Passer au playerPasser au contenu principal
  • il y a 11 heures
"On refait le monde" avec Jean-Marie Bockel, ancien sénateur ; son fils Pierre-Emmanuel a trouvé la mort durant une opération militaire au Mali en 2019. Il a réagi aux propos du général Mandon au micro de RTL.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Le témoignage sur ce sujet de Jean-Marie Bockel. Jean-Marie Bockel, vous êtes ancien député, ancien sénateur, vous avez été secrétaire d'état chargé à la Défense et des anciens combattants sous Sarkozy en 2008 et 2009, mais surtout, le père que vous êtes a perdu un fils en 2019 dans le cadre de l'opération Barkhane au Mali. Vous pouvez nous rappeler dans quelles circonstances ?
00:22Oui, il était pilote d'hélicoptère et c'était lors d'un combat au sol qu'à un moment donné, au moment où ils allaient rompre le contact, que les deux hélicoptères français se sont percutés. Il y a eu un accident à l'occasion d'un combat, ça a été évidemment quelque chose de terrible dont on ne se remet jamais complètement.
00:48Qu'est-ce qui avait motivé son engagement ?
00:53Il avait une double motivation, je pense qu'il savait qu'il servait son pays, car il y avait évidemment au Mali un enjeu important, non seulement pour l'Afrique, mais également pour la France.
01:06Et puis, il y avait également cette fraternité d'armes et ce sentiment d'être aux côtés de nos frères africains et dans notre famille, ça voulait dire quelque chose, cette ouverture d'esprit, cette ouverture au monde.
01:20Donc, il y avait une part d'idéal et puis aussi, voilà, il a toujours voulu piloter, donc il faisait ce qu'il aimait faire, mais il savait aussi les risques qu'il prenait.
01:29Et quand, de temps en temps, il nous disait à son épouse et à moi-même, voilà, pendant quelques jours, vous ne pourrez pas me joindre, on savait que, voilà, c'était des opérations qui pouvaient forcément être à risque.
01:44On pense toujours que ça n'arrivera pas, bien entendu.
01:46Mais quand on est le parent d'un militaire, on n'a pas le choix, on se prépare à l'éventualité de ce décès ?
01:50Bien sûr. Alors, moi, à l'époque, j'avais été amené à m'exprimer et j'avais toujours considéré que, voilà, ça avait un sens.
02:01Alors, évidemment, aujourd'hui, en Afrique, on peut se poser quelques questions sur l'avenir, mais ce qu'on sème ne disparaît jamais.
02:09On a gardé beaucoup de gens là-bas qui espèrent que l'histoire là-bas n'est pas terminée.
02:13Mais pour revenir à ce que disait Fabien Mandon, moi, je l'ai connu, d'ailleurs, sur le dossier africain, puisque j'avais eu une mission sur les bases militaires françaises en Afrique jusqu'à ce début d'année.
02:23Je peux vous dire que ce n'est ni un alarmiste ni un provocateur, c'est quelqu'un de calme et réfléchi.
02:29Et il arrive à... Il a tout simplement voulu évoquer cette question d'une préparation morale, à la fois du pays et de tout un chacun,
02:38au fait que, sans parler de la guerre totale, mais à partir du moment où il y a un conflit militaire,
02:44et malgré tous les efforts qu'on fait, il y en a beaucoup qui sont faits pour limiter les risques,
02:50mais ce risque zéro n'existe pas, ou on accepte ça, ou alors, effectivement, moi, je le pense aussi, on se met en fragilité, quoi.
03:00Mais est-ce que c'est son rôle, en fait, d'évoquer cette perte d'enfant, d'employer ces mots ?
03:08Moi, je pense que ce n'est pas la première fois que ces choses-là sont dites.
03:17Son prédécesseur avait également évoqué ce risque, et chaque fois qu'il y a un drame, ce risque est évoqué.
03:26Et là, on sent bien que, mois après mois, année après année, il avait parlé d'être testé fortement à un risque qui devient plus proche.
03:39Et on sait bien qu'y compris dans l'esprit de certains de nos ennemis, ou ennemis potentiels,
03:44on apparaît, nous autres, européens, occidentaux, comme faibles, un peu ramollis, pas à même deux.
03:50Il faut bien, à un moment donné, que quelqu'un le dise.
03:53Et que ce soit le chef d'état-major des armées, qui n'est pas, et c'est d'ailleurs l'honneur de l'armée française,
03:59engagée dans les débats politiciens, ou dans des visées à court terme, qu'il le dise avec ses mots à lui,
04:06en plus devant les représentants de la population que sont les maires au plus près des gens.
04:13Et dans les conflits, c'est eux aussi qui ont été amenés à annoncer les mauvaises nouvelles, etc.
04:21Moi, personnellement, ça ne m'a pas choqué.
04:23Est-ce que pour vous, les Français sont aujourd'hui préparés à cela, à des sacrifices comme celui que vous avez connu,
04:31pour défendre ce qu'ils sont, là je cite le général Mandon, pour défendre leur pays ?
04:36Oui et non. C'est-à-dire qu'il y a une prise de conscience qui progresse,
04:42y compris chez les jeunes qui s'engagent, et qui d'emblée savent en s'engageant que ce risque existe.
04:51Mais, comment vous dire ça, et on le vit d'ailleurs quand on est confronté au drame,
04:56ça n'est pas complètement l'esprit du pays.
04:58Il peut y avoir des moments où on l'a connu, quand il y a eu ces 13 morts,
05:03mon fils et ses camarades qui sont morts au Mali,
05:07il y a eu un moment de communion nationale, qui a duré quelques jours, peut-être quelques semaines,
05:13mais non, sinon, nos concitoyens n'y sont pas préparés.
05:18On n'y est jamais complètement préparés.
05:21Donc, voilà, ça touche à cette dimension de force morale qui intègre ce risque, cette réalité.
05:30Il faut en parler.
05:31Aujourd'hui, on dit que sur les questions les plus importantes,
05:35y compris les questions géopolitiques, les questions de la vie et de la mort,
05:38il faut en parler.
05:39Le pire, c'est de ne pas en parler.
05:41Et là, ça laisse libre cours à toutes les démagogies et à tous les populistes,
05:45justement, que sont d'ailleurs souvent nos adversaires dans une démocratie,
05:51qui a toujours les fragilités du débat, de ce qu'est une démocratie.
05:55Je pense qu'il est temps de commencer à en parler peut-être davantage.
05:59C'est mon sentiment, en tout cas.
Écris le tout premier commentaire
Ajoute ton commentaire

Recommandations