Le Vieil.Homme.et.la.Mer - (1957) Vf - Vidéo Dailymotion

Josh Wass

Aventure, Drame Avec Spencer Tracy, Harry Bellaver, Joey Ray  Sujet du Film : L'amitié entre un enfant et un vieux pêcheur qui rêve de capturer un espadon géant.

Transcript

00:00:00Musique

00:00:30Musique

00:01:00Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau, qui pêchait au milieu du Gulf Stream.

00:01:09En 84 jours, il n'avait pas pris un seul poisson.

00:01:14Les 40 premiers jours, un jeune garçon l'accompagna, mais au bout de ce temps,

00:01:17les parents du jeune garçon déclarèrent que le vieux était décidément et sans remède, sale à eau.

00:01:23Ce qui veut dire aussi guignard qu'on peut l'être.

00:01:25On embarqua donc le gamin sur un autre bateau, lequel, en une semaine, ramena trois poissons superbes.

00:01:34Le vieux avait appris au gamin à pêcher, et le gamin aimait le vieux.

00:01:43Le vieux était tout blanc, avec des rides comme des coups de couteau sur la nuque.

00:01:47Ses mains portaient les entailles profondes que font les filins au bout desquelles se débattent les lourds poissons.

00:01:52Mais aucune de ces entailles n'était récente.

00:01:54Elles étaient vieilles comme les érosions d'un désert sans poisson.

00:01:59Tout en lui était vieux, sauf son regard, qui était gai et brave, et qui avait la couleur de la mer.

00:02:05Chaque soir, le gamin avait la tristesse de voir le vieux rentrer avec sa barque vide.

00:02:23Il ne manquait pas d'aller à sa rencontre.

00:02:25Il aidait à apporter les lignes serrées en spirale, la gaffe, le harpon, ou la voile roulait autour du mât.

00:02:30La voile était rapiécée avec de vieux sacs de farine.

00:02:34Ainsi repliée, elle figurait le drapeau en berne de la défaite.

00:02:37C'est parti.

00:02:38C'est parti.

00:02:39C'est parti.

00:02:40C'est parti.

00:02:41C'est parti.

00:03:11C'est parti.

00:03:12C'est parti.

00:03:13C'est parti.

00:03:14C'est parti.

00:03:15C'est parti.

00:03:16C'est parti.

00:03:17C'est parti.

00:03:18C'est parti.

00:03:19C'est parti.

00:03:20C'est parti.

00:03:21C'est parti.

00:03:22C'est parti.

00:03:23C'est parti.

00:03:24C'est parti.

00:03:25C'est parti.

00:03:26C'est parti.

00:03:27C'est parti.

00:03:28C'est parti.

00:03:29C'est parti.

00:03:30C'est parti.

00:03:31C'est parti.

00:03:32C'est parti.

00:03:33C'est parti.

00:03:34C'est parti.

00:03:35C'est parti.

00:03:36C'est parti.

00:03:37C'est parti.

00:03:38C'est parti.

00:03:39C'est parti.

00:03:40C'est parti.

00:03:41C'est parti.

00:03:42C'est parti.

00:03:43Président.

00:03:44C'est parti.

00:03:45P'est parti.

00:03:48Veux-tu que je t'offre une bière à la terrasse dis le gamin.

00:03:52C'est ça dit le vieux.

00:03:53Entre pêcheurs.

00:03:54Hé Martin.

00:03:59Donne-nous deux bières s'il te plaît.

00:04:05Il s'assire à la terrasse où la plupart des pêcheurs se moquèrent du vieux.

00:04:09Mais cela ne l'irita nullement.

00:04:10Quand le vieil homme avait été finisse de ce qui était le gamin, il a été dit

00:04:12Quand le vieil homme avait-il atteint l'humilité,

00:04:15il ne s'en souvenait plus, mais il savait qu'il l'avait atteinte.

00:04:18Il savait que ce n'était pas honteux.

00:04:20Sa vraie fierté, il ne l'avait pas perdue.

00:04:23Les autres vieux le regardaient et se sentaient tristes.

00:04:26Toutefois, ils ne firent semblant de rien

00:04:28et engagèrent une conversation courtoise sur les courants,

00:04:30les fonds, où ils avaient traîné leurs lignes,

00:04:32le beau temps persistant et ce qu'ils avaient vu.

00:04:36Santiago.

00:04:37Quoi ?

00:04:37Dis donc, est-ce que tu veux que j'aille te pêcher des sardines pour demain ?

00:04:41Oh non, non, non.

00:04:42Va plutôt jouer au baseball.

00:04:44Je peux encore ramer et je peux encore lancer mon filet.

00:04:47Je pourrais même te trouver quatre apports, je sais où.

00:04:50Je ne me suis pas servi des miens aujourd'hui.

00:04:53Tu veux pas que je t'en apporte quatre au frais ?

00:04:55Non, un seul.

00:04:57Deux.

00:04:59Bon, deux.

00:05:03Tu ne les as pas volés au moins ?

00:05:05Je me gênerai. Non, ceux-là, je les ai achetés.

00:05:07Merci, mon petit.

00:05:08Comme je n'ai plus le droit de pêcher avec toi,

00:05:12alors je cherche à t'aider autrement.

00:05:14Tu m'as payé à boire.

00:05:16T'es déjà un homme pour de bon.

00:05:17tu m'as défi.

00:05:18Musique

00:05:47Ils gravirent la route côte à côte.

00:05:50Le vieux appuya le mât contre le mur de sa cabane.

00:05:54Cette cabane contenait d'un lit, une table, quelques chaises et un réchaud à charbon de bois.

00:06:01Sur les parois brunâtres, il y avait deux gravures en couleur.

00:06:03Le sacré cœur de Jésus et la vierge de Cobré.

00:06:07C'était des souvenirs de sa femme.

00:06:09Le mur autrefois s'en est une photographie en couleur de l'épouse elle-même,

00:06:12mais le vieux, quand il la regardait, se sentait encore plus seul.

00:06:15Il l'avait rangée sur l'étagère du coin, sous sa chemise de rechange.

00:06:26Demain, ce sera 85e jour.

00:06:2985, c'est un bon chiffre.

00:06:33Qu'est-ce que tu dirais si tu me voyais en ramener un qui peserait une demi-tonne tout vidé ?

00:06:36Est-ce que tu seras encore assez fort pour un poisson qui serait vraiment gros ?

00:06:40Je crois que oui. J'ai plus d'un tour dans mon sac.

00:06:45Santiago, je pourrais revenir avec toi maintenant. J'ai gagné pas mal ces temps-ci.

00:06:50Non, non. Tu es sur un bateau qui a de la peine, il faut y rester.

00:06:55Rappelle-toi qu'une fois déjà, on était restés très longtemps sans rien attraper.

00:06:58Et puis tout d'un coup, on en a ramené des gros tous les jours pendant trois semaines.

00:07:03Oh, je me rappelle.

00:07:05Oh, je sais bien que ce n'est pas par découragement que tu m'as quitté.

00:07:08C'est papa qui m'a fait partir. Je ne suis pas assez grand, moi. Il faut que j'obéisse, tu comprends ?

00:07:12Ah, bien sûr. Bien sûr, c'est bien naturel.

00:07:15Il n'a plus confiance du tout.

00:07:17Non, mais on a confiance, nous autres.

00:07:20Oui.

00:07:20Si tu étais mon fils, je t'emmènerais avec moi et je risquerais le coup.

00:07:24Mais tu as ton père et ta mère et tu es sur un bateau qui a de la peine.

00:07:30Qu'est-ce que tu as à manger aujourd'hui ?

00:07:33Oh, j'ai une poté de riz au safran avec du poisson. Est-ce que tu en veux ?

00:07:36Non, je vais manger à la maison. Je peux prendre le filet à sardines ?

00:07:39Bien sûr, bien sûr.

00:07:42Moi, je vais lire le journal d'hier, la page du baseball.

00:07:46Il n'y avait pas de filet à sardines.

00:07:47Le gamin se rappelait fort bien à l'époque où il avait été vendu.

00:07:51Mais il jouait cette petite comédie tous les jours.

00:07:54Il n'y avait pas davantage de riz au safran ni de poisson.

00:07:57Le gamin ne savait pas si le journal d'hier faisait aussi partie de la comédie.

00:08:01Mais le vieux l'avait tiré de dessous son lit.

00:08:03Couvre-toi bien, grand-père.

00:08:05Assieds-toi au soleil.

00:08:06N'oublie pas qu'on est en septembre.

00:08:10C'est le mois des grands poissons.

00:08:14N'importe qui peut se faire pêcheur au mois de mai.

00:08:17J'en reviendrai tout à l'heure quand j'aurai les sardines.

00:08:19Alors tu me raconteras tout ce qu'il y a sur le baseball.

00:08:21C'est parti.

00:08:21Sous-titrage MFP.

00:08:51Hé, Manolin, viens d'où jouer ? Viens, dépêche-toi. Allez, viens jouer !

00:09:12Manolin ?

00:09:13Je voudrais une gamelle pour deux, s'il te plaît. C'est pour emporter.

00:09:16Alors, tu ne manges plus chez toi, maintenant ?

00:09:21Combien t'as d'argent à me donner ?

00:09:27J'ai soixante-sept.

00:09:28Il n'a encore pas eu de chance, hein ?

00:09:37C'est peut-être plus une question de chance, tu sais. C'est peut-être qu'il est trop vieux.

00:09:41Mais non, il n'est pas trop vieux. Tu verras.

00:09:43J'ai dit seulement peut-être.

00:09:44Il n'y a pas de peut-être qui tienne.

00:09:47Bon, d'accord.

00:09:49Tout ce que j'espère, c'est que quand je serai devenu vieux, j'aurai moi aussi un gamin qui m'aidera à pêcher.

00:09:52Quand le jeune garçon revint, le vieux dormait dans son fauteuil et le soleil était couché.

00:10:01Ses épaules étaient encore puissantes, en dépit de la vieillesse.

00:10:05Le cou aussi conservait de la force.

00:10:08On envoyait moins les stris dans cette posture du sommeil.

00:10:11La tête, elle, était très vieille.

00:10:13Ce visage aux yeux fermés n'avait plus l'air vivant.

00:10:17Réveille-toi, grand verre.

00:10:18Le vieux ouvrit les paupières et mit un bon moment à sortir des profondeurs de son rêve.

00:10:33Puis il sourit.

00:10:36Qu'est-ce que t'as là ?

00:10:38C'est le dîner.

00:10:39Oh, j'ai pas bien faim ce soir.

00:10:41Allez, viens manger. Tu peux pas pêcher si t'as rien mangé.

00:10:45Ça m'est déjà arrivé.

00:10:46Tant que je serai vivante, t'iras pas à la pêche le vendredi.

00:10:49Bon, tâche de vivre longtemps et de prendre bien soin de toi.

00:10:54Oh, qui c'est qui t'a donné tout ça ?

00:10:58C'est Martin, de la terrasse.

00:11:00Euh, ben ben, faudra pas que j'oublie de le remercier.

00:11:06T'as pas besoin de le remercier. Je l'ai fait.

00:11:09Ils avaient dîné sans lumière. Maintenant, il faisait sombre.

00:11:21Comme chaque soir, le vieux avait parlé baseball avec le gamin.

00:11:24Ils avaient évoqué le grand Di Maggio qui avait retrouvé sa forme.

00:11:26Ils avaient passé en revue tous les membres de l'équipe.

00:11:31Parle-moi donc un peu du grand John G. McGraw.

00:11:33Hum, il venait souvent à la terrasse pour boire un verre.

00:11:38Ah, il y a pas mal de temps de ça.

00:11:40Il s'intéressait beaucoup aux courses.

00:11:42Il s'y intéressait encore plus qu'au baseball.

00:11:43Il en parlait sans arrêt.

00:11:45Il avait toujours les poches pleines de listes de chevaux.

00:11:48Et quand il téléphonait en ville, c'était pour parier sur des chevaux.

00:11:51C'était un entraîneur formidable.

00:11:56Mon père, il pense que c'était le plus formidable.

00:11:58C'est parce qu'il venait ici très, très souvent.

00:12:01Parce que si du rocher avait continué à venir ici tous les ans,

00:12:03ton père aurait trouvé que c'était lui le plus formidable.

00:12:06À ton avis, qui c'est le plus grand des entraîneurs de baseball ?

00:12:09Bon, je pense qu'ils se valent tous plus ou moins.

00:12:15Ce que j'aimerais pouvoir emmener le grand Di Maggio à la pêche, oui.

00:12:18Il paraît que son père était pêcheur aussi.

00:12:21Si ça se trouve, il était pauvre comme nous.

00:12:23Il comprendrait.

00:12:26Tu devrais te coucher maintenant pour être d'attaque à la pêche demain.

00:12:30Moi, je vais rapporter tout ça à la terrasse.

00:12:39Eh bien alors, bonsoir.

00:12:42Je te réveillerai demain matin.

00:12:43C'est toi qui es mon réveil matin.

00:12:45Moi, mon réveil, c'est mon âge.

00:12:46Dors bien, grand-père.

00:12:49Merci.

00:12:50Bonne nuit.

00:12:53L'enfant s'en alla et le vieil homme se dit

00:12:55« Pourquoi les vieux se réveillent-ils si tôt ?

00:12:58C'est-il pour avoir des jours plus longs ? »

00:13:03Le vieil homme roula son pantalon,

00:13:10le bourra de journaux et s'en fit un oreiller.

00:13:11Il s'entoura de la couverture et s'allongea sur d'autres vieux journaux

00:13:16qui couvraient le sommier du lit.

00:13:20Bientôt endormi, il rêva de l'Afrique de sa jeunesse.

00:13:24Il rêva des longues plages dorées,

00:13:46des plages éclatantes,

00:13:46si éclatantes qu'elles font mal aux yeux,

00:13:49des capes altiers,

00:13:50des grandes montagnes brunes.

00:13:51Toutes ces nuits, il les passait sur cette côte africaine.

00:13:55Le mugissement des vagues emplissait ses rêves

00:13:56et il voyait les pirogues courir sur les brisants.

00:14:07L'odeur de goudron et des toupes

00:14:09que l'on sent sur les ponts de bateau

00:14:10parfumait son sommeil.

00:14:12A l'aurore, c'est l'odeur même de l'Afrique

00:14:14que la brise de terre lui apportait.

00:14:16Généralement,

00:14:20quand il sentait la brise de terre,

00:14:21il s'éveillait,

00:14:22s'habillait et allait secouer le gamin.

00:14:25Mais cette nuit-là,

00:14:26l'odeur de la brise de terre vint très tôt,

00:14:28trop tôt, pensa-t-il au milieu de son rêve.

00:14:31Il continuait à dormir

00:14:31pour voir les pics blancs des îles surgir de la mer.

00:14:35Il vit ensuite les porcs

00:14:36et les râtes des îles canarines.

00:14:40Il ne rêvait plus jamais de tempêtes,

00:14:41ni de femmes, ni de grands événements,

00:14:43ni de poissons énormes,

00:14:44ni de bagarres,

00:14:45ni d'épreuves de force,

00:14:47ni même de son épouse.

00:14:49Il ne rêvait que de paysages

00:14:51et de lions au bord de la mer.

00:14:53Les lions jouaient comme des chats

00:14:55et il les aimait comme il aimait le gamin.

00:14:59Jamais il ne rêvait du gamin.

00:15:13A l'aube, le vieil homme s'éveilla tout seul.

00:15:23Par la porte ouverte,

00:15:23il regarda la lune palissante,

00:15:25puis déroula son pantalon

00:15:26et l'enfila.

00:15:34Dehors, il se dirigea vers la maison du gamin

00:15:36pour le réveiller.

00:15:38Il frissonnait dans le froid matinal.

00:15:39Mais il savait que ses frissons

00:15:43le réchaufferaient

00:15:44et qu'il serait bientôt penché

00:15:45sur ses avirons.

00:15:53La porte de la maison

00:15:54où habitait le gamin

00:15:55n'était pas fermée à clé.

00:15:56Il l'ouvrit

00:15:57et entra silencieusement

00:15:58sur ses pieds nus.

00:16:01Le gamin dormait dans un petit lit

00:16:02qui se trouvait dans le vestibule.

00:16:04Le vieux l'aperçut nettement.

00:16:06Il le prit doucement par un pied.

00:16:09Le gamin s'éveilla,

00:16:12se retourna

00:16:13et regarda le vieux.

00:16:14Le gamin était encore tout endormi.

00:16:38Le vieil homme dit

00:16:39« Tu m'en veux pas ? »

00:16:41Le gamin répondit

00:16:41« Faut bien sortir du lit

00:16:43quand on est un homme. »

00:16:45Ils descendirent ensemble.

00:16:47Tout le long de la route,

00:16:48les hommes se mouvaient

00:16:49pieds nus dans l'obscurité,

00:16:51les mâques de leur bateau

00:16:52sur leurs épaules.

00:16:52Les mâques de tirages des mâques

00:17:10T'as bien dormé, grand-père ?

00:17:39Oui, très bien, Manolin. J'ai très confiance aujourd'hui.

00:17:43Moi aussi.

00:17:45Je vais chercher des sardines. Je reviens tout de suite.

00:17:49Prends encore un peu de café. Ici, on nous fait crédit.

00:18:03Le vieux but son café à petits coups.

00:18:05C'était tout ce qu'il prendrait jusqu'au soir et il savait qu'il en avait besoin.

00:18:09Depuis longtemps déjà, manger l'ennuyait. Il n'emportait jamais de casse-croûte.

00:18:14Il avait une bouteille d'eau à l'avant de la barque.

00:18:16Ça suffisait pour toute la journée.

00:18:18C'est parti.

00:18:19C'est parti.

00:18:20C'est parti.

00:18:21C'est parti.

00:18:22C'est parti.

00:18:26C'est parti.

00:18:27C'est parti.

00:18:28C'est parti.

00:18:29C'est parti.

00:18:30C'est parti.

00:18:31C'est parti.

00:18:32C'est parti.

00:18:33C'est parti.

00:18:34C'est parti.

00:18:35C'est parti.

00:18:36C'est parti.

00:18:37C'est parti.

00:18:38C'est parti.

00:18:39C'est parti.

00:18:40C'est parti.

00:18:41Bonne chance, grand-père.

00:19:05C'est parti.

00:19:11Bonne chance.

00:19:15C'est parti.

00:19:25Il y avait d'autres barques venues d'autres baies qui se dirigeaient vers le large.

00:19:28Le vieux entendait le bruit des avirons qui frappaient et repoussaient l'eau.

00:19:45C'est parti.

00:19:46Donc, les envoies, hele bruit desenmuş

00:20:00c'est parti, chapons !

00:20:15Dans l'obscurité, le vieux devinait l'aube.

00:20:26Il entendait en ramant les vibrations des poissons volants qui jaillissaient de l'eau.

00:20:30Le sifflement de leurs ailes raides quand ils se lançaient dans la nuit.

00:20:34Il aimait beaucoup les poissons volants, c'était pour ainsi dire ses seuls amis sur l'océan.

00:20:45Les oiseaux lui faisaient pitié, les hirondelles de mer surtout, si délicates dans leur sombre bumage,

00:21:01qui volent et guettent sans trait et presque toujours en vain.

00:21:15Ils pensaient, les oiseaux, ils ont la vie plus dure que nous autres, à part les rapaces et les gros.

00:21:22En voilà une idée de faire de petites bêtes mignonnes, fragiles comme ces hirondelles de mer,

00:21:27quand l'océan, c'est tellement brutal.

00:21:29C'est beau, l'océan, c'est généreux, mais ça peut devenir très brutal.

00:21:33Le soleil émergea des flots et le vieux aperçut les autres barques au ras de l'eau.

00:21:52Pas bien loin de la côte, posé ça et là sur la tranche du courant.

00:21:57Il appelait l'océan la mare,

00:22:00qui est le nom que les gens lui donnent en espagnol quand ils l'aiment.

00:22:02On le couvre aussi d'injures parfois,

00:22:05mais cela est toujours mis au féminin comme s'il s'agissait d'une femme.

00:22:09Quelques pêcheurs parmi les plus jeunes en font un adversaire,

00:22:13un lieu, même un ennemi.

00:22:16Mais pour le vieux, c'était toujours la mare,

00:22:19quelque chose qui dispense ou refuse de grandes faveurs.

00:22:25La lune la tourne-boule comme une femme, pensait-il.

00:22:32Avant qu'il fît tout à fait jour, il avait posé ses appâts.

00:22:44Il avait laissé filer un des appâts à 40 toises de profondeur,

00:22:48le second était à 75 toises,

00:22:49le troisième et le quatrième se promenaient au fond de l'eau bleue à 100 et 125 toises.

00:22:53Puis le soleil prit de la force,

00:23:02ses rayons incendirent la mer.

00:23:05Quand il se dégagea tout à fait de l'horizon,

00:23:06sa réflexion sur le miroir liquide frappa l'homme en plein dans les yeux.

00:23:10Ça lui fit très mal.

00:23:11Il continua à ramer en détournant la tête.

00:23:14Du regard, il suivait ses lignes qui plongeaient tout droit dans les sombres abîmes aquatiques.

00:23:18Chaque appât était suspendu, la tête en bas, le corps de l'hameçon à l'intérieur du poisson amorce,

00:23:23bien attaché, solidement cousu,

00:23:25les parties saillantes, courbes et pointes recouvertes de sardines fraîches.

00:23:28Pas un millimètre d'hameçon qui ne fut pour un gros poisson d'une odeur agréable et d'un goût appétissant.

00:23:32Pourtant, pense à le vieux, je les maintiens à la profondeur qu'il faut.

00:23:40Mais voilà, je n'ai plus jamais de veine.

00:23:43Et qui sait ?

00:23:45Aujourd'hui, peut-être, tout recommence tous les jours.

00:23:49C'est très bien d'avoir de la veine, mais j'aime encore mieux faire ce qu'il faut.

00:23:53Alors quand la veine arrive, on est fin prêt.

00:23:55Le soleil montait depuis deux heures et le vieux n'avait plus aussi mal aux yeux quand il regardait vers le levant.

00:24:06En face de lui, un aigle de mer fonça brusquement, porté de biais par ses ailes en triangle,

00:24:13puis recommença à tourner en rond.

00:24:18Il a fini de chercher, il a repéré quelque chose.

00:24:25Il a fini de chercher, il s'est passé, il s'est passé, il s'est passé.

00:24:55Ça va faire un lapin épatant.

00:25:01À quelle époque, au juste, avait-il commencé à parler tout seul ?

00:25:05Il ne s'en souvenait pas.

00:25:07Autrefois, il chantait.

00:25:08Il chantait la nuit quand il prenait son cœur au gouvernail sur les côtres de pêche ou les bateaux à tortue.

00:25:14C'est probablement quand le gamin l'avait quitté qu'il s'était mis à parler tout seul.

00:25:17Mais il n'en était pas bien sûr.

00:25:20En mer, il ne faut dire aucune parole inutile.

00:25:21Le vieux en avait toujours jugé ainsi et il observait le silence.

00:25:25Mais à présent, il donnait très souvent une voix à ses pensées.

00:25:28Aussi bien, il n'y avait plus personne qu'elles eussent pu ennuyer.

00:25:31Si les gens m'entendaient cruiser comme ça, ils croiraient que je suis ma boule.

00:25:33Mais du moment que je ne suis pas ma boule, ça m'est égal.

00:25:35Il sentit la dure pression de quelque chose d'extraordinairement lourd.

00:26:00Il laissa la ligne filer, filer, filer, entraînant le premier des deux paquets de lignes de réserve.

00:26:09Vu la saison est loin comme on est, il doit être beaucoup gros.

00:26:11Allez, mange poisson, mange donc.

00:26:18Je t'en prie, mange donc.

00:26:20C'est bon, c'est frais.

00:26:22Là où tu es dans le noir, dans l'eau froide, tu ne trouveras pas mieux.

00:26:28Allez, va, fais encore un tour, fais encore un tour.

00:26:32Mange-les maintenant.

00:26:33Sans moi, c'est sardine.

00:26:35Ensuite, il y aura le thon.

00:26:37Fermé, froid, exquis.

00:26:39Allez, viens, poisson, n'aie pas peur, viens manger.

00:26:48Il vient.

00:26:50Oh, mon Dieu, faites qu'il morde.

00:26:55Oh, il n'est pas parti.

00:26:58Le bon Dieu ne peut pas permettre ça.

00:27:00Il fait un tour, il va revenir.

00:27:03Peut-être qu'il a déjà torté de l'hameçon et qu'il s'en souvient encore.

00:27:09Non, il faisait seulement un tour, il va mordre.

00:27:13Oh, quel poisson.

00:27:15Ça y est, oui, il l'a en long, dans la bouche.

00:27:18Il fliche le camp avec.

00:27:22Bien que le fil glissa légèrement entre les doigts du vieux,

00:27:24bien que la pression du pouce et de l'index fut à peine sensible,

00:27:27il y avait toujours le poids formidable à l'autre bout.

00:27:29Maintenant, il l'a.

00:27:37Il faut qu'il avale.

00:27:39Et qu'il avale bien à fond.

00:27:42Mange-sens encore.

00:27:44Mange-sens jusqu'à ce que la pointe de l'hameçon te rentre dans le cœur et te tue.

00:27:48Après, remonte gentiment, sans histoire,

00:27:52que je te plante l'air pendant.

00:27:53Allons-y.

00:28:00Tiens prêt.

00:28:02T'es resté assez longtemps à table.

00:28:04Le poisson était ferré.

00:28:21Le vieux savait que l'hameçon tiendrait bien.

00:28:24Le poisson allait-il dérouler de la ligne ou sauter ou plonger dans les profondeurs ?

00:28:28Rien de tout cela.

00:28:30Le poisson s'éloigna lentement et le vieux ne put seulement le hisser d'un centimètre.

00:28:34Sa ligne était solide et faite pour les grosses prises.

00:28:38Cependant, elle était si tendue que des gouttelettes en jaillissaient.

00:28:42Le bateau commença à se déplacer doucement vers le nord-ouest.

00:28:46Le vieux se penchait en arrière pour mieux résister.

00:28:49Le poisson tirait sans trêve.

00:28:50On voyageait lentement sur l'eau calme.

00:28:53Les autres appâts étaient toujours au bout de leur ligne.

00:28:55Il n'y avait qu'à les laisser.

00:28:55Ça, ça sera sa perte.

00:29:13Il ne pourra pas promener ce train là longtemps.

00:29:14Quatre heures plus tard, le poisson nageait toujours en plein vers le large, remorquant la barque.

00:29:32Et le vieux s'argoutait toujours de toutes ses forces.

00:29:34Bon sang, faut-il qu'il soit gros pour tirer comme ça ?

00:29:39Qu'est-ce qu'il le coince, le fer avec ses dents ?

00:29:42Si seulement je pouvais voir une minute, histoire de savoir qu'on croit quoi je me bats.

00:29:47On ne voyait plus la terre.

00:29:49Oh, c'est pas ça qui me gêne, pensa-t-il.

00:29:50Pour revenir, j'aurai toujours les lumières de la Havane.

00:29:52Je l'ai fait il y a midi et je sais toujours pour à quoi il ressemble.

00:30:07Il faudrait bien que le gosse soit là.

00:30:08Ils peuvent la remorquer par un poisson et c'est moi qui fais la poulie.

00:30:24Qu'est-ce que je fais s'il se met dans la tête de descente ?

00:30:27Je me le demande.

00:30:29Qu'est-ce que je fais s'il coule et qu'il crève ?

00:30:31Je ne pensais rien.

00:30:32Mais je ferais quelque chose.

00:30:33Il y a plein de choses que je pourrais faire.

00:30:36Si je ne donne plus de jeu à la ligne, il est fichu de la cassée.

00:30:39Ce qu'il faut, c'est se cramponner tant que ça peut

00:30:41et donner du fil tant qu'il en demande.

00:30:44Dieu merci, il va droit devant lui, il ne descend pas.

00:30:53Après le coucher du soleil, l'air se mit à fraîchir.

00:30:56La sueur qui couvrait le dos du vieux, ses bras, ses vieilles jambes étaient glacées.

00:31:01Il n'est pas remonté avec le coucher du soleil.

00:31:03Peut-être qu'il va remonter avec la lune.

00:31:05S'il ne remonte pas avec la lune, il remontera demain matin.

00:31:07Je voudrais bien le voir, rien qu'une fois, histoire de savoir contre quoi je me bats.

00:31:16Deux marsouins s'approchèrent de la barbe.

00:31:19Il entendit leur cabriole et leur reniflement.

00:31:21On pouvait discerner le barborygme du mâle et le soupir de la femelle.

00:31:24Bon petit marsouin, il joue, il font des farces, il s'aime.

00:31:29C'est les frères de l'homme, pareil que les poissons volants.

00:31:31Alors il éprouva de la tristesse pour le grand poisson qu'il avait ferré.

00:31:37C'est un beau poisson, pensa-t-il, et qui n'est pas comme les autres.

00:31:40Quel âge qu'il peut bien avoir.

00:31:43Je n'ai jamais attrapé de poissons aussi costauds de ma vie.

00:31:47Et qui se conduisent aussi drôlement.

00:31:50Peut-être qu'il ne va pas en sauter, peut-être qu'il est trop malin.

00:31:52Si il se lance à toute vitesse, il est fichu d'avoir ma peau.

00:32:02Peut-être bien qu'il a déjà été ferré plusieurs fois et qui sait que c'est comme ça qu'il doit essayer de s'en sortir.

00:32:12Il a mordu l'hommeçon comme un mâle.

00:32:15Il mord comme un mâle.

00:32:18Il se défend, il ne s'affole pas.

00:32:22Est-ce qu'il a une idée de derrière la tête, ou bien, est-ce qu'il fait comme moi à n'importe quoi?

00:32:33Ah, je voudrais bien que le gosse soit là.

00:32:42La nuit passa, le poisson ne changea ni son allure, ni sa direction d'un pouce.

00:32:47Du moins, c'est ce que le vieux constata d'après la position des étoiles.

00:32:49Il sentait la force du grand poisson qui l'emportait invinciblement, Dieu sait où, vers l'endroit qu'il avait choisi.

00:32:58Il pensa, je l'ai pris en traître.

00:33:00C'est à cause de mes pièges qu'il a été obligé de choisir.

00:33:03Il avait choisi de rester dans les eaux profondes, dans le noir, loin des hameçons, loin des traîtres.

00:33:07Et puis voilà que moi, j'ai choisi d'aller le chercher tout là-bas, dans le fond, plus loin que tous les autres, plus loin que tous les poissons du monde.

00:33:12Maintenant, lui et moi, on est unis.

00:33:14Depuis le milieu du jour, on est accrochés ensemble et personne ne peut nous aider.

00:33:19Ni lui, ni moi.

00:33:20Ni lui, ni lui, ni lui, ni lui.

00:33:50Ni lui, ni lui, ni lui, ni lui.

00:34:20Ni lui, ni lui, ni lui, ni lui, ni lui.

00:34:50Je me demande pourquoi il a fait ce bond-là.

00:34:59Le câble a dû glisser sur cette montagne qui lui sert de dos.

00:35:03Pourtant, son dos ne lui fait pas plus mal que le mien.

00:35:07Si fort qu'il soit, il ne peut tout de même pas attirer cette barque éternellement.

00:35:10Mon Dieu, faites qu'il saute.

00:35:19Des fois que je tende un peu plus juste assez pour lui faire du mal, ça le fera peut-être sauter.

00:35:24Mon Dieu, faites qu'il saute.

00:35:26Comme ça, il remplira d'air les sacs qu'il a sous le dos et ça l'empêchera d'aller crever au fond de l'eau.

00:35:29Poisson, je t'aime bien et je te respecte, je te respecte même beaucoup.

00:35:44Et tu peux être sûr que j'aurai ta peau avant la fin de la journée.

00:35:46Un oiseau de petite taille venant du nord se dirigea vers la barque.

00:35:55C'était une sorte de fauvette qui volait très bas.

00:35:58Le vieux se rendit compte que la pauvrette était à bout de force.

00:36:04Hé !

00:36:06Quel âge que t'as, toi ?

00:36:08C'était ta première traversée.

00:36:12Pourquoi es-tu si fatigué ?

00:36:15Qu'est-ce qu'ils viennent faire ici, les petits oiseaux ?

00:36:19Ah oui, il y a les éperviers.

00:36:20Les éperviers qui vont au large pour les attendre.

00:36:23Mais il ne parla pas des éperviers à la fauvette.

00:36:24Elle avait bien le temps d'entendre parler des éperviers.

00:36:28Pousse-toi un peu, petit oiseau.

00:36:31Reste tranquille une minute.

00:36:33Et puis tâche de regagner la terre.

00:36:35Tente le coup.

00:36:35Chacun prend ses risques.

00:36:36Et puis, les hommes, les petits oiseaux et les poissons, aussi.

00:36:43Je voudrais bien pouvoir hisser la voile et être amené à terre dans cette bonne brise qui se lève.

00:36:47Mais je suis avec un ami.

00:36:48Tiens, quelque chose d'a blessé.

00:37:10Tu commences en avoir ta claque, un poisson.

00:37:12Et moi, bon sang, qu'est-ce que je dirais ?

00:37:17Comment que j'ai fait mon compte pour me laisser squinter la main comme ça ?

00:37:33Pense à le vieil homme.

00:37:35Je suis en train de devenir complètement idiot.

00:37:38A partir de maintenant, je ne vais plus penser qu'à mon travail.

00:37:41Et puis, il faudra que je mange la petite bonite pour ne pas tomber en faiblesse.

00:37:46Si seulement le gosse était là pour la découper, cette bonite,

00:37:49et si seulement j'avais un peu de sel,

00:37:52je ne pourrais jamais la manger toute entière.

00:37:53Qu'est-ce qui m'a fichu de ma paille ?

00:38:20Offre-toi des crambes pendant que tu y es.

00:38:31Mais regardez-moi ça, dirait-on pas une pâte de crambes ?

00:38:45Faut que je mange cette bonite.

00:38:47Faut que je perde mes forces.

00:38:50C'est pas sa faute à la main, on peut vraiment pas dire.

00:38:55Ça fait un peu de temps que le poisson trimbale maintenant.

00:39:20Comment que tu vas à la main ?

00:39:31Nous étions encore trop tôt pour savoir.

00:39:37Peut-être que tu vas s'ouvrir avec le soleil.

00:39:38Oh, si jamais j'en ai besoin, je saurai l'ouvrir quand même.

00:39:45Ça coûtera ce que ça coûtera.

00:39:48Mon Dieu, faites que ce crambes fichent le camp.

00:39:52Vous comprenez, je sais pas ce qu'il va faire, ce grand presson-là, maintenant.

00:39:54Pourtant, il a l'air tranquille.

00:39:58Il suit sa petite idée.

00:40:00Mais qu'est-ce que c'est, son idée ?

00:40:02Mais mon idée à moi, qu'est-ce que c'est ?

00:40:04C'est d'inventer quelque chose d'après son idée à lui,

00:40:06parce que c'est lui qui commande, grand comme il est.

00:40:09S'il saute, je le tue.

00:40:15Montre !

00:40:16Allez, monte !

00:40:17On revient qu'elle s'ouvre.

00:40:18Allez, monte !

00:40:19Il est encore plus grand que la barque.

00:40:47C'est un poisson prodigieux.

00:40:49Dieu merci, ces bêtes-là, c'est pas aussi intelligent

00:41:01que les humains qui les tuent.

00:41:03Ça les empêche pas d'être meilleurs qu'eux, et plus malignes.

00:41:19Je me demande pourquoi il a sauté.

00:41:38On dirait qu'il a sauté rien que pour me montrer qu'il était grand.

00:41:42Il y a du mauvais pour toi, poisson.

00:41:51L'après-midi était déjà bien entamé.

00:42:07Le bateau continuait à voguer calmement, régulièrement.

00:42:11Le vieil homme avait mal, mais il se refusait à l'admettre.

00:42:13Je ne suis pas très fort pour ce qui est de la religion.

00:42:20Mais je dirais bien, dis notre père et dis-je vous salue, Marie,

00:42:23pour rattraper ce poisson-là.

00:42:26Si je le rattrape, je promets d'aller en pèlerinage à la Vierge de Cobray.

00:42:30Oui, j'en fais la promesse.

00:42:33Notre père, qui es aux cieux, que votre nom soit sanctifié.

00:42:36Il se mit à défiler mécaniquement ses prières.

00:42:39Par moments, la fatigue envahissait sa mémoire,

00:42:41ce qui l'obligeait à réciter très vite,

00:42:44afin que la prière vînt automatiquement.

00:42:46Et je vous salue, Marie, ils sont plus faciles que les notre père.

00:42:51Le vieil homme commençait à se sentir épuisé.

00:42:54Il savait que la nuit allait tomber bientôt,

00:42:56et il essayait de penser à autre chose.

00:42:59Il pensait aux grandes équipes de baseball,

00:43:00qu'il appelait naturellement les Grand Ligas.

00:43:03Il pensait aux matchs qui avaient mis aux prises

00:43:05les Yankees de New York et les Tigres de Detroit.

00:43:08Ça fait maintenant deux jours que j'ai pas eu les résultats de baseball.

00:43:13Afin de se redonner du courage, il évoqua le jour

00:43:15où dans une taverne de Casablanca,

00:43:16il avait joué à la main de fer avec un grand nègre de Chienfuegos,

00:43:20qui était le type le plus fort des docks.

00:43:22Il n'était pas le vieux, en ce temps-là,

00:43:25mais un homme dans la force de l'âge.

00:43:27Il était resté, lui et le nègre,

00:43:35toute la journée et toute la nuit,

00:43:36les coups de planter sur une marque à la craie

00:43:38tracée sur la table.

00:43:38Tout le monde pariait à qui mieux mieux.

00:44:01Les côtes alternèrent toute la nuit.

00:44:03On décida de relever les arbitres toutes les quatre heures

00:44:06afin qu'ils puissent dormir.

00:44:14On faisait boire du rhum au nègre.

00:44:17Après un coup de rhum,

00:44:18le nègre réussit à faire reculer le vieux.

00:44:33Mais le vieux ramena sa main exactement à la même hauteur.

00:44:50À cet instant, il avait eu la certitude

00:44:52qu'il battrait le nègre.

00:44:54Et pourtant, c'était un beau gars

00:44:55et un grand sportif.

00:44:57Au petit jour, les parieurs assistaient

00:45:14pour qu'on déclara match nul.

00:45:16Ils avaient leur travail au doc, n'est-ce pas ?

00:45:18Alors le vieux rassembla soudain toutes ses forces

00:45:21et il emporta la décision

00:45:24avant que quiconque ait dû retourner à ses occupations.

00:45:40Longtemps après ce haut fait,

00:45:43on l'appelait encore le champion.

00:45:45Comment ça va là-dessous, poisson ?

00:46:00Ouais, ça va bien.

00:46:02Ma main gauche va beaucoup mieux.

00:46:05Tire le bateau, mon ami.

00:46:13Peu avant la tombée de la nuit,

00:46:15alors qu'il passait à proximité

00:46:16d'un grand îlot d'herbe des Sargasses

00:46:18qui se soulevait et ondulait dans la houle

00:46:20comme si la mer relâçait quelque chose

00:46:22sous une couverture jaune,

00:46:25une dorade avait mordu à la petite ligne.

00:46:28Il l'avait tirée dans la barque.

00:46:36C'est drôle ce que la dorade,

00:46:38ça peut être bon quand c'est cuit.

00:46:42Est-ce que ça peut être mauvais quand c'est cru ?

00:46:45C'est pas la peine d'embêter mon poisson maintenant,

00:47:02le soleil se couche.

00:47:04Quand le soleil se couche,

00:47:05les poissons s'énervent, c'est connu.

00:47:06Il faisait nuit.

00:47:15En septembre, la nuit vient tout de suite

00:47:17après le coucher du soleil.

00:47:20Les premières étoiles se montraient.

00:47:22Il ne connaissait pas le nom de Rigel,

00:47:24mais il la voyait

00:47:24et savait que bientôt,

00:47:26toutes ses amies lointaines

00:47:27parsèmeraient le ciel.

00:47:30Le poisson aussi est mon ami.

00:47:31Je n'ai jamais vu un poisson pareil

00:47:36que je n'ai jamais entendu parler

00:47:37d'un poisson comme ça.

00:47:40Pourtant, il faut que je le tue.

00:47:46Heureusement qu'on n'est pas obligé

00:47:47de tuer les étoiles.

00:47:52Une supposition que tous les jours,

00:47:53un homme devrait essayer

00:47:55de tuer la lune.

00:47:55Bon, la lune s'en va maintenant.

00:48:02Une supposition que tous les jours,

00:48:04un homme devrait essayer

00:48:05de tuer le soleil.

00:48:11On est encore d'avène.

00:48:25Ça fait un demi-jour,

00:48:28une nuit,

00:48:29et puis encore un jour

00:48:30que ça dure.

00:48:30Mais tu n'as pas fermé l'œil.

00:48:34À force de ne pas dormir,

00:48:35tu risques de ne plus avoir

00:48:36la tête assez claire.

00:48:43Repose-toi, va, mon bonhomme.

00:48:48Au moins pour le moment.

00:48:49Et laisse le poisson travailler

00:48:54jusqu'à ce que ce soit ton tour.

00:48:58Il se pencha en avant

00:48:59pour résister de tout son corps

00:49:00au poids de la ligne.

00:49:02Sa force entièrement concentrée

00:49:04dans sa main gauche.

00:49:05Il s'endormit.

00:49:07Il ne rêva pas de lion,

00:49:09mais d'un énorme banc de marsouins

00:49:11qui s'étendait sur une dizaine de mille.

00:49:13C'était la saison des amours.

00:49:14Il sautait à des hauteurs prodigieuses

00:49:16et retombait dans l'entonnoir même

00:49:17qu'ils avaient creusé

00:49:18en jaillissant l'eau.

00:49:21Plus tard, il rêva

00:49:22qu'il était au village.

00:49:23Il était couché dans son lit.

00:49:25Le vent du nord le faisait grelotter

00:49:26et son bras était engourdi

00:49:28parce qu'il avait posé sa tête dessus

00:49:29comme sur un oreiller.

00:49:31Enfin, la grande plage

00:49:32de sable jaune apparut.

00:49:34Le vieux aperçut le premier lion.

00:49:36Viendrait-il encore d'autres lions?

00:49:38Il se sentait heureux.

00:49:40Il rêva aussi des baleines

00:49:42qui fréquentaient cette côte

00:49:43pendant l'automne.

00:49:44De leurs amours,

00:49:45des gentillesses qu'elles se font entre elles

00:49:47et de leurs jeux.

00:49:48La lune était levée depuis longtemps,

00:50:08mais il dormait toujours

00:50:09et le poisson continuait à tirer

00:50:10du même élan régulier

00:50:11entraînant le bateau

00:50:12dans un tunnel de nuages.

00:50:13son poing s'est détendu brutalement

00:50:16et il se réveilla.

00:50:17La ligne lui arrachait

00:50:18la peau de la main droite.

00:50:19C'est bien ce que nous avons voulu,

00:50:41pour vrai.

00:50:41Eh ben, ne nous plaignons pas.

00:50:45T'imagines pas que je vais te faire cadeau

00:50:47de toute cette ligne

00:50:47que tu me la paieras, moi, je te le dis.

00:51:11C'est parti.

00:51:41C'est parti !

00:52:11Je vais lui montrer tout ce qu'un homme est capable de faire et tout ce qu'un homme est capable de souffrir.

00:52:26Il l'eut déjà montré mille fois, ne signifie rien.

00:52:30Il fallait qu'il le remontre encore.

00:52:32C'était toujours à recommencer et jamais il ne pensait au passé dans ces moments-là.

00:52:38Si le gosse était là, il aurait mouillé les paquets de lignes.

00:52:41Eh oui, si le gosse était là.

00:52:44Si le gosse était là.

00:53:11Bon, maintenant qu'il a sauté, il a rempli d'air les sacs qui sont sous son dos.

00:53:31Il ne pourra plus aller crever au fond de l'eau.

00:53:33Il peut bientôt se mettre à tourner en rond et ça va être mon tour de le mener où ça me plaît.

00:53:37Eh bien, tu t'en es pas trop mal tiré, pour une bonne à rien.

00:53:51J'ai fait vraiment tout ce que je pouvais.

00:53:55Il va bientôt se mettre à tourner en rond.

00:53:57Alors, ce sera la grande bagarre.

00:54:04Le soleil se levait pour la troisième fois sur le vieux et sur sa barque.

00:54:10Le poisson, sans se presser, décrivait des cercles.

00:54:15Le vieux était couvert de spheurs et là jusqu'à la moelle.

00:54:18Je ne vais tout de même pas me jouer un tour comme ça.

00:54:32Et claquer au moment d'attraper un poisson pareil.

00:54:36Maintenant que j'ai réussi à l'amener si bien, aidez-moi, je vous en prie, mon Dieu.

00:54:40Mon Dieu, je vous promets de dire sans notre père et sans je vous salue, Marie.

00:54:47Mais je ne le dirai pas tout de suite.

00:54:52C'est comme s'ils étaient dits, vous savez.

00:54:57Je les dirai plus tard, c'est tout.

00:54:58Depuis une heure, le vieux voyait danser des taches noires.

00:55:06A deux reprises, il avait eu des éblouissements et des vertiges.

00:55:09Ça, c'était alarmant.

00:55:11Soudain, il vit une ombre noire.

00:55:14Ça mit si longtemps à passer au large du bateau

00:55:16qu'il ne put croire à une telle longueur.

00:55:20Il n'est pas aussi grand que ça, ce n'est pas possible.

00:55:21Mais il était effectivement aussi grand que ça.

00:55:34Le vieux était épuisé.

00:55:37Je l'ai fait bouger, peut-être que je vais pouvoir l'amener ce coup-ci.

00:55:41Allez-y, mes mains.

00:55:43Allez, mes jambes blanches, c'est bon.

00:55:51Ce coup-ci, il faut que je l'amène le long du bateau, pense à le vieux.

00:56:04C'est au prochain tour que je l'amène.

00:56:12Il essaya encore un coup.

00:56:15Au moment où il retourna le poisson, il sentit venir la syncope.

00:56:19Je vais essayer encore, affirme à le vieux.

00:56:21Ses yeux ne le voyaient plus par instant.

00:56:31Poisson, poisson, faut que tu meures de toute façon.

00:56:33Tu veux donc que je meure aussi.

00:56:42Il rassembla ce qui lui restait de force, de courage et de fierté.

00:56:46Il jeta tout cela contre l'agonie du poisson.

00:56:51Il faut d'abord l'amener tout près, tout près, tout près.

00:56:58Ce n'est pas la tête qu'il faut viser, c'est le cœur.

00:57:00Il m'a dit, c'est le cas.

00:57:16Et voilà que j'ai tué ce poisson qui était mon frère.

00:57:40Maintenant, il faut que je fasse toutes les corvées.

00:57:42Allez, au travail, bonhomme.

00:57:54Le vieil homme n'avait pas besoin de boussole pour savourer tel sud-ouest.

00:57:58Il suffisait de sentir l'alizé souffler et la voile tirer.

00:58:02Il avait son poisson sous les yeux et il lui suffisait d'ailleurs de sentir son dos douloureux

00:58:06et de regarder ses mains pour se convaincre que cette aventure avait réellement eu lieu,

00:58:09que ce n'était pas un songe.

00:58:12Les mains, ça guérit vite.

00:58:16Je les ai bien fait saigner et l'eau de mer les cicatrisera.

00:58:18La bonne eau noire du Gulf Stream, c'est la meilleure médecine du monde.

00:58:23Ses idées commencèrent à se brouiller.

00:58:25Il se demandait, c'est-il lui qui me ramène ou c'est-il moi ?

00:58:30Il naviguait tous les deux attachés côte à côte et le vieil homme se disait,

00:58:33après tout qui me ramène si ça lui fait plaisir, j'ai eu le dessus que grâce à des traîtrises.

00:58:38Il ne me voulait pas de mal, lui.

00:58:41La barque fit les bons trains.

00:58:43Le vieux laissait tremper ses mains dans l'eau salée et essayait de ne pas perdre le fil de ses idées.

00:58:48Il ne détachait pas ses regards du poisson.

00:58:50C'était donc vrai.

00:58:51Une heure plus tard, le premier requin attaquait.

00:59:02C'était un superbe requin Mako, parti pour la vitesse, aussi rapide que le poisson le plus rapide.

00:59:13Il se ratait davantage à mesure que se précisait la piste et fendait l'eau de son aileron bleu.

00:59:17Quand le vieux l'aperçut, il vit tout de suite que c'était un requin qui n'avait peur de rien

00:59:22et ferait exactement ce qui lui plairait.

00:59:36C'était trop beau pour que ça dure.

00:59:38Aussi bien ça aurait pu être qu'un rêve.

00:59:47Let's go !

01:00:17C'est bon.

01:00:34Maintenant que mon poisson commence à saigner,

01:00:37il va venir d'autres.

01:00:40C'était trop beau pour que ça dure.

01:00:47Le vieil homme n'avait plus envie de regarder le poisson

01:00:52depuis qu'il avait été mutilé.

01:00:55Quand le poisson avait été touché,

01:00:58il lui avait semblé qu'on le dévorait lui-même.

01:01:01Mais bon sang, j'ai tué le requin qui mangeait mon poisson.

01:01:05Et c'était le plus gros d'Anthuso que j'ai jamais vu.

01:01:09C'était trop beau pour que ça dure.

01:01:12Il savait que chacune des secousses produites par le requin

01:01:14s'était soldée par un morceau de poisson arraché,

01:01:17et maintenant, pour tous les requins de la mer,

01:01:18une piste de sang large comme un boulevard.

01:01:22Il ne savait que trop ce qu'il adviendrait

01:01:24quand il arriverait dans le milieu du courant.

01:01:26Mais pour le moment, il ne pouvait rien faire.

01:01:29Mais si, voyons, se dit-il.

01:01:32Je peux toujours attacher mon couteau à un bout d'avion.

01:01:35J'aurais dû emporter une pierre aiguisée pour le couteau.

01:01:37Il y a bien des choses que tu aurais dû emporter

01:01:39et que tu n'as pas emportées.

01:01:41C'est pas le moment de penser à ce qui te manque.

01:01:44Pense plutôt à ce que tu peux faire avec ce qu'il y a.

01:01:46Oh, à ce de sermons comme ça. Fiche-moi la peine.

01:02:07J'ai toujours un vieux bonhomme, mais maintenant, j'ai une arme avec moi.

01:02:37J'ai qu'à la noce.

01:03:02Allez, allez, j'ai qu'à la noce.

01:03:04Approchez, approchez, donne la noce.

01:03:16Venez, venez, venez.

01:03:34Et voilà, c'est une arme avec moi.

01:03:35Merci de votre état.

01:03:51C'est parti !

01:04:21C'est parti !

01:04:51C'est parti !

01:05:21C'est parti !

01:05:51C'est parti !

01:05:53C'est parti !

01:05:55C'est parti !

01:06:27C'est parti !

01:06:29C'est parti !

01:06:31C'est parti !

01:06:33C'est parti !

01:06:35C'est parti !

01:06:37C'est parti !

01:06:39C'est parti !

01:06:41C'est parti !

01:06:43C'est parti !

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01:07:01C'est parti !

01:07:03C'est parti !

01:07:05C'est parti !

01:07:07C'est parti !

01:07:09C'est parti !

01:07:11C'est parti !

01:07:13C'est parti !

01:07:15C'est parti !

01:07:17C'est parti !

01:07:19C'est parti !

01:07:21C'est parti !

01:07:23C'est parti !

01:07:25C'est parti !

01:07:27C'est parti !

01:07:29C'est parti !

01:07:31C'est parti !

01:07:33C'est parti !

01:07:35C'est parti !

01:07:40C'est parti !

01:07:41Je voudrais voir les lumières de la Havane !

01:07:45J'en veux !

01:07:47J'en veux des choses !

01:07:51C'est vraiment ça que je veux maintenant !

01:07:59Aux alentours de 10 heures du soir, il distingua, réfléchit sur la mer, le halo des lumières de la ville.

01:08:10Tout son corps endolori, toutes ses plaies lui faisaient mal.

01:08:15C'était devenu difficile de faire la conversation au poisson, celui-ci était tellement abîmé.

01:08:21Soudain, le vieux eut une idée.

01:08:24Moitié de poisson. Poisson que tu étais, écoute.

01:08:29Je regrette bien d'être allé si loin.

01:08:34Ça nous a perdus, tous les deux.

01:08:39Mais on a tué des tas de requins, toi et moi.

01:08:43Et l'abîmé aussi pas mal d'autres.

01:08:48Combien que t'en avais tué, toi, mon petit vieux ?

01:08:52Cette épée sur ton nez, elle devait bien servir à quelque chose.

01:08:55Et maintenant, qu'est-ce que tu vas faire s'ils s'amènent dans le noir, hein ?

01:09:04Qu'est-ce que je vais faire s'ils s'amènent dans le noir ?

01:09:10Eh bien, je me battrai.

01:09:12Je me battrai contre eux jusqu'à la mort.

01:09:16Pourvu que je ne sois pas encore obligé de leur taper dessus.

01:09:18Je voudrais tendre pour s'être obligé de leur taper dessus.

01:09:33Eh, le combat recommence.

01:09:35Cette fois, le vieux savait que ça ne servirait à rien.

01:09:37C'est pas grave.

Le Vieil.Homme.et.la.Mer - (1957) Vf

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