15:05Je pense aussi
15:05que le président
15:07s'est montré
15:08au niveau international
15:10la vision qui est la sienne.
15:12Et je trouve que
15:12lorsqu'on fera le bilan,
15:14son engagement
15:15au niveau européen
15:16au cours du deuxième quinquennat
15:18et son engagement
15:19au niveau international
15:20aujourd'hui
15:21pour la paix
15:22sera reconnu
15:23et mis à son débit positif
15:26si j'ose dire
15:27parce qu'il est aujourd'hui
15:28une espèce de référence
15:29au niveau international.
15:31Je le constate
15:31dans tous les déplacements
15:32que je peux faire.
15:33Donc je n'ai pas
15:33ce regard
15:35aussi négatif
15:36que ce que vous dites
15:37tout de suite
15:38sur le deuxième quinquennat.
15:40Vous n'estimez pas
15:40que c'est une fin de règne ?
15:41C'est ce mot-là
15:42qui vous a choqué ?
15:43Non, je ne crois pas.
15:44Le président est en fonction.
15:45Là,
15:46sur la crise ukrainienne,
15:48il agit avec beaucoup
15:49de fermeté et d'initiative.
15:51Il est au rendez-vous
15:52de l'histoire.
15:53C'est son rôle.
15:54Deux questions encore
15:55que je voudrais vous poser
15:56sur l'Algérie
15:58et sur le Liban.
15:59Sur l'Algérie,
16:01on le sent bien,
16:02on est dans un moment
16:03où le président,
16:06le gouvernement
16:06essayent une sorte
16:07de rapprochement,
16:08en tout cas
16:08de réchauffer les relations.
16:10Est-ce que vous y croyez
16:11et quelle est la position
16:12qui à vos yeux
16:13est la plus saine
16:14et la plus féconde ?
16:16La difficulté,
16:17c'est de savoir
16:17comment évolue
16:18l'Algérie elle-même.
16:20C'est toujours été
16:20assez aléatoire
16:21comment lire
16:23l'évolution politique
16:24de ce pays
16:25auquel nous sommes
16:26légitimement attachés.
16:28Mais c'est réciproque aussi.
16:29Il y a une partie,
16:30je t'aime moi non plus,
16:30dans cette relation.
16:33Je pense qu'il est souhaitable
16:34et pour les uns
16:35et pour les autres
16:35qu'il y ait des relations
16:36normalisées.
16:37Ce n'est pas encore le cas
16:38et j'espère que
16:39les petits pas
16:40qui sont effectués aujourd'hui
16:41par le ministre de l'Intérieur
16:42portent leurs fruits.
16:43Ce ministre de l'Intérieur-là,
16:45j'ai bien compris.
16:46C'est-à-dire cette nouvelle façon
16:47de faire Laurent Nunez.
16:47Il a une expérience
16:48de la relation avec l'Algérie.
16:50Je l'avais aussi.
16:52Il faut la cultiver,
16:53la faire à petits pas
16:54et essayer de trouver
16:54des rapports assainis.
16:56Jean-Yves Le Drian,
16:57je le disais,
16:57vous êtes aussi l'envoyé
16:59sur les questions du Liban.
17:00Vous avez d'ailleurs
17:00la semaine dernière
17:02rencontré l'équipe du pape
17:03à Rome
17:04parce que le pape
17:05va faire une visite historique
17:07au Liban,
17:08en Turquie.
17:09Est-ce que vous estimez
17:11que ce pays
17:13qui est en éternelle crise
17:15est en train de voir
17:15le bout du tunnel ?
17:17Il y a eu des espoirs
17:19lorsque, au début de cette année,
17:22le Liban a mis fin
17:23à la crise institutionnelle.
17:24Il y a eu l'élection
17:25d'un président,
17:25le président Aoun.
17:26Il y a eu la nomination
17:27d'un gouvernement,
17:28qui est un gouvernement
17:29très volontariste,
17:30qui a engagé des réformes,
17:32qui étaient absolument nécessaires
17:34et qui avaient beaucoup tardé
17:35au Liban,
17:36puisque ce pays
17:38est en très grosses difficultés financières,
17:39voire en déroute financière.
17:41Bref, ce mouvement-là a eu lieu.
17:42Il y a eu des espoirs
17:43et aujourd'hui,
17:44il y a des inquiétudes.
17:45J'ai des inquiétudes.
17:46Je vais m'y rendre prochainement.
17:48J'ai des inquiétudes
17:49pour plusieurs raisons.
17:50D'abord parce que
17:50les réformes engagées patinent,
17:53pour des tas de raisons
17:54qui seraient trop longs
17:55d'expliquer ici,
17:56mais par des rivalités internes
17:57et par, finalement,
17:59une volonté qui s'érode.
18:02La situation risque
18:03d'être difficile
18:04parce que
18:05le principe de base
18:06qui avait été
18:07affiché fortement
18:08par le président Raoum,
18:10qui est que le monopole
18:11des armes
18:11est le monopole
18:13de l'État
18:13et qu'il n'y a pas
18:14de raison
18:16d'avoir
18:16des milices autres,
18:19en particulier
18:19celles du Hezbollah
18:20et qu'il faut faire en sorte
18:21que le monopole des armes
18:22soit respecté.
18:23Ce mouvement-là
18:24met du temps
18:25à se mettre en œuvre.
18:27Et puis,
18:27troisièmement,
18:28il y a toujours
18:29des frappes israéliennes
18:30qui jouent sur le fait
18:31que le monopole des armes
18:32pour l'État
18:33n'est pas respecté
18:34et que le Hezbollah
18:34est toujours dangereux
18:35et qu'il continue à frapper
18:36en contradiction
18:37avec le cessez-le-feu
18:38qui avait été
18:39élaboré
18:40à la fin de l'année dernière.
18:41Donc,
18:42intégrité,
18:44souveraineté,
18:44les deux principes de base.
18:46Intégrité du territoire libanais,
18:47souveraineté du Liban
18:48sur son propre destin.
18:50Ce sont ça,
18:51les deux enjeux.
18:52Si on ne les respecte pas,
18:53alors on peut arriver
18:55à une situation très grave.
18:56Merci Jean-Yves Le Drian.
Écris le tout premier commentaire